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libre et heureux...
«Esprit naturaliste, nostalgie du temps où l’on savait
s’arrêter, observer et respecter la nature»
Impossible de faire entrer ce Sicilien
de sang de 52 ans, dans une case et pas
uniquement en raison de sa carrure,
graphiste surdoué, illustrateur de talent,
et photographe malgré lui. Depuis près de
30 ans, Marcello partage toute son énergie
et sa passion entre le dessin et la nature.
Rencontre avec un artiste hors normes et
hors du temps…
Cette interview est le fruit de
nombreux appels téléphoniques,
correspondances, ponctués de
plusieurs rencontres qui ont eu lieu
entre novembre 2009 et août 2011.
Présenter Marcello en quelques lignes n’est pas une mince
affaire tant l’homme présente de
facettes. Sa la large stature et son
sourire latin qu’il a promené un
peu partout dans le monde ne
donnent qu’une idée sommaire
de l’étendue de l’expérience qu’il
possède.
Nat’images : Marcello, depuis notre
première rencontre en 2009 j’ai l’impression que ta trajectoire s’est emballée, à ton
avis quel a été l’élément déclencheur ?
Marcello Pettineo
- À la vérité, c’est
en décembre 2002
que ma trajectoire
a changé. Professionnellement je me suis senti
être arrivé dans une impasse,
comme vidé, éteint, je m’étais
tout simplement oublié. Comme
c’est parfois le cas dans une vie,
c’est une rencontre qui m’a fait
prendre conscience de tout cela.
1
J’ai fait le choix de
reconsidérer totalement mes ambitions de graphiste « publicitaire
» et de laisser s’exprimer la part de
moi-même que j’avais enfouis depuis des années. Une force vitale,
inexplicable m’y a poussée.
Cela s’est traduit par la
réalisation d’un projet inattendu,
différent de tout ce que j’avais pu
réaliser auparavant. Un projet qui
m’a fait puiser dans mon passé et
mes racines, une remise à zéro du
compteur, retrouver les sensations
essentielles qui font que j’aime
ce que je fais. M’affranchir des
contraintes habituelles, du temps,
de la rentabilité, casser une routine
conceptuelle, et laisser libre cours
à mon imagination. Le
résultat, un livreobjet «Mémoire de
pêcheur de tritons»
atypique.
En 2009, un autre événement
marquant fut un voyage en Centrafrique
pour le compte d’un de mes clients,
Orchape pour qui j’étais en charge de
toute sa communication visuelle. Dans
l’espace entre ses deux projets, j’ai
tourné une page de ma vie en ayant le
sentiment d’avoir accompli une étape.
En faisant la démonstration que l’on
peut, si l’on veut, concilier sa passion du
travail bien fait à forte valeur artistique,
et répondre à la demande commerciale
d’une entreprise qui plus est dans un
secteur très controversé comme l’est
la chasse. Je dois beaucoup à ce milieu
aujourd’hui.
Nous nous sommes rencontrés à ce
moment-là sur ton exposition, «la vie
rêvée des papillons», à Montier-en-Der,
en voyant ton travail, mes convictions
artistiques se sont renforcées.
Nat’images : Cela ne t’effraie-t-il pas d’être
d’un coup devenu «à la mode» ?
Tout mon travail consiste à tricher
avec le temps, je mélange les outils graphiques modernes avec les plus traditionnels, il en résulte une représentation
intemporelle. Je m’inscris moi-même
dans une mode graphique qui perdure
depuis des années, et qui consiste à
recycler de vieux codes graphiques,
ce que l’on appelle communément le
«Old styles», typos usées, fonds abîmés,
salis… Un mouvement initié par un
certain David Carson en 1995 dans Ray
Gun. Je n’ai pas noté de révolutions graphiques aussi significatives depuis. C’est
justement cela qui m’a lassé de la pub,
elle ne se renouvelle plus, le marketing a
définitivement tué la créativité.
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Nat’images : Marcello tu es très présent sur
le net et tu entretiens avec ton public une relation
simple dont tu sembles te nourrir ? Est-ce pour toi
si essentiel de capter en temps réel les réactions
des spectateurs ? De partager et d’ainsi t’exposer,
ne crains-tu pas d’être copié ?
On est souvent surpris d’apprendre qu’une de mes spécialités est la
conception de sites Internet, donc de là
à m’intéresser aux réseaux sociaux tels
que Facebook, il n’y avait qu’un pas.
