La cryptomonnaie : plus que de l`argent

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La cryptomonnaie : plus que de l`argent
Davies Ward Phillips & Vineberg S.E.N.C.R.L., s.r.l.
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Le 19 juin 2014
La cryptomonnaie : plus que de l’argent ?
Auteurs : Elliot Greenstone et Olivier Fournier
Après seulement quelques années d’existence, la cryptomonnaie quitte les cercles étroits des
technophiles et gagne l’intérêt, ou du moins la curiosité, du grand public, son jargon technologique
obscur faisant maintenant son apparition dans les expressions de tous les jours. Surnommée par
certains « le Napster de la finance », Bitcoin est une technologie transformative qui, sans égard à
l’ampleur de son succès à long terme, pourrait changer pour toujours notre conception et notre
utilisation de l’argent.
L’arrivée graduelle des cryptomonnaies sur les marchés traditionnels changent la donne pour les
dirigeants d’entreprises. Plusieurs détaillants font l’objet de demandes pressantes de
consommateurs qui souhaitent utiliser les bitcoins et autres cryptomonnaies comme modes de
paiement. Les sociétés de capital de risque et les fonds d’investissement injectent des capitaux
dans les entreprises de cryptomonnaie en démarrage et d’autres sociétés connexes connaissant
une croissance rapide. Comme dans le cas d’autres technologies, la réglementation a du mal à
suivre. Les entreprises sauront-elles à la fois se prémunir contre les risques juridiques liés aux
cryptomonnaies (en matière notamment de fiscalité et de valeurs mobilières) et saisir les occasions
offertes par cette nouvelle technologie ?
Bitcoin ou bitcoins ?
Qu’est-ce qu’un bitcoin ? Unité monétaire de la plate-forme Bitcoin (B majuscule), le bitcoin
(b minuscule) est la cryptomonnaie la plus connue et la plus répandue et sert souvent de point de
départ de toute discussion sur les cryptomonnaies.
Du point de vue juridique, il y a deux façons de considérer la technologie Bitcoin. Premièrement, les
bitcoins sont produits au moyen d’un processus appelé extraction, dans le cadre duquel une partie
consacre une puissance de calcul à la résolution d’équations mathématiques de plus en plus
complexes servant à vérifier de manière décentralisée les transactions anonymes en bitcoins. Afin
d’encourager les parties à consacrer de la puissance de calcul au réseau, le protocole logiciel
récompense « l’extracteur » en lui accordant des bitcoins nouvellement extraits. Deuxièmement, les
bitcoins sont achetés et vendus sur des marchés s’apparentant à une bourse et sont cédés dans le
cadre de transactions quotidiennes en échange de biens et de services.
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Questions fiscales
Les principales questions fiscales que soulèvent les transactions en bitcoins sont les suivantes :
Impôt sur le revenu
• Les aliénations de bitcoins sont-elles
de nature courante ou de nature
capitale ?
• Les bitcoins sont-ils traités comme une
devise ?
• Les transactions en bitcoins sont-elles
considérées comme du troc ou comme
des opérations sur change ?
• Les recettes générées par l’extraction
de bitcoins constituent-elles un
revenu ?
• Les frais de transaction reçus sont-ils
un revenu ?
TPS
• Les bitcoins sont-ils considérés comme de
« l’argent » ?
• L’achat et la vente de bitcoins sont-ils des
fournitures imposables ou la prestation
d’un « service financier » ?
• Les transactions en bitcoins sont-elles
considérées comme du troc ou comme
des opérations sur change ?
• Les recettes générées par l’extraction
de bitcoins sont-elles une contrepartie
reçue en échange d’une fourniture
taxable ?
• Les frais de transaction reçus sont-ils
une contrepartie reçue en échange
d’une fourniture taxable ?
• Le cas échéant, auprès de qui
perçoit-on la taxe ?
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L’Agence du revenu du Canada (« ARC ») a récemment publié certaines interprétations techniques
sur les bitcoins dans lesquelles elle confirme que les transactions en bitcoins seraient considérées
comme du troc pour les besoins de l’impôt sur le revenu (chaque partie serait ainsi considérée
comme faisant des opérations fondées sur la juste valeur marchande de la contrepartie payée) et
qu’on y appliquerait les principes généraux pour déterminer si elles doivent être comptabilisées au
titre du capital ou du revenu. C’est donc dire qu’aux yeux de l’ARC les bitcoins ne sont pas de
l’argent, mais un type de bien pouvant servir de moyen d’échange contre un autre type de bien. De
plus, l’ARC a laissé entendre que le revenu tiré de l’extraction de bitcoins pourrait constituer un
revenu « d’entreprise », qui devrait être dûment déclaré dans tous les cas.
