GLOIRE ET DÉCHÉANCE D`UN GOLDEN BOY DE WALL STREET
Transcription
GLOIRE ET DÉCHÉANCE D`UN GOLDEN BOY DE WALL STREET
Le retour en grâce de la très citadine Smart PAGE 29 MENU AUTOMOBILE 29 HORLOGERIE 30 ENVIRONNEMENT 32 FINANCE GLOIRE ET DÉCHÉANCE D’UN GOLDEN BOY DE WALL STREET Ancien enfant chéri de la Bourse, Jordan Belfort fait le bilan de dix années d’excès qui l’ont mené en prison. PAR KATJA SCHAER, SAN FRANCISCO E n 1988, Jordan Belfort fonde Stratton Oakmont, l’une des plus prestigieuses banques d’affaires de Wall Street. Il connaît les excès, les fêtes, les drogues, les yachts et résidence de luxe. Mais Jordan Belfort veut toujours plus. Ses manipulations boursières lui rapporteront des dizaines de millions de dollars pendant dix ans. Jusqu’à son arrestation en 1998. Dans son ouvrage Le loup de Wall Street, il retourne sur ces années qui l’ont conduit des salles de marché américaines aux banques suisses et des hôtels de luxe aux cellules de prison. B Bilan Quel regard portez-vous sur ces années, de vos débuts à Wall Street à votre arrestation? Jordan Belfort Dans l’ensemble, je pense avoir réalisé des choses très positives – comme mon modèle de vente par exemple et d’autres extrêmement négatives. J’ai manipulé les titres et des clients ont été lésés. Et c’est cette culpabilité que je retiens aujourd’hui. LE CHIFFRE 50 PHOTOS: DR MILLIONS DE DOLLARS La somme que gagnait chaque année Jordan Belfort. B Si vous pouviez revenir en arrière, qu’est-ce que vous feriez différemment? JB Je resterais dans la légalité et ne commettrais pas cette fameuse première infraction qui mène à toute une série JORDAN BELFORT La folle histoire de cet ancien trader sert de base au prochain film de Martin Scorsese. 3 juin 2009 BILAN 27 Actualité FINANCE d’abus. D’autant que je n’ai pas été élevé ainsi. Je viens d’une famille très respectueuse de la loi. B A quel moment avez-vous perdu ce que vous appelez votre «sens éthique»? JB Il n’y a pas un moment clé. On joue d’abordavecleslimites,quel’ondépassepeu à peu. Et lorsqu’enfin on prend conscience de tout ce qu’on a fait, on est déjà très loin de toute légalité. A Wall Street, il y a aussi une perception que l’argent nous place au-dessus des lois. Et une fois qu’on a pris goût à l’argent rapide, on ne revient plus en arrière. compte l’argent, qui est l’unique mesure du succès. Cette espèce de vide explique les excès qui sont monnaie courante à Wall Street, comme la drogue ou le recours à des prostituées. Je ne veux pas glamouriser mon passé. Mon style de vie et mes excès m’ont coûté très cher. nement économiserait beaucoup d’argent s’il donnait aux autorités de régulation les moyens de faire leur travail. B Des régulations plus sévères et mieux appliquées B Cette mentalité expliquesuffiraient-elles à stopper t-elle la crise actuelle? les abus? JORDAN BELFORT JB La crise financière est en JB Non, d’autres éléments deOOOOOOOO premier lieu le résultat d’un vraient changer aussi, comme manque de régulations et de le système de rémunération. surveillance. La SEC est une organisation Jusqu’à la crise, par exemple, les bénéfices totalement inepte, alors que son rôle est réalisés étaient établis sur des produits décrucial. Sans compter que les salaires des rivés et des constructions financières profiB Ce qui signifie que enquêteurs de la SEC sont bien trop bas. tables à court terme. Les gens ont donc enseul l’argent compte? Elle devrait être remplacée par une entité caissé tout ce qu’ils pouvaient pendant que JB Le problème de Wall Street est l’absence plus efficace, liée à des organismes comme cela marchait. Jusqu’à ce que le système de créativité. On ne réalise rien, on ne crée le Département de la justice et le FBI, et être s’écroule. rien. Il n’y a pas de sens ni de but. Oui, seul à même de mener des enquêtes. Le gouverB Faudrait-il alors introduire une forme d’éthique? ADAPTATION JB Les professionnels de Wall