Je travaille en général isolé dans mon
atelier, une sorte de cabinet de curiosité
qui me rappelle vaguement l’intérieur
d’une yourte Mongole. Facebook était
avant tout un nouveau support d’expression à explorer, mais j’ai vite compris
que cet espace qui a effectivement
élargi virtuellement mon horizon tend à
le refermer dans la réalité.
Je m’en sers comme d’un laboratoire, j’y publie régulièrement en temps
réel les évolutions d’un dessin. L’acte de
dessiner a gardé chez moi la même magie que je ressentais étant enfant, c’est
de la communication instantanée qui ne
triche pas, c’est bon ! ou ce n’est pas bon
! C’est cela que je souhaite partager avec
ce que vous appelez mon public.
Pour être franc, non cette relation
avec les gens qui fréquentent ma page
ne me nourri pas vraiment, tout cela
reste virtuel, et demande beaucoup
d’énergie pour exister. Il n’y a pas de
limite, plus on donne et plus on vous
prend, très peu de personnes ont une
réelle consistance. Comme dans la vraie
vie d’ailleurs... Internet a un effet de
loupe grossissante, et généralement elle
exagère nos travers les plus médiocres.
Je ne fais pas exception à cette règle.
Les personnes qui me renvoient cette
qualité d’échange se comptent sur les
doigts d’une main, ce sont maintenant
pour la plupart des gens que je côtoie
physiquement.
SAYAT, Les aigliers de l’Altaï
Projet de livre en cours de réalisation.
Auteur : Georges Lenzi.
216 pages, format 337 x 235 mm,
438 photos de l’auteur et 35 études
animalières originales pleines page
de Marcello Pettineo.
Si éditeurs intéressé contactez
[email protected]
J’étais copié bien avant d’être sur
Internet, c’est une réalité qui ne m’empêche pas de dormir, comme je le dis souvent, «moi j’avance sans me préoccuper
de ce qui se passe derrière». Il y a ceux
qui copient et ceux qui retranscrivent en
y ajoutant une valeur émotionnelle lié à
leur personnalité, cette nuance est ma
définition du talent.
Et puis il y a des copieurs qui me
donnent une grande joie lorsque je vois
leurs dessins, les enfants me copient
beaucoup.
Nat’images : Je dessine pour prendre mes
photos et tu opères l’exercice inverse. Alors que
beaucoup d’illustrateurs vont sur le terrain pour
faire des croquis, tu as décidé de remplacer cette
étape par la photographie. Peux-tu nous expliquer
pourquoi ?
Mes voyages ne me donnent pas le
loisir de dessiner, la principale raison qui
me fait quitter mon atelier c’est la pêche
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septembre 2011. Pratiquer la photo, cela
entretient mon regard.
à la mouche et parfois des reportages
professionnels.
Mes temps de voyages sont relativement courts 10 à 15 jours maximum,
je me sens complètement submergé à
chaque fois. Vous vous imaginez de vous
retrouver en à peine quelques heures
sur un banc de sable au beau milieu de
l’océan ou dans la steppe et sortir naturellement votre carnet et vos aquarelles.
Et puis comment concilier le dessin avec
des activités dont le rythme est totalement différent ?
J’admire beaucoup la démarche et le
travail de Titouan Lamazou, tout comme
celui de Reno Marca pour ne parler que
de mes contemporains, je suis sidéré par
leur capacité à dessiner en extérieur. Je
m’obstine pourtant à emporter à chacun
de mes voyages un Moleskine* (ndlr.
petit carnet de note), des crayons, des
pinceaux et de l’aquarelle.
LE MYSTÈRE DE LA MAIN
À CINQ DOIGTS
J’ai pratiqué la photographie argentique
jusqu’à ce que je mette au clou mon
vieux Minolta. Je suis resté une longue
période sans plus faire une seule photo,
puis j’y suis revenu lorsque le numérique
a atteint la résolution des 5 Mpix. Mon
premier boîtier me servait essentiellement de carnet de note.
