Table ronde des personnes facilitées sur le thème "Etre femme, être

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Table ronde des personnes facilitées sur le thème "Etre femme, être
Table ronde des personnes facilitées sur le thème
"Etre femme, être homme !"
8 novembre 2014 – Fondation St-George, Yverdon-les-Bains
Séance animée par Françoise Vatré en présence de quelques personnes du public.
Simone, facilitée par Béatrice
Camille, facilitée par Michel
David, facilité par Catherine, sa maman
Caroline, facilitée par Marie-Claire
Martha, facilitée par Charlotte
Le mot de bienvenue de Josette Cornaz Perrier, secrétaire de CF-Romandie
Bienvenue à tous ! Bienvenue au groupe de la "Branche" qui est venu assister et c'est
sympa ! Concernant les personnes qui n'ont pas pu venir, il y a Nicolas qui était un grand
habitué et qui ne pourra plus venir. Il y a également Hélène qui n'a pas pu venir pour un
problème de transport et c'est d'autant plus regrettable que c'est elle qui avait proposé le
thème d'aujourd'hui. Merci à Françoise Vatré d'avoir accepté l'animation de cette rencontre
dont nous nous réjouissons beaucoup.
Introduction de Françoise Vatré, animatrice de la rencontre
En quelques mots, vous dire que le chemin qui m'a conduite au travail de la sexo-pédagogie
spécialisée a commencé dans mon enfance parce que j'avais une grande sœur qui avait un
handicap mental. J'ai ensuite été infirmière avant de faire de la promotion de la santé dans
les écoles, y compris dans les classes spécialisées où on prenait plus de temps pour expliquer
les choses de la vie. Informer et sensibiliser les enfants et les adolescents, les parents et tous
les partenaires pédagogiques à la beauté de la vie et à l'émerveillement de ce que l'on peut
découvrir quelle que soit notre histoire de vie. Le cours donné à Genève s'appelait "histoire
de la vie", le même cours s'appelait dans le canton de Vaud "éducation sexuelle". Il s'agissait
d'essayer d'apprendre à chacun et chacune à aimer son corps comme il est, quelles que
soient les circonstances, arriver à se respecter et à respecter les autres. J'aimerais dire à ces
messieurs et dames pour lesquelles la table ronde est organisée que le sujet des sentiments
affectifs, des besoins du corps et aussi parfois des besoins sexuels sont des discussions qui
ne sont pas faciles à avoir, même si on a la parole et qu'on arrive à parler avec des mots en
direct. Pour toute personne, dans notre société en tout cas, ce sujet est très délicat et bien
souvent on n'ose pas en parler. Donc je suis très reconnaissante que vous ayez envie de
participer à cet échange et que vous décidiez de venir aujourd'hui, pour évoquer au
maximum ce que vous avez envie de dire sur ce sujet.
CF-Romandie, association romande pour la Communication Facilitée
Case postale 12, CH-1162 St-Prex
www.cf-romandie.ch
[email protected]
CCP 17-377290-5
Questions possibles à travailler aujourd’hui:
Bien évidemment selon l’âge, et peut-être avec vos souvenirs :
- C'est quoi pour vous être une femme ? C'est quoi pour vous être un homme ?
- C’était comment d’être une adolescente ? C’était comment d’être un adolescent ?
- Qu’est-ce que vous appréciez maintenant en vous ? Quelles sont vos qualités (caractère,
physique) ?
Pour viser la valorisation de soi et la confiance en soi dès le début de la table ronde, on
pourrait disposer d’un petit miroir pour ceux et celles qui le veulent pour se regarder
un moment et dire par exemple : J’aime mes cheveux, j’aime mes yeux ?
- De quoi as-tu besoin pour mieux connaître ton corps ?
Nous pensons ici particulièrement aux besoins corporels dans les soins quotidiens, le
besoin de les nommer, d’ avoir des explications concernant l’anatomie génitale, les
phénomènes physiologiques qui ont commencé dans l’adolescence et qui perdurent,
en lien avec des émotions, des sensations nouvelles et bouleversantes parfois, le
besoin d’être touché ou non, massé ou non, et comment et dans quelles parties du
corps, vu dans sa nudité et par qui, mettre des mots sur les ressentis, la liste peut être
longue.
