Des licences de plus en plus chères, de moins en moins claires

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Des licences de plus en plus chères, de moins en moins claires
DOSSIER
Analyse
Zoom
Offre
Les DSI se débattent avec la gestion
de leur parc logiciel P 18
L’abonnement : la simplicité
retrouvée ? P 22
Inventorier et mesurer l’usage
des logiciels P 23
DR
Des licences
de plus en plus chères,
de moins en moins claires
Des éditeurs qui, pour compenser l’érosion de leur chiffre d’affaires, tendent de
véritables pièges tarifaires à leurs clients, des négociations au cas par cas protégées par
des clauses de confidentialité, des modes de tarification toujours plus complexes.
La gestion des contrats de licences en volume vire au casse-tête pour les DSI.
Une complexité qui entraîne même des investissements inutiles…
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N° 1037 • 10 septembre 2004 • LE MONDE INFORMATIQUE
17
DOSSIER
| Stratégie
Analyse Licences logicielles,
le maquis juridique où se perdent les DSI
Modes de facturation ubuesques, négociations tenues secrètes, gestion au quotidien fastidieuse : la complexité
des licences logicielles donne le vertige aux directeurs informatiques. Et entraîne des dépenses injustifiées.
N°
es modes de facturation toujours plus exotiques, des
contrats au périmètre fluctuant
d’un éditeur à l’autre, de
brusques changements de politiques de licences masquant des
chausse-trapes tarifaires : la gestion des
licences logicielles tourne au “cauchemar”pour le DSI. C’est en tout cas la qualification que retient le cabinet Blor Research, dans une note commandée par
l’éditeur de gestion de parc PS’Soft. “A
une époque où les entreprises bataillent
1
D
Source : CXP / LMI
En mode hébergé
PRINCIPE
L’entreprise qui choisit le modèle
FAH (fourniture d’application
hébergée, ou ASP en anglais, pour
Application Services Provider) loue
uniquement un droit d’utilisation à
distance du logiciel dont le
fournisseur a acquis la licence par le
biais du programme de licence
spécifique de l’éditeur. L’acquisition
de ce droit d’utilisation s’inscrit dans
le cadre d’un service global, incluant
par exemple un support applicatif,
des facilités financières, l’entretien
des terminaux, etc. La tarification
FAH s’effectue généralement par
utilisateur et par mois (redevance
mensuelle), avec parfois un “droit
d’entrée” ou un nombre minimum
d’utilisateurs.
AVANTAGES
Pas d’investissement lourd en
termes d’infrastructure, faibles coûts
d’intégration, moins de personnel
TA R I F I C AT I O N
N°
nécessaire pour la maintenance en
interne de la solution et adaptation
des charges à l’activité de l’entreprise.
INCONVÉNIENTS
Multiplicité des intervenants
(prestataire FAH, opérateur
télécoms), ce qui accroît les risques,
problème de confidentialité,
dégradation du service, etc. En phase
de croisière, les coûts d’exploitation
d’une application en mode FAH (loyer,
transmissions télécoms…) dépassent
ceux d’une application déployée en
interne (maintenance, mise à
niveau…).
EXEMPLES D’ÉDITEURS
Eudonet, Siebel ou Salesforce.com
(GRC), Etap-on-line (gestion des
notes de frais).
EVOLUTIONS À PRÉVOIR
Ce modèle fait de plus en plus
d’émules, notamment auprès des
PME qui se déchargent ainsi de
nombreux aspects techniques.
En septembre
2003, Jean-Pierre
Corniou,
président du
Cigref, et Steve
Ballmer (à droite),
PDG de Microsoft,
signent un accord
de coopération.
L’éditeur s’y
engage à informer
le club avant tout
changement de
politique de
licences.
2
TA R I F I C AT I O N
18
directs ou indirects de la solution
sont difficilement dénombrables.
Le critère de calcul est également
moins alambiqué qu’une tarification
au volume (voir ci-contre).
INCONVÉNIENTS
Ce système est généralement plus
onéreux qu’une tarification au
nombre d’utilisateurs.
EXEMPLES D’ÉDITEURS
Solutions EAI (Enterprise
Application Integration) d’IBM, de
SeeBeyond, de Sterling Commerce,
de Tibco, de WebMethods.
EVOLUTIONS À PRÉVOIR
Ce modèle dérive de plus en plus
vers un calcul liant le nombre de
serveurs, la puissance machine et le
nombre d’utilisateurs nommés,
dans le but de s’adapter à la taille
des clients et de passer sur des
projets moyens.
