industriel - Patrimoine Industriel Wallonie
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PATRIMOINE industriel WALLONIE BRUXELLES Belgique/België P.P.-P.B. 4020 Liège 2 9/180 BULLETIN TRIMESTRIEL DE L’A.S.B.L. PATRIMOINE INDUSTRIEL WALLONIE-BRUXELLES Publié avec l’aide de la Communauté Française N° 59-60 JUILLETDECEMBRE 2004 Bureau de dépôt : Liège X EDITORIAL J'ai le plaisir de vous annoncer que, d'une part, Maryse Willems a accepté d'assurer le secrétariat de l'association jusqu'à la prochaine assemblée générale en mars prochain, et d'autre part, que nous avons depuis le mois d'octobre un nouveau rédacteur adjoint pour le bulletin en la personne de Guénaël Vande Vijver. Maryse est la collaboratrice de Françoise Busine à Grand-Hornu Image avec qui elle a assuré le secrétariat depuis plus de 10 ans. Pour son remplacement en 2005, nous faisons appel aux bonnes volontés. Guénaël Vande Vijver est archiviste de l'Ecomusée régional du Centre à Bois-du-Luc et assistant du professeur Jean Puissant (membre fondateur de PIWB) à l'Université Libre de Bruxelles. Il se fait seconder, dans sa tâche de rédacteur adjoint à Claude Gaier, par Lionel Vanvelthem, qui a été rédacteur en chef d'une revue d'histoire à l'ULB et qui connaît bien le monde de l'édition et surtout, jongle avec le logiciel informatique qu'utilise l'imprimeur ! Vous pourrez juger de cette nouvelle collaboration à la lecture du présent numéro du bulletin. Remarquez que ce numéro est double pour compenser celui qui n'a pu paraître en juillet. juillet. Une centaine de volumes ont d'ores et déjà été vendus1. Je vous rappelle que les membres en ordre de cotisation peuvent toujours l'acquérir à un tarif préférentiel. Un second volume est en préparation. Comme le premier, il est dû à la plume prolifique de JeanJacques VAN MOL. Les modifications de statuts de l'ASBL ont fait l'objet de plusieurs réunions du Conseil d'administration et d'assemblées générales extraordinaires pour permettre leur dépôt au greffe du tribunal de Liège avant le 1er janvier 2005. Il s'intitulera “Industries à la campagne _ Transformations du bois dans l'Entre-Sambre-etMeuse”, et traitera notamment de la production de bois de mines, de la fabrication de chaises d'église, des saboteries et des scieries de bois de menuiserie et de construction. Le volume de la collection “Enquêtes et témoignages” “Fonderies de fer et poêleries en région couvinoise” est en vente depuis Bruno VAN MOL, Président Cet ouvrage est en vente dans de nombreux musées dont l’Ecomusée régional du Centre. Vous pouvez le commander en téléphonant au 064/28.20.00 ou en écrivant un mail à l’adresse suivante : [email protected]. 1 AGENDA La Fonderie, Bruxelles. Jusqu’au 31 août 2005. Blégny-mine. Dès le 2 février. Exposition “Un Homme une voix, en avant pour le suffrage universel !”. Festivités organisées dans le cadre de la célébration du 25e anniversaire de l’ouverture de Blégny-mine. Le 2 février à 19h un feu d’artifice sera proposé. http://www.lafonderie.be/ Illustration de couverture : le dynamitage du haut-fourneau n°3 des entreprises Duferco (anciennement Boël) le 4 février 2004 (coll. Archives de la Ville de La Louvière) 2 Quelques activités pour l’année 2005 Ecomusée régional du Centre, Bois-du-luc. Dès mai 2005. Exposition “De la Haine au Nil : Itinéraire d’un géant : Baume & Marpent”. De plus amples informations sur cet évenement dans le prochain numéro. Une industrie méconnue : le textile en Wallonie et en Hainaut – seconde partie Sans être véritablement absente de l’historiographie des mouvements économiques et sociaux, l’histoire de l’industrie textile au cours des deux derniers siècles est loin de bénéficier d’un intérêt égal à celui accordé à la métallurgie et aux charbonnages, voire aux verreries et à la chimie. L’importance socio-économique de ces secteurs justifie évidemment une différence de traitement. Verviers, avec un sixième du total, truste les deux tiers des représentations relatives au textile, une notice explicative spécifique lui est consacrée. Un autre texte, centré sur le coton à Gand et le lin en Flandre, pointe les grands pôles textiles belges de la 1ère moitié du 19e siècle1. Mais, on l’a déjà dit, c’est peutêtre aussi une question d’archives disponibles. À défaut, sinon de documents écrits, au moins d’exploitation de ceux-ci, d’autres sources sont d’un accès plus immédiat. Parmi celles-ci, il y a les bâtiments et, souvent de façon moins évidente, les machines qu’ils abritent. Les uns et les autres ont bénéficié de l’intérêt porté ces dernières années à l’archéologie industrielle. public de ce qu’était alors l’archéologie industrielle dans notre pays. Présentes par le biais de quelques reproductions de gravures anciennes et d’en-têtes de lettre, les activités textiles sont directement rapportées dans moins d’un dixième des notices du catalogue2. Depuis le début de la révolution industrielle et tout comme la plupart des activités humaines, le textile n’a pas cessé d’imprimer sa marque sur nos paysages, mais de manière manifestement plus discrète que l’industrie lourde. Dans la Belgique industrielle en 1850, un quart de ce panorama récemment réédité montre des entreprises textiles. Et puisque À l’occasion de l’exposition organisée en 1975 fut révélé au grand En 1986, l’exposition organisée à Gand à l’occasion des dix ans du Museum voor Industriële Archeologie en Textiel a fourni Industriële Archeologie in België, un répertoire sommaire illustré et accompagné de cartes de localisation. Parmi les traces laissées dans le bâti qui relèvent de l’archéologie industrielle en Wallonie, sans tenir compte des moulins, des ponts, des kiosques, des lavoirs, des habitations des dirigeants d’entreprise, des maisons ouvrières et autres Maisons du ETUDE Peuple, y sont répertoriés des constructions à usage de l’industrie textile et des musées consacrés à l’un ou l’autre secteur de cette activité3. Les bâtiments du textile ont donc une place parmi les monuments de l’archéologie industrielle. Mais le plus souvent, la pérennité de ceux-ci – plus particulièrement, ceux affectés à la produc- Une partie des aspirations ouvrières se révèle dans ce détail des ”fresques” de faïences (classées le 12 août 1988) ornant la salle de bal du Palais des Fêtes érigé en 1922-1923 à Mouscron par la coopérative socialiste La Fraternelle (photo Claude Depauw, 2003) tion industrielle – dépend de leur utilisation quand leur vocation première s’est éteinte. Sur 56 lieux (dont 29 liégeois et 23 bruxellois) repris dans un ouvrage de 1986 centré sur la reconversion du patrimoine industriel en Wallonie et à Bruxelles, le textile au sens large apparaît à sept reprises4. Parallèlement, grâce au développement constant de l’histoire locale, de nouvelles données relatives à l’industrie textile sont mises au jour. Elles apparaissent dans quelques ouvrages généraux comme le livre publié en 1990 3 par Patrimoine Industriel WallonieBruxelles, où, à juste titre, le Hainaut occidental reçoit un traitement séparé du textile verviétois5. Dans la série des grands ouvrages de prestige coordonnés par la Direction de l’Aménagement du Territoire, du Logement et du Patrimoine de la Région wallonne, Le patrimoine industriel de Wallonie, paru en 1994, donne une place plus large aux entreprises textiles. Quatre entreprises textiles mouscronnoises se retrouvent avec des filatures à Braine-l’Alleud, Bousval et Saint-Denis-en-Brocqueroie, soit sept lieux de l’ouest de la Wallonie, face à un site liégeois et huit de la région verviétoise6. Enfin, paru en 1995, l’inventaire des Sites et bâtiments industriels anciens de Wallonie7 présente, dans une première section, 121 ensembles dont les auteurs ont estimé qu’ils possèdent une valeur historique ou archéologique. Ils font l’objet d’une notice, avec un bref historique, une description architecturale et des illustrations. Parmi eux, j’ai relevé 17 sites et bâtiments affectés à l’industrie textile. Une seconde section du même ouvrage rassemble 1.311 lieux visités, photographiés et étudiés, rangés par arrondissement administratif sous chaque province. Dans l’ordre décroissant des nombres de lieux textiles, les Cette partie du tissage et teinturerie Félix Vanoutryve & Cie date de 1880 : c'est sans doute le plus ancien bâtiment industriel textile de Mouscron (photo Claude Depauw, 2003) 4 arrondissements de Verviers et de Mouscron-Comines regroupent presque deux tiers des 79 sites textiles recensés. Nivelles et Tournai suivent avec plus d’un quart des sites à eux seuls, tandis que Mons, Thuin, Liège et Dinant font l’appoint avec moins d’un dixième. Au point de vue du textile, Verviers, où se trouve la Maison Closset, le seul bâtiment textile classé en Région wallonne à la date de l’inventaire, conserve dans l’archéologie industrielle la première place acquise dans l’histoire économique et sociale. La répartition géographique des sites textiles que l’on peut tirer de cet ouvrage est la suivante : concentration aux deux extrémités du sillon industriel wallon, l’ouest suivant chronologiquement l’est ; apports non négligeables du Brabant wallon et du Tournaisis. Cependant, il me paraît qu’outre une incontestable moindre importance économique et sociale, le textile subit une relative marginalisation spatiale qui le maintient à l’écart des voies royales de l’histoire économique et sociale et de l’archéologie industrielle en Wallonie. Cette faible représentation – j’ose même dire – cette sousreprésentation est, me semble-til, le résultat de la conjugaison de plusieurs facteurs. Tout d’abord, je le répète, l’histoire du textile est en grande partie un chantier qui reste à ouvrir. Les historiens et les archéologues industriels n’ont pas encore pris toute la mesure de l’activité textile dans notre région. Bien que des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont travaillé – selon les sous-régions – pendant un ou deux siècles, d’abord à domicile, ensuite dans des ateliers, puis des usines, il manque au passé textile, sinon des mythes, au moins certains de ces éléments tout autant concrets que symboliques en l’absence desquels les hommes sont incapables de relier leurs intérêts d’aujourd’hui aux choses d’hier. Au-delà d’une moindre capitalisation manifeste, le textile souffre d’une sorte de déficit intellectuel. Ne s’y retrouvent pas en aussi grand nombre techniciens et ingénieurs qui, pourvus de solides connaissances techniques et scientifiques, dirigent la mine, le haut-fourneau, le laminoir, les constructions métalliques, la verrerie ou la chimie. S’y ajoute un très lourd “déficit d’image”. Car le manque de traces monumentales et techniques, concrètes et visuelles, ou plus exactement le manque de mise en valeur du patrimoine encore conservé et les difficultés spécifiques qu’entraîne une telle valorisation, ne permet pas de retenir l’attention d’un large public. Quoi de plus parlant en effet qu’un châssis à molettes, reste isolé d’un charbonnage disparu, vision de désolation – sans compter le souvenir des camarades disparus – qui réveille la mémoire collective alimentée aux mythes forgés à la gloire des “gueules noires”, depuis Germinal jusqu’à la “bataille du charbon”. Et le même phénomène existe, dans une moindre mesure, avec un haut-fourneau éteint ou un hall de laminoir abandonné. Dans une civilisation qui privilégie de plus en plus l’image, matière première de nos médias, un paysage industriel ne peut être valablement constitué que de châssis à molettes et de hautsfourneaux, ou de tout ce qui peut y ressembler. Car ces images véhiculent en arrière plan des mythes “éternels”, véhicules de concepts surannés. Les derniers “beaux restes” du secteur secondaire wallon, bastions du travail dur – car il l’est, ne l’oublions pas – tendent inexorablement à disparaître, et avec eux les milliers d’emplois nécessaires à la production et à l’entretien de ces immenses chantiers permanents. Depuis la révolution industrielle, le contexte social wallon, traversé de revendications souvent légitimes, n’a pas cessé d’être douloureux. Les sous-régions d’industrie lourde, à la fois minière et sidérurgique, maintenant en déli- quescence complète ou en mutation profonde, occupent depuis longtemps leurs représentants politiques dans leurs