La transat des Class40

Transcription

La transat des Class40
La transat des Class40
Le départ de la 9e édition de Québec/Saint-Malo a été donné hier après-midi au Canada. Si
le plateau des 26 engagés est éclectique, la flotte des Class40 en constitue le cœur. La nuit
dernière, les costauds de cette série remontaient en tête le Saint-Laurent dans le sillage de
Gonzalo Botin sur Tales 2.
Publié le : 11/07/2016 - 00:06
par Louis Villers
Avec 19 Class40 sur 26 engagés, la flotte des Class40 sauve la Transat Québec/Saint-Malo 2016.Photo @ DR
Dimanche 10 juillet. Ciré rouge sur le dos, Alain Gautier traverse l’écluse d’un pas rapide
pour rejoindre Generali, le Class40 sur lequel il s’apprête à disputer la 9e Transat
Québec/Saint-Malo. Il était déjà là en 1984, au milieu des multicoques géants de Mike
Birch ou Loïc Caradec. Présent aussi à la grande époque des trimarans de 60 pieds, avec
les Cammas, Desjoyeaux et autres Guillemot. En ce jour de départ pluvieux, il lance un
regard furtif vers la flotte : «Je ne vois pas comment cette transat pourrait encore exister
sans les Class40.» Constat évident et partagé par les organisateurs de la course.
En effet, cette Class40 sauve la Transat Québec/Saint-Malo 2016. Sans elle, seuls quatre
multicoques de 50 pieds, un monocoque et deux Ultime proposeraient une régate
déséquilibrée et sans intérêt. Sur les pontons, le public québécois n’a d’yeux que pour
cette classe, jeune et dynamique. «Les bateaux sont beaux, les skippers accessibles et
sympathiques. On a hâte de suivre leur course !»s’enthousiasme Michel, venu avec ses
deux filles. Plaisir partagé pour les 19 équipages qui profitent pour la première fois d’être
au centre de l’attention d’une course océanique mythique.
«Sauver» la course au large
L’idée de cette classe est née il y a une dizaine d’années. Face aux budgets conséquents
des trimarans et monocoques de 60 pieds, il fallait offrir l’opportunité à des sponsors plus
modestes de financer les projets de navigateurs moins connus du grand public. Jacques
Fournier, premier président de l’association Class40, se souvient : «L’idée était simple :
créer une classe de bateaux fiables, rapides, et bon marché, capables de participer aux
grandes courses océaniques.» Présentée officiellement au Salon nautique 2005, le succès
est immédiat, puisque moins d’un an plus tard, 25 Class40 s’alignent sur la ligne de départ
de la Route du Rhum 2006, soit un tiers de la flotte… Un succès qui ne surprend pas
l’ancien président : «L’argent n’a jamais été un moteur de performance sur cette classe.
Nous avons une jauge très précise qui va dans ce sens : pas de moulins à café, pas de
carbone pour la coque, appendices mobiles interdits…» Au fil des courses, le nombre de
Class40 augmente au point de devenir largement majoritaire sur la Transat Québec/SaintMalo 2016 (19 bateaux sur 26 au total).
Après The Transat bakerly, le Japonais Hiroshi Kitada participe à Québec/Saint-Malo en Class40 sur
Kiho.Photo @ DR
Copains de classe
Autre succès de la Class40 : sa convivialité, en partie due à la grande diversité de ses
skippers. Une diversité qui rappelle avec nostalgie les premières années de la course au
large française, sorte de «melting-pot» de grands noms de la voile, de jeunes plein
d’espoir et de passionnés d’aventure. On dort dans les bateaux, on se file des coups de
main, on boit des coups ensemble. Bien loin de l’époque des grosses écuries ORMA. A
Québec, cette année, la bête curieuse des pontons s’appelle Hiroshi Kitada. Ce riche
patron japonais de 50 ans possède depuis plusieurs années un grand voilier «avec un microondes, un frigidaire, une douche, et beaucoup de filles à bord». En 2014, il découvre la
Route du Rhum, un déclic : «J’ai tout de suite voulu goûter à la compétition et retrouver
les valeurs de l’effort.» Quelques mois plus tard, il s’achète un Class40 et participe à
l’une des transatlantiques les plus difficiles : The Transat bakerly, soit la Transat anglaise.
