sujet 2 - Fonction publique

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sujet 2 - Fonction publique
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쎲 ANNALES CORRIGÉES
SUJET 2
IFTS Echirolles
Session 2014
Filières ASS, ES et EJE
Durée : 3 heures
TEXTE 1
Dans sa maison, Annick avait cette machine à coudre dont elle ne savait pas se servir. Elle s'est
rapprochée du réseau d'échanges réciproques des savoirs (RERS) de Bourges et depuis elle
apprend le français à Maria-Lice qui lui enseigne la couture. Dans les 400 RERS de France, des
milliers d'échanges de savoirs de ce type ont lieu tous les jours : tricot contre cuisine, bricolage
contre piano, anglais contre malgache… C'est à la fin des années soixante-dix, que Claire HéberSuffrin, alors enseignante, lance, à Orly, la première expérience de RERS qui a fait tache d'huile.
« Nous n'avions pourtant jamais songé à nous développer », s'étonne Claire Héber-Suffrin.
Or, voilà, la recette a fait fortune. Hausse de la précarité et crise du lien social expliquent ce
constat. Dans les années quatre-vingt, avec l'émergence des travailleurs pauvres, les RERS
avaient connu une première période de croissance. Depuis quelques années, avec le retour de la
crise, le scénario se reproduit. Ce que l'on peut vérifier avec les Sel1, systèmes d'échanges locaux.
Ils sont aujourd'hui près de 500 répartis sur tout le territoire, il y en avait seulement 200 en 1997.
Aujourd'hui, d'autres démarches se développent, comme celle de l'Accorderie, qui, grâce à une
mini-organisation, incitent les habitants d'un quartier à se regrouper pour échanger entre eux des
services. Un concept importé du Québec et implanté par la fondation Macif dans le 19e arrondissement de Paris et à Chambéry, et bientôt dans d'autres lieux, avec l'objectif de contribuer à la
lutte contre la précarité.
En effet, « une personne seule n'a pas forcément les moyens de payer un artisan pour faire des
petits travaux chez elle », confie Mireille Desruelle, membre du Sel de Bourges. De plus, ces
réseaux sont souvent à l'origine d'initiatives pour améliorer le quotidien. Le RERS de Mamers dans
la Sarthe a ainsi créé un groupement d'achats. Le principe : acheter à plusieurs pour acheter
moins cher.
« On retrouve, grâce au réseau, un peu de solidarité d'antan », ajoute Babeth Mangas, membre du
Sel des Vans dans l'Ardèche, une zone rurale. Car les réseaux sont aussi bien implantés dans les
quartiers urbanisés que dans les campagnes. Là aussi, la crise a frappé fort, et à la précarité
1. Service d’Echange Local
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s'ajoute le problème du vieillissement de la population. « Les maisons sont éloignées, les réseaux
sont un moyen de garder le contact avec l'extérieur et un lien entre les générations », argumentet-elle. Car l'implication dans la sphère de la précarité n'exclut pas d'autres motivations encore plus
décisives.
« Le but est aussi de favoriser la mixité, de faire participer les habitants selon leurs compétences
et non leurs revenus », avance Alain Philippe, le président de la fondation Macif. Même implantés
dans des quartiers dits prioritaires, les réseaux doivent veiller à ce qu'aucune catégorie de population ne l'emporte sur une autre. Il y a quelques années, des chômeurs avaient tenté de créer un Sel
à Montpellier. Cela n'a pas marché. « Cette idée enfermait trop pour aboutir. Ce qui a été magnifique dans le premier Sel, c'est justement la rencontre de toute la société, du Rmiste au médecin »,
s'enthousiasme François Terris, l'un des fondateurs du premier Sel dans l'Ariège en 1995.