En conclusion : Françoise Vatré souhaite des prises de conscience de la part de toutes les
personnes présentes, y compris les professionnels et les parents. Et pour les personnes
facilitées, plus particulièrement, favoriser qu’elles se sentent davantage propriétaires
d’elles-mêmes.
Ouverture des débats
Catherine : En préambule deux choses : La première, quelques phrases tapées avec
quelqu'un d'autre que moi qui suis la mère de David et il me semble important d'avoir ce
passage qui a été tapé avec un tiers.
Françoise : Un tiers qui n'est pas un membre familial ?
Catherine : Oui
Françoise : Cela me permet de faire une parenthèse par rapport à vous qui êtes des
professionnels ou des parents. Ce sujet est naturellement encore plus difficile à l'intérieur
d'une famille. Ne soyez pas gênés de votre gêne, elle est bonne, elle est nécessaire. Entre
parents et enfants, quels que soient nos âges, ce sujet est normalement plus difficile qu'avec
des professionnels parce qu'il y a une distance affective trop proche. Les parents peuvent
dire un tas de choses mais il y a des sujets pour lesquels, même s'ils avaient l'idée pour
répondre ou expliquer, c'est trop, trop sensible. Un parent ne peut pas trop en dire sur la
sexualité afin de respecter la distance intergénérationnelle nécessaire dans toutes les
familles. On ne peut ni tout montrer ni tout dire ni tout faire et cela garantit la sécurité
psychique des familles face à l’interdit universel de l’inceste.
Catherine : Alors c'est extrait d'une conversation où David parle des relations d'un jeune
homme en comparaison avec lui-même : " Lui il doit vivre comme un homme, il a des amies
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femmes et intégrer dans le spirituel la vie qu’il mène ne lui est pas facile. Moi je suis
tranquille et je peux aimer avec l’Univers, grand cœur, grand amour. Je n’ai pas besoin de
l’imiter, je suis libre de cœur et d’esprit. Souvent, quand on me voit dans mes difficultés
terrestres, les gens sont devant leurs propres handicaps avec leurs racines éternelles."
(Facilité par Béatrice).
J'enchaîne directement avec la première question, à savoir ce que c'est qu'être un homme,
David dit : "Si c’est d’être vertical et de s’exprimer dans la langue de ses parents je ne suis ni
l'un ni l’autre ; s’il s’agit de devenir soi avec le bagage que l’on a reçu au départ c’est gagné
j’ai mon passeport pour l’humanité.
Quand on ne peut pas changer quelque chose dans son destin il faut faire avec. Tenter de
résister c’est se battre en vain. Il vaut mieux lâcher du lest, pas très difficile pour moi, j'ai une
incarnation très volatile : je pèse à peine 30 kg. Le sexe des anges ça me connaît. Quand
j’étais plus jeune on me prenait des fois pour une fille - mais ça ne changeait pas ma
perception du monde : il y avait ceux qui brûlaient les planches sur scène et ceux qui
assistaient au spectacle.
Moi j’ai une place assise au 1er rang, des fois dans les loges, des fois au 3ème balcon, des
fois dans les coulisses et toujours dans mon fauteuil, genre critique d’art. Jamais de 1er rôle
mais j’assiste au déroulement du monde, j’observe le théâtre de la vie." (Facilité par sa
maman).
Table ronde – 1ère partie
Martha : Mes soucis sont d’ordre pratique mais je veux parler de mon corps aussi. C’est
intéressant d’être dans la peau d’une femme. Je vis des malheurs aussi par mes envies qui
me freinent dans l’amitié. Je fais peu de cas des hommes mais beaucoup de cas des enfants.
J’aime les petites frimousses qui s’amusent sans se gêner.
Françoise : C'est très beau ! Merci ! Et on a aussi évoqué ce matin tous ces désirs qui
peuvent traverser les hommes et les femmes à tous les moments de la vie notamment par
rapport à un rêve d'être père ou d'être mère. Et cela fait partie de la normalité des projets,
des désirs, des envies de tout être humain, qui ne peuvent pas toujours être réalisés mais
qui sont à respecter et à prendre en compte.
