L`autre regard français sur la Guerre d`Algérie
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L`autre regard français sur la Guerre d`Algérie
ASARU CINEMA ENNEMI INTIME film de Florent Siri L'autre regard français sur la Guerre d'Algérie Au moment ou Ahmed Rachedi tourne un long métrage sur le parcours révolutionnaire de Benboulaid, le cinéma français s'intéresse encore sur les faits oubliés de la Guerre d'Algérie. Par Salim Aggar 8 / Asaru Cinéma À l’affiche A Fellag incarne le rôle d’un prisonnier insi après La trahison en 2005 et Mon colonel en 2006, un nouveau film français sur la guerre d'Algérie risque de faire couler beaucoup d'encre à sa sortie le 27 septembre 2007. Il s'agit du film Ennemi intime de Florent Siri. Un réalisateur qui fait partie de la nouvelle génération des cinéastes français qui marchent sur les traces de Luc Besson, et qui est connu pour avoir réalisé des chefs-d'œuvre, tels que Nids de Guêpes, un film d'action français à l'américaine qui lui permis de séduire les producteurs américains qui lui offrent son premier film US avec Otage, avec la star de Die hard, Bruce Willis. Le nouveau film de Siri, qui a été tourné avec des moyens techniques importants est adapté d'un documentaire de Patrick Rotman, qui retrace les atrocités de l'armée française. Filmé à l'américaine, avec des prises de vues aériennes magnifiques, des paysages filmés avec soins, une mise en scène très soignée et des effets spéciaux dignes des grands films de guerre américains et notamment la scène époustouflante du bombardement d'un village avec le napalm. L'histoire d'Ennemi intime se passe en Kabylie, en juin 1959. C’est celle d'un officier pris dans la tourmente algérienne et qui va découvrir la guerre, les crimes les plus vils et la torture. Si le réalisateur met en vedette des stars montantes du 7éme art français, Benoît Magimel, pour incarner son “héros tourmenté” et Bernard Dupontel dans le rôle de l'officier tortionnaire, l'humoriste Fellag, incarnera le rôle d'un prisonnier de l'ALN, Idir Danoun. C'est le rôle tant attendu par Fellag qui est par la même occasion fils de chahid, et incarne là un personnage clé du film. Le cinéaste a été très marqué par l'interprétation de Mohamed Fellag : “J'ai un immense respect pour cet humoriste algérien qui a joué une scène-clé du film et qui dépeint l'horreur de la guerre d'Algérie, lorsque l'on emmenait un prisonnier, dont on ne savait plus quoi en faire pour la corvée de bois et qu'en fait pour l'abattre dans la forêt.” Le réalisateur explique qu'il aurait aimé tourner le film dans sa région d'origine, la Kabylie, mais la complexité du projet l'a dissuadé d’opter pour le Maroc. Cela n'a pas empêché le cinéaste de recruter et de faire venir d'Algérie des figurants et des comédiens originaires de la Kabylie, pour interpréter les rôles importants. D'ailleurs, le réalisateur a été frappé par la disponibilité et l'engagement de ses comédiens qui ont accompli leur rôle comme de vrais professionnels. “Même s'ils n'ont pas vécu cette guerre, ils connaissent parfaitement ses contours. Pour eux, c'est un devoir de mémoire et ils sont très impliqués dans le film”, affirme Florence Siri qui accorde une importance capitale à la psychologie des personnages. Même si le film est centré autour du conflit idéologique entre les deux officiers français, il est tout de même truffé d'anecdotes qui retracent les atrocités de l'armée française. Après plusieurs années de censure et de blocage, la France autorise depuis quelques années une révision de son histoire à travers le cinéma. Mieux encore, elle autorise des cinéastes français à évoquer ouvertement dans leurs films la torture, les dépassements et surtout l'échec de la vision coloniale française en Algérie. Une autocritique qui était presque inimaginable il y a 7 ans, puisque plu- sieurs cinéastes français, dont le plus prolifique René Vautier, avaient été bannis de l'environnement cinématographique français seulement parce qu'ils avaient donné leur point de vue historique sur la guerre d'Algérie. Mais, depuis quelques années et après la reconnaissance officielle de la guerre d'Algérie au Parlement français, le sujet n'est plus tabou. Ainsi, après la réalisation du film de Philippe Faucon La trahison, qui retrace les rapports étroits entre un officier français et des supplétifs algériens, Mon colonel, réalisé par Laurent Herbiet et produit par Costa Gavras et Ennemi intime de Florent Siri qui retrace les rapports difficiles entre des officiers français sur la question de la torture, la critique et surtout le public français ne réservent pas le même accueil à ces films qui revisitent l'histoire coloniale française. Même si le film est centré autour du conflit idéologique entre les deux officiers français, il est tout de même truffé d'anecdotes qui retracent les atrocités de l'armée française. C'est le cas de cette scène où les militaires français prenaient les villageois un à un pour leur faire subir la gégène sur la scène publique ou encore cette scène où ils abattent un sourd-muet tout simplement parce qu'il ne comprenait pas ce qu'ils lui disaient. Une scène qui ressemble d'ailleurs à celle réalisée par Oliver Stone dans Platoon. D'ailleurs, le réalisateur ne s'en cache pas et affirme que trois œuvres l'ont inspiré pour réaliser ce film : Platoon, La Bataille d'Alger et Apocalypse Now. Trois films qui dénoncent ouvertement les atrocités de l'occupant et qui ont été réalisés à contre-courant de la vision coloniale du pays producteur. Ennemi intime a le mérite de raconter un épisode de la mémoire effacée de la guerre de Libération, ceci au moment où les rapports entre l'Algérie et la France ont été refroidis par le vote au Parlement de la loi du 23 février, qui glorifie la colonisation française en Afrique du Nord. Florence Siri affirme qu'il n'a pas la prétention de rétablir les faits historiques comme Indigènes, mais souligne que le parti pris qu'il a choisi n'est pas de juger, même s'il se dit fondamentalement contre la violence, la guerre et la torture en général. S. A. Asaru Cinéma / 9