actions au bénéfice du patrimoine commun. Il est nécessaire de susciter l’intérêt pour le passé de l’industrie textile auprès des historiens et des archéologues industriels. La technologie inventée puis déployée, non seulement dans des machines et des procédés de fabrication, mais aussi dans le savoir faire et le tour de main de l’ouvrier, mériterait quelques recherches. Elles pourraient s’appuyer sur l’apport concret des documents normalement conservés dans les musées, les dépôts d’archives et les bibliothèques. Il faudrait en ajouter d’autres, plus évocateurs pour l’homme contemporain, tels que les photographies, les cartes postales anciennes, les témoignages audiovisuels, sans oublier les représentations qu’en a fournies l’art sous toutes ses formes. Malheureusement, l’activité textile est rarement le sujet d’une œuvre d’art. L’émotion esthétique que peut provoquer la fileuse à son rouet, le tisserand penché sur son outil, la dentellière et son coussin – des activités qui, au début du 20e siècle, pouvaient encore se faire à domicile, donc de manière privée8 – comment la retrouver dans l’alignement des dizaines de broches d’un continu à filer ou dans les mouvements de va-et-vient des lisses et de la navette, entremêlant chaîne et trame dans un métier à tisser mécanique ? Les artistes wallons n’ont pas eu beaucoup d’occasions d’approcher une industrie textile assez discrète. Ils sont très peu nombreux à avoir éprouvé le besoin d’exprimer ce qui se passait derrière les murs à frise de briques et sous les nefs vitrées des bâtiments textiles. Et du côté des travailleurs textiles “peintres du dimanche”, chacun savait ce qui s’y faisait et, sans doute, cela suffisait-il. Il était inutile de revenir sur un travail, peut-être diversifié, mais pénible parce que véri- tablement industriel dès qu’il s’est enfermé dans les ateliers. À partir de ce moment, variable dans le temps suivant les métiers, c’est pratiquement toujours la machine qu’il faut suivre. Seconde après seconde, elle dicte les gestes à faire, les attitudes à prendre. Les Temps modernes de Charlie Chaplin sont déjà là, à l’atelier de filature, devant le métier à tisser ou la tricoteuse, avant même que n’apparaissent les “ouvriers spécialisés” des “chaînes de fabrication”. Et cela, même si les teintureries ou les ateliers de triage et de lavage de la laine par exemple, comme beaucoup d’autres activités textiles annexes, offrent plus de liberté de mouvement à la maind’œuvre. Mais une fois de plus, tout cela n’a malheureusement pas la force évocatrice des vieilles industries, remuant la terre et domptant le feu. Face au paysage qu’anime une belle-fleur ou un haut-fourneau fumant et rougeoyant, le pouvoir d’émotion artistique du textile reste à démontrer. Tandis que les carreaux des mines s’érigent de préférence à l’endroit estimé le plus favorable à l’extraction du charbon, alors que la localisation de la sidérurgie lourde reste dépendante des matières premières qui lui arri- Pilastres pour encadrer des fenêtres rectangulaires. Ici (filature Charles Six, devenue établissement d'enseignement spécial Le Tremplin), la construction d'extensions et la transformation de la façade, suite au développement de l'entreprise et au changement d'affectation des bâtiments, n'en a pas altéré l'équilibre (photo Claude Depauw, 2003) vent par les moyens de transport en masse, le textile bénéficie d’une plus grande liberté dans son implantation. Très souvent, ses usines s’inscrivent sans perturbation grave dans le paysage et l’environnement. Cependant, l’eau en abondance lui est une nécessité absolue. Mais cette eau – si attractive d’un point de vue touristique – est peu démonstrative car, depuis longtemps, elle n’est plus celle des moulins mus par les rivières. Les caractéristiques énoncées ciaprès, de tout temps et en tout lieu, me semblent propres à l’activité textile, soit le fil dans sa matière première et dans ses multiples mises en œuvre. Elles s’appliquent très clairement depuis qu’elle est devenue une industrie. À la très grande dispersion géographique des implantations répond l’étroitesse économique des pôles textiles. C’est peut-être la raison pour laquelle ils ont été balayés par la concentration 5 incessante des entreprises insérées de longue date dans les marchés mondiaux, depuis les marchands-fabricants des origines jusqu’aux multinationales d’aujourd’hui. Les exemples d’intégration du textile dans les plus larges marchés de toutes les époques sont nombreux, des laines anglaises travaillées en Flandre au Moyen Âge aux actuelles délocalisations des entreprises textiles des pays industrialisés vers le tiersmonde. Au manque de caractère architectural affirmé des bâtiments, se joint un développement spatial sans plan préétabli, qui se fait souvent au gré de la conjoncture en occupant le proche espace immédiatement disponible. Cet aspect hétéroclite est compensé par les facilités de reconversion des bureaux et des ateliers, pour autant qu’une prétendue absence de qualité patrimoniale n’entraîne pas, dans la plus grande indifférence, une disparition totale ou partielle. À la très grande diversification des “métiers”, du négoce des matières premières au commerce des produits finis, en passant par la filature, le tissage, le tricotage et la confection, et à l’obsolescence très rapide des machines, au moins au 20e siècle, correspond, dans tous les secteurs du textile, un travail le plus souvent peu intéressant, répétitif, effectué dans des conditions harassantes9. C’est ce que m’a appris en 1980 une visite de la majorité des entreprises textiles de Mouscron lors de la préparation d’une exposition montée dans le cadre des festivités des 150 ans de la Belgique. Sans connaissance particulière du travail textile (malgré un grand-père maternel qui a fait une carrière d’employé à cadre dirigeant dans la filature Motte & Cie), j’ai été surpris par l’extrême diversité des métiers, tant à l’intérieur d’une entreprise que d’une entreprise à l’autre. Tous sont nécessaires à la réalisation des multiples opérations qui mènent d’une matière première, naturelle ou chimique, aux différentes sortes de produits textiles. À la discrétion de l’activité textile s’ajoute quelque peu de la souplesse et de la solidité des matériaux qu’elle traite. Les caractéristiques des fibres textiles seraient-elles transposables aux relations humaines entre patrons et ouvriers ? Le combat syndical s’en trouverait-il d’autant affaibli et, en corollaire, la représentativité du secteur dans les luttes sociales nationales ? Pour la région de Lille-Roubaix-Tourcoing, y compris dans ses annexes cominoises et mouscronnoises, une explication à ce phénomène peut être trouvée dans le fait que “la révolution industrielle a installé au cœur de la cité tout à la fois l’entreprise, la manufacture et l’habitat ouvrier”10. Un autre facteur pourrait être l’origine rurale commune aux patrons et aux ouvriers. Ces caractéristiques et les hypothèses qui les sous-tendent méritent, me semble-t-il, une attention renouvelée. Sans doute y a-t-il encore beaucoup à dire à propos de notre industrie textile au cours des deux derniers siècles. Claude DEPAUW, Archiviste de la Ville de Mouscron Bibliographie sommaire La Belgique autrichienne, 1713-1794. Les Pays-Bas méridionaux sous les Habsbourg d’Autriche, Bruxelles, 1987. La Belgique française, 1792-1815, Bruxelles, 1993. BILLEN, C., DUVOSQUEL, J.-M., et CANONNE, X., s.dir., Hainaut. Mille ans pour l’avenir, Fonds Mercator, Anvers, 1998. BRAUSCH, V., “L’habitat textile mouscronnois au début du XXe siècle. Première approche”, Mémoires de la Société d’Histoire de Mouscron et de la Région, t. IX, fasc. 2, 1987, p. 72-89. BRAUSCH, V., “Toiles de lin et molletons, deux produits textiles mouscronnois dans la seconde moitié du XVIIIe siècle”, Mémoires de la Société d’Histoire de Mouscron et de la Région, t. V, fasc. 2, 1983, p. 19-47. 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HENDRICKX, s.dir., Wallonie-Bruxelles : berceau de l’industrie sur le continent européen, Louvain-la-Neuve, 1990. 6 P. PAQUET, A.-F. CANNELLA et G. WARZÉE-LAMMERTYN, coord., Le patrimoine industriel de Wallonie, Liège, 1994. 7 E. HANNECART-MASURE, P. BRICTEUX ET P. TOMSIN, Sites et bâtiments industriels anciens de Wallonie, Namur, 1995. 8 Le rouissage du lin dans les eaux de la Lys a retenu l’attention des artistes flamands, mais le rouissage industriel, beaucoup moins pittoresque, se faisait dans des bâtiments industriels souvent situées à proximité de la rivière (J.A. VAN HOUTTE et N. MADDENS, “Histoire économique et sociale du Courtraisis”, Bekaert 100. Développement économique dans le sud de la Frandre occidentale, Zwevegem-Tielt, 1980, p. 13-170). 9 Le film Daens de Stijn Coninx réussit à recréer de façon saisissante les conditions de travail dans un atelier de filature au 19e siècle. 10 M. LE BLAN, Lille Eurométropole franco-belge !, p. 106. 6 “Conservation et ré-affectation du patrimoine industriel en Wallonie”, Cahiers de l’urbanisme. Revue de l’administration wallonne de l’aménagement du territoire, du logement et du patrimoine, n° 12, 1994, p. 76-87. DARQUENNE, R., Histoire économique du département de Jemappes, Mons, 1965 (Mémoires et Publications de la Société des Sciences, des Arts et des lettres du Hainaut, vol. 79 ; Annales du Cercle archéologique de Mons, t. 65). DUVOSQUEL, J.-M., coord., La mémoire des pierres en Wallonie et à Bruxelles, Bruxelles, 1987. GENICOT, L., s.dir., Histoire de la Wallonie, Toulouse, 1973. GENICOT, L.-F., et HENDRICKX, J.-P., s.dir., Wallonie-Bruxelles : berceau de l’industrie sur le continent européen, Louvain-la-Neuve, 1990. GEORIS, P., “La fin du textile wallon?”, La Revue Nouvelle, n° 7-8, 1982, p. 50-66. DARQUENNE, R., L’industrie du Hainaut et du Tournaisis de 1748 à 1790, La Louvière, 1995. 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Aboutissement – d’ailleurs sans cesse perfectible – de longs efforts et d’une volonté de désenclavement et de maritimisation, cette voie d’eau a aussi permis de stimuler l’industrialisation de la Campine, à une époque où le charbon régnait encore en maître sur les sources d’énergie. Balancée depuis des siècles entre le pôle anversois et celui de Rotterdam, Liège choisissait alors le premier, qui lui fut longtemps refusé pour des raisons qui tiennent autant à sa situation géographique qu’à la conjoncture politique, opposant souvent les intérêts voire les armées du nord et du sud de la métropole scaldienne. La pérennité des problèmes économiques est un phénomène intéressant de l’Histoire. Le document que nous publions ciaprès en est la preuve. Il s’agit d’un dossier, édité à 300 exemplaires en 1801, qui comporte : Une houillière moderne en 1812, équipée d’une machine à vapeur : Beaujonc et Mamonster à Ans (cliché Musée d’Armes de Liège) 8 Joindre la Meuse à l’Escaut : un projet liégeois de 1801 – première partie 1° une lettre d’un négociant liégeois, Louis Gasquy (vraisemblablement un tailleur de la rue Sainte-Catherine), proposant au président et aux membres du conseil communal de Liège de demander le creusement d’un canal entre Louvain (terminal d’aboutissement de la voie d’eau aboutissant à Anvers) et Liège; 2° le rapport d’une commission d’experts concluant à la faisabilité de ce projet et recommandant sa mise à exécution; 3° une motion du conseil municipal de Liège appuyant les conclusions de ladite commission d’experts. Nous reproduisons ces textes intégralement ci-après, sans altérer leur orthographe, parfois encore différente de celle d’aujourd’hui, et en maintenant la ponctuation d’origine, qui ne correspond pas toujours, elle non plus, à l’usage actuel. Ces écrits montrent que les édiles liégeois étaient bien au courant des projets de jonction EscautMeuse, élaborés ou entamés entre le seizième et le dix-huitième siècle, qu’ils désiraient influer sur les décisions de Paris relatives à une liaison par voie d’eau entre la France et l’Allemagne via la Belgique et enfin qu’ils privilégiaient le tracé direct LouvainLiège plutôt que celui traversant la Campine d’Ouest en Est. Les arguments qu’ils utilisent, basés sur la position géographique de la cité mosane, n’ont guère varié de nos jours : point de contact entre la France et