Vivre en bonne santé tout au long de la vie

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Vivre en bonne santé tout au long de la vie
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Du global au local : 2015 - 2030 - 2050
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VIVRE EN BONNE
SANTÉ TOUT
AU LONG DE LA VIE
En 1970, le slogan de l’OMS était “ La santé pour tous en l’an 2000 ”.
Les évolutions récentes laissent planer un doute mais l’objectif peut
encore être celui de réduire les inégalités en termes de santé. Cellesci sont liées aux conditions de vie, à l’accès aux soins ou au confinement d’une population dans une situation d’exclusion, ou encore
à l’affaiblissement des systèmes de protection sociale. Rechercher
une amélioration générale des conditions de vie et de la santé tient
autant aux progrès scientifiques qu’aux formes d’organisations économiques et sociales.
La transition épidémiologique
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Cette période se concrétise par une baisse de la mortalité en même temps qu’une
transition démographique. Elle s’accompagne d’une amélioration de l’hygiène, de
l’alimentation et de l’organisation des services de santé et d’une transformation des
causes de décès, les maladies infectieuses disparaissant progressivement au profit
des maladies chroniques et dégénératives et des accidents.
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Au cours de la dernière décennie cependant, presque tous les pays du monde ont
vécu un transfert de grande ampleur de la mortalité prématurée des maladies infectieuses vers les maladies non transmissibles et les traumatismes.
Les pays sont parvenus à des stades très variables de cette transition épidémiologique. En moyenne, dans la Région africaine selon l’OMS, 70% des années de vie
perdues résultent de maladies infectieuses ou encore de causes maternelles, néonatales ou nutritionnelles. Dans les pays à revenu élevé, ces causes ne représentent
que 8 % des années de vie perdues.
Rechercher une amélioration générale des conditions de vie, et de la santé amène à
regarder de plus près les plus grands facteurs de risque selon leur responsabilité
dans la charge mondiale de morbidité. Ces principaux facteurs sont la malnutrition chez les enfants et les mauvaises pratiques liées à l’eau et à l’assainissement,
qui correspondent à une charge de morbidité substantielle, en particulier dans les
pays moins avancés (respectivement 16 et 7 %). Cinq facteurs de risque - rapports
sexuels non protégés, consommation d’alcool, pollution de l’air à l’intérieur des
habitations, tabagisme et exposition professionnelles - sont chacun responsables
de 3 à 4% de la charge mondiale de morbidité. Hypertension, manque d’activités
physiques, pollution de l’environnement sont également identifiés comme des
facteurs de risque.
Chiffres repères
8,2
30%
millions de décès en 2012
avaient pour origine le cancer,
devenu cause majeure de
décès dans le monde.
de ces décès par cancer
sont dus aux cinq
principaux facteurs de
risque comportementaux
et alimentaires: un indice
élevé de masse corporelle,
une faible consommation
de fruits et légumes,
le manque d’exercice
physique, le tabagisme et la
consommation d’alcool.
Dans le monde, chaque minute une
femme meurt durant l’accouchement
ou la grossesse, faute de soins
adaptés. Il est reconnu, à ce jour, que
des interventions simples et efficaces
pourraient prévenir la majorité des
décès maternels dans le monde et
notamment :
• l’accès à des services de planification
familiale et de prévention des
grossesses non désirées,
• l’accès à des soins obstétricaux
d’urgence de qualité (césarienne,
transfusion sanguine, antibiotiques,
anticonvulsivants...),
• l’assistance d’une personne qualifiée
pour chaque accouchement.
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Crédit photo : ONU Tom Jones
Crédit photo : GREENPEACE
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Le vieillissement de la population
L’espérance de vie pourrait atteindre 76 ans en 2045-2050. Au niveau mondial, le
nombre des personnes de plus de 60 ans devrait passer de près de 800 millions
aujourd’hui (soit 11 % de la population mondiale) à un peu plus de 2 milliards en 2050
(soit 21 % de la population mondiale)22. Parmi les personnes âgées, le nombre des
“ très âgés ” – c’est-à-dire de 80 ans et plus – devrait être multiplié par 26 !
L’espérance de vie dépend de l’endroit de naissance : de 80 ans pour les hommes
et 84 pour les femmes là où ces valeurs sont les plus élevées (Australie, Suisse,
Japon…) à moins de 55 ans dans 9 pays situés en Afrique subsaharienne.
Part des plus de 60 ans dans la population mondiale
Perspectives en matière de santé à horizon 2050
Populations vieillissantes, nouvelles maladies émergentes, changement climatique, augmentation des coûts, accès inégal à la santé et aux soins, conditions de
sécurité hétérogènes... Les défis santé du 21e siècle sont de taille.