LE MONDE INFORMATIQUE • N° 1037 • 10 septembre 2004
N°
3
Au volume
Source : CXP / LMI
Source : CXP / LMI
En fonction de la configuration
PRINCIPE
En plein développement, ce mode
de tarification n’est ni plus ni moins
qu’une nouvelle façon de facturer
l’usage au nombre d’utilisateurs, en
particulier lorsque ces derniers sont
difficilement dénombrables. Calculé
selon le nombre de serveurs et/ou
la puissance machine, il est
particulièrement adapté aux
logiciels en configuration Internet,
pour lesquels le nombre réel
d’utilisateurs est impossible à
vérifier avec précision pour l’éditeur,
ainsi qu’aux logiciels d’interfaces
(EAI) ou systèmes auxquels
les utilisateurs n’accèdent pas
directement.
AVANTAGES
Ce mode permet d’adapter le coût
du logiciel au service qu’il apporte à
l’entreprise, même si les utilisateurs
pour gérer des logiciels qu’elles acquièrent ou louent selon des modèles de
licences par utilisateur nommé, par utilisateur simultané, par microprocesseur, par serveur ou encore par téraoctet de mémoire, la situation est en passe
de devenir de plus en plus complexe”,
ajoute Blor Research. Didier Lambert,
DSI d’Essilor et vice-président du Cigref
(Club informatique des grandes entreprises françaises), pointe de son côté les
effets pervers de certains de ces modes
de calcul: “Ils induisent des inerties dans
Marc Guillaumot
TA R I F I C AT I O N
PRINCIPE
Le droit d’utilisation du logiciel est
calculé en fonction du volume de
données ou d’objets traités. Ce mode
de tarification est généralement
appliqué aux logiciels utilisés par peu
de personnes dans l’entreprise, mais
avec une forte valeur ajoutée. Le
tarif peut s’appuyer sur le nombre de
courriels (logiciel de gestion de
messagerie), le volume de la base de
données clients (gestion marketing),
la surface d’entreposage (gestion des
stocks), le nombre d’actifs gérés
(gestion des immobilisations), etc.
Certains éditeurs retiennent la taille
de l’entreprise cliente, selon
plusieurs critères : nombre de
salariés, chiffre d’affaires, etc.
AVANTAGES
Garant d’une plus grande équité,
ce mode permet d’adapter le prix à la
valeur ajoutée qu’apporte le logiciel à
l’activité de l’entreprise, où à sa taille.
INCONVÉNIENTS
Le manque de recul sur des
facturations assez nouvelles, comme
celle qui repose sur le chiffre
d’affaires. Ce mode de calcul pénalise
qui plus est les activités à faible
marge.
EXEMPLES D’ÉDITEURS
Eptica (gestion des courriels),
Neolane (gestion marketing), Cegid
(immobilisations), Aldata
(entreposage), etc. PeopleSoft se
réfère à des critères liés à la taille de
l’entreprise, dont le chiffre d’affaires.
EVOLUTIONS À PRÉVOIR
En ligne avec le discours sur le
logiciel créateur de valeur pour
l’entreprise, la facturation au chiffre
d’affaires semble appelée à se
diffuser dans l’édition.
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certaines entreprises. Ainsi, le calcul par
processeur conduit certains DSI à
concentrer leurs logiciels sur de gros serveurs, alors que la stratégie informatique la plus efficace consisterait parfois
à déconcentrer ces ressources.”
Pour Philippe Latour, directeur marketing Europe du Sud de Software Spectrum, spécialiste de la gestion de licences logicielles pour les grands
comptes, les difficultés que rencontre
un DSI face à ce maquis contractuel sont
multiples : “La bonne et entière compréhension des contrats, le suivi de ces
contrats qui peuvent être centralisés ou
décentralisés, la gestion de plusieurs
contrats pour des périmètres différents,
la capacité à regrouper des besoins pour
négocier des contrats en volume, la difficulté à gérer ce qui se passe réellement
sur le terrain (achats locaux, installations non contrôlées)… En fait, la principale difficulté provient de la nécessaire double gestion : d’un côté celle de
la licence elle-même, dématérialisée et
souvent centralisée, de l’autre le logiciel proprement dit, qui peut être soit
déployé de façon industrielle, soit installé de façon ponctuelle.” Tout l’enjeu
consistant donc à réconcilier ces deux
sources de données. Et ce, à tout instant !
En effet, pour arriver avec les meilleurs
atouts lors des négociations avec l’industrie du logiciel, les entreprises, par
l’intermédiaire de leurs services achats,
ont tendance à bâtir des contrats groupe.