Camille : Moi, faite de chair et de sang pour vivre dans un corps de fille. Je me sens très loin
de mon corps et je suis un corps lourd pour les autres.
Simone : Retenir mes sentiments me blesse. Vendre mon corps aux Anges, c’est fait.
Avoir une vie pleine d’amour, cela compte.
Caroline : Etre une femme me caractérise dans mon côté doux, femme de cœur avant tout,
par ma foi en la vie, ma vie et l'amour de la vie. Comme je dépends de l'autre physiquement,
mon corps se retrouve en chacun de mes accompagnants, de moi à l'autre, de l'autre à moi,
dans l'envie d'être celle que je suis.
Françoise : Ce corps qui est là pour porter vos âmes et ce corps qui a des sensations, des
besoins, des réactions et qui sont très souvent ignorés. Et aujourd'hui, c'est une occasion
pour vous, une de plus et j'espère qu'il y en aura d'autres, où vous pourrez prendre toujours
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plus la possibilité de parler de vos besoins et ils seront entendus, j'espère le plus possible
pour qu'on puisse y répondre.
Martha : J'ai beaucoup de réactions et je me trouve trop grande parfois.
Françoise : Dans le sens trop grande physiquement ou trop âgée ?
Martha : Trop de corps.
Françoise : Au cas où ce serait d'être trop âgée, l'âge n'a rien à voir avec ça. De l'enfance à la
fin de la vie, le corps peut réagir, peut avoir des besoins de tendresse, de toucher, voire de
sexualité et cela fait vraiment partie de la vie humaine au long cours.
Simone : Je veux vivre et j’ai de l’esprit. Homme ou femme que m’importe ! Je suis très
sensible. Etre touchée me fait peur.
Camille : Grande je suis et on me traite souvent comme un bébé. J'aimerais être mieux
sentie comme adulte et respectée.
Françoise : Ce serait intéressant de donner des détails, si c'est possible. Si vous permettez,
j'aimerais vous donner un témoignage d'une femme avec laquelle j'avais fait connaissance de
la Communication Facilitée. Elle avait 35 ans. Elle devait être prise dans les bras pour être
déposée dans la baignoire. C'est le papa qui avait plus de force que la maman qui s'en
occupait. Elle a pu exprimer qu'elle était très gênée que ce soit son père qui la prenne dans
les bras, toute nue, pour la déposer dans l'eau de la baignoire et qu'elle n'arrivait pas à faire
comprendre qu'elle aurait préféré que ce soit quelqu'un d'autre et plutôt une femme qui
s'en charge. Dans la vie quotidienne, ce sont des situations qui peuvent arriver, surtout à la
maison où il n'y a pas forcément des professionnels présents. Et pour vous dire que dans les
détails de la vie quotidienne, il y a des soins d'hygiène où il est question de toucher le corps,
de le voir dénudé, de devoir le soigner, il y a bien souvent des personnes qui deviennent plus
gênées en devenant adultes.
Martha : Mes tendances de femme sont dans l’habillement. J’aime ce côté : être attirante
pour les autres malgré mon handicap. J’aime être belle.
Françoise : Cela nous rapproche de la deuxième question : Que chacun(e) puisse dire ce
qu'il/elle aime de lui/d'elle. A partir du moment où on est fier de son corps ou d'une partie
de son corps, c'est un pas vers la confiance en soi et la confiance d'être bien dans la peau
d'une femme ou d'un homme. Cela peut être un détail ou un autre. J'ai pris avec moi deux
petits miroirs au cas où l'un ou l'autre aurait envie de se regarder et de décider ou dire "oui,
j'aime mes yeux ou la couleur de ma peau ou mes cheveux". C'est une option s'il y en a qui
ont envie de se regarder là, mais vous pouvez aussi déjà de vous-mêmes dire ce que vous
aimez de vous-mêmes.
Camille : Moi, sans les autres. Je ne peux rien faire. Alors je dois accepter les manières des
autres. Je ne peux pas aller contre et je suis encore contente qu'on s'occupe bien de moi.
