Des licences de plus en plus chères, de moins en moins claires
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Des licences de plus en plus chères, de moins en moins claires
DOSSIER Analyse Zoom Offre Les DSI se débattent avec la gestion de leur parc logiciel P 18 L’abonnement : la simplicité retrouvée ? P 22 Inventorier et mesurer l’usage des logiciels P 23 DR Des licences de plus en plus chères, de moins en moins claires Des éditeurs qui, pour compenser l’érosion de leur chiffre d’affaires, tendent de véritables pièges tarifaires à leurs clients, des négociations au cas par cas protégées par des clauses de confidentialité, des modes de tarification toujours plus complexes. La gestion des contrats de licences en volume vire au casse-tête pour les DSI. Une complexité qui entraîne même des investissements inutiles… www.weblmi.com N° 1037 • 10 septembre 2004 • LE MONDE INFORMATIQUE 17 DOSSIER | Stratégie Analyse Licences logicielles, le maquis juridique où se perdent les DSI Modes de facturation ubuesques, négociations tenues secrètes, gestion au quotidien fastidieuse : la complexité des licences logicielles donne le vertige aux directeurs informatiques. Et entraîne des dépenses injustifiées. N° es modes de facturation toujours plus exotiques, des contrats au périmètre fluctuant d’un éditeur à l’autre, de brusques changements de politiques de licences masquant des chausse-trapes tarifaires : la gestion des licences logicielles tourne au “cauchemar”pour le DSI. C’est en tout cas la qualification que retient le cabinet Blor Research, dans une note commandée par l’éditeur de gestion de parc PS’Soft. “A une époque où les entreprises bataillent 1 D Source : CXP / LMI En mode hébergé PRINCIPE L’entreprise qui choisit le modèle FAH (fourniture d’application hébergée, ou ASP en anglais, pour Application Services Provider) loue uniquement un droit d’utilisation à distance du logiciel dont le fournisseur a acquis la licence par le biais du programme de licence spécifique de l’éditeur. L’acquisition de ce droit d’utilisation s’inscrit dans le cadre d’un service global, incluant par exemple un support applicatif, des facilités financières, l’entretien des terminaux, etc. La tarification FAH s’effectue généralement par utilisateur et par mois (redevance mensuelle), avec parfois un “droit d’entrée” ou un nombre minimum d’utilisateurs. AVANTAGES Pas d’investissement lourd en termes d’infrastructure, faibles coûts d’intégration, moins de personnel TA R I F I C AT I O N N° nécessaire pour la maintenance en interne de la solution et adaptation des charges à l’activité de l’entreprise. INCONVÉNIENTS Multiplicité des intervenants (prestataire FAH, opérateur télécoms), ce qui accroît les risques, problème de confidentialité, dégradation du service, etc. En phase de croisière, les coûts d’exploitation d’une application en mode FAH (loyer, transmissions télécoms…) dépassent ceux d’une application déployée en interne (maintenance, mise à niveau…). EXEMPLES D’ÉDITEURS Eudonet, Siebel ou Salesforce.com (GRC), Etap-on-line (gestion des notes de frais). EVOLUTIONS À PRÉVOIR Ce modèle fait de plus en plus d’émules, notamment auprès des PME qui se déchargent ainsi de nombreux aspects techniques. En septembre 2003, Jean-Pierre Corniou, président du Cigref, et Steve Ballmer (à droite), PDG de Microsoft, signent un accord de coopération. L’éditeur s’y engage à informer le club avant tout changement de politique de licences. 2 TA R I F I C AT I O N 18 directs ou indirects de la solution sont difficilement dénombrables. Le critère de calcul est également moins alambiqué qu’une tarification au volume (voir ci-contre). INCONVÉNIENTS Ce système est généralement plus onéreux qu’une tarification au nombre d’utilisateurs. EXEMPLES D’ÉDITEURS Solutions EAI (Enterprise Application Integration) d’IBM, de SeeBeyond, de Sterling Commerce, de Tibco, de WebMethods. EVOLUTIONS À PRÉVOIR Ce modèle dérive de plus en plus vers un calcul liant le nombre de serveurs, la puissance machine et le nombre d’utilisateurs nommés, dans le but de s’adapter à la taille des clients et de passer sur des projets moyens. LE MONDE INFORMATIQUE • N° 1037 • 10 septembre 2004 N° 3 Au volume Source : CXP / LMI Source : CXP / LMI En fonction de la configuration PRINCIPE En plein développement, ce mode de tarification n’est