Si ceux-ci permettent d’obtenir de
meilleurs tarifs que les achats dispersés,
ils génèrent une autre dérive. Comme les
déploiements continuent à s’effectuer
de façon décentralisée, en fonction des
besoins et des particularités locales, et
sans remontée systématique d’information, les acheteurs ont tendance à
ANTICIPER FUSIONS ET RACHATS
es fusions et les rachats entre
L
entreprises sont guidés par la
recherche de “synergies”, ces
possibilité de combiner les licences du
même éditeur avec celles d’une autre
organisation ; tarifs garantis pour les
nouvelles licences pendant un laps de
temps ; droit de retirer des licences
devenues inutiles lors de la réunion des
deux entités. En cas de rachat, le DSI
devra veiller à ce que le logiciel fasse
bien partie des actifs transférés.
Enfin, les contrats peuvent venir
appuyer la stratégie de l’entreprise : si
celle-ci veut se faire absorber, le DSI
inclura une clause assurant le transfert
gratuit des licences à l’acquéreur ; à
l’inverse, un contrat rendant ce
transfert coûteux est susceptible de
décourager les assaillants.
réductions de coûts qui amélioreront la
marge. Un constat qui vaut aussi pour
le logiciel, à condition de se préparer à
ces éventualités dans les contrats. Pour
les fusions, le cabinet d’études Gartner
conseille l’ajout de plusieurs clauses :
droit pour l’entreprise de changer de
nom sans pénalités ; définition claire de
l’entreprise, de ses filiales et de ses
liens financiers et possibilités pour ces
structures de bénéficier du contrat à
hauteur des pourcentages de
participation ; droit d’ajouter ou de
changer une division opérationnelle ;
surestimer le volume total de licences
nécessaire au bon fonctionnement de
l’organisation. Software Spectrum considère que le taux des licences inemployées atteint 10 à 15 %. Soit, selon les
calculs de cette société, un million d’euros gaspillés pour une entreprise générant un chiffre d’affaires d’un milliard !
l’éditeur concerné. Les revendeurs qui
traitent la commande. Les éditeurs qui
l’enregistrent et livrent les preuves de licence. Un schéma valable pour chaque
contrat, avec ses clauses, ses échéances et
ses règles de gestion propres.
Résultat : non seulement certaines
licences sont achetées inutilement,
mais les cas de non-respect des termes
du contrat sont fréquents. Souvent à
l’insu des responsables de l’entreprise.
Le cabinet McKinsey estime que, dans
le monde, 10 % des installations de logiciels acquis légalement par les entreprises ne sont pas conformes aux
contrats. Pour expliquer cette incohérence, 57 % des personnes interrogées
pour cette étude citent le manque de
ressources et de temps, et 53 % la trop
grande complexité des licences.
Contrats violés
en toute bonne foi
Si la partie est si complexe, c’est aussi
en raison de la multiplicité des acteurs
de l’entreprise intervenant, à un moment
ou à un autre, dans la vie du logiciel. La
DSI, bien sûr, qui fixe l’architecture cible
et qui transmet les besoins au service
achats. Ce dernier choisissant le bon
contrat et menant la négociation avec
Didier Lambert va même plus loin,
dénonçant le fonctionnement de toute
une industrie: “Les éditeurs ont du mal
à vivre dans un environnement concurrentiel. Comparer leurs offres devient
quasi impossible du fait de la disparité
des contrats et des modes de facturation. Pire : comparer une même offre
avec un autre DSI est tout aussi impossible, puisque les éditeurs se retranchent
derrière des clauses de confidentialité
qui nous interdisent de nous livrer à cet
exercice. On est là très proche de l’entrave à la concurrence. Il existe bien un
tarif catalogue, mais quand on sait que,
dans certains cas, les remises dépassent les 90 %, on se rend compte qu’il n’a
aucun sens.”Pour le cadre dirigeant d’Essilor, l’Open Source constitue d’ailleurs
une forme de réponse à ces dérives.
La généralisation de ces clauses de
confidentialité, qui interdisent, en théorie, toute comparaison de tarifs avec une
entreprise présentant un parc similaire,
rend la négociation initiale du contrat
d’autant plus cruciale. “Le jeu des éditeurs consiste à diviser pour mieux régner, en menant des négociations au
cas par cas”, tempête Didier Lambert.
Chez Essilor, ces phases de discussion
font intervenir une cellule composée de
quatre acteurs: le spécialiste des contrats
logiciels du service informatique, un juriste, un acheteur spécialisé et un contrôleur de gestion. Même constat chez un
DSI d’une entreprise française comptant environ 5 000personnes: “Pour négocier ses tarifs, la direction informatique est dans le brouillard complet. Les
DSI s’échangent peu d’informations sur
les prix qu’ils parviennent à négocier.”
Pourtant, malgré le rideau de fumée
juridique créé par le monde de l’édition, les directions informatiques des
Suite page 20 ➤
TA R I F I C AT I O N
N°
4
TA R I F I C AT I O N
PRINCIPE
Ce mode de tarification
correspond à l’acquisition de droits
d’utilisation du logiciel pour une
durée limitée, généralement
pluriannuelle, avec versement d’une
redevance locative tous les ans.
