le trafic et la consommation illicites de drogues au benin
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le trafic et la consommation illicites de drogues au benin
REPUBLIQUE DU BENIN ------FRATERNITE – JUSTICE – TRAVAIL ------- CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL ------- QUATRIEME MANDATURE ------- COMMISSION DU DEVELOPPEMENT RURAL ET DE L'ENVIRONNEMENT ------- Sur le thème : LE TRAFIC ET LA CONSOMMATION ILLICITES DE DROGUES AU BENIN : IMPACTS SOCIO-ECONOMIQUES ET SANITAIRES Adopté par la plénière en sa séance du ……………………… 1 COMPOSITION DE LA COMMISSION DU DEVELOPPEMENT RURAL ET DE L'ENVIRONNEMENT (Commission n° 2) Président : Emmanuel TIANDO Premier Rapporteur : Nestor NINKO Deuxième Rapporteur : Noubayé HOUNKPOSSI Membre : Michel BOKO " " : Philippe CAPO-CHICHI " : Tabé A. GBIAN " : Vincent KOBA " : Arouna O. LAWANI " : Abdoulaye MAMA DJIMA " : Pascal TODJINOU ASSISTANTS DE LA COMMISSION 1- Julien HODIGUE Assistants : 2- Alain ZOULIN 2 SOMMAIRE Sigles et bréviations…………………………………………………………………………4 Introduction……………………………………………………………………………………5 I - Objectifs de l’étude………………………………………………………………………. 1.1 Objectif général…………………………………………………………………………. 1.2 Objectifs spécifiques………………………………………………………………….. II - Démarche méthodologique…………………………………………………………… III - Etat des lieux du phénomène de la drogue au Bénin……………………. 3.1 Les drogues mises en cause……………………………………………………….. 3.2 Evaluation de l’ampleur du trafic et de la consommation………… 3.2.1 - Le trafic………………………………………………………………………………. 3.2.2 - La consommation………………………………………………………………. 3.2.3- Les acteurs du trafic et de la consommation………………………. 3.2.4– La lutte anti-drogue IV - Impacts socio-économiques et sanitaires…………………………………… 4.1 Impacts socio-économiques…………………………………………………… 4.2 Impacts sanitaires………………………………………………………………… 4.3 Profil du toxicomane béninois………………………………………………… V- Evaluation de la gestion de la lutte anti-drogue…………………………… 5.1- Au plan législatif……………………………………………………………………. 5.2- Au plan institutionnel……………………………………………………………. 5.3- Au plan socio-économique……………………………………………………. 5.4- Au plan des infrastructures et du matériel…………………………….. 5.5- Autres faiblesses…………………………………………………………………… VI - Mesures préconisées dans le cadre de la prévention et de la gestion du Fléau de la drogue…………………………………………………… CONCLUSION……………………………………………………………………………………… SIGLES ET ABREVIATIONS OGD : Observatoire Géopolitique des Drogues. CES : Conseil Economique et Social. RB : République du Bénin. CILAS : Comité Interministériel de Lutte contre l’Abus des Stupéfiants et des Substances psychotropes. FLASH : Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines. UAC : Université d’Abomey-Calavi. ONUDC : Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime TDR : Terme de Référence OCERTID : Office 3 INTRODUCTION L’usage de la drogue n’est pas un phénomène nouveau dans l’histoire de l’humanité. Il remonte aux premiers hommes qui utilisaient déjà certaines plantes pour leurs vertus thérapeutiques, euphorisantes ou supposées magiques. La nouveauté est que de nos jours, la consommation de la drogue est devenue un problème de société non seulement en raison de l’abus de son usage, de la toxicité de plus en plus élevée des drogues, mais aussi et surtout à cause des conséquences négatives que le trafic et l’usage de ces drogues induisent sur les plans économique, sanitaire, social et mental. On entend par drogue, toute substance d’origine naturelle ou synthétique qui agit sur l’organisme d’un sujet en modifiant ses sensations et son comportement. Comme l’atteste le rapport du secrétaire général de l’OGD, les drogues naturelles et, de plus en plus artificielles, compromettent dangereusement l’avenir de l’humanité, mettant en danger, entre autres, l’insertion sociale, professionnelle et humaine des jeunes dans toutes les sociétés. La population béninoise forte de près de huit millions d’habitants est composée majoritairement de jeunes (52%). Cette couche juvénile (bras valide et incontournable du développement), s’intéresse à la consommation de la drogue qui est un fléau se répandant progressivement et dangereusement dans nos villes et campagnes. Ledit fléau se présente sous deux aspects indissociables l’un de l’autre et se traduit en termes d’économie de marché par la « demande » (consommation) et « l’offre » (production et trafic). Le Bénin, jadis simple pays de transit, a gravi plusieurs échelons pour se positionner dans un transit renforcé puis dans un état de producteur et de consommateur avérés de drogues. Les preuves en sont fournies à travers : - les saisies fréquentes opérées par les différentes structures en charge de la question au niveau de nos frontières et même à l’intérieur du pays ; 4 - les nombreux cas de toxicomanies dans les centres de santé ou dans les rues ; - la présence des champs de culture de cannabis dans certaines régions du pays ; - l’actualité internationale où le Bénin est cité comme pays de trafic et