LE BAN Le roi, chef incontesté, dispose du pouvoir d`établir pour ses
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LE BAN Le roi, chef incontesté, dispose du pouvoir d`établir pour ses
ÉVOLUTION DU BAN ET DU SERVICE D’OST 54 LE BAN Le roi, chef incontesté, dispose du pouvoir d’établir pour ses sujets des règles positives (obligation de faire) ou négatives (interdiction de faire). « Afin que nul n’en ignore », il importe que le roi fasse universellement connaître ses décisions. La procédure du ban lui permet cette entreprise de communication verticale. Le ban — mot directement issu du vieil allemand Bannjan, signifiant proclamer — donne ainsi aux premiers rois mérovingiens, qui ont puisé cette procédure dans leur passé germanique, un pouvoir de commandement pratiquement sans limites. Lorsque le ban a pour objet spécifique l’annonce d’une obligation militaire, il porte le nom particulier d’hériban (ou herisban). Par cette proclamation, le roi convoque ses sujets à l’ost, pour une campagne 1. Les rois carolingiens gardent la procédure du ban à leur usage exclusif, comme leurs prédécesseurs mérovingiens. Après eux, le pouvoir royal se décomposera, à mesure que se développera le système de la féodalité. L’autorité, autrefois émanant d’un seul homme, sera alors morcelée, chaque seigneur féodal récupérant à son niveau une parcelle de l’ancienne autorité royale. Un grand feudataire, vassal du roi, sera dans son fief le suzerain de seigneurs de moindre importance, à qui il aura conféré des tenures. Ces arrièrevassaux seront, à leur tour, suzerains de « moindres seigneurs » encore. Le banage (ou droit de ban) descendra ainsi en cascade à tous les niveaux de la féodalité 2. 1 - L’hériban est aussi l’amende de 60 sous d’or que doit payer celui qui ne se rend pas à la convocation à l’ost. 2 - Dans la ville franche, le collège municipal (composé du bourgmestre, des échevins et des marguilliers) aura aussi, à l’instar des seigneurs féodaux, le droit de ban destiné à faire connaître à ses administrés les prescriptions à appliquer. Ce droit de ban s’étendra, tout autour de la ville, sur une distance variable, mais généralement égale à une lieue (4 à 5 kilomètres). Ce territoire, égal à une lieue de ban, constituera la banlieue. 359 54 ÉVOLUTION DU BAN ET DU SERVICE D’OST LE SERVICE DE L’OST Sous les Mérovingiens et les Carolingiens, le roi, seul détenteur du banage, convoque à l’ost ceux de ses sujets susceptibles de répondre à ce service. L’armée ainsi composée est relativement homogène, chacun des hommes d’armes se trouvant réunis sous une bannière unique, la bannière royale. Avec le développement ultérieur de la féodalité, les choses vont se compliquer. En effet, les tenures nobles 3 se retrouvent en forme de pyramide, chaque niveau de cette pyramide multipliant les fiefs jusqu’au dernier degré de vassalité. A chacun de ces niveaux, un seigneur aura, dans son fief, droit de ban et d’hériban, et devra aussi répondre à l’hériban de son suzerain. Au plus haut niveau de la pyramide, l’armée royale ainsi constituée ressemblera à une collection de poupées russes. Elle comprendra en effet : — le contingent personnel du roi, seigneur en son propre domaine; — les armées des grands feudataires, chacune d’elles comprenant à son tour : – le contingent personnel du grand feudataire, seigneur en son domaine; – les troupes des arrières vassaux, - et ainsi de suite, jusqu’aux derniers seigneurs bannerets (explication de ce mot page ci-contre). Il est évident que le commandement d’une telle armée ne sera pas facilité, chaque guerrier ne devant obéissance qu’à son propre seigneur. La situation sera rendue plus complexe encore par le fait que le service d’ost d’un vassal n’est dû, chaque année, que pour une durée prédéterminée, de l’ordre de quelques semaines. Le roi court ainsi le risque de voir une partie de ses troupes quitter l’ost, en plein cœur d’une expédition militaire, son feudataire ayant accompli la totalité de son service d’ost ! 3 - il s’agit des tenures de chevalerie (ou de chevalier), possessions sous condition de service militaire, différentes des tenures de roture, détenues sous condition de service autre que militaire. 360 ÉVOLUTION DU BAN ET DU SERVICE D’OST 54 Pour pallier cette double difficulté de commandement pyramidal et de défection potentielle d’une partie de ses troupes, le roi aura recours à deux procédés qui se succéderont dans le temps : – la procédure de l’arrière-ban. C’est un droit de ban qui s’applique non seulement aux vassaux directs du roi (les grands feudataires), mais aussi à ses arrière-vassaux (les vassaux du feudataire). Ainsi tous les guerriers appelés à l’ost royal par ban et arrière-ban sont-ils placés sous l’unique bannière royale, et pour un temps indéterminé dépendant de la seule volonté du roi. Utilisé dans des circonstances de nécessité majeure, la procédure d’arrière-ban facilitera la prise en mains des troupes, mais ne résoudra pas totalement le problème crucial des défections éventuelles, même quand celles-ci seront punies d’amende. – le rachat du devoir d’ost. A la fin du Moyen Age, il deviendra alors possible, à chaque niveau de féodalité, de remplacer le service d’ost réel par une contribution financière. Ces fonds ainsi collectés permettront au suzerain de recruter des mercenaires qui formeront une armée professionnelle, ne dépendant que de lui, et permanente — tout au moins tant qu’elle sera rémunérée … LA BANNIÈRE Le mot dérive directement de celui de ban. La bannière est l’enseigne sous laquelle se rangent les vassaux appelés au service d’ost. Un simple chevalier se présente avec son équipement complet. L’une de ses armes, la lance, est normalement équipée, en pointe, d’un pennon triangulaire rappelant son identité. Un chevalier est « banneret » s’il peut « lever bannière », c’est à dire s’il possède des vassaux à convoquer en service d’ost. L’extrémité de lance d’un chevalier banneret n’est plus alors ornée du pennon triangulaire, mais d’une « bannière », qui est de forme carrée 4. ***** 4 - « Couper la pointe du pennon » est la locution imagée que sous-tend la transformation d’un simple chevalier en seigneur banneret, c’est à dire la concession d’un fief en tenure noble, avec des vassaux. 361