La démence pourrait être l’un des plus gros défis pour le futur monde de la
santé. L’OMS s’attend à un triplement du nombre de cas d’ici 2050. Certains scientifiques sont plus optimistes et estiment qu’en 2025 les progrès des études sur les
mutations génétiques causant la démence, associées à une amélioration de la
détection et des méthodes préventives permettront de limiter le nombre de
personnes souffrant de cette maladie.23
Le nombre de cas recensés de diabète de type 1 (qui se contracte à un jeune
âge) est en constante augmentation pour des raisons qui n’ont pas encore été
totalement expliquées. Les enfants du futur n’auront pas à se faire eux-mêmes des
piqûres d’insuline pour traiter cette maladie car sont annoncés des progrès en
matière de médecine génétique. Des gènes auto-réparants pour fixer le problème avant qu’il n’apparaisse pourraient prévenir du diabète du type 1 en 2050.
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Certaines prédictions concernant les enfants nés en 2025 prétendent que leur
ADN sera analysée tout au long de leur vie grâce à des nano-cellules introduites
dans leurs corps. En 2025 les humains auront peut-être leur ADN cartographiée à
leur naissance et vérifiée tous les ans pour identifier les changements probables
afin de réduire au maximum les maladies génétiques.
22. United Nations Population Division, “World Population Prospects :
The 2010 Revision“, New York, UN Population Division, 2011.
23. www.fastcoexist.com/3032260/10-breakthrough-innovations-that-will-shape-the-world-in-2025
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Progrès génétiques, sciences cognitives, développement des prothèses, des
chirurgies plastiques mais également accélération de l’information grâce au TIC…
6 000 applications mobiles médicales étaient utilisées en 2010 dans le monde,
près de 20 000 en 2012, on en recense près de 100 000 aujourd’hui. Nous sommes
entrés dans l’ère de l’e-santé. Ces technologies seront-elles un vecteur d’évolution du rapport que chacun entretient avec sa santé, grâce à une meilleure
information ?
Le développement des techniques médicales et des technologies alimente l’espérance pour le futur d’un dépassement de la condition humaine.
Une espérance qui ne date pas de ce siècle, mais le mythe du transhumaniste, de
l’homme bionique se raccroche désormais à de réelles expérimentations, et promesses : d’en finir avec les handicaps, de booster les cerveaux, pour démultiplier
les performances humaines.
Si les progrès de la médecine ont permis de réelles avancées pour tous depuis
le 19e siècle, des inégalités demeurent dans l’accès aux soins que ne viendront pas palier les évolutions technologiques. Elles laissent entrevoir, dans
un contexte qui privilégierait l’approche transhumaniste, le risque d’une santé
à deux vitesses dans un monde de plus en plus inégalitaire.
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Le recours à des médecines alternatives ou à l’utilisation traditionnelle des
plates médicinale est une tendance qui s’affirme aujourd’hui. Elle reste en
effet populaire dans le monde et fait une apparition remarquée dans de nombreux pays développés et en développement depuis les années 90. Liées
aux expériences propres aux cultures, les médecines dites non conventionnelles ne sont pas intégrées au système de santé dominant, mais, avec liées
à une approche globale et préventives, offrent de réelles perspectives face à
certains de ses manques et dysfonctionnements.
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Du global au local : 2015 - 2030 - 2050
EN FRANCE
Un système de santé publique qui vise l’accès
pour tous
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VIVRE EN BONNE SANTÉ TOUT AU LONG DE LA VIE
La santé fait système en France, où les habitants bénéficient d’une couverture
sociale, à laquelle ils se déclarent très attachés. Pour autant, le financement de
ce modèle est en crise et remis en cause progressivement.
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La hausse de la part des dépenses de santé prises en charge par la collectivité a
été forte entre 1960 (61%) et 1980 (82%). Depuis, cette part est relativement stable :
elle a légèrement reculé sur les cinq dernières années (78 % en 2007) sous l’effet
de mesures visant à maîtriser les dépenses d’assurance-maladie : augmentations
des tickets modérateurs et du forfait hospitalier, franchises sur les actes médicaux
et sur les boîtes de médicaments, déremboursements de certaines classes de médicaments, développement des dépassements d’honoraires non remboursés. Les
volumes consommés ont considérablement augmenté, sous l’effet de multiples
facteurs : l’accroissement de la médicalisation tout au long du cycle de vie , une
meilleure couverture de l’assurance maladie ; le vieillissement de la population,
le nombre de visites chez le médecin s’élevant avec l’âge ; le développement de
l’offre de soins, avec notamment l’incorporation continuelle des innovations et du
progrès technologique.