Françoise : Mais on peut aller dans la nuance et dans la conscience que certains gestes on ne
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les aime pas trop et que d'autres gestes on les préfère. Et ça je pense que fondamentalement
vous avez le droit de l'exprimer.
Simone : Langer des adultes c’est affreux. J’aimerais clairement avoir une autre forme.
Plaire, bien sûr, tout le monde le voudrait. J’ai appris à me réaliser dans d’autres choses
comme dans la musique.
Françoise : Et c'est aussi une manière de plaire. C'est pour cela que j'ai affiché sur le piano les
mots cœur et corps et ça me plaisait de mettre ces mots à cet endroit.
Camille : Des gens sont sensibles et comprennent bien ce qui est juste pour moi, mais pas
tous.
Françoise : Est-ce que ce "mais pas tous" pourrait être modifié en pouvant l'exprimer ? Et ça
leur rendrait service car il y a quelquefois des personnes qui agissent avec tout leur cœur et
toute leur intelligence et qui ne se rendent pas compte que leur geste déplaît et que vous
préféreriez qu'il soit fait autrement. Cela leur rendrait service que vous puissiez leur dire ce
que vous appréciez ou non.
Martha : Je suis un peu perdue, ici à St-George. Je n’ai pas l’habitude d'être à une table
ronde.
Charlotte : Ça a toujours été à St-Barthélemy
Françoise : C'est un nouveau lieu. C'est vrai que cela fait un changement.
Caroline : Mon corps n'est pas si important. Je privilégie la relation. Je peux donner de
l'amour c'est ce qui est le plus important. Parfois le corps prend le dessus. Il prend toute
l'attention et me rend attentive à l'autre. Par l'autre, par sa chaleur j'existe.
Françoise : Ce besoin humain d'être reconnu par un autre ou une autre est quasiment
universel. Tout le monde a besoin de se sentir vivant et humain dans le regard des autres.
Camille : Beaucoup de personnes sont sensibles autour de moi. Je me sens bien traitée en
général. Mais ce qui est difficile, ce sont les changements de personnes. On n'est pas des
objets.
Françoise : La discontinuité. Il faut chaque fois se réhabituer.
Simone : Vivre dans les sons réjouit mon cœur. Vivre et ressentir les sons de la musique
m’élargit. Cela me fait oublier ce corps qui est une femme.
Martha : Je suis très attentive aux autres, j’aime plaire et être remerciée. Je suis très aidante
et me plains jamais.
Martha demande le miroir rouge
Françoise : On peut avoir le droit de se plaindre, si c'est nécessaire.
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Martha : Oui, mais ce n'est pas être grande.
Françoise : Je ne suis pas d'accord. A chaque âge on a le droit de faire valoir ses droits et de
se plaindre si c'est nécessaire.
Martha à Françoise : Vous vous plaignez parfois ?
Françoise : Ah oui ! Pas du matin au soir. Si c'est important et qu'une chose me dérange. Et
je me sens très adulte quand je le fais.
Ces mots affichés qui commencent soit par un T soit par un C sont un peu des "motsclés" que j'aime beaucoup et le fait qu'ils commencent par les mêmes lettres nous aide à les
mémoriser.
Martha (quand elle se plaint) : J'ai un peu peur d'être ridicule.
Camille : Histoire de savoir si on est heureux ou pas ce n'est pas une question. Moi je suis
contente d'être là dans mon corps mais j'aimerais plus bouger.
David : Rien maîtriser de son corps c’est faire l’expérience extrême des limites et des
contraintes, pour ne pas dire l’enfermement, la dépendance ; je ressens une immense
exigence d’un minimum de liberté pour envisager une relation affective. C’est le terme
"relation" qui fait obstacle. Si je joue les Roméo j’aimerais une Juliette qui m’aime d’amour,
ce qui n’est pas près d’arriver. Mon incarnation si légère, pour ainsi dire virtuelle, me laisse
trouver ma liberté dans une vie rêvée.