Certains éditeurs proposent même
une option de leasing qui permet,
comme dans le domaine automobile
ou immobilier, de devenir propriétaire
d’une licence louée, moyennant le
versement d’une somme prédéfinie
au terme du contrat de location.
AVANTAGES
En plus d’une meilleure visibilité sur
les coûts, le modèle présente deux
avantages principaux. D’une part,
l’utilisateur peut arrêter à tout
moment le contrat. D’autre part, il
bénéficie d’une bonne qualité de
service. La redevance inclut
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généralement des services standard, à
commencer par des sessions de
formation, une documentation, ainsi
que la maintenance et la fourniture
des nouvelles versions du logiciel.
Des techniciens, joignables par une hot
line, peuvent également
se déplacer en cas de problème.
INCONVÉNIENTS
Sur le long terme, le coût total de la
location peut dépasser celui de
l’acquisition de licences du produit.
C’est aussi une façon pour les éditeurs
d’imposer leur rythme de mises à jour.
EXEMPLES D’ÉDITEURS
SAS Institute, Microsoft avec sa
Software Assurance, Sage, Sun
EVOLUTIONS À PRÉVOIR
A l’image de la politique tarifaire
de Microsoft mais aussi de plusieurs
grands éditeurs de PGI, ce modèle
devrait se répandre rapidement.
5
Au nombre d’utilisateurs
Source : CXP / LMI
Source : CXP / LMI
A la location
N°
PRINCIPE
Modèle historique, actuellement
toujours le plus répandu, la
tarification au nombre d’utilisateurs
se fonde soit sur le nombre
d’utilisateurs “nommés”, soit sur le
nombre d’utilisateurs “concurrents”.
Dans le premier cas, l’éditeur facture
son client en fonction du nombre de
postes sur lesquels son logiciel est
effectivement installé. Dans le
second, le tarif est calculé en
fonction du nombre de sessions
simultanées (accès à l’application) à
un instant donné. A noter aussi
l’apparition de la notion d’utilisateur
“consultatif”, c’est-à-dire qui ne
modifie pas l’information, mais ne
fait que la visualiser.
AVANTAGES
Cette tarification colle au plus
juste avec l’utilisation potentielle du
logiciel dans l’entreprise. Elle facilite
en outre l’achat et la gestion des
licences.
INCONVÉNIENTS
Risque de “sur-licencing”, c’est-àdire de voir certaines licences ne pas
être utilisées, notamment lorsque le
nombre d’utilisateurs diminue.
EXEMPLES D’ÉDITEURS
La tarification au nombre
d’utilisateurs nommés est
particulièrement répandue chez les
éditeurs de solutions bureautiques,
dont le nombre d’utilisateurs est
facilement prévisible. La notion
d’utilisateur “consultatif” existe pour
l’e-Business Suite d’Oracle
EVOLUTIONS À PRÉVOIR
Avec le développement des autres
modèles, la tarification “classique”
au nombre d’utilisateur est
inévitablement en perte de vitesse.
N° 1037 • 10 septembre 2004 • LE MONDE INFORMATIQUE
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DOSSIER
| Stratégie
Computer Associates
BEA
Au nombre d’utilisateurs
En location
HP
Par utilisateur nommé
AllFusion ainsi que
certains composants de et/ou simultané (certains
produits)
Unicenter, eTrust,
BrightStor, CleverPath et
Advantage.
