les circuits courts - Fondation Jean

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les circuits courts - Fondation Jean
LES CIRCUITS COURTS :
NOTE n° 301 - Fondation Jean-Jaurès - 23 mars 2016
UNE RÉPONSE AUX CRISES AGRICOLES ?
Marc-David Choukroun*
*Co-fondateur de La
Ruche qui dit Oui !
D
epuis maintenant des décennies, les crises agricoles se suivent et se ressemblent.
Les réponses, elles aussi, sont toujours désespérément les mêmes : on déverse
les aides de court terme pour contenir l’incendie plutôt que de s’attaquer aux
causes du mal. Ce modèle agricole, qui contraint les exploitants à vendre leurs produits
à perte, ruine les campagnes et finit par mettre tout et n’importe quoi dans votre assiette,
marche sur la tête.
Il faudra plus que des rustines appliquées ici et là pour que le secteur agricole se relève.
La complexité de la chaîne de valeur et la multiplication des intermédiaires mettent les
paysans sous pression, leur fait croire qu’il faut s’industrialiser et s’endetter toujours plus
ou mourir (voire, et c’est tragique, les deux). Tout le monde le sait : le producteur ne
touche qu’une infime partie du prix de ce que vous payez lors de votre passage en caisse.
Pour remettre les exploitants au centre de la chaîne de valeur, il existe une solution en
apparence toute simple : les circuits courts. En apparence seulement, car il y a encore
du travail pour véritablement faire de la vente directe du producteur au consommateur
une alternative viable au modèle agro-industriel. Si l’agriculteur dispose d’assez de bras
pour assurer en même temps la production, la commercialisation et la distribution, alors
la formule est toute indiquée. Mais pour que les circuits courts séduisent la majorité des
agriculteurs – ce qui est aujourd’hui bien loin d’être le cas ! – d’autres formules, d’autres
modes d’organisation, sont à inventer. C’est en tout cas cette idée qui nous a guidés quand
nous avons créé La Ruche qui dit Oui ! il y a cinq ans.
La route est longue pour changer d’échelle
Le premier enjeu auquel nous nous sommes attaqués était celui de la commercialisation :
en favorisant une course effrénée aux prix bas, le mode de distribution qui s’est imposé au
siècle dernier a largement participé à l’industrialisation du secteur agricole. Nous sommes
donc partis d’un principe directeur : dans notre système, c’est le producteur qui fixe librement
ses prix. Mais au-delà, de quels outils les agriculteurs avaient-ils besoin pour se lancer dans
l’aventure des circuits courts ? Nous avons imaginé un mariage à trois : un agriculteur,
un « responsable de Ruche » et une plateforme en ligne. Le premier produit et vend, le
deuxième fédère une communauté de clients et organise les distributions, le troisième
AVERTISSEMENT : La mission de la Fondation Jean-Jaurès est de faire vivre le débat public et de concourir
ainsi à la rénovation de la pensée socialiste. Elle publie donc les analyses et les propositions dont l’intérêt du
thème, l’originalité de la problématique ou la qualité de l’argumentation contribuent à atteindre cet objectif,
sans pour autant nécessairement reprendre à son compte chacune d’entre elles.
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offre une vitrine, des outils de commercialisation et un accompagnement. En contrepartie,
le producteur reverse une commission de 16,70 % (8,35 % pour le responsable de Ruche,
8,35 % pour la plateforme). Cette première expérience grandeur nature a permis d’un
côté aux producteurs d’être équitablement rémunérés pour leur travail, et de l’autre, aux
consommateurs de s’approvisionner localement en produits de qualité. Le réseau compte
aujourd’hui plus de 700 Ruches, 5 000 producteurs et 130 000 membres actifs.
Arrivés à ce stade, nous aurions pu nous arrêter : ne plus lever de fonds, cesser de chercher
à croître, ne plus développer de nouvelles fonctionnalités pour notre plateforme en ligne.
Ces options, nous les avons sérieusement envisagées. Le problème, c’est qu’avant de
réformer en profondeur notre modèle agricole, il reste encore beaucoup de travail et une
initiative comme La Ruche qui dit Oui ! n’est qu’une infime partie de la solution, il en
faudra des dizaines d’autres !