Caroline : De moi je ressens comme de l'énergie. Elle se connecte et me fait vivre. Mon esprit
est parfois si loin de la terre que peu m'importe. Je suis ici par terre et jamais sur terre tout à
fait. Cet éloignement fait de moi une extra-terrestre. "T" comme "terrestre" (allusion à
l'animatrice qui parle des mots commençant par T).
Françoise : En référence à ce qu'a dit David, depuis que je travaille dans ce domaine, j'ai
rencontré des personnes qui trouvaient des Juliette ou des Roméo. Ce n'est pas facile mais ce
n'est pas impossible. Et je souhaite à chacun de vous de garder cette espérance que dans les
groupes où vous vivez, dans vos entourages, il puisse y avoir des personnes qui vous
apportent ce dont vous avez envie, qui soient capables de vous faire rêver de manière
concrète.
Françoise à Martha : Est-ce que l'observation du miroir vous a donné une idée de ce que
vous aimez de vous ?
Matha : J'aime me voir petite.
Françoise : Mais aujourd'hui vous êtes grande !
Martha : Je suis trop grande.
Françoise : Je trouve que vous avez de très belles mains et un beau regard.
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Martha : C'est gentil de votre part.
Caroline (à propos d'attendre son Roméo) : Moi j'attends le mien chez moi, il y a de la place.
Je l'espère et me prépare. Ma jeunesse peut se préparer à partager avec lui une longue vie.
Françoise : On pourrait dire que le chemin c'est le but. Caroline, je sais qu'il y a de la place,
j'ai vu l'appartement. Mais il y a aussi de la place dans ton cœur !
Camille : Très intéressée que Roméo va venir. Moi j'ai des frères qui occupent une grande
place. J'espère qu'il en restera pour lui.
Simone : Je découvre aussi les autres. Alexandre je le vois comme un être qui se cherche
aussi dans ce monde, comme moi. Thierry est tout différent – il s’est trouvé.
Françoise : Simone a trouvé la passion de la musique. Chez tous les êtres humains qui ne
sont pas forcément en couple, le fait de découvrir une passion, que ce soit les animaux, la
peinture, la musique, ça aide à vivre grandement. Cela ne suffit pas forcément pour les unes
et pour les autres. Il faut aussi se méfier des modèles de la société et de penser que les
autres qui sont en couple et jouent à Roméo et Juliette sont forcément contents.
David : Le regard des autres me fait rentrer sous terre. Tant qu’à faire et envisager
l’impossible, j’aimerais autant changer de corps, être debout comme vous, marcher, bouger,
être sans handicap.
Table ronde – 2ème partie
Françoise : On pourrait finir ce thème sur ce que vous appréciez dans vos qualités physiques
et morales et ensuite aller dans l'idée de quoi avez-vous besoin pour mieux connaître votre
corps, pour mieux comprendre les sensations que votre corps vous signale, pour mieux
comprendre le fonctionnement du corps féminin et masculin.
Martha : Je suis écoutante et entends très bien, je fais attention aux paroles, j’aime aussi les
chansons à la radio. Mon corps est un peu bizarre et je fais comme il veut, pour cela j’ai
besoin de votre aide. J'ai un caractère loyal et je suis facile à approcher.
Martha, en réponse à la question de ses besoins pour connaître son corps : J'aurais besoin
d'un miroir peut-être
Françoise : Il me vient le souvenir d'une jeune femme qui avait envie de connaître son corps
et de se voir toute entière, nue, dans un miroir et il avait fallu plusieurs mois de colloques
pour décider qui, où et quand on allait organiser ce jour où elle pourrait être mise devant un
miroir sans habits pour qu'elle puisse voir son corps en entier, ce qu'elle n'avait jamais pu
faire. Un jour cela s'est produit et on m'a demandé d'être là car personne dans l'institution
ne voulait prendre la responsabilité d'une telle aventure. Pour nous regarder en entier cela
nous prend moins d'une minute et là il a fallu presque une année. On l'a placée dans une
chambre chaude pour qu'elle ne prenne pas froid, on a mis des fleurs, de la musique. Je me
suis mise assise par terre derrière la porte un long moment pour que personne ne vienne
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déranger. J'ai ensuite frappé et suis entrée. Elle s'était endormie devant le miroir. Je me dis
que si l'ouverture des consciences pouvait faire en sorte que ça prenne moins d'une année
pour réaliser un tel souhait qui est tout simple, pas compromettant ni ambigu ce serait
intéressant.