Street sont motivés par l’argent. C’est leur façon d’exprimer leur ambition et ce n’est pas une mauvaise chose. Il faut cependant s’assurer Comme par le passé, les récentes affaires financières ont inspiré que cette ambition ne se transforme pas en des livres ainsi que des films. Exemples avec Kerviel et Madoff. cupidité. Raison pour laquelle il est nécessaire de changer la philosophie des institutions de Wall Street en rappelant aux jeunes tournée cette année encore. Ce projet, professionnels les conséquences de leurs annoncé depuis des années, prévoyait au actions et en parlant d’éthique. Mais c’est là départ que le rôle rejoué par Douglas soit un sujet qui ne semble pas particulièrement celui d’un expert en private equity, puis en intéresser les acteurs de Wall Street. hedge fund et désormais en produits dérivés. La crise est passée par là… B La crise actuelle Le film Trader (Rogue Trader), réalisé en ne changera donc rien? 1999 par James Dearden, racontait lui JB Tout ne sera par radicalement transl’histoire de Nick Leeson, jeune trader à formé. Mais cette crise a dévoilé une telle l’origine de la faillite de la Banque Barings. concentration des fortunes que le public est Plus récemment, les affaires mises au jour Wall Street, ses millions et ses traders scandalisé. Et cette fois, les banquiers ne par la crise finanaux sourires carnassiers ont un côté glasont plus au-dessus des lois. Le milieu ficière ont conduit mour. Et le projet de Martin Scorsese, qui nancier ne pourra donc pas rester inchangé. reprend l’histoire du Loup de Wall Street de à de nombreux ouvrages qui reJordan Belfort, en témoigne. Il n’est pas le B Vous avez amassé une fortune seul. Après les récents scandales, d’autres tracent différents immense et affronté une dépendance événements. financiers impliqués se sont aussi risqués à la cocaïne avant votre peine de près à écrire leur histoire comme Geraint Ander- Ainsi, la chute de de deux ans en prison. A quoi ressemble Lehman Brothers son dans City Boy par exemple. Ce qui votre vie aujourd’hui? a inspiré le livre A pourrait donner du JB Je ne gagne plus 50 millions de dollars Colossal Failure grain à moudre par année. Néanmoins, j’ai une vie conforof Common Sense. L’affaire Bear Stearns, aux scénaristes de table. Je donne des cours d’éthique et de elle, a débouché sur les ouvrages House of Hollywood. Le film motivation dans les universités ainsi que Cards de William Cohan et Street Fighters Wall Street d’Oliver dans des institutions et j’écris un nouveau de Kate Kelly. L’histoire de Jérôme Kerviel Stone, dans lequel livre qui décortique la crise financière. De de la Société Générale s’illustre en bande Michael Douglas inplus, mon roman autobiographique sert de dessinée tandis que les coups du financier carnait un financier base au prochain film de Martin Scorsese Bernard Madoff, déjà à l’origine de pludénué de tout scruqui sortira en 2010. B sieurs projets littéraires, seront portés à pule, aura ainsi une Le loup de Wall Street, par Jordan Belfort. l’écran par Edmund Druilhet. suite qui devrait être Editions Max Milo, avril 2009. SMART FORTWO De janvier à avril, les ventes sont en hausse de 25% par rapport à la même période de 2008. AUTOMOBILE SMART, LA PETITE CITADINE QUI FAIT UN RETOUR EN GRÂCE Dix ans après un lancement en demi-teinte et une longue traversée du désert, la Fortwo vit un succès inespéré. PAR LUDOVIC CHAPPEX UNE SI SÉDUISANTE ABSENCE DE SCRUPULES 28 BILAN 3 juin 2009 PHOTO: DR PHOTOS: TSR, LORENTZ ET MILLION C ’est l’histoire d’une voiture qui a eu raison dix ans trop tôt. Quand en 1998, Nicolas Hayek, président de Swatch Group, lance la Smart en association avec Mercedes, propriété de Daimler, le marché n’est pas mûr pour lui réserver le triomphe espéré. Vendue au prix fort, la petite citadine atypique, stricte deux-places, échoue à conquérir un large public. Et tout le monde ricane. Dix ans