ni plus ni moins qu’une nouvelle façon de facturer l’usage au nombre d’utilisateurs, en particulier lorsque ces derniers sont difficilement dénombrables. Calculé selon le nombre de serveurs et/ou la puissance machine, il est particulièrement adapté aux logiciels en configuration Internet, pour lesquels le nombre réel d’utilisateurs est impossible à vérifier avec précision pour l’éditeur, ainsi qu’aux logiciels d’interfaces (EAI) ou systèmes auxquels les utilisateurs n’accèdent pas directement. AVANTAGES Ce mode permet d’adapter le coût du logiciel au service qu’il apporte à l’entreprise, même si les utilisateurs pour gérer des logiciels qu’elles acquièrent ou louent selon des modèles de licences par utilisateur nommé, par utilisateur simultané, par microprocesseur, par serveur ou encore par téraoctet de mémoire, la situation est en passe de devenir de plus en plus complexe”, ajoute Blor Research. Didier Lambert, DSI d’Essilor et vice-président du Cigref (Club informatique des grandes entreprises françaises), pointe de son côté les effets pervers de certains de ces modes de calcul: “Ils induisent des inerties dans Marc Guillaumot TA R I F I C AT I O N PRINCIPE Le droit d’utilisation du logiciel est calculé en fonction du volume de données ou d’objets traités. Ce mode de tarification est généralement appliqué aux logiciels utilisés par peu de personnes dans l’entreprise, mais avec une forte valeur ajoutée. Le tarif peut s’appuyer sur le nombre de courriels (logiciel de gestion de messagerie), le volume de la base de données clients (gestion marketing), la surface d’entreposage (gestion des stocks), le nombre d’actifs gérés (gestion des immobilisations), etc. Certains éditeurs retiennent la taille de l’entreprise cliente, selon plusieurs critères : nombre de salariés, chiffre d’affaires, etc. AVANTAGES Garant d’une plus grande équité, ce mode permet d’adapter le prix à la valeur ajoutée qu’apporte le logiciel à l’activité de l’entreprise, où à sa taille. INCONVÉNIENTS Le manque de recul sur des facturations assez nouvelles, comme celle qui repose sur le chiffre d’affaires. Ce mode de calcul pénalise qui plus est les activités à faible marge. EXEMPLES D’ÉDITEURS Eptica (gestion des courriels), Neolane (gestion marketing), Cegid (immobilisations), Aldata (entreposage), etc. PeopleSoft se réfère à des critères liés à la taille de l’entreprise, dont le chiffre d’affaires. EVOLUTIONS À PRÉVOIR En ligne avec le discours sur le logiciel créateur de valeur pour l’entreprise, la facturation au chiffre d’affaires semble appelée à se diffuser dans l’édition. www.weblmi.com certaines entreprises. Ainsi, le calcul par processeur conduit certains DSI à concentrer leurs logiciels sur de gros serveurs, alors que la stratégie informatique la plus efficace consisterait parfois à déconcentrer ces ressources.” Pour Philippe Latour, directeur marketing Europe du Sud de Software Spectrum, spécialiste de la gestion de licences logicielles pour les grands comptes, les difficultés que rencontre un DSI face à ce maquis contractuel sont multiples : “La bonne et entière compréhension des contrats, le suivi de ces contrats qui peuvent être centralisés ou décentralisés, la gestion de plusieurs contrats pour des périmètres différents, la capacité à regrouper des besoins pour négocier des contrats en volume, la difficulté à gérer ce qui se passe réellement sur le terrain (achats locaux, installations non contrôlées)… En fait, la principale difficulté provient de la nécessaire double gestion : d’un côté celle de la licence elle-même, dématérialisée et souvent centralisée, de l’autre le logiciel proprement dit, qui peut être soit déployé de façon industrielle, soit installé de façon ponctuelle.” Tout l’enjeu consistant donc à réconcilier ces deux sources de données. Et ce, à tout instant ! En effet, pour arriver avec les meilleurs atouts lors des négociations avec l’industrie du logiciel, les entreprises, par l’intermédiaire de leurs services achats, ont tendance à bâtir des contrats groupe. Si ceux-ci permettent d’obtenir de meilleurs tarifs que les achats dispersés, ils génèrent une autre dérive. Comme les déploiements continuent à s’effectuer de façon décentralisée, en fonction des besoins et des particularités locales, et sans remontée systématique d’information, les acheteurs ont