Pour les besoins de la TPS, l’ARC considère également comme du troc les bitcoins échangés
contre la fourniture de biens et de services. Les commerçants inscrits aux fins de la TPS seraient
donc tenus de facturer la TPS sur la juste valeur marchande des biens et services vendus. L’ARC
n’a toutefois pas encore répondu clairement à la question fondamentale de savoir si l’acquisition de
bitcoins au moyen, disons, de dollars canadiens constitue un « service financier » (lequel serait,
comme tous les achats d’argent, exonéré de TPS).
En règle générale, les bitcoins ne sont pas considérés comme une monnaie au Canada étant
donné qu’ils n’ont cours légal dans aucun pays. Reste à voir maintenant s’ils peuvent être
considérés comme de « l’argent » pour les fins de la TPS puisque la législation pertinente ne définit
« l’argent » que comme incluant une monnaie. De plus, si un pays faisait du bitcoin sa devise,
celui-ci serait réputé de « l’argent » pour les fins de la TPS. En revanche, si les bitcoins ne sont pas
de « l’argent » pour les fins de la TPS, le consommateur qui règle des achats au moyen de bitcoins
pourrait devoir payer la TPS en double : la première fois à l’acquisition des bitcoins et la deuxième
fois à l’achat de biens et de services au moyen de ceux-ci.
Par ailleurs, il faut également tenir compte du fait que des services, comme la fourniture de
puissance de calcul et la vérification de transactions, peuvent être rendus au sein du réseau Bitcoin
en échange de paiements relatifs aux transactions, lesquels sont réglés en bitcoins par des
utilisateurs anonymes ou acquittés au moyen de bitcoins nouvellement émis. Même si ces services
constituent une fourniture taxable au Canada par une personne qui est inscrite ou est tenue de
s’inscrire aux fins de la TPS, l’anonymat relatif inhérent au protocole Bitcoin fait qu’il sera souvent à
peu près impossible pour le fournisseur de percevoir la taxe du bénéficiaire.
Questions relatives aux valeurs mobilières
La nature volatile et spéculative des bitcoins et leur utilisation possible pour le blanchiment d’argent
suscitent beaucoup de débats autour d’un éventuel encadrement réglementaire des
cryptomonnaies par le gouvernement. Aucune directive précise n’a encore été proposée à cet
égard, mais l’Autorité des marchés financiers (« AMF »), qui réglemente les valeurs mobilières au
Québec, a pris soin de préciser, dans une mise en garde publiée à la suite du lancement du
premier guichet automatique de bitcoins à Montréal en mars 2014, que les cryptomonnaies ne sont
pas couvertes par le Fonds d'indemnisation des services financiers du Fonds d'assurance-dépôts.
De plus, l’AMF a annoncé son intention de surveiller les cryptomonnaies au regard de l’application
de la Loi sur les valeurs mobilières, de la Loi sur les instruments dérivés et de la Loi sur les
entreprises de services monétaires.
De même, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (« CVMO ») a fait preuve de
prudence dans sa publication initiale sur les cryptomonnaies, ne soufflant mot sur leurs possibles
avantages. Elle a plutôt exhorté les utilisateurs de cryptomonnaies à la plus grande prudence et
souligné les cas de fraude, les fermetures de bourses et le lien possible entre les cryptomonnaies,
le blanchiment d’argent et le financement d’activités terroristes. La CVMO a indiqué qu’elle
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surveillera étroitement les activités de placement liées aux cryptomonnaies et qu’elle prendra des
mesures en cas d’infraction à la Loi sur les valeurs mobilières (Ontario).
À ce jour, aucun organisme de réglementation des valeurs mobilières au Canada ne s’est prononcé
sur la question de savoir si les cryptomonnaies devraient être considérées comme des « valeurs
mobilières » ou des « dérivés » aux fins de l’application des lois sur les valeurs mobilières.
Toutefois, il est important de noter que le flou entourant la surveillance gouvernementale des
cryptomonnaies n’a pas pour effet de soustraire les utilisateurs à l’application de la loi.