WebLogic
Workshop 8.1
Microsoft
Oracle
PeopleSoft
SAP
Windows XP,
Windows 2000 Pro,
Windows Server,
Office, Exchange,
SMS
Oui
Enterprise,
EnterpriseOne
mySAP Business Suite,
xApps, NetWeaver
Non
Non
A travers
Windows XP,
Windows 2000 Pro, un plan de
financement
Windows Server,
Office, Exchange, SMS
Non
Licence FlexSelect :
pourUnicenter, eTrust,
BrightStor, CleverPath,
AllFusion, Advantage
Oui, selon certaines
conditions
Par l’intermédaire
de partenaires
(MGN, FT, Equant)
Non
Oui (offre Managed
Services)
Non
Au volume
Non
Non
Oui, selon certaines conditions
Sur site
Non
Non
Oui
Par CPU
WebLogic Workshop 8.1,
Server 8.1, Portal 8.1,
Integration 8.1,
Platform 8.1
Non
Non
eTrust, BrightStor,
CleverPath, Advantage,
Unicenter
En mode hébergé
Par serveur
➤ entreprises possèdent de sérieux atouts
pour aborder la négociation. Surtout en
période de ralentissement des investissements. “Je ne vois pas de cas où un
client serait obligé de rentrer dans un
cadre qui ne lui convient pas, soutient
Philippe Latour. Les moyens existent
pour parvenir à un accord, même s’il
faut en passer par quelques crises. Le
contrat de la Mairie de Paris avec Microsoft est un bon exemple : face à la
menace de la concurrence[la migration
des postes de travail sous Linux, NDLR],
Microsoft a su trouver une certaine souplesse.”Bel euphémisme quand on sait
que l’éditeur d’Office a consenti une remise de 60 % pour éviter de voir la ville
basculer vers l’Open Source. Pour le res-
Oui
Enterprise, EnterpriseOne mySAP Business Suite,
xApps, NetWeaver
Non
Oui
Enterprise, EnterpriseOne Certains modules (paye)
Non
Non
Enterprise, EnterpriseOne
Non
Non
MOM, Biztalk
Non
Non
Non
Non
Windows Server,
Exchange, SMS
Non
Non
Non
ponsable de Software Spectrum, tout ou
presque est négociable : “Prise en
compte d’un parc existant, reprise
concurrentielle – rachat par l’éditeur
des produits concurrents déployés chez
le client et valorisés sous forme de remise –, souplesse sur les contrats de
maintenance ou d’assistance téléphonique, souplesse dans l’utilisation des
licences – avec par exemple une marge
de dépassement de 10 % –, assistance
technique ou journées de formation
gratuites, réajustement du nombre de
licences à chaque annuité, etc.” Une
évolution que ressent également le cabinet d’études CXP, qui note que les éditeurs sont prêts à s’adapter aux budgets
des entreprises en mettant en place des
tarifs “à tiroir”, combinant plusieurs
modes de facturation. Revers de la médaille : une comparaison des offres
des éditeurs consultés “de plus en plus
complexe”, selon le CXP.
Une cellule de gestion
spécifique
Attention toutefois à quelques
clauses “pièges” pouvant être lourdes
de conséquences, comme les modalités de réajustement des tarifs en cas de
modification du périmètre du parc installé, les clauses de responsabilité des
éditeurs ou les paragraphes évoquant
les recours en cas de litige. Afin de
guider les entreprises françaises, le Ci-
Le monde Open Source a aussi ses règles
pter pour le logiciel libre – ou
Open Source, c’est-à-dire à
source accessible – ne signifie ni
gratuité ni absence de licence.
“L’ambiguïté initiale provient de
l’expression d’origine, free software,
puisqu’en anglais free signifie aussi
bien libre que gratuit”, explique
l’Aful, l’Association francophone des
utilisateurs de Linux et des logiciels
libres. Dans la pratique, la plupart
des logiciels libres sont effectivement
disponibles gratuitement,
notamment sur le Web. Mais on
trouve aussi de nombreuses
solutions payantes, même si elles
restent bon marché. Les principales
distributions de Linux (Debian,
Mandrake, Red Hat, SuSE…)
s’inscrivent dans ce modèle, et
proposent notice, contrat d’assistance
à l’installation et maintenance.
Les logiciels libres offrent en tout
cas plus de liberté que leurs cousins
O
20
propriétaires. Selon la définition de
la Free Software Foundation, à
laquelle l’Aful fait référence, cette
liberté se décline dans trois
directions. “Tout d’abord, la liberté
pour chacun d’étudier comment le
programme fonctionne, et de
l’adapter à ses propres besoins.
Ensuite, la liberté de le copier et de
le diffuser auprès d’amis ou de
collègues, ce qui est strictement
interdit avec des logiciels classiques
du commerce. Et enfin, la liberté
d’améliorer soi-même le logiciel
pour en faire profiter la
communauté.”
S’il dispose bien d’un droit de
libre intervention sur le code source,
l’utilisateur d’un logiciel doit
respecter un certain nombre de
règles encadrées par une licence ad
hoc, dont il existe de nombreuses
variantes. Ainsi, la GNU General
Public License (GPL), sur laquelle
LE MONDE INFORMATIQUE • N° 1037 • 10 septembre 2004
s’appuie une très large majorité de
logiciels libres, la GNU Lesser
General Public License (LGPL), ou
encore la license Berkeley Software
Design (BSD), celle du Massachusetts
Institute of Technology (MIT), etc.
Sans oublier Cecill, la première
licence française, conçue par les trois
principaux organismes publics de
recherche informatique en France
(CEA, CNRS, Inria), qui respecte à la
fois les principes de la GPL et les
règles du droit français.
