« La France est en retard dans l`accès à l`innovation en diabétologie »
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« La France est en retard dans l`accès à l`innovation en diabétologie »
« La France est en retard dans l'accès à l'innovation en diabétologie ». jeudi 24 mars 2016 ___________________________________________ En France, la non commercialisation des nouvelles molécules antidiabétiques et le non remboursement des nouveaux dispositifs médicaux pourraient entraîner une « médecine à deux vitesses », selon le professeur Bruno Guerci. Depuis 2014, une nouvelle classe de molécules – les inhibiteurs de SGLT2 – dispose d'une autorisation européenne de mise sur le marché pour le traitement du diabète de type 2. En augmentant l’élimination de sucre par les urines, ces produits permettent de réduire efficacement la glycémie. Pourtant, sur ce sujet comme sur celui d'autres innovations qui pourraient venir enrichir l'arsenal thérapeutique des diabétiques, la France reste en retrait. En décembre 2014, la Commission de la transparence de la Haute Autorité de Santé avait ainsi jugé le service médical rendu (SMR) de l'empagliflozine, une molécule de la classe des inhibiteurs de SGLT2, « modéré » voire « insuffisant », et avait donc considéré qu'elle n'apportait pas d’amélioration du service médical rendu (ASMR) par rapport aux molécules déjà commercialisées pour traiter le diabète. « Baser son évaluation uniquement sur l'amélioration du critère de l'hémoglobine glyquée [c'est-àdire ce qui permet de déterminer la glycémie moyenne d'un patient], est une vision étriquée », juge le professeur Bruno Guerci, diabétologue au CHU de Nancy, pour qui retarder la commercialisation de ces nouvelles solutions de traitement est une erreur. « Ces nouvelles molécules réduisent grandement le risque d'hypoglycémies sévères, font baisser le poids des patients et ont une bonne sécurité d’emploi. Surtout, en septembre 2015, une grande étude a démontré que l’empagliflozine réduisait la mortalité des diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire. » rappelle-t-il en amont de sa présentation sur le sujet lors de la troisième journée du Congrès annuel de la Société Francophone du Diabète organisé à Lyon. Selon lui, les freins de l'accès à l'innovation seraient essentiellement économiques. Pour rappel, les frais de remboursement des soins aux diabétiques sont d'environ 19 à 20 milliards d'euros par an, dont 8 à 10 milliards sont directement liés au diabète. Un budget important aggravé par une augmentation de la prévalence du diabète de type 2 de 2,3 % par an. D'ailleurs les freins à l'innovation se retrouvent aussi du côté des dispositifs médicaux. « En France, aucun capteur de glucose n'est remboursé, alors que des mesures de remboursement existent déjà dans 12 pays européens », énonce encore Bruno Guerci. Comme ces dispositifs médicaux coûtent entre 120 et 300 euros par mois, « on assiste donc au développement d'une médecine à deux Société Francophone du Diabète ⎯ Mars 2016 vitesses, c'est totalement inacceptable, surtout eu égard à l'amélioration de l'équilibre glycémique et de la qualité de vie des patients qu'ils apportent » ajoute-t-il. Pour lui, il est donc nécessaire de faire évoluer les recommandations de prise en charge des patients diabétiques, et surtout de les réévaluer « plus régulièrement que tous les trois ans, au regard de l'évolution de l'état de la science ». Il engage également les sociétés savantes à imiter leurs voisins anglo-saxons en prenant position sur certains sujets d'importance. Enfin, il aimerait une communion de mouvement des associations de patients et des sociétés savantes : « En 2000, c'est grâce à l'action groupée des associations de patients et de la SFD que nous avons obtenu le remboursement des pompes à insuline portables ». Faire l'économie sur les innovations, c'est aussi « une erreur philosophique » conclut Bruno Guerci. « La France est en retard dans l'accès à l'innovation aujourd'hui. Or s'affranchir de l'innovation, c'est mettre en danger la compétitivité de la recherche française de demain. » Société Francophone du Diabète ⎯ Mars 2016