Et Claude Llena, enseignant en sciences économiques et sociales, d'ajouter : « En période de crise
économique, on constate aussi que les individus ont besoin de s'associer ». Créer du lien social
est d'ailleurs la vertu première des réseaux d'échanges. Les réseaux d'échanges partagent une
même philosophie : ils veulent contribuer à l'enrichissement (social, intellectuel…) de tous par les
ressources de chacun. « Dans une société où l'on nous dit qu'il n'y a plus d'argent, on montre qu'il
y a des richesses. On privilégie le lien au bien », estime Dominique Doré, porte-parole de
Sel'idaires, l'association chargée de promouvoir les Sel. Et concrètement, les réseaux axent particulièrement leurs actions sur la convivialité. A Beauvais, le RERS est ainsi installé dans un bistro
associatif ; de nombreux Sel élargissent les échanges de services par des chantiers solidaires ou
encore des sorties en groupe… « Ma première motivation était de rencontrer un réseau d'amis
dans mon quartier, explique Catherine Delpech, très active au sein du Sel de Paname depuis
14 ans. La majorité des adhérents sont des personnes seules, des familles monoparentales… Nous
avons très peu de couples avec enfants. » Les réseaux permettent ainsi de rompre l'isolement.
Et au-delà de ces objectifs affichés, ces réseaux reflètent une nouvelle conception éthique faisant
de l'interdépendance et de la réciprocité un nouveau mode de vie. L'échange n'est plus du bénévolat, on donne pour recevoir, on reçoit pour offrir. Le plus souvent, cette réciprocité est ouverte :
il est possible de recevoir un savoir d'une autre personne que celle à qui l'on donne. Parfois, elle
est décalée dans le temps, on peut d'abord recevoir un service ou un savoir, avant d'en donner
un, lorsque l'on est prêt.
Pour certains, ce cheminement peut être long. Lors du premier rendez-vous, beaucoup ne savent
pas ce qu'ils vont pouvoir offrir. Il revient alors aux membres des réseaux de trouver le petit truc,
le déclencheur. « Ils s'entendent tellement dire qu'ils valent rien, qu'il n'est pas toujours simple de
les persuader du contraire », explique Christian Dron, coordinateur des RERS de l'agglomération
Evry-Centre-Essonne. Les réseaux reposent sur l'idée que chacun d'entre nous a des savoirs et
des services à offrir, de l'énarque à l'illettré, et que tous les savoirs se valent : une heure de bricolage vaut autant qu'une de sociologie.
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« Lors des premières rencontres, les adhérents sont en retrait, puis au fil des échanges, ils se libèrent », explique Yolène Maricot, salariée du RERS de Bourges. Ils reprennent confiance en eux, en
leurs potentiels. Certains ressortent métamorphosés, certains réorientent leur vie professionnelle.
Un grand nombre d'échanges de savoirs et de services dans les trois réseaux concernent le CV,
la recherche d'emploi, l'informatique… « Beaucoup se servent du Sel pour rebondir », avance
Catherine Delpech. Les exemples foisonnent : telle personne s'est fait aider à travers des échanges
de services à créer son entreprise, telle autre s'est perfectionnée sur Internet et a ainsi décroché
un nouveau job, telle autre s'améliore en mathématiques dans l'objectif de passer un examen…
Les réseaux s'impliquent donc bien dans une démarche d'animation du territoire dont les travailleurs sociaux ne soupçonnent pas toujours l'ampleur. « Les réseaux ne savent pas toujours expliquer et valoriser leur démarche », avance Christian Dron du RERS Evry-Centre-Essonne. « Leur
action peut paraître floue à certains professionnels », appuie Christelle Seigneur, la directrice de
la politique de la Ville et de l'insertion de la communauté d'agglomération Evry-Centre-Essonne.
Pourtant la grande force des réseaux d'échanges réside dans leur capacité à impliquer les habitants. dans la résolution de leurs problèmes. Ils savent faire d'eux des acteurs de la transformation de leur quotidien. De fait, toutes leurs initiatives participent au développement social des
territoires ; ce qui ne peut qu'intéresser les travailleurs sociaux.
Fort heureusement, ils sont de plus en plus nombreux à s'y impliquer, et tout particulièrement à
travers les centres sociaux, comme à Villeneuve-d'Ascq dans le Nord. « On partage la même
philosophie, la même éthique », reconnaît Christian Masounabe, membre du Sel de la ville. De
même à Bar-le-Duc, dans la Meuse, le RERS a été mis en place en 1997 par un centre social
sous l'impulsion d'une conseillère en économie sociale et familiale. L'idée était de redynamiser
la participation des habitants, mais en évitant de faire à leur place, même si une salariée travaille
aujourd'hui à temps plein pour le RERS. « Mon rôle est identifié, le réseau n'est pas un atelier du
centre social, la réciprocité est toujours au centre de la pratique », avance Mélanie Habart, la
coordinatrice du réseau. Un souci que partage l'organisme Foresco, qui regroupe les RERS de
France. A Meaux, en Seine-et-Marne, où le RERS est installé dans les centres sociaux de la ville,
« une formation sera prochainement organisée à destination des professionnels pour qu'ils
comprennent nos spécificités », explique Pascal Chatagnon, le coordinateur de Foresco, association nationale des RERS.