l’espace germanique, carrefour des voies de communication Nord-Sud et Est-Ouest, centre commercial et industriel, zone de transit et de chalandise… Les autorités républicaines, désireuses de valoriser le port d’Anvers, estimèrent cependant par la suite que la liaison avec l’Allemagne devait s’opérer plus au Nord et entreprirent de creuser un canal vers la Meuse et le Rhin, par la Campine. Loin d’être achevés lorsque retentit le glas de Waterloo, ces travaux furent détournés ultérieurement et graduellement parachevés vers Rotterdam et non plus selon l’axe Ouest-Est. Ces documents de 1801 ont le mérite de nous faire remonter aux origines d’impératifs économiques qui n’ont pas cessé depuis de préoccuper la Belgique autant que ses voisins. A l’heure où l’on se soucie de moderniser les voies navigables, de tracer les itinéraires des trains à grande vitesse, de redéfinir les spécificités aéroportuaires et de baliser les “corridors” du développement, il n’est pas inutile de rappeler les risques que peuvent encourir les “oubliés” du progrès. Liège, ce 24 pluviôse an 9 [13 février 1801] L. Gasquy, négociant, aux Citoyens Président et Membres du Conseil communal Les fonctions intéressantes que vous remplissez aujourd’hui, citoyens, sont du genre de celles qui, en établissant l’ordre administratif, doivent concourir le plus immédiatement à l’amélioration des ressources de la commune et du sort actuel de ses habitants; vous désigner ce qui peut atteindre ce but intéressant, c’est être assuré que vous seconderez mes intentions par tous les moyens possibles. Le moniteur officiel du 26 nivôse [16 janvier 1801] dernier annonce que le Ministre de l’intérieur est chargé de présenter, dans le courant de germinal [marsavril] prochain, un rapport sur les moyens d’ouvrir une communication par eau entre Paris et la cidevant Belgique; ce projet est particulièrement avantageux aux départements réunis, en ce que par leur situation géographique ils se trouvent intermédiaires entre la Hollande, l’Allemagne et l’intérieur de la république; déjà les Consuls1 ont pris des mesures pour activer les réparations au port d’Anvers, afin de rendre son entrée facile, même aux vaisseaux de guerre de 50 canons; ce point servira d’entrepôt au commerce de la France avec la Hollande, et établira leur correspondance par eau à peu de frais et sans danger pour la navigation. Ce point de communication étant établi, il serait extrêmement utile d’accorder au commerce de l’intérieur le même avantage sur l’Allemagne inférieure, la Prusse, etc.; mais pour y parvenir, il serait nécessaire d’opérer par un canal la jonction de l’Escaut avec la Meuse; on pourroit même espérer à la suite la réunion des deux fleuves (la Meuse et le Rhin). Ce dernier projet n’est point une chimère, il fut exécuté en 1626 par Spinola, sous Elisabeth Eugénie, fille de Philippe II, gouvernante des Pays-Bas; ce canal s’étendoit depuis Rheinberg jusqu’à Venlo, et il ne seroit pas sans doute difficile d’en retrouver les vestiges2; mais laissons-le pour le moment, et revenons à l’utilité, à la nécessité même du premier dont l’exécution est indispensable pour établir le point de correspondance avec l’Allemagne, et activer nos ressources territoriales par la facilité des importations dans l’intérieur de la république. Louvain paroît être le point central qui doit servir à faire circuler les diverses branches de communications par eau dans les pays limitrophes, la jonction à l’Escaut étant opérée par le canal d’Anvers : le ci-devant gouvernement autrichien avait senti la nécessité de prolonger son canal jusqu’à la Meuse; il avait chargé en conséquence vers l’an 1784 le colonel des ingénieurs Debrou, d’en lever le plan et d’en faire le projet; ce projet, dont les deux extrémités étoient Louvain et notre faubourg Ste-Walburge, fut adopté par son gouvernement; il fut présenté aux cidevant états de Liège avec les moyens d’exécution pour être approuvé par eux; j’ignore par quelle fatalité nos états en ajournèrent l’exécution, il seroit maintenant pour nous le réparateur de nos pertes. Aujourd’hui, citoyens, on cherche à persuader au gouvernement, l’utilité, la nécessité même de son exécution; mais on voudrait le circonvenir en lui faisant adopter un point de correspondance différent. C’est bien ici l’occasion, citoyens, de faire valoir les titres nombreux de préférence que présentent l’état et les ressources de notre commune pour jouir de cette faveur; oui, citoyens, de puissants motifs nous assurent cette préférence. La justice la réclame vivement en faveur de notre commune, pour l’indemniser en partie des pertes immenses que la révolution lui a occasionnées; je m’abstiendrai de vous les retracer ici, citoyens, vous les connaissez comme moi; il me suffira de vous observer qu’elle n’a aujourd’hui pour toute ressource que le commerce et l’industrie. Tant de motifs se réunissent d’ailleurs pour décider le gouvernement à lui accorder cette préférence méritée ! Il n’est pas un département dans toute la république, qui par l’avantage de sa situation, la fertilité de son sol et l’industrie de ses habitants soit plus digne de protection et d’encouragement; le département de l’Ourte, qui comprend encore le beau pays de Limbourg3, compte plus de mines, d’usines, d’ateliers, de fabriques et de manufactures dans son sein, que tous les autres départements réunis; la Meuse, l’Ourte et la Vesdre le traversent, ces deux petites rivières le favorisent de coups d’eaux qui font tourner une immensité d’usines en tous genres, tels que fonderies, canonneries, marteaux, fenderies, fouleries, papeteries, moulins à farine, à bois pour la teinture, et aux écorces pour la tannerie : les bateaux peuvent longer tous les rivages de ces usines, charger et décharger sans qu’il en coûte aucun frais de charrois, ce qui ajouté au bas prix de la main-d’œuvre, lui donne un avantage réel sur toutes les autres fabriques de l’Europe. Eh ! Qui ne connoît pas les richesses de son territoire ? Les mines de houille y abondent, et rivalisent de qualité avec celles 9 Transporteur sur le quai de la Batte à Liège (début du 19e siècle). Vignette publicitaire gravée par Léonard Jehotte (Liège, Cabinet des Estampes) d’Angleterre, aujourd’hui même la Hollande s’en approvisionne en fait un objet de spéculation; les mines d’alun y sont nombreuses et longent la plupart les rivages de la Meuse, la qualité en est parfaite, et la quantité qui s’en fabrique passe généralement en Allemagne et dans l’intérieur4; les fours à chaux s’y multiplient chaque jour, leur produit suffit aujourd’hui à notre consommation et à celle de la Hollande. Sa manufacture d’armes à feu, si active, si étendue, peut être assimilée pour la perfection aux plus distinguées de l’intérieur, je crois même qu’aucune ne peut lui être comparée pour la célébrité de l’exécution; ses draps de Verviers, de Neau, etc., ne sont pas éloignés de la perfection de ceux de Sedan et d’Elboeuf, et se fabriquent à infiniment meilleur compte; les tanneries de Liège, de Malmédy et de Stavelot fournissent la haute Allemagne et les pays voisins, ses serges s’exportent en Hollande et concourent avec celles d’Angleterre à l’approvisionnement de ses provinces; les fabriques de clous sont extrêmement nombreuses et réputées pour leur bonne qualité; les hollandois leur donnent la préférence sur celles des pays limitrophes; il serait seulement à 10 désirer que l’exportation de ces objets de fabrique et d’industrie ne fut point entravée par des droits de sortie qui ne tendent à la fin qu’à leur faire perdre une concurrence méritée. Mais les moyens de transport sont généralement onéreux : nos grands chemins sont détériorés par les poids énormes des houilles, des fers, armes, clous, etc., que notre commerce fournit à l’étranger, les frais de voitures, de barrières, renchérissent sensiblement les denrées, et il est difficile de faire fructifier nos usines, nos fabriques et nos manufactures, et de leur procurer une préférence que leur état de perfection réclame, si on ne diminue ces frais de transport qui arrêtent les progrès de l’exportation. Nous serons favorisés de cet avantage, citoyens, si le gouvernement actuel, qui depuis son établissement, saisit tous les moyens de simplifier, d’étendre et d’améliorer les relations commerciales veut réunir l’Escaut à la Meuse en prolongeant le canal de Louvain5 jusqu’au faubourg de Liège, par la Campine, les villes de Hasselt et de Tongres : les pentes douces qui se succèdent d’une extrémité à l’autre, et qui nécessitent fort peu d’écluses, son sol généralement argileux, rarement sablonneux, sans rocs ni rocailles dont les terres peuvent s’enlever au louchet, sont que l’établissement de ce canal si utile, si nécessaire au département de l’Ourte, ne sera pas extrêmement coûteux, surtout si on compare son étendue, sa position, son sol, avec les difficultés qui ont été franchies pour la construction du fameux canal de Languedoc6. Le canal de Louvain à Liège aurait environ seize lieues de long. L’exécution, dirigée avec talent et économie, ne s’élèveroit pas en tout, en y comprenant l’achat des terrains, à un million huit cent mille francs. Qu’elle est légère cette dépense, si on la compare aux résultats avantageux qu’elle produira; alors seulement nous aurons l’espoir d’utiliser nos ressources territoriales et industrielles; alors, nos mines de houille, d’alun, de fer, nos fabriques de clous, de draps, de cuirs tannés, obtiendront un débouché facile sur la Belgique, la Hollande et la France; alors, nos bierres dont la bonne qualité est généralement reconnue pourront s’exporter sans frais, sans danger, et concourir, avec celles de la Belgique, à la consommation de ces différents pays : puisse se réaliser le vœu que je forme aujourd’hui pour sa prompte exécution; vous le partagez sans doute, citoyens ! et vous l’appuierez de tous les motifs et de toutes les considérations qui manquent à mon expérience. Puisse le digne chef de la république, le premier Consul jeter un regard de bienveillance sur un département qui s’est toujours distingué par son patriotisme et par son obéissance aux lois; puisse-t-il, lui tenir compte de ses sacrifices, en le favorisant de l’avantage que sa situation réclame. On m’objectera peut-être que les besoins du trésor public sont impérieux, et que l’exécution de monuments de ce genre peut être ajournée. Je conçois assez, citoyens, que le gouvernement qui a lutté jusqu’à ce jour contre tous les partis qui visoient à la domination exclusive, qui a dû faire face aux obligations qui surchargaient le trésor public et qui s’occupe constamment par la sagesse de ses dispositions, et par des sacrifices souvent nécessaires, à raviver la confiance générale, peut bien être dans l’impossibilité momentanée de fournir les fonds nécessaires à l’exécution de ce projet intéressant : dans ce cas, ne serait-il pas possible que par souscription, le commerce en fit les avances, moyennant une concession de la part du gouvernement du droit de péage pour un terme déterminé, et qui pourrait être fixé par un arrangement préalable. RAPPORT AU CONSEIL COMMUNAL DE LA COMMISSION NOMMÉE POUR ver de plus en plus l’utilité générale. L’EXAMEN DU PROJET RELATIF AU CANAL À ÉTABLIR, ETC. Citoyens collègues ! Vous avez nommé une commission spéciale pour examiner un projet qui vous a été présenté par un négociant de cette ville, et dont le but est de prolonger le canal de Louvain jusqu’à Liège, tant pour procurer l’écoulement, à peu de frais, des productions territoriales et industrielles de notre pays, que pour établir une communication directe de l’intérieur avec l’Allemagne par le grand chemin d’Aix-la7 Chapelle . Nous partageons unanimement le vœu de ce citoyen en faveur de ce projet, nous appuyons fortement les motifs de préférence qu’il a fait valoir pour y disposer le gouvernement, et avant de vous entretenir de la possibilité de son exécution, nous croyons même devoir vous présenter encore quelques considérations majeures, qui tendent à en prou- Le but qu’on veut atteindre par les canaux de navigation est d’établir la communication entre les différents pays et faciliter au moyen des rivières naturelles, un commerce prompt, facile et économique; en partant de ce principe, plus le point de jonction