Simone : Exagérer cette histoire de sexe n’est pas ma soupe, je me suis organisée
autrement. Franchir des portes et entrer dans un univers de rêve avec tous ceux qui
m’entourent. Son, lumière, couleur, tout cela ne pèse pas lourd. M’occuper de mon corps,
c’est trop douloureux, c'est pourquoi je me suis organisée autrement.
Françoise : Ça c'est des ressources ! On peut vous féliciter. Je vous félicite.
Simone : Merci Madame
Martha : Faire un tour de table avec Françoise est très intéressant.
Caroline : J'ai besoin de sécurité surtout. Les massages sont aussi aidants. Ils le seraient
encore plus si les parties du corps sont indiquées. Les miroirs je n'aime pas trop. Ceux des
magasins me suffisent. Le reflet est moins agressif.
Françoise : Je comprends bien qu'un massage avec des paroles qui accompagnent les gestes
et qui expliquent, nomment les parties du corps, donnent les significations des parties du
corps qui sont privées, plus intimes que d'autres
Caroline : Ce serait encore mieux
Françoise : Voilà, ce serait un bon programme à mettre sur pied.
Camille : Voir mon image m'embête. Je trouve que je ne suis pas très photogénique mais
j'aime bien être belle quand même. Quand on me fait des coiffures et des soins, je suis
contente de me sentir vraiment mieux.
David : Mon corps, vous savez, se fait connaître sans que je le convoque : spasmes,
secousses, étranglements, crampes, cris, me prennent au dépourvu.
Simone : Il y a des amis autour de moi dont leur corps fait encore plus de difficultés.
Moi, je les aime comme ils sont. Le corps n’a pas d’importance. De me voir moi-même je n’ai
pas besoin, je me sens depuis l’intérieur.
Caroline : Lorsque la relation au corps est morcelée, en retrouver l'unité est un bon début.
Moi je regarde toujours avec intérêt les visages mis en valeur par des couleurs.
David : Simone tu me comprends à demi-mot et je partage ta mise à distance et tes
ressources.
Françoise : Me vient l'idée d'organiser des conversations entre participants. Si un jour vous
aviez des ateliers où vous vous parleriez deux à deux comme vous venez de le faire, ce serait
peut-être à développer avec des conversations plus particulières entre vous.
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Simone : Remercier Dieu de mon existence me faisait des problèmes, mais même cela j’ai
appris.
Martha : Pour parler amour, c'est quand ?
Françoise : J'ai l'impression qu'on a déjà commencé à parler de ça, mais c'est vrai que le mot
"amour" on ne l'a pas prononcé.
David : Décidément j’aimerais juste dire que l’amour n’a pas de loi, il a mille façons de
s’exprimer et d’être reçu.
Caroline : C'est une bonne idée d'organiser des échanges une autre fois et ensuite de mettre
en commun, avec un sujet moins personnel.
Françoise : J'aimerais ajouter : - mais pourquoi pas avec un sujet aussi personnel que celuici ? C'est peut-être plus facile deux à deux que dans un grand groupe. L'un n'empêche pas
l'autre.
Caroline : Alors sans public.
Simone : La vie est bien plus et aussi cela j’ai appris. Grâce à ce qui me manque j’ai pu entrer
dans une autre vérité de la vie.
Françoise : Ce qui me ferait très plaisir c'est que chacun d'entre vous comprenne qu'il y a
tellement de variétés de vivre, de manières d'aimer et d'être aimé et que dans notre société
on est « matraqué » par des modèles publicitaires, des modèles de perfection ou de beauté.
Il faut être extrêmement mince pour être considéré comme beau de nos jours. Si on a 20
kilos de trop les gens sont gênés. Ils se scrutent. Ils pensent qu'ils ont un nez trop long ou
des dents qui ne vont pas. On est dans une société où on veut une perfection qui est
vraiment tyrannique et finalement impossible.