Cette articulation entre les réseaux et les travailleurs sociaux se vérifie notamment en zone
urbaine, où leur utilité pour impliquer les habitants est reconnue. C'est le cas à Evry, dont les
acteurs de la politique de la ville sont particulièrement soucieux de « faire avec plutôt que de
faire pour », soutient Christian Dron, du RERS Evry-Centre-Essonne. « Effectivement, reconnaît
Christelle Seigneur, de la communauté d'agglomération, le réseau a une capacité à mobiliser les
habitants, à les rendre autonomes afin qu'ils comprennent le territoire dans lequel ils vivent. Ils
partent de leurs besoins pour construire leur action ». Un atout qui, conjugué à une aptitude à
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travailler en partenariat, amène le réseau à devenir tête de pont sur certains jobs, comme par
exemple la gestion d'un jardin partagé.
Extraits de : Le Journal de l'Action Sociale de Mai 2012.
TEXTE 2
« Le 115 ne répond pas ? Essayez le « 115 du particulier » ! » Ce pourrait être la devise de cette
initiative citoyenne lancée en février 2012 sur Internet, pour apporter de l'aide aux sans-abri, soit
en signalant les besoins de l'un d'eux, soit en offrant du soutien. Elle compte aujourd'hui plus de
13 000 membres Facebook, 22 sous-groupes régionaux et 4 cellules juridiques mises au service
des exclus. « Plus de 9 000 coups de main ont été donnés en 2012 : mise à l'abri, partage de
pain, de fringues, de couvertures, etc. Et souvent cela va au-delà, parce qu'un lien d'amitié se tisse
entre les gens. C'est ce qui peut se passer de mieux. Il faut supprimer tout ce formalisme qui
entrave les relations d'humain à humain », estime Brann du Sénon, l'un des créateurs du projet.
Des « maraudes citoyennes » se sont aussi constituées dans plusieurs villes de France pour aller
au-devant des personnes sans domicile fixe, et B. du Sénon a monté en Seine-et-Marne un « village
de sans-abri », capable de recevoir 25 à 30 personnes dans des caravanes. « Les derniers résidents que j'ai accueillis m'ont été envoyés par des travailleurs sociaux, parce qu'ils ne trouvaient
aucune solution ! déplore-t-il. Alors qu'on n'a aucune subvention, la plupart repartent avec un
travail et un bout de toit ». L'homme est en colère contre un Etat dont il juge « qu'il dépense son
argent n'importe comment », pour mettre en œuvre « des solutions souvent ineptes, d'où le facteur
humain est gommé ».
Né en plein hiver, le 115 du particulier résulte du sentiment que pour faire face à la demande croissante des sans-abri, « on ne peut compter que sur nous-mêmes ». Sans forcément porter un tel
discours, nombre d'initiatives d'entraide citoyenne apparaissent ici et là, pour répondre à des
nécessités immédiates (se loger, se nourrir, etc.) et/ou combler les manques de l'action sociale
institutionnalisée. II peut s'agir, par exemple, de projets d'habitats partagés entre personnes âgées,
portés par des vieux désireux de continuer à vivre comme ils l'entendent le plus longtemps possible. Et d'éviter, comme l'explique Thérèse Clerc, à l'origine de « la maison des Babayagas » de
Montreuil, « la dégradation sociale produite par le regard de notre société sur ses vieux ». Dans
un autre registre, des citoyens lambda ont créé, à Nantes, une association pour collecter l'argent
de particuliers, en vue d'acheter des appartements et de les louer à des sans-abri. Sur Internet,
une personne souffrant de troubles bipolaires a quant à elle monté un site pour proposer de la
colocation valide/invalide, en vue de lutter contre l'isolement et la difficulté à trouver un logement
quand on est handicapé.