La maniabilité du numérique est un
atout fabuleux pour collecter toutes les
informations qui me seront utiles par
la suite dans mes travaux. Je procède
souvent par collage, certaines collectes
seront dessinées et d’autres utilisées
en photo et parfois associé à du dessin,
tout cela est parfaitement compréhensible dans «Arachna, les voyages d’une
femme araignée» ma dernière réalisation
pour les éditions Belin en collaboration
avec le Muséum, date de parution le 16
Nat’images : Tu travailles avec des scientifiques de renom. Que ressens-tu lorsque par exemple
tu lis les propos dithyrambiques du Dr J.Sébastien
Steyer? «Pas trop tôt !», « Enfin ! » ou «Chouette on
a compris on message » ... Un peu des trois ou autre
chose encore ?
Certains scientifiques comme Christine Rollard, enseignante-chercheuse
aranéologue ou Jean-Sébastien Steyer,
paléontologue, tous deux au Muséum
national d’Histoire naturelle de Paris,
m’ont en effet acceptés dans leur milieu.
Nous échangeons souvent entre deux
missions d’inventaire pour l’une et deux
expéditions de fouilles pour l’autre. Je
pense qu’ils aiment ma vision globale de
la science et ma soif de comprendre la
nature. J’en retire une grande fierté, car
le droit à l’instruction a été la plus grande
richesse que mes parents m’aient offerte.
J’essaie ensuite de restituer à ma façon
leur savoir scientifique, je vulgarise, sans
trahir et en apportant un autre regard, il
me semble.
Nat’images : Ton travail donne l’impression
de sortir tout droit d’un cabinet de curiosité du 17e
siècle et pourtant il est d’une extrême modernité.
Tu utilises tous les outils contemporains à ta disposition mais c’est sans doute le dessin qui ancre ton
oeuvre dans une forme de nostalgie intemporelle ?
Tu es en quelque sorte le maillon manquant entre
le graphiste et l’illustrateur d’antan, non ?
J’ai une immense admiration pour
ces dessinateurs explorateurs naturalistes, tel John James Audubon, Conrad
Martens embarqué sur le Beagle, Alcide
d’Orbigny, Sydney Parkinson et Alexander Buchan au service de James Cook,
Lewis et Clark et tant d’autres qui ont
patiemment collecté puis dessiné, parfois au péril de leur vie, ces magnifiques
trésors que renferment les muséums
d’Histoire Naturelle du monde entier.
Trésors pour la plus grande partie invisibles du grand public. Où encore de ces
voyageurs «carnetistes», comme Eugène
Delacroix, Victor Hugo, Paul Gauguin qui
nous ont transmis leurs observations
et leurs émotions des quatre coins du
globe.
Je me promène souvent au Jardin
des plantes, j’y ai un attachement particulier, et je me vois aujourd’hui récompensé d’une exposition de mes planches
naturalistes, réalisées pour «Arachna».
Exposition prévue sur trois mois à partir
d’octobre 2011 à la Grande Galerie de
l’évolution. Si mon travail sort directement d’un cabinet de curiosité, il ne lui
aura fallu que deux années pour
rentrer à nouveau au Muséum !
J’ai appris mon métier de
graphiste en traditionnel puis
vécu l’avènement du Mac. Au
moment où Apple lançait
son concept révolutionnaire de la PAO, je réalisais
leurs brochures commerciales, Photoshop et Illustrator je connais depuis
leurs premières versions.
Je me suis passionné
pour cet outil durant
une bonne quinzaine d’années,
délaissant totalement le dessin. Les
deux pratiques se sont réconciliées pour
finalement fusionner c’est ce qui donne
ce résultat intemporel.
Nat’images : Souvent en riant
nous nous comparons aux derniers
dinosaures mais quelque part nous
Carnet paléo-naturaliste dans
les coulisses du Muséum National
d’Histoire naturelle de Paris
Auteur : Sébastien Steyer
UMR 7207 Centre de Recherche sur
la Paléobiodiversité & les
Paléoenvironnements CNRS
Département Histoire de la Terre, MNHN.
www2.mnhn.fr/hdt203/info/steyer.php
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ARACHNA, les voyages d’une femme araignée
Auteurs : Christine Rollard et Vincent Tardieu
Éditions Belin et le Muséum national d’Histoire naturelle.
Conception graphique et illustrations : Marcello Pettineo
Photographies : Emmanuel Boitier, Steve Dalton,
Pascal Dolemieux, François-Gilles Grandin, Denis Palanque,
Stéphane Hette, Marcello Pettineo.
Sortie : 16 septembre 2011, 192 pages couleur, 25 x 28 cm
Conférence et dédicaces le 10 octobre à 18h
à l’auditorium de la grande galerie de l’évolution.