tendance à ANTICIPER FUSIONS ET RACHATS es fusions et les rachats entre L entreprises sont guidés par la recherche de “synergies”, ces possibilité de combiner les licences du même éditeur avec celles d’une autre organisation ; tarifs garantis pour les nouvelles licences pendant un laps de temps ; droit de retirer des licences devenues inutiles lors de la réunion des deux entités. En cas de rachat, le DSI devra veiller à ce que le logiciel fasse bien partie des actifs transférés. Enfin, les contrats peuvent venir appuyer la stratégie de l’entreprise : si celle-ci veut se faire absorber, le DSI inclura une clause assurant le transfert gratuit des licences à l’acquéreur ; à l’inverse, un contrat rendant ce transfert coûteux est susceptible de décourager les assaillants. réductions de coûts qui amélioreront la marge. Un constat qui vaut aussi pour le logiciel, à condition de se préparer à ces éventualités dans les contrats. Pour les fusions, le cabinet d’études Gartner conseille l’ajout de plusieurs clauses : droit pour l’entreprise de changer de nom sans pénalités ; définition claire de l’entreprise, de ses filiales et de ses liens financiers et possibilités pour ces structures de bénéficier du contrat à hauteur des pourcentages de participation ; droit d’ajouter ou de changer une division opérationnelle ; surestimer le volume total de licences nécessaire au bon fonctionnement de l’organisation. Software Spectrum considère que le taux des licences inemployées atteint 10 à 15 %. Soit, selon les calculs de cette société, un million d’euros gaspillés pour une entreprise générant un chiffre d’affaires d’un milliard ! l’éditeur concerné. Les revendeurs qui traitent la commande. Les éditeurs qui l’enregistrent et livrent les preuves de licence. Un schéma valable pour chaque contrat, avec ses clauses, ses échéances et ses règles de gestion propres. Résultat : non seulement certaines licences sont achetées inutilement, mais les cas de non-respect des termes du contrat sont fréquents. Souvent à l’insu des responsables de l’entreprise. Le cabinet McKinsey estime que, dans le monde, 10 % des installations de logiciels acquis légalement par les entreprises ne sont pas conformes aux contrats. Pour expliquer cette incohérence, 57 % des personnes interrogées pour cette étude citent le manque de ressources et de temps, et 53 % la trop grande complexité des licences. Contrats violés en toute bonne foi Si la partie est si complexe, c’est aussi en raison de la multiplicité des acteurs de l’entreprise intervenant, à un moment ou à un autre, dans la vie du logiciel. La DSI, bien sûr, qui fixe l’architecture cible et qui transmet les besoins au service achats. Ce dernier choisissant le bon contrat et menant la négociation avec Didier Lambert va même plus loin, dénonçant le fonctionnement de toute une industrie: “Les éditeurs ont du mal à vivre dans un environnement concurrentiel. Comparer leurs offres devient quasi impossible du fait de la disparité des contrats et des modes de facturation. Pire : comparer une même offre avec un autre DSI est tout aussi impossible, puisque les éditeurs se retranchent derrière des clauses de confidentialité qui nous interdisent de nous livrer à cet exercice. On est là très proche de l’entrave à la concurrence. Il existe bien un tarif catalogue, mais quand on sait que, dans certains cas, les remises dépassent les 90 %, on se rend compte qu’il n’a aucun sens.”Pour le cadre dirigeant d’Essilor, l’Open Source constitue d’ailleurs une forme de réponse à ces dérives. La généralisation de ces clauses de confidentialité, qui interdisent, en théorie, toute comparaison de tarifs avec une entreprise présentant un parc similaire, rend la négociation initiale du contrat d’autant plus cruciale. “Le jeu des éditeurs consiste à diviser pour mieux régner, en menant des négociations au cas par cas”, tempête Didier Lambert. Chez Essilor, ces phases de discussion font intervenir une cellule composée de quatre acteurs: le spécialiste des contrats logiciels du service informatique, un juriste, un acheteur spécialisé et un contrôleur de gestion. Même constat chez un DSI d’une entreprise française comptant environ 5 000personnes: “Pour négocier ses tarifs, la direction informatique est dans le brouillard complet. Les DSI s’échangent peu d’informations sur les prix