d’un canal à une grande rivière présente de rayons de correspondance8, et plus il est préférable; il est utile aussi que les productions territoriales et industrielles d’un pays auquel va aboutir un canal, servent à l’alimenter, et parviennent enfin à couvrir les dépenses de son établissement. Quel point plus que Liège réunit ces différents avantages ? Elle est la seule de toutes les grandes villes qui longent la Meuse depuis Namur jusqu’à Venlo, qui présente six grandes routes pavées comme autant de rayons, par lesquels elle communique par terre avec les départements de Sambre-et-Meuse et des Forêts par la chaussée de Namur : avec Atelier de cloutiers au 18e siècle (cliché Musée d’Armes de Liège) J’abandonne ces moyens d’exécution à vos lumières et à votre sagacité, citoyens; il me suffit de vous donner l’idée;… Je conclus enfin à ce que vous veuillez bien présenter votre vœu au gouvernement pour le prolongement du canal de Louvain jusqu’au faubourg de Liège, par la Campine, les villes de Hasselt et de Tongres. Recevez les assurances de ma considération particulière. Louis GASQUY 11 la Hollande par la route de Tongres et Hasselt sur Bois-leDuc : avec les Ardennes et le bas du département des Forêts par Spa et Stavelot : avec les départements de la Meurthe, de la Côted’or, etc. par le grand chemin de Ciney sur Givet : avec la Belgique, les départements du Nord, et l’intérieur, par la chaussée de St-Trond, Louvain, Bruxelles : et enfin avec les quatre départements et toute l’Allemagne, par la grande route d’Aix-la-Chapelle et de Cologne, qui présente les rayons nécessaires de communication sur la Westphalie, et la continue d’un côté par Bonn, Coblentz, la Suisse, l’Alsace, et de l’autre par la Lorraine. Quelle autre ville, dans tous nos environs présente les mêmes avantages de localités ? Sans doute, on ne les rencontrera ni à Namur, Huy, Visé, ni à Mastricht, Stockhem, Maseyck, ni à Ruremonde, ni à Venlo; ces villes ont tout au plus un ou deux grands chemins aboutissants, et aucune d’elles ne possède une communication directe sur l’Allemagne par un grand chemin pavé. Une autre observation milite encore en faveur de la jonction du canal projeté, à la Meuse, sur Liège; c’est que tous les pays qui longent cette rivière au-dessus de notre ville, sont généralement productifs, tandis que tout l’espace au-dessous, depuis Visé jusqu’à Venlo, ne produit rien, ou presque rien, et ne peut en conséquence entrer en compensation des frais d’exécution par l’importation de ses produits territoriaux; il n’est qu’un motif qui pourroit incliner le gouvernement à choisir le point de jonction sur Venlo, ce serait pour établir une communication directe avec l’Allemagne par le canal de Rheinberg9; mais le gouvernement sentira, comme nous, la nécessité d’utiliser les ressources que lui offrent le département de l’Ourte, ceux de Sambre-etMeuse et des Ardennes, qui situés au-dessus de la Meuse, pourront profiter du cours de cette rivière, navigable en tout temps jusqu’à Liège, pour faire descendre au canal les extractions considérables de leurs carrières de pierres et d’ardoises, et le produit de leurs mines, minières, fabriques et manufactures, pour de là les faire circuler dans la Belgique et autres pays limitrophes, où les communications par eau sont déjà établies. Il est encore à observer qu’outre les produits de nos mines, fabriques et manufactures, et ceux des départements situés audessus de nous sur la Meuse, qui pourront s’exporter au moyen du canal proposé, il servira aussi à nous amener, à peu de frais, et sans être obligés à une remonte de rivière plus ou moins difficile, les objets de notre consommation habituelle. Ceux-ci consistent, par approximation en deux millions de livres de café, qui nous arrivent par différentes issues maritimes, et dont nous fournissons tout le plat-pays qui nous environne, thé et sucre en proportion; trois millions de livres de laine d’Espagne, de Portugal et de Pologne, qui abordent par Ostende, Dunkerque, et pour fournir à l’activité de nos manufactures de draps; 180 à 200 mille pièces de cuirs secs en poils, expédiés de Cadix, de Rochefort et la Rochelle, pour servir aux besoins des taneries renommées de Liège, de Stavelot, de Malmédy, de Wils, de Huy, etc., ajoutons à cela, les eaux-de-vie de Cette10, les vins de Bordeaux, les huiles diverses, les drogues, les teintures, etc. (à suivre…) Claude GAIER, Directeur du Musée d’Armes de Liège (Cette étude a d’abord été publiée dans l’AIHE Revue, n° 102, avril 1999, p. 28-35 ; n° 103, juin 1999, p. 10-14) 1 Les trois dirigeants de la République française, désignés en 1800 : le premier consul Bonaparte et les deux consuls Cambacérès et Lebrun. 2 Les travaux de ce canal restèrent inachevés principalement en raison de la longue guerre opposant les Pays-Bas espagnols aux provinces du Nord (futurs Pays-Bas) qui avaient fait sécession. Elisabeth Eugénie, mieux connue aujourd’hui sous le nom de l’archiduchesse Isabelle, qui devint gouvernante des Pays-Bas en 1621. 3 Il s’agit ici, évidemment, non de la province de Limbourg actuelle, mais de l’ancien duché du même nom, à l’est de Liège. 4 L’alun jouait un rôle important dans l’industrie textile car il servait à fixer les teintures. 5 Le canal de Louvain unit cette ville à Anvers en suivant le cours de la Dyle, du Rupel et de l’Escaut. 6 Chef-d’œuvre du règne de Louis XIV, le canal du Midi (ou canal du Languedoc), qui unit sur 239 km, Toulouse à Agde, fut construit de 1666 à 1684. 7 Il s’agissait donc de prolonger l’axe fluvial projeté Anvers-Liège par le réseau routier préexistant, en l’occurrence la chaussée de Liège à Aix-laChapelle. 8 C’est-à-dire un nœud routier permettant la diffusion des matières et denrées amenées par eau et, à l’inverse, la concentration de celles, provenant de l’arrière-pays, et destinées à être acheminées par bateau. Déjà le principe à la mode d’aujourd’hui du transport multimodal ! 9 C’est-à-dire l’ancien canal de la Meuse au Rhin, creusé au dix-septième siècle. 10 Cette : Sète. 12 Voyage en Hollande avec le SIWE les 15 et 16 mai 2004 Patrick Viaene, Président du Stichting Industriele en Wetenschappelijk Erfgoed (SIWE) basé à Leuven, nous avait mitonné un splendide voyage de deux jours en Hollande à la découverte des machines à vapeur qui fonctionnent encore ainsi que du Boerhaave Museum à Leiden. Remarquablement organisé, ce voyage a enchanté les 21 participants (dont 7 membres francophones du PIWB). Malgré un départ très matinal (supportable en cette saison !), le voyage ne nous a pas paru long car émaillé de commentaires sur tout ce qui nous entourait tout au long de la route, depuis les villes (Rotterdam, Dordrecht, etc.), les ponts et les fleuves (Waal, Hollandse Diep, Maas, etc.) que nous traversions, jusqu'aux bâtiments extraordinaires et ouvrages d'art qui animaient le paysage. Le “Poldermuseum & Stoomgemaal De Hooge Boezem achter Haastrecht” (le Musée du polder & la machine d'épuisement à vapeur du réservoir supérieur derrière Haastrecht — une des premières installée en Hollande — entre Gouda et Utrecht) visité en premier lieu, nous a tout de suite mis dans l'ambiance qui règne dans ces petits musées tenus par une poignée de bénévoles enthousiastes et fiers de leur patrimoine. moteur diesel monocylindre horizontal Crosley de 1930 (qui a fonctionné jusqu'en 1982 pour un autre lieu d'épuisement) actuellement mis en mouvement par un moteur électrique judicieusement placé, le tout installé dans un local transparent. Le clou du musée est un énorme groupe moto-pompe électrique centrifuge de 250 m3 par minute de marque Stork fabriquée à Hengelo en 1913. A Medemblik où nous attendait une collation à la hollandaise (petits pains mous au fromage ou au jambon, et café), commença l'indigestion de machines à vapeur. Il y en avait de toutes les sortes : à un, deux, trois, … cylindres munis de plusieurs systèmes de régulation de la vitesse. On eut même droit à la mise en route d'un énorme groupe motopompe électrique double, grâce à l'électricité produite par une génératrice entraînée par une machine à vapeur Stork de 1919 démarrée préalablement. Le Zuiderzeemuseum à Enkhuisen, situé au bord du Zuiderzee (jalonné de dizaines d'éoliennes) fut une révélation ! Installé dans l'ancienne station de pompage à vapeur datant de 1872, ce musée nous initia au combat séculaire mené par la Hollande contre les eaux, à l'histoire du démergement et à la création des polders. Transportés par bateau jusqu'au rivage où sont installés trois fours à chaux alimentés par des coquillages calcinés, le groupe put se promener dans le musée de plein air (“Buitenmuseum”) durant plusieurs heures. Certains mêmes y savourèrent des concerts de jazz dans les ruelles pendant que d'autres découvraient les collections du musée couvert (“Binnenmuseum”). Au milieu d'un charmant village tout en longueur juché sur sa digue, le musée est signalé par un Le musée de plein air regroupe des dizaines de petites maisons (de pêcheur, de fermier, d'ouvrier REPORTAGE agricole, …), de commerces révolus (pharmacie ancienne qui présentait une collection d'enseignes de pharmacie “à la langue tirée”, pâtisserie avec salle de dégustation, …) et d'installations industrielles d'un autre âge (fumerie de poissons, fabrique de peintures décoratives, lavoir à la vapeur, …) autour de l'église où se donnent des concerts d'orgue, et reconstitue ainsi un village ancien aux ruelles typiques agréablement ombragées. Le logement à l'hôtel “De Keizerskroon” à Hoorn nous a permis, guidés par l'infatigable Patrick Viaene qui connaît bien les lieux, de découvrir cette charmante petite ville et d'y goûter tous ensemble à la cuisine hollandaise de haut de gamme. Le dimanche matin, après un copieux petit déjeuner, départ pour Zaanstad à l'ouest d'Amsterdam. Un architecte du cru, président de la FIEN (Federatie Industrieel Erfgoed), ami de Patrick Viaene, nous emmena à la découverte de cette vieille région industrielle méconnue où fleurissent les fabriques utilisant du cacao (Droste et Verkade notamment) : la “Cacao Valley” (à l'instar de la “Silicon Valley” en Californie, comme ils aiment le dire). De nombreuses anciennes usines et entrepôts y sont transformés en “lofts” : réaffectations réussies semble-t-il. Une centaine de moulins à vent sauvegardés et entretenus agrémentent l'ensemble. Après avoir longé les pistes de l'aéroport de Schiphol (situé à 6 mètres sous le niveau de la mer), la perle des stoomgemalen (sta13 tions d'épuisement à la vapeur) s'offrit à nos regards ébahis : CRUQUIUS ! ment) le pompes. mouvement des Une heure de visite nous a persuadés d'y retourner un jour plus longuement. IMPRESSIONNANT ! Cette machine de démergement, la seule qui reste des trois installées vers 1849 pour assécher en trois ans le Haarlemmermeer (lac de Haarlem, entre Haarlem et Amsterdam) et en faire un polder, porte le nom latin de l'auteur du projet, Nicolas Cruquius. Cette machine à vapeur gigantesque établie dans un bâtiment circulaire néo-gothique, est constituée d'un piston vertical de plus de 5 m. de diamètre (le plus grand du monde) qui actionne huit bras oscillants sortant du bâtiment, reliés à autant de pompes aspirantes classiques qui pompent l'eau dans des puits métalliques, à plusieurs mètres de profondeur. En 1932, la machine convertie en musée de l'histoire industrielle, a depuis été remise en état par des bénévoles et équipée en 2000 d'un système hydraulique moderne pour assurer (discrète- BREVE A Marston, dans le Cheshire, à quelques kilomètres des ascenseurs d'Anderton, se trouvent des salines pré-romaines qui ont fonctionné jusqu'en 1986. Elles sont installées le long du canal Trent & Mersey par où arrivait le charbon à bon marché et par où repartait le sel vers le monde entier (Indes, Canada, Amérique et Afrique). La première mine profonde de sel gemme fut créée à la fin du 18e siècle. A son apogée, il y eu six mines et plusieurs stations de pompage de saumure. 