Présentation au 15e Festival de la photo animalière &
nature de Montier-en-Der du 17 au 20 novembre 2011, à
l’espace d’exposition du Haras à deux pas de la cathédrale.
savons que ça n’est pas tout à fait faux ; il est de
plus en plus difficile de vivre de la création car c’est
souvent le budget « icono » qui saute en premier.
Comment t’es-tu adapté aux différentes évolutions
de ce marché ?
Oui, une espèce qui aurait survécu
au cataclysme informatique, quand
beaucoup d’autres graphistes sont
restés sur la touche. Aujourd’hui les
mômes naissent avec un Ipad greffé à
leur nombril et n’importe qui prétend
vous donner des leçons en communication visuelle, les incompétents dans
ce domaine sont légion. Je défends ce
métier parce que je l’aime, tout comme
je défends l’idée que l’on peut encore
faire de la belle et bonne communication
mais c’est loin d’être gagné.
Ces 20 dernières années, les photographes et les illustrateurs ont été très
malmenés par les restrictions budgétaires de la communication, victimes
aussi d’une concurrence extrême
notamment chez les photographes,
car en apparence quoi de plus facile
que d’appuyer sur un bouton. Les illustrateurs eux ont totalement disparu.
Je ne me suis jamais situé dans l’une ou
l’autre catégorie, j’ai très vite compris
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qu’il y avait un risque à faire cela, j’ai
donc préféré développer ma créativité
dans de multiples domaines.
Le seul moyen de s’adapter, c’est
de devenir polyvalent, la spécialisation
n’est-elle pas la cause de la disparition
de bien des espèces depuis des millénaires ? Mon ami Sébastien (ndlr. le
paléontologue Jean-Sébastien Steyer)
ne me contredirait certainement pas.
La principale qualité pour évoluer, c’est
la curiosité et l’interaction avec d’autres
univers, un naturaliste dirait «milieux».
Nat’images : Avec Arachna, le dernier ouvrage
que tu as mis en page, illustré et où l’on trouve
également un grand nombre de tes photographies,
le grand public va découvrir un artiste complet et le
style « Marcello ». Comment le définirais-tu ?
Le style est quelque chose qui vous
tombe dessus lorsque vous êtes enfin en
accord avec vous-même. Définir le mien
serait comme raconter ma vie, ce que
je fais souvent quand je parle de mon
travail, certainement trop parfois. Je suis
mal placé pour en donner la définition, un
artiste a toujours la prétention de croire
que tout est dit dans ses œuvres.
La seule chose que je peux vous donner
ce sont quelques points de repère au tra-
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vers de noms d’artistes qui m’ont marqué :
Léonard de Vinci, Michel Ange,
Giacometti, Peter Beard, Jean-Louis
Sauvat, Ernest Pignon-Ernest, Irvin Pen,
Vélicovic, Lars Jonsson, Audubon…
Nat’images : A ton avis, aujourd’hui qu’est-ce
qui te différencie le plus d’un graphiste classique
de maison d’édition ? Il sourit, ses yeux deviennent
des billes noires que je ne peux presque plus voir et
dans un rire généreux il laisse échapper sa réponse.
Graphiste classique de maison d’édition ?…
Toute ma vie, je suis passé d’une discipline à une autre, alors cette classification me semble totalement incompatible
avec un état d’esprit créatif. Pour moi
il n’y a que des idées appliquées à des
supports d’expression.
Ce qui me différencie de tout classicisme ou tout classement c’est ce besoin
de remise en question qui m’est vitale
pour avancer.
Nat’images : Dors et déjà ce livre t’a-t-il ouvert
d’autres portes ? Il semble hésiter ce qui me laisse à
penser le contraire ...
Chaque projet ouvre de nouvelles
portes, des promesses de nouvelles rencontres. Malheureusement le secteur de
l’édition est en crise, j’ai plusieurs autres
projets de livres sous le coude qui ont du
mal à trouver un modèle économique
comme ils disent.
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L’exemple d’Arachna est exceptionnel,
grâce à l’éditeur Belin qui a fait un effort
particulier et surtout m’a donné toute sa
confiance.
Nat’images : Avec le recul dirais-tu que ton caractère bien trempé de Sicilien t’a servi ou joué des
tours et penses-tu tout comme moi que l’opiniâtreté
et la chance sont deux qualités indispensables pour
mener à bien un projet ou une carrière artistique ?