qu’ils parviennent à négocier.” Pourtant, malgré le rideau de fumée juridique créé par le monde de l’édition, les directions informatiques des Suite page 20 ➤ TA R I F I C AT I O N N° 4 TA R I F I C AT I O N PRINCIPE Ce mode de tarification correspond à l’acquisition de droits d’utilisation du logiciel pour une durée limitée, généralement pluriannuelle, avec versement d’une redevance locative tous les ans. Certains éditeurs proposent même une option de leasing qui permet, comme dans le domaine automobile ou immobilier, de devenir propriétaire d’une licence louée, moyennant le versement d’une somme prédéfinie au terme du contrat de location. AVANTAGES En plus d’une meilleure visibilité sur les coûts, le modèle présente deux avantages principaux. D’une part, l’utilisateur peut arrêter à tout moment le contrat. D’autre part, il bénéficie d’une bonne qualité de service. La redevance inclut www.weblmi.com généralement des services standard, à commencer par des sessions de formation, une documentation, ainsi que la maintenance et la fourniture des nouvelles versions du logiciel. Des techniciens, joignables par une hot line, peuvent également se déplacer en cas de problème. INCONVÉNIENTS Sur le long terme, le coût total de la location peut dépasser celui de l’acquisition de licences du produit. C’est aussi une façon pour les éditeurs d’imposer leur rythme de mises à jour. EXEMPLES D’ÉDITEURS SAS Institute, Microsoft avec sa Software Assurance, Sage, Sun EVOLUTIONS À PRÉVOIR A l’image de la politique tarifaire de Microsoft mais aussi de plusieurs grands éditeurs de PGI, ce modèle devrait se répandre rapidement. 5 Au nombre d’utilisateurs Source : CXP / LMI Source : CXP / LMI A la location N° PRINCIPE Modèle historique, actuellement toujours le plus répandu, la tarification au nombre d’utilisateurs se fonde soit sur le nombre d’utilisateurs “nommés”, soit sur le nombre d’utilisateurs “concurrents”. Dans le premier cas, l’éditeur facture son client en fonction du nombre de postes sur lesquels son logiciel est effectivement installé. Dans le second, le tarif est calculé en fonction du nombre de sessions simultanées (accès à l’application) à un instant donné. A noter aussi l’apparition de la notion d’utilisateur “consultatif”, c’est-à-dire qui ne modifie pas l’information, mais ne fait que la visualiser. AVANTAGES Cette tarification colle au plus juste avec l’utilisation potentielle du logiciel dans l’entreprise. Elle facilite en outre l’achat et la gestion des licences. INCONVÉNIENTS Risque de “sur-licencing”, c’est-àdire de voir certaines licences ne pas être utilisées, notamment lorsque le nombre d’utilisateurs diminue. EXEMPLES D’ÉDITEURS La tarification au nombre d’utilisateurs nommés est particulièrement répandue chez les éditeurs de solutions bureautiques, dont le nombre d’utilisateurs est facilement prévisible. La notion d’utilisateur “consultatif” existe pour l’e-Business Suite d’Oracle EVOLUTIONS À PRÉVOIR Avec le développement des autres modèles, la tarification “classique” au nombre d’utilisateur est inévitablement en perte de vitesse. N° 1037 • 10 septembre 2004 • LE MONDE INFORMATIQUE 19 DOSSIER | Stratégie Computer Associates BEA Au nombre d’utilisateurs En location HP Par utilisateur nommé AllFusion ainsi que certains composants de et/ou simultané (certains produits) Unicenter, eTrust, BrightStor, CleverPath et Advantage. WebLogic Workshop 8.1 Microsoft Oracle PeopleSoft SAP Windows XP, Windows 2000 Pro, Windows Server, Office, Exchange, SMS Oui Enterprise, EnterpriseOne mySAP Business Suite, xApps, NetWeaver Non Non A travers Windows XP, Windows 2000 Pro, un plan de financement Windows Server, Office, Exchange, SMS Non Licence FlexSelect : pourUnicenter, eTrust, BrightStor, CleverPath, AllFusion, Advantage Oui, selon certaines conditions Par l’intermédaire de partenaires (MGN, FT, Equant) Non Oui (offre Managed Services) Non Au volume Non Non Oui, selon certaines conditions Sur site Non Non Oui Par CPU WebLogic Workshop 8.1, Server 8.1, Portal 8.1, Integration 8.1, Platform 8.1 Non Non eTrust, BrightStor, CleverPath, Advantage, Unicenter En mode hébergé Par serveur ➤ entreprises possèdent de sérieux atouts pour aborder la négociation. Surtout en période de ralentissement des investissements. “Je ne vois pas de cas où un client serait obligé de rentrer