14 Une grande maquette très claire explique l'évolution de la création des polders depuis le 16e siècle jusqu'à la création en 1968 de Flevoland (dans le fond du Zuiderzee, maintenant l'Ijsselmeer), séparée de la terre par un large chenal pour laisser la navigation gagner les ports existants. Et à côté de la maquette, trône une majestueuse machine à vapeur à balancier fabriquée par … Cockerill ! La seule qui subsiste, paraît-il. Le voyage se termina en apothéose par la visite du musée des sciences Boerhaave à Leiden, qui, avec le musée technique de Delft et le Tijlermuseum d'Arnhem, constituent le trio de tête des musées scientifiques de Hollande. La promenade dans la ville sous un soleil radieux termina en beauté cet agréable voyage qui nous a permis aussi de nouer des contacts avec les membres du SIWE, bilingues pour la plupart (heureusement pour nous les francophones du PIWB : nous leur en savons gré !). Il faut dire que nous sommes loin d'avoir vu toutes les stations de pompages à vapeur de Hollande : Patrick Viaene nous a donné le désir d'y retourner voir, entre autres, Lemmer, la cathédrale de vapeur (en Frise) classée Patrimoine Mondial de l'Unesco. Merci encore Patrick ! Bruno VAN MOL, Président Les salines “Lion” en Grande-Bretagne Les Lion Salt Works ont gardé les méthodes victoriennes traditionnelles jusqu'à leur fermeture. Ces usines ont récemment été désignées comme Ancien Monument, au sein du secteur de conservation de Marston (Marston Conservation Area) et ont été choisies comme point d'ancrage britannique de la Route européenne du patrimoine industriel (European Route of Industrial Heritage, ERIH). Deux autres points d'ancrage sont situés dans le nord-ouest de l'Angleterre : le Musée de Science et d'Industrie de Manchester et le Musée Maritime de Liverpool. Un projet de restauration du site prévoit la remise en service d'un bac à sel pour refabriquer du sel suivant la méthode traditionnelle. Une journée de démonstration a eu lieu le 28 septembre 2003 avec le soutient du Heritage Lottery Fund. Contact : Lion Salt Works Trust, Ollershaw Lane, Marston Cheshire CW9 6ES. www.lionsaltworkstrust.co.uk (Extrait de Old Glory, Vintage Restoration Today, n° 163 de septembre 2003, p. 54) Une visite à Remicourt Cette année, l'assemblée générale de PIWB du 4 septembre 2004 s'est tenue dans les locaux du Musée de la Hesbaye, où nous avons été accueillis par M. Daniel Pirotte, son conservateur. Le Musée de la Hesbaye est une remarquable réalisation par l'importance du patrimoine industriel qu'il rassemble. La qualité et la richesse de ses collections relatives à la Société des Ecrémeuses Mélotte offrent un exemple unique dans le domaine de l'industrie mécanique agricole. Il faut en effet se souvenir que ce modeste village niché dans la plaine hesbignonne, terre de grandes cultures où alternent céréales et betteraves a été, est aujourd'hui encore le siège de la plus ancienne et la plus importante industrie de fabrication mécanique dans le domaine d'équipement de laiterie. Il faut se reporter à la fin de ce 19e siècle riche en innovations techniques et en créations d'industries pour situer l'importance de l'entreprise Mélotte dont le nom est devenu célèbre bien au-delà de nos frontières. Mélotte est le patronyme d'une famille d'artisans constructeurs de moulins puis de machines agricoles qui a élu domicile à Remicourt, opportunément situé sur la ligne de chemin de fer Liège-Bruxelles, pour y installer un atelier de fabrication mécanique. La période des années 1880 a été fertile en inventions mécaniques dans le domaine laitier, les techniques d'écrémage du lait connaissent une véritable révolution dans l'application de la force centrifuge à la séparation de la crème du petit lait, étape essentielle dans la préparation du beurre. Lefeldt puis Burmeister, en Allemagne, et de Laval en Suède mettent progressivement au point une écrémeuse centrifuge travaillant en continu. L'écrémeuse centrifuge et les découvertes contemporaines de la microbiologie laitière se situent en effet à la charnière de l'émergence d'une industrie laitière en fournissant un flux continu de REPORTAGE Vue des usines Mélottte à Remicourt vers 1905 (illustration tirée de PIROTTE : Mélotte, un siècle et demi d'histoire et d'industrie, p. 20) matière première et les moyens techniques de contrôler les processus de fermentation dans les productions beurrière et fromagère. Jules Mélotte, informé des progrès de l'écrémage par centrifugation par l'agronome Laurent Chevron, professeur à l'Institut Coupe dans une écrémeuse (illustration tirée de catalogues de la firme) 15 Agronomique de Gembloux et vulgarisateur dynamique, eut l'idée de concevoir, et de breveter en 1888, un dispositif d'écrémage original pour réduire l'énergie dissipée par frottement constatée dans les modèles existants : le système à “bol suspendu”. A la fois ingénieux et entreprenant, cet autodidacte s'initia aux techniques les plus modernes de fabrication méca- nique de précision pour développer la production de son écrémeuse à l'échelle industrielle. Sa machine acquit une solide réputation internationale, son usine se développa rapidement, Remicourt est devenu un des principaux centres industriels de construction de mécanique agricole de notre pays ; jusqu'à 1.200 travailleurs y ont été occupés. Les fabrications de l'usine ont suivi l'évolution de ce secteur en construisant barattes, trayeuses mécaniques et installations complètes de traite automatisée avec citerne réfrigérée. Dispositif d'écrémage centrifuge Mélotte breveté à “bol suspendu” (illustration tirée de catalogues de la firme) Le mérite du Musée de la Hesbaye est d'avoir sauvegardé, et d'exposer, un très important patrimoine industriel, non seulement une impressionnante collection de machines qui couvre la totalité de la production de l'usine remicourtoise, mais également les archives de cette importante entreprise qu'il a pu sauvegarder. Le musée est aménagé dans l'ancienne maison communale du village. Publication : Daniel PIROTTE, 2003 : Mélotte, un siècle et demi d'histoire et d'industrie, Edition du Musée de la Hesbaye, Remicourt, 112 pages richement illustrées. Jean-Jacques VAN MOL, Ecomusée de Treignes BREVE A Hannovre-List, dans d’anciens locaux de la célèbre biscuiterie Bahlsen s’est installé l’hôtel Dorint (qui fait partie d’une chaîne d’hôtel allemande) dans lequel les anciennes machines à vapeur qui actionnaient les génératrices de courant électrique ont 16 En Allemagne, le patrimoine industriel des biscuiteries Bahlsen été conservés et font partie du décor. Une de ces machines construites par K. & Th. Möller de Brackwede date de 1910. D’autres machines à vapeur du même fabricant sont conservées à l’extérieur à Bielefeld-Senne et devant l’ancienne centrale électrique de Bielefeld. (Extrait de Old Glory, Vintage Restoration Today, n° 163, septembre 2003, p. 35) “De l’usine au musée” – Colloque au GrandHornu, le 14 septembre 2004 Organisé conjointement par l’AFMB (Association francophone des Musées de Belgique) et MSW (Musée et Société en Wallonie), ce colloque nous a permis d’entendre plusieurs communications intéressantes sur la réaffectation d’usines en musées en Europe, certaines étonnantes. rendez-vous en 2006 (année du cinquantenaire de la catastrophe) pour l’inauguration du bâtiment de la recette rénové. L’intéressante vue axonométrique, projetée en séance, de l’ensemble des bâtiments existants et à venir est publiée dans le numéro 2 du trimestriel Nouvelles du Bois du Cazier. Nathalie Vanmunster, architecte, licenciée en histoire de l’art et d’archéologie de l’Université de Liège, nous a brossé un tableau aussi complet que possible de ce qui s’est fait en matière de réaffectation du patrimoine industriel immobilier en institutions muséales. Des sites étonnants ont été montrés comme le cape de Bordeaux (ancien entrepôt), le lieu unique à Nantes (dans les anciennes biscuiteries Lu) ou encore le musée Zeppelin dans une gare désaffectée à Hambourg. L’architecte D. Snauwaert a présenté l’installation du CAC, futur Centre d’Art Contemporain dans l’immeuble, dû à l’architecte Blomme, des anciennes Brasseries Willemans à Bruxelles. Sa communication repose sur un article très fouillé de 46 pages publié en 2003 dans Art & Fact, la revue des historiens de l’art, des archéologues, des musicologues et des orientalistes de l’Université de Liège, numéro 22/2003 qui a pour titre “Musées : on rénove !” P. Henrion a ensuite évoqué le contexte réglementaire et juridique de la réaffectation. Jean-Louis Delaet a parlé des projets d’extension en cours du site du Bois du Cazier à Marcinelle, dont il est directeur, et nous a fixé Aucune échéance n’est encore fixée mais les idées fusent ! Freddy Joris, administrateur de l’Institut du Patrimoine Wallon (IPW) à Namur, a traité du rôle de l’institut en matière de réaffectation. On a ainsi appris que l’IPW s’intéresse de près au bâtiment du triage-lavoir de Péronnes-lez-Binche ainsi qu’au charbonnage de Cheratte. Affaires à suivre. Une anglaise de Newcastle, S. Reid, nous a entretenu (dans un anglais “coulé”...) du passé et présent de la réutilisation de bâtiments en musées. COLLOQUE Saint-Hubert, a parlé “sur des charbons ardents” des problèmes rencontrés lors du remaniement des bâtiments du musée. Sa communication est reprise dans la revue Art & Fact citée ci-dessus. André Gob, professeur à l’Université de Liège, a présenté la centrale électrique Montemartini à Rome qui, pendant les travaux du musée Palatin, a servi d’hébergement provisoire d’antiquités romaines entre les énormes moteurs diesel conservés in situ avec leur odeur de cambouis. A l’issue des travaux au musée Palatin, la centrale électrique a été maintenue comme musée permanent, bien fréquenté. Et pour terminer les communications, Chantal Dassonville, architecte à la Communauté Française, a parlé du MAC’s, Musée des Arts contemporains au Grand-Hornu, dont elle a suivi les travaux pour le maître d’ouvrage. Intéressante journée que j’ai pu prolonger par la lecture de la revue Art & Fact – Musées : on rénove qui traite de plusieurs autres sujets non abordés au colloque. Bruno VAN MOL, Président Elle a même évoqué les “friches muséales en devenir” en parlant des échecs encourus en GrandeBretagne. Damien Watteyne, conservateur du Fourneau Saint-Michel à 17 REPORTAGE Les hauts-fourneaux des anciennes usines Boël à La Louvière... suite et fin Une vue des hauts-fourneaux, 1999 (coll. Archives de la Ville de La Louvière) vent et à gaz, les planchers de coulée et les bâtiments auxiliaires avaient également été couchés et découpés par les méthodes classiques (chalumeau, cisaille mécanique, ...). 18 Une vue du HF6, juillet 2004 (coll. Archives de la Ville de La Louvière) Les deux premiers hauts-fourneaux dataient du début du XXe siècle (mise à feu en 1912) alors que les quatre suivants étaient apparus respectivement en 1930, 1939, 1958 et 1972. Le HF n°6 produisait, par un creuset d’un diamètre de 6,5 m. et des équipements plus performants, un tonnage de fonte équivalent à celui des installations préexistantes. Construit par Gutehoffnungshütte (GHH), il présentait un Le 29 septembre 2004, le paysage de La Louvière change radicalement et définitivement. Le rideau tombe en effet sur le site des hauts-fourneaux (HF) des anciennes usines Boël avec le dynamitage du n°6. Les Louviérois avaient déjà progressivement vu disparaître par dynamitage les 5 premiers hauts-fourneaux et les 14 cowpers (cylindres verticaux nécessaires à la mise à température du vent). Les structures de chargement des matières premières (manutention, pesage, criblage des minerais, coke et additions) ainsi que les collecteurs à volume utile de 825m3 et disposait de 16 tuyères de soufflage équipées pour injection d’hydrocarbures. Le vent soufflé aux tuyères à un débit de 100.000 Nm3/h avait une température de 1100°C acquise grâce à 3 cowpers Matin & Pagenstecker. Le refroidissement des réfractaires s’effectuait par ruissellement, “channel cooling” et boîtes. On signalait encore l’existence d’un gueulard de chargement à double cloche et d’une automatisation électrique centralisée. En février 1997, date de son arrêt définitif, la production de fonte du HF n°6 était de 1700 tonnes par jour. Cet arrêt mettait un terme définitif à la production d’acier brut par la “filière fonte” à La Louvière. Pour des raisons de stratégie, de sécurité, d’esthétique et d’économie (à la veille du dernier dynamitage, 12.500 tonnes de ferrailles avaient déjà été récupérées à l’usage du