Ces licences imposent des
obligations en matière de copie du
logiciel, de modification et de
distribution. Toute entreprise
intéressée par un logiciel sous licence
Open Source devra s’informer sur
deux points fondamentaux :
l’étendue des droits en ce qui
concerne les modifications qui
seront apportées et la portée de
l’exclusion des garanties.
T. P.
gref travaille d’ailleurs à la rédaction
d’un guide de clauses types.
La signature du contrat n’est pourtant
pas synonyme de tranquillité pour le
DSI. Il faut ensuite veiller à son application dans l’entreprise. “La gestion
quotidienne est une véritable catastrophe, tonne Didier Lambert. Pour respecter tous les contrats, il faudrait écrire
une lettre par jour pour signaler à tel
éditeur une activation de processeur,
à tel autre un changement de serveur,
etc.” Philippe Latour conseille la mise
en place d’une cellule de gestion spécifique aux licences. Ses missions ?
“Veiller à ce que les conditions négociées soient respectées, suivre les déploiements, tenir à jour des tableaux
de bord pour gérer les échéances – annuités, mises à jour, etc. –, regrouper
les besoins, assurer la communication
sur ces sujets dans l’entreprise…”
Lorsque le contrat arrive à son terme
ou lorsque les besoins de l’entreprise
sont modifiés, il faut se préparer à de
nouvelles négociations. Or les éditeurs
se montrent généralement moins conciliants avec les entreprises faisant déjà
partie de leur portefeuille de clients. “Il
s’agit tout simplement d’un malus pour
les clients fidèles, dénonce Didier
Lambert. Des progiciels comme ceux de
SAP, Oracle ou PeopleSoft créent une
clientèle captive. Quand l’éditeur présente une ardoise au DSI, ce dernier ne
peut que s’incliner.” Et d’appeler de ses
vœux un nouveau mode de relation
entre le monde de l’édition et les entreprises. “Avec un éditeur avec qui j’ai pu
avoir une vraie explication sur la valeur de ses logiciels pour mon entreprise, j’ai signé un contrat illimité pour
tous usages, d’une durée de sept ans.
La facturation est basée sur le nombre
de verres qui sortent de nos usines !” ●
REYNALD FLÉCHAUX,
AVEC SANDRINE CHILOTTI ET THIERRY PARISOT
www.weblmi.com
Source : LMI / éditeurs
LES MODES DE TARIFICATION DE QUELQUES ÉDITEURS
DOSSIER
| Stratégie
Zoom L’abonnement de mieux en
mieux accepté, sauf pour la bureautique
Les formules d’abonnements à des logiciels, hier décriées par les utilisateurs, peuvent présenter des avantages.
A condition d’offrir une bonne visibilité sur le budget informatique et d’apporter plus de flexibilité au DSI.
“
es éditeurs de progiciels et
leurs distributeurs s’engagent à rendre le plus lisibles
possible leurs différents programmes de licences, leurs
tarifs et leurs évolutions prévisibles
dans le temps.” Cet extrait de la charte
Cigref-Syntec Informatique, publiée en
mars 2004, est l’une des séquelles de la
levée de boucliers suscitée par le lancement, notamment chez Microsoft il
y a trois ans, de nouveaux modes de tarification, incluant le support et toutes
les mises à jour, moyennant une redevance annuelle. Une formule qui, si elle
a tendance à se généraliser, ne date
toutefois pas d’hier : certains éditeurs
spécialisés, comme SAS (décisionnel)
ou think3 (CAO), ayant toujours suivi
cette politique.
Chez SAS, les clients paient un droit
d’entrée et un abonnement annuel qui
leur donne le droit d’utilisation, le support technique, la maintenance et la
mise à jour des logiciels utilisés. Une
formule apparemment bien acceptée
par les clients, puisque 98 % d’entre eux
renouvellent leur location et plus des
deux tiers étendent leur utilisation
chaque année, selon Cæcilia Dijoux, responsable de marché chez SAS. “Pour
l’utilisateur, le mode locatif permet
d’anticiper les coûts sur trois à cinq ans.
Les budgets informatiques étant de
plus en plus serrés, et le DSI ayant des
comptes à rendre au directeur financier, il est plus facile de faire passer un
coût de location qu’un nouvel inves-
LES PRINCIPAUX PROGRAMMES DE LICENCES LOCATIFS
L
Editeur
COMPUTER ASSOCIATES
MICROSOFT
Source : LMI/éditeurs
SAGE
SAS
SUN
Logiciels
concernés
Ensemble
de l’offre CA
Mode
de tarification
FlexSelect : location de
Pas de droit d’entrée.
1 mois à 3 ans, incluant
Paiement possible par mois,
maintenance et support. par trimestre ou par an.
Desktop et Serveur
Software Assurance
En plus du coût de licence : 29 %
incluant mises à jour
de ce coût (logiciels serveurs)
et maintenance.
par an ; 25 % (logiciels clients).