«Je suis arrivé bon dernier, mais j’ai mis moins de temps qu’Eric Tabarly en 1964 ! Et je
peux vous dire qu’après toutes ces souffrances, le Saké a un bien meilleur goût !» Autre
animateur de cette épreuve : le benjamin de la compétition, Jules Bonnier. A tout juste
20 ans, il attaque sa première transatlantique en course : «J’ai toujours rêvé de devenir
marin professionnel. Pour se lancer dans la course au large, il y a la Mini-Transat, mais
elle est peu médiatisée. Il y a aussi le Figaro, mais cela nécessite un investissement à
temps plein. Avec le Class40, je peux courir la Route du Rhum, la Transat Jacques Vabre,
et la Québec/Saint-Malo. A mon âge, régater face à Alain Gautier, c’est un rêve !» Plaisir
partagé pour l’intéressé. «Ce mélange d’amateurs éclairés, de jeunes espoirs et de vieux
loups est bénéfique pour tout le monde. Ca me fait penser à l’esprit Paris-Dakar, qui
mélange amateurs et pros. Tout le monde ne peut pas prétendre à la victoire, mais
chacun peut réaliser son rêve.»
Convivialité à terre, bagarre sur l’eau
Les caractéristiques techniques assez similaires des bateaux promettent une lutte
acharnée sur l’eau vers la Bretagne. Phil Sharp, vainqueur de la première Route du Rhum
ouverte aux Class40, «voit bien six ou sept potentiels vainqueurs», comme Thibaut
Vauchel-Camus (Solidaire en Peloton-ARSEP), Armel Tripon (Black Pepper-Les P'tits
Doudous), Phil Sharp (Imerys), Gonzalo Botin (Tales II), Maxime Sorel (V and B) ou encore
Isabelle Joschke (Generali-Horizon Mixité) qui fera équipe avec Alain Gautier. La descente
du Saint-Laurent promet d’être passionnante à suivre. Les skippers devront jouer avec les
courants, slalomer entre les OFNIS comme les baleines et faire face à des conditions
météorologiques difficiles. Si le trimaran Ultime Spindrift (qui partira mardi) reste le
bateau le plus impressionnant de la flotte, nul doute que le grand public, pour une fois,
suivra plus les Class40.
Après avoir abandonné lors de The Transat bakerly, après un superbe parcours, Isabelle Joschke et son
équipage, dont Alain Gautier, ont une revanche à prendre.Photo @ DR
Un plateau éclectique pour un parcours atypique
La Class40 est surreprésentée, avec 19 concurrents sur la ligne de départ. Ils sont partis
accompagnés de quatre Multi de 50 pieds, et 1 Classe Open (Guadeloupe Dynamique,
monocoque de 50 pieds de Luc Coquelin). Deux Ultime (Musandam Oman Sail et Spindrift)
viendront compléter le plateau. Dans la catégorie des Class40, il faudra suivre de près
Armel Tripon (Black Pepper-Les P'tits Doudous), Thibaut Vauchel-Camus (Solidaire En
Peloton-ARSEP), Louis
Duc (Carac), Isabelle
Joschke(Generali-Horizon
Mixité), Phil
Sharp (Imerys), Gonzalo Botin (Tales II), Maxime Sorel (V and B). Du côté des Multi50, trois
équipages peuvent sérieusement prétendre à la victoire : Lalou Roucayrol(Arkema), Gilles
Lamiré (French Tech Rennes Saint-Malo) et Thierry Bouchard (Ciela Village). La flotte
devra dans un premier temps parcourir les 371 milles du fleuve Saint-Laurent jusqu’à
Percée. Une première partie de course qui s’annonce difficile, avec de forts courants, un
grand nombre d’OFNIS à éviter, du brouillard et beaucoup de près. Une fois sortis du SaintLaurent, la flotte n’aura plus qu’à tracer une longue ligne droite jusqu’à Saint-Malo. D’où
l’importance de passer au plus vite la dernière marque de parcours avant l’océan : SaintPierre-et-Miquelon.
A 20 ans, le jeune Jules Bonnier est le skipper de Cora-Moustache Solidaire.Photo @ DR
Départ mardi pour les Ultime
Si les conditions météo le permettent, le départ de la Classe Ultime, qui compte deux des
plus grands trimarans de course au monde, Spindrift (Yann Guichard) et le
MOD70 Musandam Oman Sail(Sydney Gavignet), sera donné mardi. Une décision qui permet
de réduire les écarts d’arrivée à Saint-Malo. Notons aussi que la Classe Ultime devra passer
deux marques de parcours supplémentaires : les îles de la Madeleine et le phare du
Fastnet. Deux marques de parcours qui ne devraient pas empêcher Spindrift, si tout se
passe bien, de battre le record de l’épreuve détenu depuis plus de vingt ans par Loïck
Peyron (7 jours, 20 heures et 24 minutes). Enfin, à noter aussi la présence de Stéphane Le
Diraison qui, à bord de son IMOCA 60, participe à cette course en solitaire de manière à
effectuer sa qualification pour le prochain Vendée Globe. Il doit aussi rejoindre la flotte
au passage de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Documents pareils