four électrique), les responsables de Duferco ont décidé de raser ce site. Afin de conserver une trace de ces témoins importants de l’histoire industrielle régionale, un partenariat a été mis en place entre Duferco et les Archives de la Ville de La Louvière. Pendant plus d’un an, ces dernières ont donc suivi pas à pas les travaux de démolition du site. Ce faisant, elles poursuivent leur effort de préservation de ce qui fait ou a fait l’Histoire de l’entité louviéroise. Qu’il nous soit donc permis de remercier chaleureusement pour leur collaboration Messieurs Antonio Gozzi, Albert Lembourg, Francis Moreau, Patrice Chevalier, Emile Henrard, et Duferco La Louvière. Thierry DELPLANCQ, Archiviste de la Ville de La Louvière Contact et informations : Archives de la Ville de La Louvière, 125 rue de l’Hospice à 7110 Houdeng-Aimeries. Tél. : 064/21.39.82 Fax : 064/26.57.76 [email protected] Bibliographie A. LEMBOURG, “Mémo. Abattage du haut-fourneau 6 par dynamitage le 29 septembre 2004” (document inédit). Th. DELPLANCQ, “La destruction des hauts-fourneaux des anciennes usines Boël. Un peu de La Louvière qui disparaît”, dans Bulletin trimestriel de l’asbl Patrimoine Industriel Wallonie-Bruxelles, 2003, n°55, p. 2-7. Le dynamitage du HF6, 29 septembre 2004 (coll. Archives de la Ville de La Louvière) Chute d'une cheminée, 17 septembre 2004 (coll. Archives de la Ville de La Louvière) 19 PUBLICATIONS Jacques LIÉBIN, Bois-du-Luc : un charbonnage hainuyer du XVIIe au XXIe siècle / préf. de Hervé Hasquin. – Hainaut Culture et démocratie, 2004. – 117 p. : ill. en noir et en coul., couv. ill. en noir et en coul. ; 22 cm. Glossaire. Bibliogr. p. 113-115. Après une introduction historique sur l’industrie charbonnière dans le Hainaut, J. Liébin retrace les différentes étapes de la “vie” et de l’évolution de la société du Bois-du-Luc, véritable joyau historique de notre patrimoine, de sa création en 1685 à sa liquidation en 1973. Sauvé de la disparition, la rénovation de ses infrastructures a donné naissance à l’heure actuelle à l’Ecomusée régional du Centre. Renseignements : ASBL Hainaut Culture et démocratie, Boulevard Charles Quint, 5 bis, 7000 Mons. Tél. 065 / 31 49 63 – Fax 065 / 32 11 07. E-mail : [email protected]. Site Internet : www.hcd-asbl.be. Prix : 20 € + frais de port. 20 Marie-Thérèse COENEN, Colette HUBERTY, Florence LORIAUX et al., Les cadences infernales : histoire de la pénibilité du travail – Bruxelles : Centre d’animation et de recherche en histoire ouvrière et populaire, 2003. – 135 p. : ill. en noir, couv. ill. en coul. ; 30 cm. Bibliogr. p. 131-132. – ISBN 2-9600319-3-8. Les acquis sociaux engendrés au cours des deux siècles derniers laissent place à l’heure actuelle à une nouvelle dégradation des conditions de travail. L’histoire de la “pénibilité” du travail retrace le parcours des affrontements qui ont opposé compétitivité et conditions de vie et de travail meilleures. Le travail, quel qu’il soit, peut revêtir un caractère pénible. Mais à l’heure où l’on cherche des réponses à apporter aux nouvelles formes de souffrance au travail, un éclairage historique à cette problématique était indispensable, en replaçant dans leur contexte les différentes formes qu’a revêtues la pénibilité du travail, leurs causes, leurs caractéristiques et leurs conséquences, ainsi que les réponses qui y ont été apportées. “[…] Si les conditions de travail se transforment, les problèmes qu’elles soulèvent restent toujours présents”. Renseignements : Centre d’animation et de recherche en histoire ouvrière et populaire, rue des Moucherons 3 à 1000 Bruxelles. Tél. 02 / 514 15 30 – Fax. 02 / 514 35 57. Prix : 15 € + frais de port. Clément BARTHELEMY, Arcangelo SCHENA et André RENSON, Les canaux du Centre : une histoire, un style – [s.l.] : MET : Ed. du Perron, 2003. – 208 p. : ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul. ; 30 cm. – (Profils; 8). Bibliogr. p. 207. – ISBN 2-930148-79-9. En Hainaut, les voies navigables ont toujours revêtu une importance capitale dans le développement économique et social de la région tout au long de son histoire. Entre autres joyaux de ce patrimoine : le canal du Centre et ses ascenseurs aménagés pour doper le caractère touristique de ce site dont le parcours est jalonné de ponts, d’écluses, de bâtisses abritant tantôt les différents services et administrations, tantôt le personnel employé pour la gestion de ce canal. En vente en librairie : 30 €. Jean-Claude BESSAC, Odette CHAPELOT, Raffaël DE FILIPPO, Alain FERDIÈRE, Florence JOURNOT, Daniel PRIGENT, Christian SAPIN et Jacques SEIGNE, La construction : les matériaux durs : pierre et terre cuite - Nvelle éd. rev. et augm. – Paris : Errance, 2004. – 208 p. : ill. en noir, couv. ill. en coul. ; 24 cm. – (Archéologiques). Glossaire. – ISBN 2-87772-159-0. Les restes des constructions anciennes sont les premières choses qui nous apparaissent du passé. Les vestiges des bâtiments que construisirent les hommes forment le témoignage le plus visible de leur ancienne présence. Grâce à des méthodes mises au point ces dernières années, l’étude des constructions est à même d’enrichir nos connaissances. Un mur peut posséder une histoire complexe, qu’il faut savoir lire depuis l’extraction de la pierre jusqu’aux techniques de construction. En vente en librairie. Jean PUISSANT (préface) et Jean-Jacques VAN MOL (éd.), Fonderies de fer et poêleries – Treignes : Ecomusée du Viroin ; Bruxelles : Université libre de Bruxelles, 2004. – 128 p. : ill. en noir, couv. ill. en coul. ; 24 cm. ISBN 2-9600330-1-9. Renseignements : Editions Dire. – Rue de la gare 81 – 5670 VIROINVAL. Tél. 060 / 39 96 24. E-mail : [email protected]. Les préparations culinaires et le confort domestique ont connu leur révolution au début du 19e siècle avec la généralisation du poêle et de la cuisinière en fonte. Toutes les classes sociales sont concernées. A travers cet événement, c’est aussi une industrie qui prend son essor dans tout le pays et plus précisément dans la région couvinoise qui en fut un des pôles les plus importants. Marie CEGARRA, Olivier CHOVAUX, Rudy DAMIANI, Gérard DUMONT, Jean-René GENTY et Janine PONTY, Tous gueules noires : histoire de l’immigration dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais – Lewarde : Centre historique minier du Nord-Pasde-Calais, 2004 – 160 p. : ill. en noir et en coul., couv. ill. en noir et en coul. ; 27 cm. – (Mémoires de Gaillette, ISSN 1245267X ; 8). Bibliogr. p. 157159. – ISBN 2-9515692-4-6. A travers ce livre, le lecteur est invité à découvrir l’histoire de l’immigration telle qu’elle fut organisée par les entreprises responsables de l’exploitation minière dans le bassin du NordPas-de-Calais, des origines des mines au XVIIIe siècle jusqu’à la fin des années 1970. L’histoire des cinq principales vagues d’immigration y est richement illustrée. Les différents modes de recrutement des mineurs belges, algériens, polonais, italiens et marocains, les conditions de leur installation dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, leur mode de vie et leurs pratiques communautaires y sont abordés successivement. Renseignements : Centre Historique Minier – Fosse Delloye – BP39 – 59287 LEWARDE (Tél. 0033 (0)3 27 95 82 82 Fax : 0033 (0)3 27 95 82 83). Prix : 22,90 € + 3,20 € de frais de port. Vies de pierres : la pierre ornementale en Belgique : état de la question – Sprimont : Pierres et marbres de Wallonie, avril 2002. – 212 p. : ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul. ; 29 cm. Glossaire. Bibliogr. p. 212213. – ISBN 2-9600294-0-2. Renseignements et commandes : Pierres et marbres de Wallonie (asbl) – Rue J. Potier, 54 – 4140 Sprimont. Tél. 04 – 382 32 69 – Fax : 04 – 382 32 68. E-mail: [email protected] Site Internet: www.pierresetmarbres.be. Prix : 45 € (possibilités de réductions). La pierre est un des matériaux de prédilection de la création architecturale en Belgique. Elle a favorisé le développement dans notre région d’une industrie extractive plusieurs fois centenaire et aussi de toute une série d’activités connexes. Cet ouvrage se divise en trois parties : un ensemble de “billets d’humeur” et de réflexions livrés par des professionnels de tous horizons (architectes, philosophes, géologues, etc.) au sujet de la pierre, suivis d’un répertoire de projets et d’applications dans le domaine de l’aménagement des espaces publics et des espaces verts, celui de l’architecture ou encore de l’aménagement intérieur et enfin, un dossier technique pour le professionnel, présentant le vaste éventail des couleurs, textures et structures qu'offrent les pierres et marbres wallon. Bruno GUIDOLIN, documentaliste au CLADIC 21 MULTIMEDIA A l'initiative de la Maison des Sciences de l'Homme de Paris, en partenariat avec le Ministère de la Culture, la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) Rhône-Alpes et le concours de la Ville de Lyon, la Fondation Berliet a participé à l'édition d'un coffret intitulé “Mémoires Industrielles” comprenant deux disques CD-Rom : Disque I : “Patrimoine Industriel en France” Il existe un nombre infini de situations, où on observe un état plus ou moins avancé de destruction, révélant en même temps l'attitude que l'on a eue à l'égard de ce legs de l'industrie. Si l'industrie a disparu d'un territoire, c'est peut-être parce que l'activité s'est déplacée dans une autre région, parce que la ville a voulu s'embellir ou s'assainir, ou qu'il y a appropriation à des fins domestiques. Même dans ce cas, l'industrie peut demeurer présente dans la mémoire ou l'imaginaire des habitants du lieu, alors qu'il y a parfois dénégation. Sous la direction scientifique de Jean Pierre Daviet et Yannick Lecherbonnier, de l'Université de Caen, avec la collaboration des différentes DRAC en France, ce disque explique la démarche de la recherche en matière de patrimoine industriel en France. Il comprend 329 sites repris sur une carte et 1.300 clichés légendés en provenance des services de l'inventaire général et un heure quinze minutes de vidéo. Entre la vie et la mort, la mémoire de l'industrie peut être de différentes natures : Les auteurs distinguent le patrimoine matériel du patrimoine immatériel. J'ai relevé ce texte sur le patrimoine matériel : - bâti conservant, au prix de quelques transformations, la même activité : la question est de savoir pourquoi justement on l'a conservé et adapté, ce qui n'est pas indifférent, - Entre conservation et destruction Le patrimoine industriel tel qu'il s'offre aujourd'hui à nos yeux peut être vivant, y compris d'une vie détournée de sa fonction première, mais aussi désaffecté ou en attente d'un hypothétique devenir. Lorsqu'elle cesse toute production, l'usine, plus que tout autre élément du patrimoine, est menacée. La nature a tôt fait de rependre ses droits et la rouille trouve ici une victime de choix. Très souvent se posent aussi des problèmes de sécurité, voire d'environnement. L'usine en ruine ne dégage pas toujours le charme et l'attrait de la mine romantique que peuvent offrir, de manière plus immédiate, les vestiges d'un château ou d'un édifice religieux. La nouvelle ruine d'aujourd'hui peut susciter l'émotion, inspirer l'imagination, mais elle peut aussi être perçue comme un reproche et avec gène. 22 Un cédérom “Mémoires Industrielles” - souvenir de toponymie, noms de rue, de villages ou hameaux : la glacerie, la verrerie, les forges, le martinet, - friche, - usine en cours de démolition, - ruine plus ou moins à l'abandon, ruine, mais protégée, visitable parfois, partiellement restaurée, - bâti reconverti dans une autre fabrication industrielle : on a toujours conservé et adapté, pour des raisons d'économie, - bâti ayant été transformé pour un usage non industriel, et là tout est concevable. - Conservation : que faire de l'usine arrêtée ? D'une façon générale, l'usine arrêtée et tombant peu à peu en ruine est porteuse de valeur négative, d'où l'alternative : tout démolir, ou réhabiliter. Démolir, c'est faire disparaître tout lien physique avec les références mentales toujours présentes. L'usine désaffectée peut faire l'objet d'une reconversion industrielle, mais, pour les ateliers du XIXe siècle, de telles reconversions ne sont pas toujours faciles : dispersés à la campagne, souvent