PGI milieu et haut de gamme Maintenance
Droit d’entrée à partir de 2 000 €
(Ligne 100, 500, 1000)
et mises à jour.
+ coût annuel à partir de 800 €.
Ensemble de l’offre SAS
Maintenance et évolution Droit d’entrée + coût annuel
avec accompagnement
par serveur, dépendant du module
dans l’utilisation du logiciel. et de la puissance du serveur.
Java Enterprise System
Regroupement
Location annuelle : 92 € par
de l’ensemble
employé, ou 46 € par
des produits logiciels.
poste client Open Source.
tissement”, explique Cæcilia Dijoux,
qui considère que ce mode de commercialisation lie moins l’utilisateur
à l’éditeur. Si l’on en croit Elisabeth
Bonhomme, chef de produit Sun Java
System, “l’abonnement répond à une
demande très forte du marché : la
simplification des relations avec les éditeurs”. En effet, comptabiliser les licencesavec des tarifications variant suivant
les produits, auxquelles il faut ajouter
le prix des mises à jour et additifs, s’avère
finalement très coûteux. Aussi, même
si les produits de Sun peuvent toujours
être acquis sous forme de licence classique, l’abonnement global remporterait un franc succès, selon la société.
De plus, le prix unique supprime en
principe les coûts cachés, car ces for-
Contenu
mules s’accompagnent en général d’un
certain nombre de services destinés à
alléger les tâches du DSI: prise en charge
par l’éditeur des mises à jour, de l’évolution dans le temps, voire de l’intégration des produits entre eux, lorsqu’il
s’agit de composants logiciels comme
chez Sun. “La location assure une certaine souplesse, lorsqu’on veut passer
par exemple du client-serveur au client
léger, ou lorsque le nombre d’utilisateurs varie au cours du temps, en augmentation comme en diminution”,
ajoute Cæcilia Dijoux. L’évolution est
aussi un facteur à prendre en compte
pour des produits de type PGI, notamment les logiciels de paie, comptabilité
et trésorerie, où les mises à jour légales
sont fréquentes : au moins une ou deux
Les DSI dans l’angoisse du monopole
“
ue l’on prenne l’achat de
licence, avec obligation de
repayer une licence au bout
de trois ans, ou la solution Software
Assurance, le coût est le même,
explique Gérald Benchetrit, acheteur
à la mission achats marchés de la
Mairie de Paris. Pour garantir
l’homogénéité du parc et éviter des
incompatibilités, on est obligé
d’avoir les versions les plus récentes.
On se sent donc pieds et poings liés.
C’est de la vente forcée. Même
situation pour Oracle ou SAP, avec
les fameux 18 % annuels pour la
maintenance de licence. La
maintenance évolutive devrait se
faire à des prix raisonnables.” Pierre
Q
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Avoine, directeur informatique du
conseil général de la Manche, se sent
lui aussi coincé : “Nous n’avons pas
vraiment le choix : un grand
nombre d’applications métier se
fondent sur le système d’exploitation
et la bureautique de Microsoft, et la
base de données Oracle. C’est le
danger d’une situation de quasimonopole, où les éditeurs peuvent
imposer leur mode de facturation.”
Pour Jean Chabrol, directeur financier
de Beiersdorf France, “la tarification
de Microsoft nous paraît exorbitante.
On se retrouve dans la même
problématique qu’avec IBM il y a
vingt ou trente ans”. Selon
l’association Aids, utilisateur du PGI
LE MONDE INFORMATIQUE • N° 1037 • 10 septembre 2004
de Sage, le mode locatif est au
contraire bien adapté à un
organisme dépendant de
financements : “Nous avons choisi
ce mode pour notre partenaire
africain. Il peut ainsi financer le
droit d’utilisation du logiciel grâce
à des subventions annuelles”,
explique Thierry Barthélémy, directeur
administratif et financier. La formule
de souscription à l’ensemble de
l’offre Sun sous forme d’abonnement
permet à de grands clients, comme
Voyages SNCF ou Orange, de réaliser
des économies. Après un comparatif
des coûts, l’opérateur télécoms a
ainsi fait l’acquisition de la solution
Sun pour 22 000 employés.
C. R.
Option de sortie vers
un contrat classique
Pas de sortie possible.
Au bout de 3 ans.
Pas de sortie possible.
Pas de contrat classique.
