Poesie en prose
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Poesie en prose
La rose des eaux La grenouille bleue Nous vous en prions à genoux, bon forestier, dites-nous le ! à quoi reconnaît-on chez vous la fameuse grenouille bleue? Le vent est ami du soleil. Il est son complice et son confident. Souvent le vent raconte des histoires au soleil ; il lui dit ses voyages ; il lui raconte le monde et les hommes, les tempêtes et les ouragans. Le vent est moqueur. Il est libre et insaisissable. C’est lui qui lave le désert et refait les dunes. Il les sculpte en les caressant jusqu’à en faire des collines de plusieurs tailles et formes pour que le sable ne s’ennuie pas. Tahar Ben Jelloun à ce que les autres sont vertes? à ce qu’elle est pesante ? alerte ? à ce qu’elle fuit les canards ? ou se balance aux nénuphars? à ce que sa voix est perlée , à ce qu’elle porte une houppe , à ce qu’elle rêve par troupe ? en ménage ? ou bien isolée? Ayant réfléchi très longtemps et reluquant un vague étang, le bonhomme nous dit : eh mais, à ce qu’on ne la voit jamais ! Tu mentais, forestier. Aussi ma joie éclate ! Ce matin je l’ai vue ! Un vrai saphir à pattes. Complice du beau temps, amante du ciel pur, elle était verte, mais réfléchissait l’azur. Paul Fort La saveur du réel Il marchait sur un pied sans savoir où il poserait l’autre. Au tournant de la rue le vent balayait la poussière et sa bouche avide engouffrait tout l’espace. Il se mit à courir espérant s’envoler d’un moment à l’autre, mais au bord du ruisseau les pavés étaient humides et ses bras battant l’air n’ont pu le retenir. Dans sa chute il comprit qu’il était plus lourd que son rêve et il aima, depuis, le poids qui l’avait fait tomber. Pierre Reverdy, Plupart du temps. L’été dans mon pays Si tu arrivais, un jour d’été, dans mon pays, au fond d’un jardin que je connais, un jardin noir de verdure et sans fleurs, si tu regardais bleuir, au lointain, une montagne ronde où les cailloux, les papillons et les chardons se teignent du même azur mauve et poussiéreux, tu t’assoirais là, pour n’en plus bouger jusqu’au terme de ta vie. Si tu suivais, dans mon pays, un petit chemin que je connais, jaune et bordé de digitales d’un rose brûlant, tu croirais gravir le sentier enchanté qui mène hors de la vie… Le chant bondissant de frelons fourrés de velours t’y entraîne et bat à tes oreilles comme le sang même de ton cœur, jusqu’à la forêt, là-haut, où finit le monde... Colette