Les circuits courts tiendront-ils un jour leurs
promesses ?
En effet, le succès de La Ruche qui dit Oui ! est tout à fait relatif quand on sait que le
chiffre d’affaires annuel d’un seul hypermarché atteint facilement les 100 millions d’euros.
L’ensemble du réseau des Ruches ne représente même pas la moitié de ce montant. Il y
a donc de la marge avant de faire des circuits courts une alternative viable et ne faire ne
serait-ce qu’un tout petit peu d’ombre aux géants de la distribution. Toute une chaîne de
valeur est à réinventer.
Après la distribution, notre prochain chantier porte donc sur la logistique. L’enjeu est tout
autant économique qu’environnemental. D’un côté, dans le modèle des circuits courts,
c’est le producteur qui supporte la charge de l’ensemble de la logistique, ce qui représente
entre 15 % et 30 % du prix de vente de sa marchandise1. Peut mieux faire, donc.
Intuitivement, vous pourriez penser que le bilan carbone d’une pomme cueillie à une
cinquantaine de kilomètres de chez vous est nécessairement meilleur que celui d’une
pomme italienne ou chilienne. Là encore, les chose sont un petit peu plus compliquées
et les solutions ne peuvent être simplistes : « Les distances parcourues par les produits
commercialisés localement sont en général inférieures à celles réalisées en circuits longs, ce
qui est un facteur de réduction des émissions de gaz à effet de serre, résume le commissariat
au développement durable. Cependant, cela ne suffit pas forcément pour réduire les émissions
de gaz à effet de serre liées à la phase de transport. En effet, ces émissions dépendent
1. Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
www.observatoire-prixmarges.franceagrimer.fr/Pages/default.aspx
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essentiellement du mode de transport et de l’optimisation logistique »2. Autrement dit, la
mécanique est bien huilée dans l’univers de la grande distribution, alors que dans le petit
monde des circuits courts où le transport routier avec de petites fourgonnettes est l’usage,
il y a encore beaucoup de progrès à faire. Au sein de notre réseau, certains producteurs
ont spontanément commencé à mutualiser leurs trajets. Nous ne nous y attendions pas,
mais à nous désormais d’accompagner ce mouvement venu du terrain en créant les outils
technologiques qui permettront d’optimiser le remplissage des camions et de calculer le
meilleur itinéraire.
Mais là encore, nous ne nous faisons pas d’illusions : la route sera longue. Car à terme, il
faudra aussi réfléchir à la localisation des abattoirs et des laboratoires, qui ne cessent de
s’éloigner des sites de production, et agir sur le foncier pour éviter que 82 000 hectares
de terres agricoles ne continuent de disparaître chaque année. Bref, la révolution agricole
ne se fera pas en un jour.
La grande distribution a dépensé des milliards pour optimiser une chaîne de valeur opaque
qui favorise la rétribution des intermédiaires au détriment des producteurs.
Les circuits courts devraient déployer la même énergie pour bâtir une chaîne de valeur
transparente, décentralisée, et qui bénéficie d’abord au producteur.
2. M. Bortzmeyer et F. Scarsi, « Consommer local, les avantages ne sont pas toujours ceux que l’on croit »,
Le point sur, n° 158, Commissariat général au développement durable, mars 2013.
www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/LPS158.pdf
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Le projet de La Ruche qui dit Oui !
Extrait de l’audition de Marc-David Choukroun par la Fondation Jean-Jaurès le 19 janvier 2016
Le projet est conçu en 2009 et lancé en 2011. L’idée de départ et de trouver une
nouvelle façon d’aborder les circuits courts en utilisant le numérique. Pour proposer
ce système sur toute la France, nous avons développé un système qui s’appuie sur
des communautés locales. Une personne fait localement la demande d’ouvrir une
« Ruche » et nous acceptons, ou non, son projet. Si le projet est accepté, elle devient
responsable d’une « Ruche » et doit trouver des agriculteurs ou artisans dans une
limite de deux cent cinquante kilomètres ainsi que des consommateurs.
