LE BAN Le roi, chef incontesté, dispose du pouvoir d`établir pour ses

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LE BAN Le roi, chef incontesté, dispose du pouvoir d`établir pour ses
ÉVOLUTION DU BAN ET DU SERVICE D’OST
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LE BAN
Le roi, chef incontesté, dispose du pouvoir d’établir pour ses sujets des règles positives (obligation de faire) ou négatives (interdiction de faire). « Afin
que nul n’en ignore », il importe que le roi fasse universellement connaître
ses décisions. La procédure du ban lui permet cette entreprise de communication verticale.
Le ban — mot directement issu du vieil allemand Bannjan, signifiant proclamer — donne ainsi aux premiers rois mérovingiens, qui ont puisé cette
procédure dans leur passé germanique, un pouvoir de commandement pratiquement sans limites.
Lorsque le ban a pour objet spécifique l’annonce d’une obligation militaire,
il porte le nom particulier d’hériban (ou herisban). Par cette proclamation,
le roi convoque ses sujets à l’ost, pour une campagne 1.
Les rois carolingiens gardent la procédure du ban à leur usage exclusif, comme
leurs prédécesseurs mérovingiens.
Après eux, le pouvoir royal se décomposera, à mesure que se développera le
système de la féodalité. L’autorité, autrefois émanant d’un seul homme, sera
alors morcelée, chaque seigneur féodal récupérant à son niveau une parcelle
de l’ancienne autorité royale.
Un grand feudataire, vassal du roi, sera dans son fief le suzerain de seigneurs de moindre importance, à qui il aura conféré des tenures. Ces arrièrevassaux seront, à leur tour, suzerains de « moindres seigneurs » encore. Le
banage (ou droit de ban) descendra ainsi en cascade à tous les niveaux de la
féodalité 2.
1 - L’hériban est aussi l’amende de 60 sous d’or que doit payer celui qui ne se rend
pas à la convocation à l’ost.
2 - Dans la ville franche, le collège municipal (composé du bourgmestre, des
échevins et des marguilliers) aura aussi, à l’instar des seigneurs féodaux, le droit
de ban destiné à faire connaître à ses administrés les prescriptions à appliquer.
Ce droit de ban s’étendra, tout autour de la ville, sur une distance variable, mais
généralement égale à une lieue (4 à 5 kilomètres). Ce territoire, égal à une lieue
de ban, constituera la banlieue.
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LE SERVICE DE L’OST
Sous les Mérovingiens et les Carolingiens, le roi, seul détenteur du banage,
convoque à l’ost ceux de ses sujets susceptibles de répondre à ce service.
L’armée ainsi composée est relativement homogène, chacun des hommes
d’armes se trouvant réunis sous une bannière unique, la bannière royale.
Avec le développement ultérieur de la féodalité, les choses vont se compliquer. En effet, les tenures nobles 3 se retrouvent en forme de pyramide, chaque niveau de cette pyramide multipliant les fiefs jusqu’au dernier degré de
vassalité.
A chacun de ces niveaux, un seigneur aura, dans son fief, droit de ban et
d’hériban, et devra aussi répondre à l’hériban de son suzerain.
Au plus haut niveau de la pyramide, l’armée royale ainsi constituée ressemblera à une collection de poupées russes. Elle comprendra en effet :
— le contingent personnel du roi, seigneur en son propre domaine;
— les armées des grands feudataires, chacune d’elles comprenant à son
tour :
– le contingent personnel du grand feudataire, seigneur en son domaine;
– les troupes des arrières vassaux,
- et ainsi de suite, jusqu’aux derniers seigneurs bannerets (explication de ce mot page ci-contre).
Il est évident que le commandement d’une telle armée ne sera pas facilité,
chaque guerrier ne devant obéissance qu’à son propre seigneur.
La situation sera rendue plus complexe encore par le fait que le service d’ost
d’un vassal n’est dû, chaque année, que pour une durée prédéterminée, de
l’ordre de quelques semaines. Le roi court ainsi le risque de voir une partie
de ses troupes quitter l’ost, en plein cœur d’une expédition militaire, son
feudataire ayant accompli la totalité de son service d’ost !
3 - il s’agit des tenures de chevalerie (ou de chevalier), possessions sous condition
de service militaire, différentes des tenures de roture, détenues sous condition
de service autre que militaire.
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Pour pallier cette double difficulté de commandement pyramidal et de défection potentielle d’une partie de ses troupes, le roi aura recours à deux
procédés qui se succéderont dans le temps :
– la procédure de l’arrière-ban. C’est un droit de ban qui s’applique
non seulement aux vassaux directs du roi (les grands feudataires), mais
aussi à ses arrière-vassaux (les vassaux du feudataire). Ainsi tous les
guerriers appelés à l’ost royal par ban et arrière-ban sont-ils placés
sous l’unique bannière royale, et pour un temps indéterminé dépendant
de la seule volonté du roi. Utilisé dans des circonstances de nécessité
majeure, la procédure d’arrière-ban facilitera la prise en mains des troupes, mais ne résoudra pas totalement le problème crucial des défections éventuelles, même quand celles-ci seront punies d’amende.
– le rachat du devoir d’ost. A la fin du Moyen Age, il deviendra alors
possible, à chaque niveau de féodalité, de remplacer le service d’ost
réel par une contribution financière. Ces fonds ainsi collectés permettront au suzerain de recruter des mercenaires qui formeront une armée
professionnelle, ne dépendant que de lui, et permanente — tout au moins
tant qu’elle sera rémunérée …
LA BANNIÈRE
Le mot dérive directement de celui de ban. La bannière est l’enseigne sous
laquelle se rangent les vassaux appelés au service d’ost.
Un simple chevalier se présente avec son équipement complet. L’une de ses
armes, la lance, est normalement équipée, en pointe, d’un pennon triangulaire rappelant son identité.
Un chevalier est « banneret » s’il peut « lever bannière », c’est à dire s’il
possède des vassaux à convoquer en service d’ost. L’extrémité de lance d’un
chevalier banneret n’est plus alors ornée du pennon triangulaire, mais d’une
« bannière », qui est de forme carrée 4.
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4 - « Couper la pointe du pennon » est la locution imagée que sous-tend la
transformation d’un simple chevalier en seigneur banneret, c’est à dire la
concession d’un fief en tenure noble, avec des vassaux.
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