Le renforcement des inégalités
La part des dépenses totales prise en charge par la Sécurité sociale diminue.
L’offre de soins financée par le système de protection sociale est rationnée alors
que la demande reste dynamique. Les offres privées, non financées par l’assurance maladie obligatoire, se multiplient en complément, créant des inégalités
de situation dans l’accès aux soins. Les inégalités territoriales se renforcent aussi
en fonction de l’évolution des structures démographiques, et le renoncement aux
soins s’amplifie. Les nouvelles technologies, appelées à la rescousse pour pallier
les problèmes de ressources et réduire les coûts, ne suppléent en aucun cas
l’humain et ne règlent pas le problème d’offre de soins.
Les impacts du vieillissement
Le vieillissement va modifier en profondeur les équilibres de la société. Il devient
essentiel d’anticiper l’impact sur les nouveaux besoins en matière de services, et plus
généralement sur l’adaptation des politiques publiques. Si la plupart des seniors seront en bonne santé, la question de la perte d’autonomie et de son financement se
posera de manière cruciale – avec de fortes implications dans le champ social et
médico-social, mais aussi économiques en s’appuyant sur la notion en émergence
d’ “économie du vieillissement ”. Le vieillissement de la population génère le développement de nouveaux services à la personne, partiellement couverts à ce jour.
Sans action volontaire majeure permettant d’infléchir les évolutions actuelles : “le système français d’assurance maladie risque de voir ses difficultés s’aggraver dans le
contexte de vieillissement démographique et de rigueur budgétaire que connaît la
France. De multiples scénarios et options sont fréquemment avancés pour le réformer, parmi lesquels certains confinent au rationnement des soins.24 ” Ce qui entraînerait donc un creusement des inégalités entre retraités.
Paradoxalement, le principal enjeu semble celui du maintien des personnes vieillissantes à domicile. C’est en 2030 que nous atteindrons le seuil de vieillissement de la
population, avec un nombre maximal de personnes se trouvant en situation de dépendance. Une dépendance accrue, associée à une hausse des besoins technologiques est-elle porteuse du risque d’une société plus duale ? La réponse semble
liée aux formes de solidarité qui s’initient actuellement et qui se renouvelleront dans
les années et décennies à venir pour répondre aux besoins du 3e âge mais plus largement entre générations. Le vieillissement, considéré comme une chance, un atout
lié à la maturité et à l’expérience capitalisée au sein d’une société, peut contribuer à
l’émergence d’un nouveau contrat social, soutenu par la réciprocité, et les échanges
inter générationnels.
L’espérance de vie a tendance à stagner
Nous vivons de plus en plus longtemps. Enfin presque. En France cette progression
a tendance à stagner, d’autant plus, si l’on prend en compte le “ bien vivre ”. Cela
s’explique par divers facteurs : travail des femmes, maladies chroniques (cancers) qui
touchent un nombre croissant de personnes... Le cancer est la première cause de
mortalité (29%).
La démographie, la concentration urbaine sont déterminants dans l’évolution globale
de notre état de santé tout comme les pratiques agricoles, la modification de l’usage
des sols et la mondialisation des échanges… ou encore la pollution chimique de notre
environnement, l’usage de produits ou substances nocives, disséminés dans nos
biens de consommation, alimentaires ou autres. Les perturbateurs endocriniens
constituent à ce titre une menace considérable, et invisible : depuis une quarantaine
d’années, des études épidémiologiques conduites dans le monde industrialisé ont
révélé une baisse de la fertilité masculine, en partie liée à celle de la production de
spermatozoïdes, et une augmentation de certaines malformations congénitales.
L’évolution des pratiques : automédication et
“e-santé”
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Bien qu’encore relativement limitée en France, la pratique de l’automédication est
en développement, notamment du fait du désengagement des systèmes de prise
en charge dans la couverture du “ petit risque ”. L’automédication désigne également l’utilisation de nouveaux appareils qui font appel à la pratique automédiquée.
Ainsi la prise de la tension artérielle ou encore le dosage personnel de la glycémie
par les diabétiques sont-ils entrés dans la pratique courante chez soi. C’est le début
de l’ère de l’ “e-santé”. Par ailleurs, les médecines dites “ non conventionnelles ” sont
en plein développement dans les pays occidentaux.
24. Revue futuribles, n° 400, mai 2014
“L’homme face à la maladie. Une réflexion autour de la relation patient-médecin”.
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