dans un cadre qui ne lui convient pas, soutient Philippe Latour. Les moyens existent pour parvenir à un accord, même s’il faut en passer par quelques crises. Le contrat de la Mairie de Paris avec Microsoft est un bon exemple : face à la menace de la concurrence[la migration des postes de travail sous Linux, NDLR], Microsoft a su trouver une certaine souplesse.”Bel euphémisme quand on sait que l’éditeur d’Office a consenti une remise de 60 % pour éviter de voir la ville basculer vers l’Open Source. Pour le res- Oui Enterprise, EnterpriseOne mySAP Business Suite, xApps, NetWeaver Non Oui Enterprise, EnterpriseOne Certains modules (paye) Non Non Enterprise, EnterpriseOne Non Non MOM, Biztalk Non Non Non Non Windows Server, Exchange, SMS Non Non Non ponsable de Software Spectrum, tout ou presque est négociable : “Prise en compte d’un parc existant, reprise concurrentielle – rachat par l’éditeur des produits concurrents déployés chez le client et valorisés sous forme de remise –, souplesse sur les contrats de maintenance ou d’assistance téléphonique, souplesse dans l’utilisation des licences – avec par exemple une marge de dépassement de 10 % –, assistance technique ou journées de formation gratuites, réajustement du nombre de licences à chaque annuité, etc.” Une évolution que ressent également le cabinet d’études CXP, qui note que les éditeurs sont prêts à s’adapter aux budgets des entreprises en mettant en place des tarifs “à tiroir”, combinant plusieurs modes de facturation. Revers de la médaille : une comparaison des offres des éditeurs consultés “de plus en plus complexe”, selon le CXP. Une cellule de gestion spécifique Attention toutefois à quelques clauses “pièges” pouvant être lourdes de conséquences, comme les modalités de réajustement des tarifs en cas de modification du périmètre du parc installé, les clauses de responsabilité des éditeurs ou les paragraphes évoquant les recours en cas de litige. Afin de guider les entreprises françaises, le Ci- Le monde Open Source a aussi ses règles pter pour le logiciel libre – ou Open Source, c’est-à-dire à source accessible – ne signifie ni gratuité ni absence de licence. “L’ambiguïté initiale provient de l’expression d’origine, free software, puisqu’en anglais free signifie aussi bien libre que gratuit”, explique l’Aful, l’Association francophone des utilisateurs de Linux et des logiciels libres. Dans la pratique, la plupart des logiciels libres sont effectivement disponibles gratuitement, notamment sur le Web. Mais on trouve aussi de nombreuses solutions payantes, même si elles restent bon marché. Les principales distributions de Linux (Debian, Mandrake, Red Hat, SuSE…) s’inscrivent dans ce modèle, et proposent notice, contrat d’assistance à l’installation et maintenance. Les logiciels libres offrent en tout cas plus de liberté que leurs cousins O 20 propriétaires. Selon la définition de la Free Software Foundation, à laquelle l’Aful fait référence, cette liberté se décline dans trois directions. “Tout d’abord, la liberté pour chacun d’étudier comment le programme fonctionne, et de l’adapter à ses propres besoins. Ensuite, la liberté de le copier et de le diffuser auprès d’amis ou de collègues, ce qui est strictement interdit avec des logiciels classiques du commerce. Et enfin, la liberté d’améliorer soi-même le logiciel pour en faire profiter la communauté.” S’il dispose bien d’un droit de libre intervention sur le code source, l’utilisateur d’un logiciel doit respecter un certain nombre de règles encadrées par une licence ad hoc, dont il existe de nombreuses variantes. Ainsi, la GNU General Public License (GPL), sur laquelle LE MONDE INFORMATIQUE • N° 1037 • 10 septembre 2004 s’appuie une très large majorité de logiciels libres, la GNU Lesser General Public License (LGPL), ou encore la license Berkeley Software Design (BSD), celle du Massachusetts Institute of Technology (MIT), etc. Sans oublier Cecill, la première licence française, conçue par les trois principaux organismes publics de recherche informatique en France (CEA, CNRS, Inria), qui respecte à la fois les principes de la GPL et les règles du droit français. Ces licences imposent des obligations en matière de copie du logiciel, de modification et de distribution. Toute entreprise intéressée par un logiciel sous licence Open Source devra