Une fois la communauté organisée, elle se retrouve une fois par semaine à la même
heure dans un lieu de distribution qui reste toujours le même. Il n’y a pas d’obligation
d’achat. La Ruche qui dit Oui ! est souvent comparée aux AMAP qui reposent pourtant
sur un modèle différent de contrat solidaire. La Ruche qui dit Oui ! ne représente
pas d’engagement pour les consommateurs, ce qui permet de toucher un public
plus large. Il y a une autre différence : La Ruche qui dit Oui ! ne dépend pas du
bénévolat. Le responsable de Ruche est rémunéré. Il s’agit généralement d’une activité
complémentaire qui représente une dizaine d’heures par semaine. Il reçoit une
commission de la part des producteurs qui fixent librement leur prix. La commission
de service est double : une partie revient au responsable de « la Ruche » (8, 35 % du
chiffre d’affaire HT du producteur) et une autre partie revient à La Ruche qui dit
Oui ! (8, 35 % du chiffre d’affaire HT du producteur).
Au sein de l’entreprise, plus de trente personnes travaillent sur la plateforme et les
outils. Des équipes de cinq personnes basées à Paris, Toulouse, Lyon, Nantes et Lille
s’occupent de coordonner le développement des Ruches sur l’ensemble du territoire.
Elles sont là pour soutenir les responsables de Ruche et les producteurs, pour assurer
la formation des responsables, pour jouer le rôle de « tiers de confiance ».
L’outil informatique permet de faire beaucoup de choses, comme le regroupement
des commandes et des factures. La première Ruche date de 2011, cela fait bientôt
cinq ans. Entre six cents et sept cents communautés sont aujourd’hui en activité en
France. Depuis 2013, La Ruche qui dit Oui ! se développe en Belgique, et depuis 2014,
en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne. Il faut adapter le projet
localement : cela commence par la mise en place d’une équipe locale et la recherche
des premiers responsables de Ruche.
Les responsables de Ruche ont une structure juridique – ils émettent des factures
aux producteurs. Ils ont le statut d’auto-entrepreneurs pour 60 % d’entre eux. On
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compte également des entreprises commerciales plus traditionnelles et des projets
associatifs pour 20 % des cas. Certaines Ruches sont par exemple hébergés par des
centres Emmaüs, du Secours Catholique ou de L’A rche, par exemple. C’est pour eux
un moyen de créer un lien avec le voisinage.
Les lieux sont ou bien privés ou bien publics – restaurants, lieux associatifs, salles
des fête, écoles. Il n’y a pas d’obligation de rémunération pour le lieu.
La Ruche qui dit Oui ! est une SAS1, ce qui est assez classique pour une entreprise
du numérique. En 2010, nous nous posions peu la question du statut, l’idée de la
forme coopérative est venue ensuite.
Le déblocage de fonds commence en 2010. À l’époque, il n’y a pas beaucoup de
solutions. Il y a peu de subventions possibles et peu d’encouragements. Les seuls
qui ont cru au projet sont les investisseurs du Web, comme Christophe Duhamel et
Xavier Niel, qui investissaient déjà beaucoup dans les startups.
Pour lancer le projet, il fallait cent quinze mille euros, ce qui est assez peu en réalité.
Avoir une équipe technique de qualité a pris du temps et a demandé beaucoup
d’investissements.
L’autre grande étape est arrivée en 2012 : le modèle fonctionne. La Ruche qui dit
Oui ! ne s’occupe pas de la logistique, et c’est ce qui fait la différence par rapport aux
autres modèles de circuits courts. Dès le départ, le modèle décentralisé a permis
d’avoir des projets qui se lancent un peu partout en France et donc de ne pas être
réduits aux grandes villes.
C’est à ce moment-là que nous faisons la découverte de l’économie collaborative, en
2012. Nous nous retrouvons dans cette communauté, le fait de ne plus avoir besoin
de passer par les intermédiaires traditionnels, et dans l’esprit de collaboration entre
les différentes parties prenantes – responsables de Ruche et producteurs – et entre
les producteurs eux-mêmes puisque la logistique est à leur charge. Des groupes de
logistique pour livrer plusieurs Ruches apparaissent. On assiste à la mutualisation des
moyens de livraison. Ouishare arrive à ce moment-là ; nous les soutenons.