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Président de Voisins et citoyens en Méditerranée (VCM), qui anime un réseau d'initiatives de solidarité et d'entraide en Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) et Languedoc-Rousillon, Roland
Magnaudet dit, pour sa part, voir se multiplier toutes sortes d'habitats collectifs - squats, occupation de terrains, systèmes de cabanisation -, et beaucoup de jardins partagés. « De nombreuses
actions émergent aussi actuellement autour de l'alimentation : des épiceries sociales, des tables
ouvertes, soit gratuites soit à petit prix, des collectifs regroupant des agriculteurs et des consommateurs, avec un système anonyme permettant de faire des ristournes aux personnes avec des
petits revenus », explique-t-il.
Organisé au palais du Luxembourg en avril 2011, par la plateforme nationale pour une « fraternité
en actes », un colloque évoquait ainsi la réinvention d'une « économie populaire », en ces temps
de crise de l'accès à l'emploi et d'augmentation de la pauvreté : « Les personnes pauvres sont
dans l'obligation d'adopter des stratégies répondant à leur situation. Nombre d'entre elles s'engagent dans des solidarités de voisinage pour accéder à des biens et à des services essentiels à la
vie quotidienne », notent Michel Bérard, coordinateur de la plateforme, et Michel Théry, membre
de VCM, dans un bulletin d'information consacré à cette journée. Tous deux rappellent toutefois
que ces stratégies ne sont pas nouvelles et ont prouvé leur efficacité dans les périodes difficiles.
Ainsi des « Castors » qui, après-guerre, s'entraidaient à auto-construire leurs logements, du mouvement du tourisme social, ou des coopératives d'alimentation nombreuses à l'époque. Autant d'initiatives qui ont souvent donné naissance à des associations. Serions-nous à l'ère des nouveaux
pionniers du social ? Directeur de l'Uriopss1 Centre, Johan Priou peine à y croire : « Il n'est pas
du tout flagrant que les citoyens soient en plus solidaires. Peut-être que des initiatives existent,
mais alors elles nous échappent : on n'a pas du tout été interpellés là dessus ». Faute de chiffres
sur le sujet, l'ampleur du mouvement est, de fait, difficile à évaluer. Au mieux peut-on parler de
tendance. Un récent sondage réalisé par l'Institut CSA, pour l'Uniopss2 et la Macif indique ainsi
une évolution dans la perception de la notion de solidarité ces dernières années, celle-ci étant de
plus en plus associée à l'entraide (61 %, soit + 18 points par rapport à 2004) et la générosité
(30 %, + 5 points), et de moins en moins à la protection sociale (32 %, - 10 points).
« Tant mieux si des citoyens se mobilisent. Et s'ils pensent qu'ils seront plus efficaces hors institution, pourquoi pas ? réagit le directeur de l'Uriopps3 Champagne-Ardenne, Thomas Dubois. Mais
les associations gestionnaires de services aussi font le constat de l'insuffisance des réponses
actuelles - il y a des publics qu'on n'arrive plus à accompagner, on en est à 70 % de réponses
négatives aux demandes d’hébergement ! - et cherchent des solutions ».
Un exercice difficile car ces associations sont ancrées dans un cadre institutionnel de plus en plus
rigide, et la situation économique conduit à écarter toute velléité d'innovation, par crainte de
1. Union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux
2. Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux
3. Ibid
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dépenses non maîtrisées. « On devrait pourtant, au contraire, mettre tout en œuvre pour innover
dans un cadre financier limité. Une vraie réflexion est en cours au sein du mouvement associatif
sur la manière dont nous pourrions recréer des espaces d'innovation, tout en continuant à assurer la gestion des services, établissements et accompagnements individuels tels qu'ils existent
aujourd'hui », signale Th. Dubois. Et de citer cette association d'aide à domicile, rencontrée la
veille, qui s'interroge sur la possible mise en lien de personnes âgées isolées, afin que deux vieux
puissent vivre de temps en temps l'un chez l'autre – tout en gardant chacun leur logement – et
rompre ainsi leur solitude. « Ce type de partage ne coûterait rien », relève-t-il.
Les ressorts de l'entraide citoyenne pourraient-ils contribuer à relancer ces espaces d'innovation,
en misant sur les valeurs de partage, de rencontre et de solidarité qui font sa force ? Peut-être.