s’informer sur deux points fondamentaux : l’étendue des droits en ce qui concerne les modifications qui seront apportées et la portée de l’exclusion des garanties. T. P. gref travaille d’ailleurs à la rédaction d’un guide de clauses types. La signature du contrat n’est pourtant pas synonyme de tranquillité pour le DSI. Il faut ensuite veiller à son application dans l’entreprise. “La gestion quotidienne est une véritable catastrophe, tonne Didier Lambert. Pour respecter tous les contrats, il faudrait écrire une lettre par jour pour signaler à tel éditeur une activation de processeur, à tel autre un changement de serveur, etc.” Philippe Latour conseille la mise en place d’une cellule de gestion spécifique aux licences. Ses missions ? “Veiller à ce que les conditions négociées soient respectées, suivre les déploiements, tenir à jour des tableaux de bord pour gérer les échéances – annuités, mises à jour, etc. –, regrouper les besoins, assurer la communication sur ces sujets dans l’entreprise…” Lorsque le contrat arrive à son terme ou lorsque les besoins de l’entreprise sont modifiés, il faut se préparer à de nouvelles négociations. Or les éditeurs se montrent généralement moins conciliants avec les entreprises faisant déjà partie de leur portefeuille de clients. “Il s’agit tout simplement d’un malus pour les clients fidèles, dénonce Didier Lambert. Des progiciels comme ceux de SAP, Oracle ou PeopleSoft créent une clientèle captive. Quand l’éditeur présente une ardoise au DSI, ce dernier ne peut que s’incliner.” Et d’appeler de ses vœux un nouveau mode de relation entre le monde de l’édition et les entreprises. “Avec un éditeur avec qui j’ai pu avoir une vraie explication sur la valeur de ses logiciels pour mon entreprise, j’ai signé un contrat illimité pour tous usages, d’une durée de sept ans. La facturation est basée sur le nombre de verres qui sortent de nos usines !” ● REYNALD FLÉCHAUX, AVEC SANDRINE CHILOTTI ET THIERRY PARISOT www.weblmi.com Source : LMI / éditeurs LES MODES DE TARIFICATION DE QUELQUES ÉDITEURS DOSSIER | Stratégie Zoom L’abonnement de mieux en mieux accepté, sauf pour la bureautique Les formules d’abonnements à des logiciels, hier décriées par les utilisateurs, peuvent présenter des avantages. A condition d’offrir une bonne visibilité sur le budget informatique et d’apporter plus de flexibilité au DSI. “ es éditeurs de progiciels et leurs distributeurs s’engagent à rendre le plus lisibles possible leurs différents programmes de licences, leurs tarifs et leurs évolutions prévisibles dans le temps.” Cet extrait de la charte Cigref-Syntec Informatique, publiée en mars 2004, est l’une des séquelles de la levée de boucliers suscitée par le lancement, notamment chez Microsoft il y a trois ans, de nouveaux modes de tarification, incluant le support et toutes les mises à jour, moyennant une redevance annuelle. Une formule qui, si elle a tendance à se généraliser, ne date toutefois pas d’hier : certains éditeurs spécialisés, comme SAS (décisionnel) ou think3 (CAO), ayant toujours suivi cette politique. Chez SAS, les clients paient un droit d’entrée et un abonnement annuel qui leur donne le droit d’utilisation, le support technique, la maintenance et la mise à jour des logiciels utilisés. Une formule apparemment bien acceptée par les clients, puisque 98 % d’entre eux renouvellent leur location et plus des deux tiers étendent leur utilisation chaque année, selon Cæcilia Dijoux, responsable de marché chez SAS. “Pour l’utilisateur, le mode locatif permet d’anticiper les coûts sur trois à cinq ans. Les budgets informatiques étant de plus en plus serrés, et le DSI ayant des comptes à rendre au directeur financier, il est plus facile de faire passer un coût de location qu’un nouvel inves- LES PRINCIPAUX PROGRAMMES DE LICENCES LOCATIFS L Editeur COMPUTER ASSOCIATES MICROSOFT Source : LMI/éditeurs SAGE SAS SUN Logiciels concernés Ensemble de l’offre CA Mode de tarification FlexSelect : location de Pas de droit d’entrée. 