La grande majorité des projets que
j’entreprends aujourd’hui sont passionnants, défendre mes convictions est
devenu plus que jamais une nécessité,
c’est un choix qui se paie le prix fort, c’est
sur le long terme qu’il faudra juger.
La chance ! je sais, j’en ai beaucoup eu !
J’ai la conviction qu’elle est contagieuse
c’est pour cela que j’essaie de la transmettre.
Nat’images : Tu aimes le travail d’équipe et
choisir tes partenaires sur un projet comment les
choisis-tu et t’arrive-t-il d’être déçu ?
J’aime travailler en équipe mais
aussi seul, j’ai longtemps hésité entre ces
deux extrêmes. Depuis quelques années,
j’ai trouvé un bon compromis qui me
permet ponctuellement au gré des
projets de passer d’un mode à l’autre.
Mes collaborations sont souvent issues
de rencontres qui font germer un projet
où je ne suis qu’un des éléments. Parfois
mon statut de directeur artistique me
permet de fédérer des talents autour
de ce projet, ce fut le cas pour Arachna
où pas moins de six photographes ont
collaboré.
Il arrive souvent que l’on soit déçu
par une collaboration, lorsqu’on place,
comme moi, la barre très haut. L’important est de rester fidèle à soi-même, tôt
ou tard on rencontre des personnes de
la même famille. Personnes qu’il faut
garder précieusement près de soi, car
elles vous rassurent lorsque vous doutez
de votre normalité.
Nat’images : Tu entretiens une amitié forte
avec certains photographes et tu me disais il y a
peu que la photographie était le domaine où tu
pouvais le plus progresser et où tu avais le plus
envie de t’investir. Cette amitié est-elle utile pour
y parvenir ? Es-tu conscient de donner au moins
autant que ce que tu reçois dans cette interaction
photographes/illustrateur ?
La photographie, outre le confort
technique quelle me procure professionnellement, m’apporte avant tout
une respiration. Elle fait partie des activités où je m’autorise des lacunes, où je
lâche prise.
Du fait de mon investissement dans
ce qui m’anime, j’entretiens, de façon
générale, des amitiés assez distantes.
Partager ces amitiés au travers d’une
passion commune, comme la photographie, le voyage ou la pêche à la mouche
est un confort lorsque l’on a des journées
bien remplies. Je choisis toujours les
personnes ou les situations qui m’apporteront une connaissance nouvelle, et je
m’arrange pour en tirer profit. Je ne suis
pas sûr que ce soit la bonne définition de
l’amitié, mais j’espère sincèrement que
de l’autre côté, ils trouvent aussi quelque
chose à prendre en moi.
Nat’images : Cet amour de la nature semble
te venir de la pêche n’y vois-tu pas un
paradoxe ?
J’ai un regard résolument
naturaliste sur le monde vivant,
c’est exactement ce rapport entre la
vie et la mort que j’aime mettre en évidence dans mon travail, l’empreinte du
temps et des cycles de la vie y sont omniprésents. J’aime observer les animaux
10
dans leur milieu sauvage, je suis contre
toute domestication surtout celle qui
n’est pas d’une réelle nécessité car à mon
sens, le contact de l’homme sur l’animal
ne fait qu’altérer ses facultés naturelles à
survivre. Nous avons tout à apprendre de
lui alors que la réciproque est loin d’être
le cas.
Brochure de
lancement produit
lunette Leica Magnus
11
Et pourtant je nage en plein
paradoxe lorsque je suis à la pêche, ou
lorsque je collabore avec les milieux
de la chasse. Un paradoxe qui existe
chez beaucoup de pêcheurs sensibles
à l’environnement,
notamment ceux
qui pratiquent le No kill (la remise à l’eau
des poissons) tout comme il existe chez
certains chasseurs impliqués dans la
gestion et la protection de la faune. C’est
ce qui fait que je porte un intérêt à ces
deux univers car on y trouve des gens
de terrain qui connaissent réellement la
nature et le comportement animal.