Camille : De toutes façons on est habitués à ce qu’on nous regarde et qu’on parle de nous.
On n'est pas dans la société comme vous.
Françoise : Nous aussi on s'interroge avec nos différences, nos complexes, nos difficultés.
Vous verrez aussi que les autres qui ne sont pas handicapés comme vous l'êtes n'ont pas
forcément la vie idéale que vous imaginez.
Martha : Par ma parenté, je suis ressemblante. Pour ressembler à moi-même, tu ferais
comment ?
Françoise : A cette question j'ai de la peine à répondre. Mais pour reprendre ce que j'ai dit
avant, nous venons tous au monde avec une constitution contre laquelle on ne peut rien
faire. Mais par contre on peut avoir un mode de vie qui fait qu'on peut arranger un peu les
choses, on peut organiser son look, on peut éviter les produits qui nous abiment le corps,
mais la constitution de départ est là.
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Camille : Dans la société il y a beaucoup de gens handicapés mais on en voit seulement que
certains. Oui moi je pense que même des gens qui s’occupent de nous ont des fois des plus
gros problèmes que nous dans la vie.
Martha revient sur le thème de la nudité et de la pudeur : Je ne suis pas troublée par ma
nudité, je suis peu consciente d’être nue, mais je crois que vous êtes plus dérangés que moi.
Françoise : Oui, ce sont les règles sociales : quand on grandit, on apprend à ne pas se
montrer nu à n'importe qui et n'importe où et que ce sentiment de pudeur on l'a plus ou
moins. Il y a des personnes qui sont très libres avec leur corps tel qu'il est et d'autres qui
préfèrent s'habiller et garder cachées certaines parties de leur corps. En général les parties
sensibles, les parties sexuelles sont considérées comme des zones très personnelles. C'est
une question d'habitudes sociales dans nos pays même si on voit beaucoup de femmes et
d'hommes nus dans les journaux et la publicité.
Camille : Moi des fois je suis gênée mais pas toujours, ça dépend du regard de l’autre.
Jean-Jacques (public) : Comment faire pour ne pas confondre homme – femme et masculin –
féminin ? Est-ce que le principe masculin ou féminin on ne les trouve que chez l'homme ou
chez la femme ?
Françoise : Effectivement dans chaque être humain il y a des parties plus féminines ou plus
masculines autant chez les hommes que chez les femmes. On n'est pas tous sur un modèle
unique. Il y a des femmes qui ont une apparence plus féminine que d'autres et à l'intérieur
de leur cœur et de leur personnalité il y a des femmes qui peuvent être très masculines tout
en étant femmes. De même chez les hommes il peut y avoir des aspects de leur personnalité
plus féminins que chez d'autres hommes. C'est une richesse supplémentaire. C'est très varié.
Nous sommes des mélanges uniques.
Martha : Je suis une femme masculine dans le miroir. Pour le travail je suis décidée.
Françoise : Oui, on peut être une femme et être très décidée, aimer commander, tout en
restant femme. Mais il y a aussi des clichés.
Simone : Je suis une femme et je me sens comme un être humain. Je ne sais pas comment
les hommes se sentent.
Françoise : C'est là où les dialogues entre vous, hommes et femmes, seraient intéressants.
Camille : Vraiment je ne pourrais pas dire pourquoi je suis femme moi mais je suis comme
ça. Il ne faut pas voir trop loin.
Françoise : Là encore il faut s'écarter des clichés et laisser la place à la différence et à la
créativité.
Une personne de la Branche présente dans le public et facilitée par Michel : Je veux dire que
l'amour est plus que tous les regards des autres. Il s'en fiche, il est vrai ou pas.
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David : Être soi, avec ou sans ce que l’on a reçu, me paraît très important.
Françoise : Je voudrais vous dire que je suis très émue par tout ce qui s'est dit et j'espère
vraiment de tout mon cœur que cette table ronde vous ait apporté à chacun et à chacune
quelques éléments pour voir l'avenir avec quelques nouvelles pistes. Je vous remercie
beaucoup de votre participation parce que ce n'est pas du tout un sujet facile et surtout avec
tout ce public.
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