éloignés des grands axes de circulation, construits sur plu- sieurs niveaux, ces ateliers ne répondent plus aux besoins actuels d'aménagement des sites qui voient la verticalité céder à l'horizontalité, bien que des architectes élaborent des projets de reconversion avec des aménagements multimodaux. On peut alors offrir à l'usine des usages autres qu'industriels : habitat - usine d'aiguilles de Mérouvel à L'Aigle, manufactures de tabac à Issy-les-Moulineaux, Nancy, Marseille, Nantes, Bordeaux, Lyon, Toulouse – établissements publics (archives du monde du travail à Roubaix, école d'architecture à Rouen, faculté de droit à Lille, usine d'allumettes à Aix) – ou plus fréquemment musées – forge d'Aube, taillanderie de Nans-sousSainte-Anne, corderie Valois à NotreDame-de-Bondeville – dans lesquels les machines sont parfois remises en fonctionnement. En reconnaissance d'un intérêt historique, d'une qualité architecturale, de la notoriété d'une production, accompagnement d'une volonté de valorisation, le patrimoine industriel peut être protégé au titre de la loi sur les Monuments Historiques, cette protection concernant parfois des usines toujours en activité, comme l'usine Bohin à Saint-Sulpicesur-Risle, ou la filature, puis usine d'ouate, à Athis-de-l'Orne. La protection relève tantôt d'un classement, tantôt d'une inscription. Elle est parfois due à la présence d'un élément architectural particulier. Cet état de plus ou moins grande destruction n'est pas neutre quant à ses effets sur la mémoire collective. Certaines destructions, d'abord bien acceptées peuvent ensuite donner lieu à des regrets : ce fut le cas dans des lieux hautement symboliques comme Longwy ou la plaine du Creusot. C'est pourquoi on cherchera alors parfois à reconstruire une mémoire matérielle, en créant un musée, une initiative émanant souvent de la municipalité ou d'une association : à Montceau-les-Mines, par exemple, on a commencé par raser le chevalement, pour créer un musée de la mine quelques années plus tard. C’est tout un travail de recomposition de l'imaginaire social qui se fait alors par les voies les plus sinueuses. Produits et marchés Le patrimoine matériel ne comprend pas seulement des sites et des machines. Ce patrimoine est aussi constitué de produits destinés à des marchés. S'il a existé une industrie, c'est bien parce qu'elle était en mesure de fournir des biens considérés à leur époque comme utiles ou désirables pour tel ou tel type de marché, sans négliger les industries dites de luxe. Il serait frustrant de s'intéresser à un lieu de production sans avoir une idée de son utilité pour la société, et sans prendre en compte les chemins qu'a suivi le produit pour arriver jusqu'à un consommateur plus ou moins lointain. On peut s'interroger d'abord sur le lieu où on peut voir ces produits, et plus largement sur les lieux de mémoire de ces produits. Dans certains cas, un ancien site productif est devenu musée industriel. Dans d'autres, le musée regroupe des collections spécifiques d'objets sans être installé pour autant dans une ancienne usine. Parfois, ces objets industriels sont visibles dans un paysage : tuyauteries, éléments de poteaux et de ponts, plaques et colonnes métalliques, parfois simple plaque d'égout, revêtements de murs et de toitures... Ils peuvent être aussi monuments sans fonction ni vocation industrielle, mais utiliser des produits industriels : verrières, décors ou mobiliers... Ces objets font parfois directement partie du site industriel : ils sont alors cheminées ou immeubles et utilisent des matériaux : tuiles, ardoises, briquesfabriqués non loin de là. En ce sens, le bâti peut être considéré comme produit industriel, tout comme la ville ellemême... Dans d'autres cas, ces objets circulent sur un marché, et intéressent le monde des collectionneurs : porcelaine, faïence, grès, briques estampées du XIXe siècle, objets de verre, montres et horloges, bijoux, vieilles bicyclettes, motos et voitures, anciens appareils photos... L'intervention de l'antiquaire démontre la valeur marchande du produit, mais c'est aussi le signe du travail de mémoire effectué autour de l'objet. Parfois, le produit subsiste à travers l'iconographie ou la publicité qui l'entoure : affiches, marques et logos... Autant de figures emblématiques devenues mythiques dans l'imaginaire du grand public : le Bibendum de Michelin, le double chevron de Citroën, le chocolat Menier, la cigogne des Potasses d'Alsace, l'étoile de la bière d'Armentières. Dernier cas de figure, la mémoire reste vivante en ce sens que le produit reste fabriqué dans la même région, même les techniques de production ont évolué. Même en cas de restructuration industrielle et financière, on veut conserver une marque, qui signifie quelque chose pour le consommateur. Ainsi, les Bugatti du XXIe siècle produites sous la férule du géant Volkswagen seront construites à Molsheim, patrie de leurs glorieuses ancêtres. Comprendre le patrimoine industriel amène nécessairement à s'intéresser à la vie des objets, même apparemment anodins, dans une histoire de la consommation. Quand sont-ils apparus sous une certaine forme ? Et pour qui ? Quel a été leur rayon de diffusion ? Dans de nombreux cas, comme l'automobile, par exemple, celle-ci a été progressive, la demande ayant d'abord été le fait d'une élite. Les économistes du XIXe siècle emploient l'expression de luxe démocratique pour dire qu'une diffusion est en cours, au fur et à mesure d'un abaissement du coût de fabrication, inséparable du progrès technique. Des phénomènes de substitution ont eu lieu, par exemple avec les matières plastiques ou les textiles synthétiques. L'étude des produits ouvre trois perspectives. fabrications. Il existe des produits relativement standardisés, des produits innovants, d'autres enfin sont produits à la demande d'un client particulier.” disque 2 : “Berliet le camion français est né à Lyon” Sous la direction de Patrick Fridenson, directeur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales de Paris, il raconte l'histoire automobile à travers l'expérience originale de la Fondation Berliet. Il est composé de nombreuses interviews, d'une base de données de 1.100 photos, catalogues, affiches et de 20 films publicitaires d'époque. Le coffret est disponible au prix de 38 € + frais d'envoi auprès de SYRINX, 4 rue Gabriel Péri, F-78220 Viroflay – Tél. : 01 39 07 26 26 – Fax : 01 30 24 49 43, ou auprès de la FONDATION DE L'AUTOMOBILE MARIUS BERLIET, 39, rue Esquirol, F-69 Lyon. NB : J'en possède un que je prêterai volontiers pour le visionner. Bruno VAN MOL, Président La première est relative à l'histoire de la vie quotidienne et de la civilisation matérielle, dans la mesure où on veut savoir ce que l'industrie a changé dans la vie des hommes : alimentation, vêtements, maison, culture et loisirs, déplacements... La deuxième touche les transports car, plus les marchés s'élargissent, plus les localisations industrielles sont influencées par la qualité des liaisons avec des centres consommateurs, par mer, voie fluviale, chemins de fer, routes. En schématisant, on peut dire que l'on a d'abord produit un peu de tout dans chaque région, puis les régions se sont spécialisées, et enfin, on est passé au stade de la mondialisation. La troisième renvoie au monde de la production : la qualité du produit, le soin apporté à satisfaire des clients ne sont pas à séparer de l'organisation même des 23 NOUVELLES Nos confrères du SIWE vzw (asbl) (Stichting voor Industriëlle en Wetenschappelijke Erfgoed – Fondation pour la connaissance du patrimoine industriel et scientifique, plate-forme du patrimoine industriel en Flandre et à Bruxelles, subventionné par la communauté flamande) publient une revue SIWE Magazine ainsi qu’une lettre trimestrielle SIWE Nieuwsbrief, toutes deux fort intéressantes (et compréhensibles pour ceux qui manient tant soit peu la langue flamande). Le SIWE anime aussi un intéressant site internet www.siwe.be, sur lequel ils passent en revue (en flamand seulement, pour le moment) leurs publications. Je relève cette recension d’une publication dont je vous livre une traduction personnelle (j’espère qu’elle ne l’est pas trop !). “Zénobe Gramme, Journées d'étude Amay, 26-27 avril 2001”, Bulletin scientifique de l'Association des Ingénieurs Electriciens sortis de l'Institut Montefiore, 2002, 3-4. Ce numéro spécial du Bulletin comprend les textes des principales communications données durant les deux jours du colloque international qui s’est déroulé à Amay en 2001 à l’occasion du centième anniversaire de la mort de Zénobe Gramme, fabricant à l’échelle industrielle de la première dynamo. 24 Nouvelles du SIWE Les communications suivantes furent données. Flandre dans cette assemblée internationale). Andres KLEINERT, Johann Salomo Christoph Schweigger (1779-1857), un précurseur allemand méconnu dans le domaine des machines rotatives électriques. L’article donne un aperçu de la vie et des travaux de Polydore Lippens (1810-1889). Comme collaborateur du Musée de L'Industrie à Bruxelles, il a construit en 1841 une première locomotive électrique. Philippe TOMSIN, Faits et questions à propos de Zénobe Gramme et de ses recherches et inventions. Jean-Claude BAUDET, Electricité et revues spécialisées au temps de Zénobe Gramme. Roger PIERARD, La Marine, utilisatrice de la dynamo Gramme. René LEBOUTTE, L'Industrie électrique dans l'économie européenne, 1860-1914. Jacques LE BRETON, La conservation et la restauration des machines électriques. Pol PIROTTE, Hier, aujourd'hui, demain. Quelques considérations techniques inspirées par l'invention de Zénobe Gramme. Louis MARAITE et Christine RASIR, Parcours Zénobe Gramme. La Route de l'Electricité. André CRESENS, Polydore Lippens, acteur méconnu sur la scène du Musée de l'Industrie. Cette étude est basée sur les archives du Musée des Postes et Télécommunications récemment consultées par l’auteur (président du SIWE, qui représentait la Parmi ses nombreuses inventions, mentionnons la sonnette électrique et le télégraphe électrique qui porta son nom. Lorsqu’en 1850 l’Etat Belge dota les lignes de chemin de fer de télégraphes électriques, il porta son choix sur l’appareil de Lippens. Il fut aussi co-fondateur de la Société Belge d'électriciens. Au Musée de l'Industrie, Floris Nollet était aussi actif : il projeta avec succès une première machine magnéto-électrique. Cette machine fut construite par Van Malderen dans les ateliers parisiens de la Société l'Alliance, où en 1860 Zénobe Gramme vint en service comme ébéniste ! Un exemplaire d’une de ces machines construites par l'Alliance se trouve au Deutsches Museum à Munich. Bruno VAN MOL La création du canal du Centre Aussi loin que l’on remonte dans le temps, le problème des voies de communication a toujours été d’actualité, ne fut-ce que pour des raisons économiques. Aux XIIe et XIIIe siècles, Bruges et Gand, reliées à la mer par des canaux, connurent un développement économique important. Toutefois, il faudra attendre la fin du XVe siècle pour que des régions situées à l’intérieur du pays fassent de même. A titre d’exemple, on citera le Borinage qui expor- la libre circulation de la production régionale (céréales, pierre, chaux, bois, charbon, etc.) est entravée par une multitude de contraintes. Par exemple, le droit de péage réclamé par les communes pour l’utilisation de “pavés” routiers. La création d’un canal favoriserait considérablement l’écoulement de la production et toute la province du Hainaut bénéficierait de l’accélération des échanges com- ETUDE la bonne marche des armées de l’Empereur. Le temps des projets Il s’agissait, dans un premier temps, de relier les bassins industriels de Mons et de Charleroi à l’ensemble du réseau fluvial vers Paris, via l’Escaut et la Sambre. Pour ce faire, plusieurs projets furent élaborés. Le premier à être mis en chantier fut celui du canal reliant Mons à Condé. Com- Strepy-Bracquegnies. Le bâtiment des machines et l’ascenseur n° 3 (photo : R. Willame) tera son charbon (découvert au XIIIe siècle) vers les Flandres grâce à trois cours d’eau : la Haine, la Scarpe et la Lys. Vers 1550, la Haine fut canalisée et pourvue d’écluses à Jemappes, Saint-Ghislain et Boussu. Déjà, l’idée de créer un canal germait