Paradoxe que j’assume totalement
pour la bonne raison qu’il fait exploser
mes fausses certitudes. C’est à des so-
Je ne cherche pas à faire du beau
pour du beau, bien que je trouve esthétiques, certaines représentations de la
mort. Et je cherche encore moins à tomber dans la mièvrerie, ni je ne cherche
non plus à montrer ce que l’on s’attend
à voir, je me fous de savoir si je vais choquer les personnes qui regardent mon
travail, ce qui m’importe à chaque fois
c’est de susciter un intérêt. Je m’adresse
toujours à des cerveaux même si mon
mode de communication est en apparence d’accrocher l’œil. Mêler la science
et l’art est pour moi la meilleure façon de
nous élever.
Nat’images : Même si, lorsqu’on
te connaît, on sait que chaque projet
auquel tu participes à force d’implication devient
un projet très personnel, à quand un projet encore
de livre plus personnel, Marcello ?
Mon prochain projet de livre traite
de ce paradoxe, il s’intitule « Demain j’arrête la pêche », la pêche n’est qu’une porte d’entrée sur une vision plus large, c’est
de ma vision globale dont il s’agit, du
regard que je porte sur les agissements
de l’homme, mes agissements, envers la
nature sauvage, sur la vie. Le manuscrit
est sur le coin de mon bureau, il attend
sagement un éditeur. C’est un projet
très ambitieux et autobiographique, qui sera en quelque sorte un
intégral de tous mes dessins et
photos, agrémenté de récits
de voyages, de rencontres ou
d’expériences diverses.
Je n’appartiens à aucun bord extrémiste, ni celui des écolos, ni celui des
chasseurs irresponsables…
C’est bien pour cela que je me sens libre
et heureux…
Nat’images : Que retiens-tu de ta première collaboration avec Leica ?
Cette collaboration fut exemplaire à
tout point de vue, les Allemands ne dérogent pas à leur réputation de sérieux,
ciétés comme Leica, Holland & Holland,
Orchape, entres autres, que je dois ma
reconnaissance tant professionnelle,
qu’artistique et je dirais même en tant
qu’individu.
HOLLAND & HOLLAND
catalogue printemps /
été 2011
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Réf. : 17 - frères lions
Réf. : 15 - black rhino
Réf. : 13 - antiloppes 4
Réf. : 16 - éléphant
Réf. : 09 - buffles caffer
Réf. : 10 - léopard
Réf. : 11 - faucon & aigle
Réf. : 14 - markhor & ibex
tout ce que j’aime. Leica pour le lancement de sa lunette de visée Magnus et
maintenant pour sa communication,
tout comme Holland & Holland cette
prestigieuse société anglaise, pour leur
catalogue Spring / summer 2011, sont
deux firmes prestigieuses, qui ont su
me faire confiance et m’ont donnés les
moyens de faire du bon travail.
Nat’images : Sur ton site tu proposes maintenant des dessins originaux, est-ce pour toi une
manne essentielle ?
La clientèle qui m’achète des originaux sur commande est croissante, ce
qui me permet de mieux valoriser mon
travail, mais il est clair que le marché
français à ses limites, c’est pour cela
que j’envisage sérieusement le marché
international, ce qui est déjà le cas avec
l’Angleterre où Holland & Holland détient
l’exclusivité de mes œuvres.
Je ne laisserai pas tomber pour
autant mon activité de graphiste, qui me
permet de construire, de contrôler mon
13
Réf. : 12 - truite & saumon
image et la diffusion de mes travaux…
Preuve en est la confiance que vous
m’avez donnée pour réaliser moi-même
la mise en pages de mon interview.
Nat’images : A quoi rêve Marcello Pettineo ?
Que pouvons-nous te souhaiter pour prochaines
années ? !
À moyen courts terme, je rêve
concrètement d’un d’atelier, un espace
de travail plus grand qui me permette
de mettre en œuvre mes futurs projets
et notamment passer à d’autres dimension. À long terme de toujours garder ma
capacité à rêver…
Page de gauche, série unique de 9 modèles de
couteaux en collaboration avec Manu Laplace,
artisan d’art créateur de la marque de couteau
1515. Mise en vente prévue octobre 2011 sur :
www.marcello-art.com.
Pour tout renseignement :
[email protected]
Ci-dessous, commande exclusive d’une série de
couteaux pour Leica.
Nat’images : Merci d’avoir partager un peu de
tes rêves actuels et futurs avec nous Marcello !
Entretien réalisé par Stéphane Hette
Vous pouvez retrouvez toute l’actualité
de Marcello sur son site :
www.marcello-art.com.
E. mail : [email protected]
www.facebook.com/marcello.pettineo
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