1 mois à 3 ans, incluant Paiement possible par mois, maintenance et support. par trimestre ou par an. Desktop et Serveur Software Assurance En plus du coût de licence : 29 % incluant mises à jour de ce coût (logiciels serveurs) et maintenance. par an ; 25 % (logiciels clients). PGI milieu et haut de gamme Maintenance Droit d’entrée à partir de 2 000 € (Ligne 100, 500, 1000) et mises à jour. + coût annuel à partir de 800 €. Ensemble de l’offre SAS Maintenance et évolution Droit d’entrée + coût annuel avec accompagnement par serveur, dépendant du module dans l’utilisation du logiciel. et de la puissance du serveur. Java Enterprise System Regroupement Location annuelle : 92 € par de l’ensemble employé, ou 46 € par des produits logiciels. poste client Open Source. tissement”, explique Cæcilia Dijoux, qui considère que ce mode de commercialisation lie moins l’utilisateur à l’éditeur. Si l’on en croit Elisabeth Bonhomme, chef de produit Sun Java System, “l’abonnement répond à une demande très forte du marché : la simplification des relations avec les éditeurs”. En effet, comptabiliser les licencesavec des tarifications variant suivant les produits, auxquelles il faut ajouter le prix des mises à jour et additifs, s’avère finalement très coûteux. Aussi, même si les produits de Sun peuvent toujours être acquis sous forme de licence classique, l’abonnement global remporterait un franc succès, selon la société. De plus, le prix unique supprime en principe les coûts cachés, car ces for- Contenu mules s’accompagnent en général d’un certain nombre de services destinés à alléger les tâches du DSI: prise en charge par l’éditeur des mises à jour, de l’évolution dans le temps, voire de l’intégration des produits entre eux, lorsqu’il s’agit de composants logiciels comme chez Sun. “La location assure une certaine souplesse, lorsqu’on veut passer par exemple du client-serveur au client léger, ou lorsque le nombre d’utilisateurs varie au cours du temps, en augmentation comme en diminution”, ajoute Cæcilia Dijoux. L’évolution est aussi un facteur à prendre en compte pour des produits de type PGI, notamment les logiciels de paie, comptabilité et trésorerie, où les mises à jour légales sont fréquentes : au moins une ou deux Les DSI dans l’angoisse du monopole “ ue l’on prenne l’achat de licence, avec obligation de repayer une licence au bout de trois ans, ou la solution Software Assurance, le coût est le même, explique Gérald Benchetrit, acheteur à la mission achats marchés de la Mairie de Paris. Pour garantir l’homogénéité du parc et éviter des incompatibilités, on est obligé d’avoir les versions les plus récentes. On se sent donc pieds et poings liés. C’est de la vente forcée. Même situation pour Oracle ou SAP, avec les fameux 18 % annuels pour la maintenance de licence. La maintenance évolutive devrait se faire à des prix raisonnables.” Pierre Q 22 Avoine, directeur informatique du conseil général de la Manche, se sent lui aussi coincé : “Nous n’avons pas vraiment le choix : un grand nombre d’applications métier se fondent sur le système d’exploitation et la bureautique de Microsoft, et la base de données Oracle. C’est le danger d’une situation de quasimonopole, où les éditeurs peuvent imposer leur mode de facturation.” Pour Jean Chabrol, directeur financier de Beiersdorf France, “la tarification de Microsoft nous paraît exorbitante. On se retrouve dans la même problématique qu’avec IBM il y a vingt ou trente ans”. Selon l’association Aids, utilisateur du PGI LE MONDE INFORMATIQUE • N° 1037 • 10 septembre 2004 de Sage, le mode locatif est au contraire bien adapté à un organisme dépendant de financements : “Nous avons choisi ce mode pour notre partenaire africain. Il peut ainsi financer le droit d’utilisation du logiciel grâce à des subventions annuelles”, explique Thierry Barthélémy, directeur administratif et financier. La formule de souscription à l’ensemble de l’offre Sun sous forme d’abonnement permet à de grands clients, comme Voyages SNCF ou Orange, de réaliser des économies. Après un comparatif des coûts, l’opérateur télécoms a ainsi fait l’acquisition de la solution Sun pour 22 000 employés. C. R. Option de sortie vers un contrat classique Pas de sortie possible. Au bout de 3 ans. Pas de sortie possible. Pas de contrat classique. Au bout de 3 ans, l’utilisateur conserve le droit d’utiliser les licences. par an. “Etant donné cette fréquence, le client peut comprendre le coût annuel de l’abonnement. De plus, ces mises à jour obligatoires constituent une contrainte pour les entreprises. Celleci est désormais supportée par l’éditeur”, renchérit Pascal Houillon, directeur général de Sage France. Cet éditeur