plus tard, fait unique dans l’histoire de l’automobile, la situation s’est complètement renversée. L’an dernier, les ventes de Smart Fortwo dans le monde ont bondide34%,atteignantleniveaurecordde 134 800voituresécoulées.Lelancementsur le marché américain en février 2008 a même dépassé toutes les espérances: près de 25 000 véhicules vendus en moins d’un an, soit 10 000 de plus que les prévisions de Daimler. Et la success story se poursuit depuis le début de l’année: le ralentissement économique mondial ne freine que très modérément ses ventes, dans un marché où toutes les marques s’effondrent: «6300 Smart ont déjà été vendues aux Etats-Unis et 10 400 en Italie», rapporte Winfried Schult, responsable de la communication du groupe Daimler. Dans ces conditions, difficile d’imaginer que la marque a failli disparaître… Entre 2002 et 2006, elle aurait pourtant perdu près de 8 milliards de francs, selon les spé- Daimler a fait un gros effort sur les tarifs ces deux dernières années, la Smart devient soudain accessible à une nouvelle couche de la population. Elle permet au citoyen italien lambda d’accéder à une voiture symbole, synonyme d’aisance et de réussite. L’employé peut s’offrir la même voiture que son patron, qui lui achète la Smart comme une troisième voiture.» UNE RIVALE AFFÛTÉE En Suisse également, l’embellie est spectaculaire, et cela malgré l’absence d’aides cialistes. Sa résurrection, Smart la doit à une d’Etat (le modèle de base démarre à conjonction de facteurs favorables. Outre le 15 000 francs sans options, un modèle rairecentrage salutaire sur la Fortwo en 2005 sonnablement équipé coûte environ (DaimlerabandonneleRoadsteretlaquatre- 20 000 francs). «De janvier à avril 2009, les places Forfour, trop chers et éloignés du ventes sont en hausse de 25% par rapport à la projet initial), il y a évidemment le prix de même période de 2008», se réjouit Olivier l’essence, les préoccupations écologiques, Peter, porte-parole de Daimler pour la l’encombrement des villes ou, pour les Suisse. Des chiffres qui n’étonnent pas Etats-Unis, l’attrait de la nouveauté. Mais Christophe Laborde, analyste chez Bordier commentexpliquer,parexemple,l’engoue- & Cie: «La demande spécifique pour de brefs ment des Italiens pour la petite deux-pla- déplacements à usage urbain est en nette ces? A Rome, Turin ou Milan, les Smart For- augmentation, comme le montrent les statwo pullulent sur les trottoirs encombrés, et tistiques. Et parallèlement, le trend écologiil n’est pas rare d’en trouver trois ou quatre que s’est fortement développé. Sur ces deux parquéesàlasuite,parallèlementàlachaus- tableaux, la Smart a un coup d’avance.» sée ou à angle droit. Mais rien n’est joué pour autant, car la Consultant automobile au microcitadine devra désormais cabinet parisien Lincoln, Alain compter avec une rivale affûtée: Rizzo avance l’explication suil’étonnante et très design Toyota vante: «Les grandes métropoles LE CHIFFRE iQ, apparue ce printemps. Lonitaliennes, friandes de petites gue de 298 entimètres (certes 29 voitures à la mode, ont toujours centimètresdeplusquelaSmart), été d’excellents marchés pour la la japonaise réussit le tour de Smart, mais récemment, la poliforce de loger quatre personnes, à tique gouvernementale vis-àpartir de 21 700 francs. Un match vis des taux d’émission de CO2 a à suivre de près. encore accentué le phénomène. EN POUR CENT Tout comme ce prochain défi: Les primes d’Etat à la casse et Les ventes de la conquête des mégapoles chiautres bonus écologiques ont Smart Fortwo noises, où Daimler proposera la dans le monde joué à fond pour la Smart. Dans ont fait un bond Smart dès cet été. En attendant la une moindre mesure, c’est aussi record, avec Fortwo à moteur électrique, dont le cas en France et dans d’autres 134 800 voitures la commercialisation en série est pays d’Europe. Et comme écoulées. attendue pour l’année 2012… B 34 3 juin 2009 BILAN 29