LUM CONCOURS 2016. Tests connsc en éclairage 2
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LUM CONCOURS 2016. Tests connsc en éclairage 2
EXAMEN D’ENTREE 2016/17 EN FORMATION CONTINUE Parcours Concepteur Lumière Admissibilité 2 Test de connaissances en éclairage/chaîne lumière, techniques d’éclairage, direction de lumière. PARTIE II Durée globale avec partie I : 1h30 – coefficient 1 Sujet : Après avoir lu la pièce courte de B. Brecht « Les Souliers Noirs », et la note d’intention de mise en scène, vous ferez des propositions pour la mise en lumière de cette pièce. Scénographie : décor simple composé d’une table, chaises, et deux châssis gris en angle au lointain pour les murs de la cuisine. L’un des châssis comporte une fenêtre. Cyclo gris au lointain. Les Souliers Noirs Orphelins, veuves, les voici. On leur promet, à eux aussi, Des jours heureux. Il faut d’abord Se sacrifier, payer l’impôt, La viande un prix toujours plus haut. Les jours heureux sont loin encore Bitterfeld, 1935. La cuisine d’un logement ouvrier. La mère épluche des pommes de terre. Sa fille, âgée de treize ans, fait ses devoirs. p.1 La fille. Maman, je les aurai les deux pfennigs ? La mère. Pour la jeunesse hitlérienne ? La fille. Oui La mère. Je n’ai pourtant pas d’argent de trop La fille. Si je ne verse pas les deux pfennigs chaque semaine, je n’irai pas à la campagne cet été. Et la maîtresse a dit qu’Hitler veut que la ville et la campagne apprennent à se connaître. Les habitants de la ville doivent se rapprocher des paysans. Alors il faut que je verse les deux pfennigs. La mère. Je verrai comment faire pour te les donner. La fille. C’est gentil Maman. Je vais t’aider à éplucher les pommes de terre. A la campagne, c’est bien, non ? On y mange comme il faut. La maîtresse a dit, à la gymnastique, que j’ai un ventre ballonné par les pommes de terre. La mère. Mais pas du tout. La fille. Non, en ce moment, non. Mais l’an dernier je l’avais. Mais pas beaucoup. La mère. Je pourrais peut-être avoir un peu d’abats. La fille. Je touche quand même mon petit pain à l’école. Toi non. Berthe a dit qu’à la campagne, là où elle était, il y avait même de la graisse d’oie avec le pain. Et quelquefois de la viande. C’est bien, non ? La mère. Très bien. La fille. Et le bon air. La mère. Mais il fallait aussi qu’elle travaille ? La fille. Naturellement. Mais on mange beaucoup. Seulement le paysan se conduisait mal avec elle. La mère. Comment ça ? La fille. Oh rien. Il ne la laissait pas tranquille. La mère. Ah oui. La fille. Mais Berthe était plus grande que moi. Un an de plus. La mère. Maintenant fais tes devoirs ! Un temps. La fille. Les vieux souliers noirs du bureau de bienfaisance, je ne serai pas forcée de les mettre ? La mère. Tu n’en as pas besoin. Tu as toujours l’autre paire. La fille. Je dis ça parce que maintenant l’autre paire est trouée. La mère. Mais pourtant il pleut, cers temps-ci La fille. Je mets du papier à l’intérieur. Ça tient. La mère. Non, ça ne tient pas. S’ils sont troués, il faut les donner à ressemeler. La fille. C’est tellement cher. p.2 La mère. Qu’est-ce que tu as contre ces souliers de la bienfaisance ? La fille. Je ne peux pas les souffrir La mère. A cause de leur forme ? La fille. Tu vois, c’est ce que tu penses aussi ! La mère. Ils sont tout simplement plus vieux. La fille. Je serai forcée de les mettre ? La mère. Si tu ne peux pas les souffrir, ne les mets pas La fille. Mais, maman, je ne suis pas coquette, hein ? La mère. Non. Tu grandis. Un temps. La fille. Et je peux avoir les deux pfennigs, maman ? Je voudrais aller à la campagne La mère, lentement. Je n’ai pas d’argent pour ça. Bertolt Brecht Extrait de « Grand-Peur et Misère du IIIe Reich » (Série de pièces courtes rédigées en 1935) Les Souliers Noirs / Note d’intention de mise en scène On serait tenté d’être simple. Presque schématique. Le théâtre de Brecht est tout entier critique au double sens du mot : analyse et jugement. Démonstratif, « scientifique », neutre, mais aussi politique, orienté, positionné. Que faire dès lors ? Quel chemin prendre pour cette pièce ci qui oscille dans ses premières éditions entre trois titres, renvoyant tour à tour à des domaines sensibles et formels bien différents ? - - - Avons-nous à faire à Grand-peur et misère du IIIème Reich, texte polémique, agressif jusqu’à la satyre, aussi affuté que l’acier d’un couteau, délaissant le souci esthétique et tout décorum au profit de l’urgence à dire et à démontrer le dangereux, la cruauté et le ridicule d’un pouvoir en place ? Nous n’aurions dès lors besoin que d’une rapidité d’exécution et d’une place publique ! Nous jouerions sur à peine trois planches, en plein midi ou au crépuscule, l’actrice jouant la Mère dans les souliers noirs viendrait se placer au centre, regarderait le public et jetterait par terre trois ou quatre patates qu’elle éplucherait ensuite, pendant que celle jouant la fille jetterait une paire de soulier noirs dans un coin et plongerait ensuite son nez dans un cahier d’écolier graisseux. En quelques secondes tout serait dit de la scène et de son centre : la misère « réelle » d’un légume à moitié germé et celle d’une « éducation » tout aussi misérable ! Et l’on y parlerait que d’argent et des jeunes filles violées à la campagne et payées d’un peu de graisse d’oie ! Au moins tout serait limpide, clair et sans histoire : en des temps de nazisme l’autorité pénètre jusque dans les consciences et ravage toutes les relations humaines. Ou bien avons-nous à faire à La vie privée de la race des seigneurs, titre de la première édition américaine, texte soucieux d’une réalité descriptive, écrit à partir de faits divers racontés dans les journaux ou de témoignages oculaires et réels ? Les scènes s’enchaineraient alors comme autant de tableaux réalistes. La cuisine ouvrière de ces mêmes souliers noirs aurait un robinet qui fuit, une chaise rafistolée, une table en formica et l’on y parlerait des abats – petit morceaux de cœur de bœuf ou de cervelle de mouton – comme du prochain cadeau de Noel, en approfondissant les rapports difficiles, mais demeurés humains pourtant, entre une Mère et sa Fille. Ou bien encore : sommes-nous devant Allemagne, conte noir, titre prévu pour l’édition anglaise, grande et vaste fresque fantasmagorique allant puiser ses ressources formelles dans l’univers morbide et angoissé des contes de fées qui finissent mal et de cette expressionisme allemand qui sait parfaitement jouer des ombres et des couleurs sauvages devant des pans de murs qui ne s’arrêtent jamais ? Les personnages seraient alors autant de figures pales avec des dents jaunis évoluant dans l’espace et les lumières d’un cauchemar éprouvant dont on serait content de sortir, tout en sachant pourtant qu’il n’est pas loin de la réalité ou, pire encore, qu’il en est peut-être l’essence. Il faudra bien choisir ! Ou … ne pas choisir … et trouver l’équilibre ! Guillaume Lévêque