a lancé ce nouveau mode de tarification en mai 2001, à peu près en même temps que Microsoft. Il concerne les nouveaux clients ou ceux qui achètent de nouveaux produits ou modules du même éditeur. “Environ deux tiers de nos clients avaient déjà un contrat d’assistance annuel, et le nouveau mode de facturation ne faisait guère de différence pour eux”, selon Pascal Houillon. Toutefois, la location ne présente un réel intérêt que pour des logiciels évolutifs, s’inscrivant durablement dans la stratégie de l’entreprise : “Cette formule est mal perçue pour la bureautique : payer tous les ans pour un logiciel que l’on peut utiliser sans mise à jour n’a pas de sens”, estime Pascal Houillon, qui constate que “les petites entreprises, où les notions de propriété et d’indépendance sont exacerbées, sont en général réticentes à la location”. Pour Sun, l’intérêt de la formule de location par employé et par an, ou par poste et par an, consiste à “décliner de façon unique l’ensemble de l’offre logicielle (infrastructure et middleware, applications et intégration d’applications)”, note Elisabeth Bonhomme. “Par ailleurs, après avoir payé son abonnement pendant trois ans, le client peut choisir de devenir propriétaire des licences et de passer dans un mode classique.” ● CLAIRE RÉMY www.weblmi.com Offre Traquer les licences inutiles grâce à l’inventaire Veiller à la bonne application des contrats constitue une tâche ardue pour le DSI. Les outils de gestion des licences logicielles lui permettent de mieux s’en acquitter. our s’assurer de la bonne application des contrats, les DSI ont besoin d’outils. D’autant que le poids du logiciel s’est accru dans les budgets informatiques : de 5 % en 1980 à 12 % en 1990 et à 21 % aujourd’hui. Conséquence : les outils de gestion de parc évoluent vers la prise en compte des licences pour apporter des fonctions de suivi technique et administratif des droits d’exploitation d’une application. En se dotant d’outils de ce type, la DSI poursuit deux objectifs: contrôler la conformité de l’usage avec la licence et mesurer le taux d’utilisation des différents logiciels, afin de revoir à la baisse le nombre de licences achetées. Selon le cabinet d’études Gartner, trois fonctions complémentaires sont nécessaires pour constituer une solu- tion répondant à ces objectifs : l’inventaire, la mesure de l’usage des logiciels et le catalogue des actifs. Socle technique de ces solutions, l’inventaire va identifier les logiciels installés chez les utilisateurs grâce à des agents présents sur les postes de travail ou à des scripts. S’y greffent des fonctions P www.weblmi.com comme la détection des applications non autorisées, ou le blocage des installations lorsque le nombre de licences atteint le seuil défini par le contrat ou que la date d’exploitation est dépassée. Il faut par ailleurs rapprocher l’état du parc des droits d’exploitation achetés auprès des éditeurs. Comparaison Source : CXP/LMI OUTILS DE GESTION DES LICENCES Editeur Altiris BMC Software Computer Associates HP Kimoce Landesk Software Network Associates Peregrine Systems PS’Soft Staff&Line Progiciel Asset Management Suite ARS Unicenter ServicePlus/ServiceDesk OpenView Service Desk Kim’Hotline Landesk Management Suite Magic Help Desk Enterprise Edition Asset Center Qualiparc Asset Management Actima qui fournit de premières pistes d’optimisation. Mais passe sous silence un autre volet possible d’économies : les applications achetées, mais jamais – ou très peu – employées par les utilisateurs. Les fonctions de mesure de l’usage des logiciels, par poste de travail ou par profil d’utilisateur, permettent d’isoler ces applications inutiles. Le cabinet Gartner estime que 70 % des entreprises qui mettent en place des fonctions de mesure de l’usage des logiciels économiseront 5 % sur la facture logicielle la première année et 2 à 3 % les années suivantes. Ainsi une grande entreprise s’est aperçue, après avoir affecté un employé à ce type de projet, qu’elle payait plus de licences Oracle qu’elle n’en utilisait. Gain net : 8 millions de dollars. ● REYNALD FLÉCHAUX Qualiparc Asset Management, de PS’Soft. Les logiciels de gestion des licences rapprochent les droits achetés de ceux effectivement exploités afin de détecter les acquisitions inutiles. N° 1037 • 10 septembre 2004 • LE MONDE INFORMATIQUE 23