Dès 2012, nous avons à nouveau besoin de fonds. Nous rencontrons différents fonds
d’investissement mais nous avons des difficultés à convaincre. Il y a deux univers :
1. Société par actions simplifiée.
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celui des investisseurs capitalistes – fonds d’investissement qui recherchent le profit
mais qui ont un réseau important – et celui de l’économie sociale et solidaire. D’autres
fonds qui ont une dimension sociale et solidaire existent.
À ce moment-là, La Ruche qui dit Oui ! développe un statut hybride avec l’obtention
des statuts « ESS » et « jeune entreprise innovante » (JEI), qui permet l’accès à des
financements pour le numérique.
Les deux partenaires choisis sont X-Ange2 et un fonds d’impact social, plus traditionnel
avec une intention de développement. Ces deux partenaires arrivant, La Ruche qui
dit Oui ! se développe.
En 2013, le réseau gagne en visibilité. Une question se pose alors : faut-il continuer
de chercher des fonds pour le développement technologique ou bien faut-il s’arrêter
pour garder un maximum de contrôle ?
Comme le secteur est peu concurrentiel, contrairement à la location de voitures
par exemple, nous pensons qu’il serait bien de ne pas trop dépendre des fonds
d’investissement capitalistes. La Ruche qui dit Oui ! est un projet au long court.
En 2013, nous décidons de nous endetter – à hauteur d’un million et demi d’euros.
Nous bénéficions du soutien de la Caisse des Dépôts, de France Active et de la BNP,
qui a monté un bureau pour soutenir l’ESS.
En 2014, La Ruche qui dit Oui ! est très largement reconnue. Le réseau s’agrandit et
triple en terme de volume. Nous voulons essayer de garder notre indépendance. Est-ce
que La Ruche qui dit Oui ! doit devenir une coopérative ? Nous faisons constamment
des allers-retours. L’idée est intéressante mais la force du réseau, c’est l’indépendance
de chaque acteur et le projet d’entreprise qu’il conduit. Par ailleurs, il n’y a pas de
demande de la part des responsables pour devenir une coopérative. En fait, c’est une
sorte de coopérative informelle. Si nous n’écoutons pas les responsables de Ruche,
nous pouvons recevoir des centaines de mails qui manifestent un mécontentement, un
désaccord. La relation de confiance s’impose et nous devons inclure les responsables
de Ruche dans le projet. Il y a une charte qui est validée par le réseau. Il y a des
événements, des tables rondes et des rassemblements. Nous créons de nombreux
mécanismes qui peuvent se rapprocher du modèle coopératif sans créer pour autant
de coopérative.
2. Fonds commun de placement dans l’innovation (FCPI) de la Banque Postale qui a investi dans
KissKissBankBank.
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Nous avons connu d’autres freins. Le statut de coopérative fait prendre le risque de
perdre de l’agilité avec les contraintes administratives. Et comment se développer
ensuite à l’étranger ? Avec l’agrément « ESS », nous mettons en place les règles
associées à cet agrément (gouvernance participative, échelle de salaire…) mais non
à l’échelle du réseau. Il y a un autre point noir : nous avons levé des fonds auprès de
fonds capitalistes, il faudrait avoir l’accord des partenaires financiers pour devenir
une coopérative, ce qui est quasiment impossible. Forcément, ne pas avoir le côté
« plus-value » fait perdre au financement d’entreprises collaboratives de l’intérêt. En
tant qu’entreprise, est-ce que nous sommes prêts à faire ce changement ? Si nous avons
envie de continuer à se développer, il va falloir encore investir dans la technologie,
ce qui permettra l’optimisation de la logistique et l’automatisation d’un maximum de
mécanismes, comme la prédiction du volume de marchandises pour le producteur,
etc. La Ruche qui dit Oui ! a un modèle économique qui n’offre que très peu de marge.
Là où nous perdons le plus de valeur, c’est sur la chaîne logistique. Il faut baisser les
coûts sur les valeurs intermédiaires, ce qui est possible avec la technologie.