dans l’idée de certaines personnes. L’Europe du XVIIIe siècle est à l’aube de la révolution industrielle et déjà, les partisans de “l’esprit nouveau” regrettent le manque de canaux. Il est vrai que merciaux. Malheureusement, si les idées sont nombreuses sous le régime autrichien, rien de concret ne sera fait et il faudra attendre le régime français pour que des études plus poussées soient élaborées. Les guerres napoléoniennes et le blocus maritime instauré par les Anglais rendent nécessaire le développement d’un commerce intérieur, orienté vers les possessions françaises. Pour des raisons militaires, le fer et le charbon produits dans nos régions étaient indispensables à mencé en 1807 et ouvert partiellement en 1814, ce canal ne sera terminé que sous le règne de Guillaume Ier en 1818 . L’ingénieur Piou, véritable cheville ouvrière de ce tracé, rejoint Mons et Condé en ligne droite, favorisant de ce fait les bassins houillers du Borinage, au détriment des charbonnages de Houdeng et du Bois-du-Luc. Une liaison Mons-Sambre sera mise à l’étude, Napoléon voulant faire parvenir à Paris, grâce au 25 26 canal de Saint-Quentin, les ardoises, fers, marbres et autres produits des régions de Namur, Liège et Charleroi ; tout en procurant des débouchés aux mines de Houdeng et de Mariemont. En 1811, l’ingénieur en chef Hagneau, fut chargé des études définitives. Il retint deux projets. Un tracé par la Trouille, résultant d’une dérivation de la Sambre par Marpent, Grand-Reng, Givry, Harmignies, Spiennes et Mons. Le canal aurait une longueur de 27 kilomètres et 33 écluses rachèteraient une pente de 96 mètres. Le second projet, plus audacieux, serait établi autour de la Haine et du Piéton. Le tracé partirait de la Sambre, près de Marchienne, remonterait le Piéton vers Pont-à-Celles via Godarville pour ensuite traverser (sous terre) la crête de Chapelle, avant de rejoindre Mons par la Haine traversant ainsi les communes de Morlanwelz, Haine-Saint-Pierre, Saint-Vaast, Obourg, Havré et Nimy. Quarante-six écluses, réparties sur les 53 kilomètres du tracé, compenseraient une différence de niveau de 24 mètres sur la Sambre et de 91 mètres sur la Haine. deng et de Mariemont demanderont à être raccordés à ce dernier. La révolution belge stoppa pour un temps projets et travaux. La désastreuse campagne de Russie et la chute de l’Empire qui s’ensuivit firent que jamais ces projets ne furent concrétisés. Avec le congrès de Vienne de 1814-1815, la Belgique est réunie à la Hollande. En 1826, suite à la demande de Guillaume Ier, Rémi de Puyd étudie différents projets élaborés autour d’une modification du tracé par la Trouille. Deux d’entre eux partent d’Erquelinnes, passent par Grand-Reng ou Peissant, pour rejoindre le canal Mons-Condé à hauteur de Jemappes. L’infrastructure maritime se développe en Hainaut. Le canal MonsCondé est ouvert en 1814, la Sambre est canalisée en 1825, les travaux de construction du canal Charleroi-Bruxelles débutent en 1827. Les charbonnages de Hou- Vraisemblablement, il s’agit là de la toute première ébauche du futur canal du Centre. Malheureusement, une fois encore, le projet avorta. De 1841 à 1879, l’Etat Belge étudiera des solutions alternatives au creusement de canaux : créations de routes et de voies ferrées. Avec l’instauration de l’Etat Belge, les négociations reprirent et en 1832, le projet définitif des embranchements fut transmis au gouvernement. Commencés en 1836, les dits embranchements furent inaugurés par Léopold Ier, le 5 août 1839. Par la suite, deux hypothèses furent émises quant à la création d’un nouveau canal. Elles seront totalement différentes. La première, proposée par Monsieur Dubois-Nihoul le 18 novembre 1840, devait théoriquement aplanir tout différent entre les régions du Centre et du Borinage, le nouveau canal les desservant toutes deux. Long de 28 kilomètres et riche de 28 écluses, il devait passer par Merbes-Sainte-Marie et l’abbaye de Bonne-Espérance. La seconde hypothèse, plus élaborée, fut proposée par l’ingénieur Vifquain, le 9 février 1841. Le tracé du canal partirait de Goegnies pour rejoindre le canal de Mons par la Haine et le Thiriau. Le canal du Centre Après avoir joué un rôle important sur le marché français, le charbon belge perd du terrain au profit des houilles anglaises qui envahissent le marché parisien en 1859. D’autre part, les charbons sarrois concurrencent les charbons belges dans l’est de la France. Dès 1877, il paraît impératif d’améliorer les transports par voies fluviales et ce, aux fins de lutter efficacement contre la concurrence étrangère, tant en France qu’en Belgique. Le 28 mars 1877, une délégation composée d’économistes et de politiciens tente de convaincre Auguste Beenaert, alors Ministre des Travaux Publics, du bienfondé d’un canal dans la région du Centre. Tentative honorable, mais vouée à l’échec. Il est vrai que la traversée de la région du Centre pose un problème en raison d’une différence de niveau de 96 mètres. Entre-temps, en France, l’approfondissement de la Seine entre Paris et Rouen, permet une réduction du coût des transports, qui profite tout naturellement à l’Angleterre. Une situation qui inquiète fortement les capitaines d’industries de la région de Charleroi. En effet, la navigation entre Charleroi et Paris, par la Sambre et l’Oise, est souvent interrompue. Le volume des exportations baisse considérablement. La solution idéale à tous ces problèmes serait la création d’un canal qui permettrait une meilleure exportation vers Paris et la Basse-Seine pour les charbonnages du Centre et vers Bruxelles pour les mines du Borinage. En 1879, Monsieur Sainctelette, Ministre des Travaux Publics, décide d’élargir le canal Charleroi-Bruxelles et de faire la jonction entre la Sambre et l’Escaut par le bassin du Centre. C’est à l’ingénieur anglais Edwin Clark, qui a réalisé l’ascenseur hydraulique d’Anderton, que revient l’honneur de présenter le projet définitif du tracé entre Mons et Houdeng. Les premiers travaux de terrassement commencent en juillet 1882. La progression est lente, tant les difficultés financières sont nombreuses. Ainsi, à la fin de l’année 1883, si les travaux sur la section comprise entre Mons et Thieu sont bien avancés, rien n’est encore mis en chantier entre Thieu et La Louvière. En février 1884, les plans définitifs de l’ascenseur n°1, conçu par la Maison Clark, sont terminés. La société Cockerill (Seraing) réalise rapidement les premiers essais des cylindres en acier. Et pourtant, la décision de construire l’ouvrage d’art n’est pas encore tombée, le gouvernement étant partagé par le fait des élections législatives du 11 juin 1884. Ce n’est que le 31 décembre de la même année que De Marceau, Ministre des Travaux Publics dans le gouvernement formé par Auguste Beernaert, annonce enfin aux représentants des industries charbonnières que la question des ascenseurs est résolue et que l’étude de la section de La Louvière est terminée. Quatre mois plus tard, le 1er mai 1885, les terrassements et la maçonnerie de l’ascenseur n°1 sont confiés à la firme Martiaux, Hanssens et Bauwens, pour la coquette somme de 705.000 francs de l’époque. Il faudra encore attendre six mois pour que la réalisation de la partie métallique de l’ascenseur soit confiée aux usines Cockerill. Le coût des travaux est alors évalué à 862.000 francs. En 1887, les travaux sont suffisamment avancés et l’ascenseur fait l’objet d’excursions. Si la région du Centre est au cœur de l’actualité du fait des travaux, elle l’est tout autant de par son aspect social. En 1886, le Parti Ouvrier Belge favorise la création des “Ligues Ouvrières”. Création rendue d’autant plus facile que le taux de chômage et la misère sont aussi importants que les salaires sont bas. Des dissensions internes au P.O.B. favoriseront la création, le 14 août 1887, du Parti Socialiste Républicain Belge et ce, à l’initiative d’Alfred Defuisseaux. Celui-ci préconisera une grève générale pour l’obtention du suffrage universel. C’est donc dans une atmosphère tendue que le 4 juin 1888, S.A.R. Léopold II viendra inaugurer l’ascenseur n°1. Lors du retour du souverain vers la gare de Houdeng, Paul Conreur s’écrie : “A bas le roi ! A bas Cobourg ! Vive la république ! Vive le suffrage universel !”. L’agitateur, l’un des lieutenants d’Alfred Defuisseaux, est immédiatement arrêté et transféré devant les Assises du Hainaut à Mons. Le 17 octobre 1888, Paul Conreur est accusé d’outrage à Souverain et de délit politique. Il sera condamné à un an de prison avec sursis et à 300 francs d’amende. Il faudra attendre dix-neuf ans après l’inauguration du premier ascenseur pour que la liaison Mons-Charleroi soit définitivement terminée. Diverses raisons furent invoquées pour tenter d’excuser ce retard : l’impossibilité de retenir l’eau dans le canal “Weet je nog, koempel ?” Parution au Pays-Bas des premiers numéros d’une très belle série de 18 fascicules destinés au grand public, consacrés à l’histoire des mines du Limbourg néerlandais. Le premier fascicule, vendu au prix de 3,95 euros, traite de la vie quotidienne dans les familles de mineurs. Il est rédigé par Jac van den Boogard. Le deuxième fascicule traite de la vie au fond de la mine et est l'œuvre de Jan Finger. Les thèmes abordés ensuite sont, dans l'ordre de parution, SainteBarbe, la découverte du gisement, la sécurité, les techniques souterraines, les croyances et les associations, le commerce du charbon et le chauffage au charbon, les techniques en sur- entre Thieu et Bracquegnies, l’apparition de fissures dans l’ascenseur n°4 à Thieu, etc. Malgré tout, les travaux progressent et lorsqu’en août 1914, les troupes allemandes envahissent la Belgique, les trois derniers ascenseurs sont pratiquement achevés. Il ne fallut pas longtemps aux autorités allemandes pour comprendre tous les avantages qu’elles pourraient tirer d’une voie de communication comme le canal du Centre : transport de matériel militaire vers la France, etc. En août 1917, le canal était ouvert à la navigation sur toute sa longueur. Les années qui suivirent la libération virent des industries de pointe s’établir à proximité de la voie navigable : sidérurgie, cimenterie, construction automobile, etc. ! (Le présent article a fait l’objet d’une première diffusion dans le journal “La Nouvelle Gazette, édition du Centre”, le 24 mai 1986.) A lire : Votre canal a cent ans, La Louvière, Ecomusée régional du Centre, 1985 et Les canaux et chemins de fer charbonniers dans le Centre, t. 1 : les canaux, publication du Cercle d’Histoire et de Folklore Henri Guillemin, Haine-Saint-Pierre, 1982. Alain DEWIER, Ecomusée régional du Centre PUBLICATION face, les rapports entre patrons et ouvriers, la mono-industrie, la formation professionnelle, l'immigration, les guerres, les corons, la formation du charbon, les fermetures et enfin l'héritage. 27 PATRIMOINE INDUSTRIEL WALLONIE-BRUXELLES Association sans but lucratif fondée en 1984 Bulletin périodique trimestriel Publié avec l’aide de la Communauté Française Siège social : Halles du Nord Rue de la Boucherie, 4 B-4000 LIEGE (Belgique) Tél. : 04/221.94.16 ou 17 Fax : 04/221.94.01 Conseil d’administration Président : Vice-présidents : Secrétariat : Trésorier : Membres : Bruno VAN MOL Jean-Louis DELAET Claude GAIER A.S.B.L. Grand-Hornu Images (Maryse WILLEMS) Jacques CRUL Jean DEFER, Claude DEPAUW José DUPONT Claude MICHAUX Guido VANDERHULST Guénaël VANDE VIJVER Jean-Jacques VAN MOL Le conseil d’administration et le secrétariat de rédaction vous présentent ses meilleurs voeux pour l’année 2005 ! 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VAN MOL Brève : Les salines “Lion” en Grande-Bretagne Reportage : Une visite à Rémicourt, par J.-J. VAN MOL Brève : En Allemagne, le patrimoine industriel des biscuiteries Bahlsen Colloque : De l’usine au musée – Colloque au Grand-Hornu, le 14 septembre 2004, par B. VAN MOL Reportage : Les hauts-fourneaux des anciennes usines Boël à La Louvière, par T. DELPLANCQ Publications, par B. GUIDOLIN Multimédia : Un cédérom “Mémoires Industrielles”, par B. VAN MOL Nouvelles : Nouvelles du SIWE, par B. VAN MOL Etude : La création du canal du Centre, par A. DEWIER Informations pratiques Table des matières 28 2 2 3 8 13 14 15 16 17 18 20 22 24 25 28 28