Au bout de 3 ans,
l’utilisateur conserve le
droit d’utiliser les licences.
par an. “Etant donné cette fréquence, le
client peut comprendre le coût annuel
de l’abonnement. De plus, ces mises à
jour obligatoires constituent une
contrainte pour les entreprises. Celleci est désormais supportée par l’éditeur”, renchérit Pascal Houillon, directeur général de Sage France. Cet éditeur
a lancé ce nouveau mode de tarification
en mai 2001, à peu près en même temps
que Microsoft. Il concerne les nouveaux
clients ou ceux qui achètent de nouveaux produits ou modules du même
éditeur. “Environ deux tiers de nos
clients avaient déjà un contrat d’assistance annuel, et le nouveau mode de
facturation ne faisait guère de différence pour eux”, selon Pascal Houillon.
Toutefois, la location ne présente un
réel intérêt que pour des logiciels évolutifs, s’inscrivant durablement dans la
stratégie de l’entreprise : “Cette formule
est mal perçue pour la bureautique :
payer tous les ans pour un logiciel que
l’on peut utiliser sans mise à jour n’a pas
de sens”, estime Pascal Houillon, qui
constate que “les petites entreprises, où
les notions de propriété et d’indépendance sont exacerbées, sont en général
réticentes à la location”. Pour Sun, l’intérêt de la formule de location par employé et par an, ou par poste et par an,
consiste à “décliner de façon unique
l’ensemble de l’offre logicielle (infrastructure et middleware, applications
et intégration d’applications)”, note
Elisabeth Bonhomme. “Par ailleurs,
après avoir payé son abonnement pendant trois ans, le client peut choisir
de devenir propriétaire des licences et
de passer dans un mode classique.” ●
CLAIRE RÉMY
www.weblmi.com
Offre Traquer les licences
inutiles grâce à l’inventaire
Veiller à la bonne application des contrats constitue une tâche ardue pour le DSI.
Les outils de gestion des licences logicielles lui permettent de mieux s’en acquitter.
our s’assurer de la bonne application des contrats, les DSI
ont besoin d’outils. D’autant
que le poids du logiciel s’est
accru dans les budgets informatiques : de 5 % en 1980 à 12 % en 1990
et à 21 % aujourd’hui. Conséquence :
les outils de gestion de parc évoluent
vers la prise en compte des licences
pour apporter des fonctions de suivi
technique et administratif des droits
d’exploitation d’une application. En se
dotant d’outils de ce type, la DSI poursuit deux objectifs: contrôler la conformité de l’usage avec la licence et mesurer le taux d’utilisation des différents
logiciels, afin de revoir à la baisse le
nombre de licences achetées.
Selon le cabinet d’études Gartner,
trois fonctions complémentaires sont
nécessaires pour constituer une solu-
tion répondant à ces objectifs : l’inventaire, la mesure de l’usage des logiciels et le catalogue des actifs. Socle
technique de ces solutions, l’inventaire
va identifier les logiciels installés chez
les utilisateurs grâce à des agents présents sur les postes de travail ou à des
scripts. S’y greffent des fonctions
P
www.weblmi.com
comme la détection des applications
non autorisées, ou le blocage des installations lorsque le nombre de licences
atteint le seuil défini par le contrat ou
que la date d’exploitation est dépassée.
Il faut par ailleurs rapprocher l’état du
parc des droits d’exploitation achetés
auprès des éditeurs. Comparaison
Source : CXP/LMI
OUTILS DE GESTION DES LICENCES
Editeur
Altiris
BMC Software
Computer Associates
HP
Kimoce
Landesk Software
Network Associates
Peregrine Systems
PS’Soft
Staff&Line
Progiciel
Asset Management Suite
ARS
Unicenter ServicePlus/ServiceDesk
OpenView Service Desk
Kim’Hotline
Landesk Management Suite
Magic Help Desk Enterprise Edition
Asset Center
Qualiparc Asset Management
Actima
qui fournit de premières pistes d’optimisation. Mais passe sous silence un
autre volet possible d’économies : les
applications achetées, mais jamais –
ou très peu – employées par les utilisateurs. Les fonctions de mesure de
l’usage des logiciels, par poste de travail ou par profil d’utilisateur, permettent d’isoler ces applications inutiles. Le cabinet Gartner estime que
70 % des entreprises qui mettent en
place des fonctions de mesure de
l’usage des logiciels économiseront 5 %
sur la facture logicielle la première
année et 2 à 3 % les années suivantes.
Ainsi une grande entreprise s’est aperçue, après avoir affecté un employé à
ce type de projet, qu’elle payait plus de
licences Oracle qu’elle n’en utilisait.
Gain net : 8 millions de dollars. ●
REYNALD FLÉCHAUX
Qualiparc Asset
Management,
de PS’Soft. Les
logiciels de gestion
des licences
rapprochent les
droits achetés de
ceux effectivement
exploités
afin de détecter
les acquisitions
inutiles.
N° 1037 • 10 septembre 2004 • LE MONDE INFORMATIQUE
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