Un mouvement dans ce sens semble d'ailleurs à l'œuvre, avec en toile de fond l'ouverture des
prises en charge sur l'extérieur, le souci d'intégrer davantage qu'avant les plus fragiles à la société
civile. De plus en plus d'associations et de collectivités locales se saisissent ainsi du concept d'habitat intergénérationnel pour répondre à des problématiques d'isolement (de personnes âgées,
mais aussi de familles monoparentales) et de logement (notamment des jeunes, mais aussi de
personnes de passage, en formation).
Extraits de : TSA n° 40 de Mars 2013.
TEXTE 3
Vendredi 13 décembre, à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Au rez-de-chaussée d'un immeuble neuf,
comme chaque deuxième vendredi du mois, les Babayagas reçoivent. Il est midi, une dizaine de
femmes, plus ou moins âgées, ont dressé une grande table chargée de plats. Des amis arrivent,
des habitants du quartier, des jeunes. Voire des journalistes, car les Babayagas sont médiatiques,
à commencer par leur charismatique présidente, Thérèse Clerc. Charmeuse, celle-ci embrasse et
tutoie chaque arrivant. Ce jour-là, c'est aussi l'occasion de fêter ses 86 ans : champagne et petit
discours bien rôdé, qui s'achève par l'hymne des femmes, repris gaiement par plusieurs convives
en l'honneur de cette militante féministe de la première heure.
Inaugurée en février 2013, la Maison des Babayagas, installée en centre-ville, à deux pas du métro
et des commerces, a tout juste un an. « Une utopie réaliste » que Thérèse Clerc imagine en 1995 :
« Je me suis occupée de ma mère grabataire pendant cinq ans, alors que je travaillais encore, que
je faisais face aux turbulences conjugales de certains de mes quatre enfants et que j'avais déjà
des petits-enfants. J'étais seule, j'ai vécu cinq années très dures et j'ai pensé que je ne pouvais
pas faire vivre ça à mes enfants ». Avec deux amies, elle conçoit donc le projet d'une maison
« autogérée, citoyenne, écologique, féministe, laïque et solidaire », valeurs inscrites dans une
charte de vie. L'idée est d'habiter chacun chez soi au sein d'un même bâtiment, en organisant
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l'entraide entre les plus alertes et les autres, pour éviter, ou retarder, le départ en institution médicalisée. La vie collective se déroule dans des espaces communs, ouverts sur le quartier, destinés
à accueillir l'université populaire (Unisavie, « l'université du savoir des vieux »), pensée par Thérèse
Clerc « pour rester intelligents ». La charte engage ainsi chacune à donner de son temps à la collectivité (dix heures par semaine). Donc, pas besoin de personnel, ni d'aide-soignante, ni d'aucun
service. Pourquoi exclure les hommes ? Parce que, répond Thérèse Clerc, les femmes seules sont
très majoritaires et que « ce sont aussi les plus pauvres : leur retraite est en moyenne 40 % plus
faible que celle des hommes ». Innovant, ce projet se veut une réponse politique au regard stigmatisant que porte la société sur la vieillesse, appréhendée soit comme un fardeau - la dépendance soit comme une manne financière, celle de la silver economy ciblant les retraités des Trente
Glorieuses. « Nous sommes traités comme un marché juteux par des lobbies cupides, déterminés
à nous vendre des croisières chics, de la domotique, de la robotique, s'indigne Thérèse Clerc. Mais
tout cela n'est pas pour nous, qui vivons avec 1 000 euros par mois. En revanche, nous avons tout
notre temps pour inventer des façons de bien vivre et bien vieillir avec peu d'argent.
Extrait d'un article de Anne Denis paru dans Libération du lundi 3 février 2014.
Consignes :
1. A partir de la lecture de ces documents, dégagez la ou les idées fortes de ce dossier. (25 lignes
manuscrites maximum)
2. « Cette articulation entre les réseaux et les travailleurs sociaux se vérifient notamment en zone
urbaine, où leur utilité pour impliquer les habitants est reconnue. »
A partir de cette citation tirée des textes, en vous appuyant sur vos expériences personnelles
(familiales, relationnelles…) ou sociales (militantes, associatives, professionnelles…) et de vos
connaissances (lecture, TV, internet, actualité…) quelle est la place possible de ces travailleurs
sociaux ? (80 lignes manuscrites maximum)
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