Le bonheur de créer - Maison des Leaders

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Le bonheur de créer - Maison des Leaders
Entre vous et moi Rémi Tremblay est patron depuis l’âge de 22 ans. Ancien PDG d’Adecco Canada,
il a fondé Esse Leadership, une firme qui accompagne les leaders et leurs équipes.
Son dernier ouvrage, J’ai perdu ma montre au fond du lac (2009), coécrit avec
Diane Bérard, indique aux gestionnaires la voie de la tranquillité.
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Le bonheur
de créer
Les membres du conseil de direction d’une entreprise sont
venus me rencontrer récemment. Ils s’inquiétaient de l’effritement du moral de leurs troupes. Depuis deux ans, ils
avaient noté une augmentation du roulement du personnel,
une hausse de l’absentéisme et une réduction de la productivité. Ces dirigeants qui se préoccupaient du bien-être de leurs
employés étaient en poste depuis longtemps.
C’est qu’au cours des dernières années, ils ont concentré plusieurs fonctions au siège social. L’objectif :
réaliser des économies d’échelle, standardiser
les méthodes et uniformiser les procédures. Le personnel a activement participé
au processus décisionnel. Les employés
pouvaient constater les avantages
qu’il y avait à se consacrer davantage à leurs équipes et à leurs clients.
Pourtant, le moral des troupes
a pris le bord.
En y regardant de plus près,
nous découvrons que le conseil
de direction a entre autres centralisé les communications internes et
externes ainsi que le marketing. Et qu’il
a également regroupé au siège social les
postes des employés dont les fonctions touchent à l’amélioration continue. Il a aussi ouvert
au siège social un centre de R-D. Inconsciemment, et sans
aucune mauvaise intention, il a ainsi privé les équipes de
travail d’une foule d’occasions de faire preuve de créativité
et d’innovation.
À mes yeux, l’acte de créer est l’un de ceux qui procurent le
plus de bonheur à un être humain. Quand on crée, on réfléchit, on est à l’écoute de son intuition, on partage son talent,
sa vision. Créer, c’est permettre à une partie de nous-même
de venir au monde, c’est contribuer à l’évolution. Créer donne
aussi un certain pouvoir et accroît le sens des responsabi­lités.
La fierté éprouvée quand on applique dans un contexte professionnel ce qu’on a soi-même créé est toujours grande !
Qu’est-il donc arrivé dans cette entreprise ? En centralisant
certaines fonctions, les dirigeants ont neutralisé un grand
potentiel de bonheur au sein des équipes. Bref, au siège social,
on jubilait et dans les autres services, on exécutait. Quand j’y
pense, je me dis que cette entreprise a dû dépenser une fortune pour élaborer des programmes de reconnaissance afin de
mobiliser ses employés. Leur offrir des espaces de création lui
aurait pourtant permis de réaliser cet objectif !
Quand on veut changer des choses, on regarde généralement ce qu’on gagnera sans trop
se soucier de ce qu’on risque de perdre.
Ici, les économies d’échelle se sont
transformées en « déséconomies
d’échelle ». Tout est devenu homogène. Mais pour qui ? Pourquoi ?
Était-ce si important ? Si utile ?
N’enlevez pas à vos équipes le
loisir de réfléchir ensemble, d’inventer. Les occasions d’exprimer
sa créativité ne nuiront jamais à la
cohérence ou à l’unité au sein d’une
organisation. Ces gestionnaires m’ont
permis de voir à quel point il est important de comprendre les êtres humains
et ce qui les anime. De saisir ce qui les rend
heureux et donc performants, au-delà de la rémunération et des avantages sociaux. Ne l’oubliez jamais :
la possibilité de créer est un puissant avantage social !
Si vous songez à centraliser certaines fonctions, ne manquez pas d’évaluer l’impact possible d’une telle démarche.
Et si vous choisissez de centraliser la création, prévoyez un
important budget pour mobiliser à nouveau les équipes qui
se sentiront laissées-pour-compte.
Revoyez votre entreprise à la lumière de cette réflexion.
Y a-t-il de la place pour décupler les espaces de création, ces
« espaces de bonheur » ? Au-delà de la conception de produits
et de services, on peut créer des atmosphères, des façons de
vivre ensemble.
Illustrations : Martin Gagnon (R. Tremblay), Boris Zaytsev

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