Si nous voulons nous développer, il va falloir lever cinq, dix, quinze millions d’euros. Si
nous ne faisons rien, c’est la grande distribution qui va réinvestir le champ. Comment
réconcilier le capital et le travail ? Nous ne sommes pas économistes, nous n’avons pas
toutes les compétences mais nous avons reçu beaucoup de conseils et eu beaucoup
de discussions. Y a-t-il un moyen d’avoir un système hybride qui bénéficie du capital
mais qui développe une dynamique de partage de la valeur ?
Rapidement, nous voyons qu’il va être difficile de nous développer dans l’économie
collaborative, où il n’y a pas de dynamique de plus-value, mais que faire dans l’entreprise
traditionnelle ? Il existe des mécanismes. Mais cela nous dérange, le réseau rassemble
tous les milieux sociaux, nous ne pouvons pas demander aux usagers d’investir dans
l’entreprise. Il faudrait par exemple que les gens soient récompensés non pas en
fonction de leur capacité à investir mais peut-être en fonction de leur ancienneté.
En 2015, nous partons à la recherche de nouveaux fonds avec le souci d’être honnêtes
face aux investisseurs. Notre ambition n’est pas de finir en bourse, le souci est de garder
notre indépendance. La contradiction est apparente mais assumée. Il faut trouver
des mécanismes d’intéressement. Certains adhèrent à notre vision des choses car ils
ont la volonté de changer de vue sur le partage de la valeur. Nous trouvons un fonds
d’investissement aux États-Unis qui se distingue du lot : Union Square Ventures. C’est
un fonds qui comprend l’intérêt de partager la valeur avec le réseau, les responsables
locaux. Ce sont des investisseurs qui s’intéressent à toutes les nouvelles dynamiques
de marché comme les plate-formes décentralisés et la « blockchain ». Ce fonds est
une référence importante sur le marché et cela permet plus facilement d’amener les
autres partenaires à adhérer à la dynamique que La Ruche propose. Mais La Ruche
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ne sera pas une entreprise que les investisseurs pourront vendre facilement. L’année
dernière, nous avons levé 8 millions d’euros.
À ce moment-là, nous mettons à l’écart l’idée de partager la valeur avec le réseau. Nous
nous heurtons à des murs partout. Il y aurait une solution : séparer les structures. La
plupart des grands groupes, mêmes mutualistes, le font. Il s’agit de séparer l’entité
technologique et l’entité qui génère les revenus. À terme, c’est une option.
Nous sommes sollicités par l’État pour une consultation sur l’économie collaborative et
c’est là l’occasion de défendre le partage de la valeur. Nous tentons de faire passer une
idée : celle d’étendre le système de stock-options aux parties prenantes, aux membres
d’un réseau collaboratif, d’une plateforme par des bons de souscription. Cette idée
est une première pierre pour dire que les entreprises de l’économie collaborative
pourraient avoir un mécanisme pour faire bénéficier leur réseau d’indépendants. La
force du réseau, c’est la volonté d’être indépendants. Personne ne veut être salarié.
Les responsables de Ruche s’organisent comme ils veulent, c’est une liberté. Certains
ont développé l’activité à temps plein et 50 % d’entre eux le souhaitent, mais ils
peuvent partir quand ils veulent. Les Ruches sont des entités commerciales, des
épiceries locales.
Beaucoup de responsables de Ruche deviennent salariés, pour animer une région,
pour faire du « support client ». Quand nous cherchons quelqu’un, nous privilégions
les responsables de Ruche. C’est un avantage pour l’entreprise car nous savons qu’ils
ont l’envie de soutenir le projet.
Sur toutes les consultations que nous avons eues, beaucoup de voix se sont élevées pour
défendre les plateformes sous forme coopérative. L’idée est de reprendre le pouvoir,
de développer des plateformes beaucoup plus coopératives dans leur construction.
Mais aucun réseau n’a réussi économiquement grâce à ce système. Il y a plusieurs
solutions. De notre côté, nous militons plus pour des mécanismes de partage de la
valeur avec le réseau simplifiés pour les plateformes sous forme commerciale.
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