La Financial and Consumer Affairs Authority (« FCAA »), l’organisme de surveillance des valeurs
mobilières de la Saskatchewan, n’a pas encore pris de mesures précises pour réglementer Bitcoin
ou l’extraction de bitcoins, mais cela ne l’a pas empêchée de sévir contre une entreprise liée à
Bitcoin. Au début de mai, la FCAA a émis une interdiction d’opérations temporaire à l’encontre de
Dominion Bitcoin Mining Company Ltd., société de Regina qui sollicitait les investisseurs par
l’entremise de son site Web. La FCAA a déclaré que la législation en valeurs mobilières s’applique
à la vente d’actions, sans égard au type de biens utilisés pour en acquitter le prix, qu’il s’agisse de
dollars canadiens, de bitcoins ou d’autres biens. Selon les allégations de la FCAA, Dominion
Bitcoin Mining risquait de contrevenir à la législation en valeurs mobilières de la Saskatchewan car
elle n’était pas inscrite aux fins de la négociation de titres.
En 2013, la Securities and Exchange Commission (« SEC ») des États-Unis a intenté une action
contre Trendon T. Shavers, qui offrait et vendait des placements libellés en bitcoins sur Internet par
l’intermédiaire de sa société, Bitcoin Savings & Trust (« BTCST »). La Cour de district du district
Est du Texas a statué en faveur de la SEC et déclaré que les placements offerts par BTCST étaient
des contrats de placement et, partant, des valeurs mobilières au sens de la législation fédérale en
valeurs mobilières des États-Unis. Bien que cette décision ait quelque peu clarifié le contexte
entourant les cryptomonnaies, la Cour n’a pas manqué de spécifier que ce sont les placements qui
sont des valeurs mobilières et non les bitcoins.
Autres questions juridiques d’importance
Dans son budget de 2014, le gouvernement fédéral a annoncé son intention de modifier certains
aspects de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités
terroristes afin de traiter clairement et précisément des cryptomonnaies. Aux termes de cette loi, les
entreprises qui fournissent des « services financiers » doivent respecter des exigences étendues
de déclaration de renseignements destinées à prévenir (sinon, à déceler) le blanchiment d’argent et
les activités illicites connexes.
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Conclusion
Les développeurs continuent de faire évoluer la technologie de sorte que les cryptomonnaies et
leurs protocoles logiciels sous-jacents pourraient se présenter sous diverses formes dans un avenir
rapproché. Toutefois, il faudra patienter encore avant de voir si les cryptomonnaies finiront par
révolutionner notre façon de concevoir et d’utiliser l’argent, ou si elles ne demeureront qu’un moyen
fort prisé par les fraudeurs et blanchisseurs d’argent. Un certain vide juridique entourera
vraisemblablement les cryptomonnaies pendant quelque temps. Dans l’intervalle, il conviendra de
suivre les mises en garde des autorités de réglementation, de faire preuve de prudence et de
planifier soigneusement les placements et autres opérations en cryptomonnaies afin d’éviter
d’éventuels écueils juridiques.
Davies suit de près l’évolution des questions juridiques auxquelles font face ses clients dans le
cadre de l’exploitation de leurs entreprises. À notre avis, que Bitcoin devienne ou non un système
de paiement reconnu à l’échelle mondiale, sa technologie sous-jacente pourrait transformer en
profondeur au cours de la prochaine décennie la manière de concevoir, d’échanger et d’utiliser les
biens et l’argent à l’ère numérique. Les dirigeants d’entreprise feraient bien de s’y préparer.
Pour obtenir de plus amples informations sur ce qui précède, veuillez communiquer avec
Elliot Greenstone (514.841.6581) ou Olivier Fournier (514.841.6578) à notre bureau de Montréal ou
encore avec Gillian Stacey (416.367.6934) ou Christopher Anderson (416.367.7448) à notre
bureau de Toronto.
Davies Ward Phillips & Vineberg S.E.N.C.R.L., s.r.l. est un cabinet intégré qui compte environ
240 avocats et dont les bureaux sont situés à Montréal, à Toronto et à New York. Le cabinet, dont
la pratique s’étend au-delà des frontières, est spécialisé en droit des affaires et se retrouve
systématiquement au cœur des opérations commerciales et financières les plus importantes et les
plus complexes pour le compte de ses clients.
Les renseignements et commentaires fournis aux présentes sont de nature générale et ne se
veulent pas des conseils ou des opinions applicables à des cas particuliers. Nous invitons le lecteur
qui souhaite obtenir des précisions sur l’application de la loi à des situations particulières à
s’adresser à un conseiller professionnel.
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