de consommation des drogues ; - les impacts négatifs sur plusieurs plans : sanitaire, sociologique, économique et politique. Vu l’importance du fléau, les conseillers de la quatrième mandature du CES, pour donner l’alerte, se sont autosaisis du thème intitulé « Le trafic et la consommation de la drogue au Bénin : impacts socio-économiques et sanitaires », car la couche juvénile du Bénin semble s’inscrire désormais dans une logique de besoin vis-à vis des drogues. I. OBJECTIFS DE L'ETUDE L'objectif général et les objectifs spécifiques du thème d'auto saisine sont définis ainsi qu'il suit : 1.1- Objectif général Contribuer à la réduction des impacts socio-économiques et sanitaires liés au trafic et à la consommation illicites des drogues. 1.2- Objectifs spécifiques 1.2.1- Faire l’état des lieux du trafic et de la consommation illicites des drogues ; 1.2.2- Œuvrer à la réduction de l’offre et de la demande de drogues ; 1.2.3- Œuvrer à la réduction des impacts socio-économiques induits par le phénomène des drogues ; 1.2.4- Contribuer à la réduction de la morbidité et de la mortalité liées au trafic et à la consommation illicites des drogues. 5 II. METHODOLOGIE La démarche méthodologique adoptée lors de l'étude du sujet d'auto-saisine a comporté les étapes suivantes : - appropriation du thème ; - élaboration des termes de référence ; - identification des personnes ressources à auditionner ; - élaboration du calendrier d'audition ; - recherche et revue documentaires sur les différents aspects du sujet : (Etat des lieux du trafic au Bénin, traitement et réinsertion des toxicomanes, forces et faiblesses de la lutte contre le fléau, impacts du phénomène, stratégies d’une meilleure lutte contre le fléau). - Audition des personnes ressources ; - Visite de terrains ; - Synthèse des résultats. 2.1- Appropriation du thème De riches et fructueux débats de travaux en commission des conseillers ont permis d’avoir un éclairage plus approfondi puis de définir aussi bien les objectifs de l’étude que la méthodologie à adopter. 2.2- Identification des personnes ressources à auditionner Pour bien cerner les contours du sujet d’auto saisine afin d’en avoir une compréhension plus approfondie, il a été procédé à l’identification de certaines personnes ressources. Il s'agit notamment de : 2.2.1- Monsieur Philippe CAPO-CHICHI (Directeur du Laboratoire National des Stupéfiants et de Toxicologie); 2.2.2- Monsieur Anselme DJIDONOU (Médecin Psychiatre / Professeur à l’Université de Parakou) 2.2.3- Monsieur Germain HOUNSOU (Délégué Général du CILAS) 2.2.4- Monsieur Mathieu TOGNIDE (Directeur du Centre Psychiatrique de Jacquot) 2.2.5- Monsieur Albert TINGBE AZALOU (Professeur de SocioAnthropologie à la FLASH/UAC). 6 Au total, cinq (5) personnes ont été identifiées et programmées pour être auditionnées. Il est important de remarquer que toutes les personnalités invitées (les 100%) ont pu répondre à l’invitation du Conseil Economique et Social. 2.3- Elaboration du calendrier d'audition des personnes ressources Un calendrier a été élaboré et a pris en compte toutes les cinq (5) personnes ressources. Les dates, heures, thèmes à développer ainsi que le lieu de la communication ont été portés à leur attention. Tableau N° :1 Calendrier d'audition des personnes ressources. Dates Heures 4 mars 2010 10h 30 à 12h 5 mars 2010 10h 30 à 12h 9 mars 2010 10h 30 à 12h 11 mars 2010 10h 30 à 12h 15 mars 2010 10h 30 à 12h Personnalités invitées Thèmes à exposer Monsieur Philippe CAPO-CHICHI (Directeur du Laboratoire National des Stupéfiants et de Toxicologie) Monsieur Anselme DJIDONOU (Médecin Psychiatre / Professeur à l’Université de Parakou) Etat des lieux du trafic Salle de Commiset de la production locale sion n° 2 de la drogue au Bénin Traitement et réinsertion Salle de Commisdes toxicomanes au sion n° 2 Bénin La lutte contre le trafic et Monsieur Germain la consommation illicites HOUNSOU (Délégué de la drogue au Bénin : Général du CILAS*) forces et faiblesses Monsieur Mathieu La consommation illicite TOGNIDE (Directeur des drogues au Bénin et du Centre ses impacts socioPsychiatrique de économiques et Jacquot) sanitaires Monsieur Albert Perspectives d’une TINGBE AZALOU meilleure stratégie de (Professeur de lutte contre le trafic et la Socio-Anthropologie consommation illicites à la FLASH/UAC*) des drogues au Bénin 7 Lieux Salle de Commission n° 2 Salle de Commission n° 2 Salle de Commission n° 2 2.4- Elaboration des termes de références Des termes de référence (TDR) en adéquation avec le domaine de concentration de chaque communicateur ont été élaborés et se présentent comme suit : - Etat des lieux du trafic et de la production locale de la drogue au Bénin ; - La consommation illicite des drogues au Bénin et ses impacts socioéconomiques et sanitaires ; - La lutte contre le trafic et la consommation illicites de la drogue au Bénin : forces et faiblesses ; - Traitement et réinsertion des toxicomanes au Bénin ; - Perspectives d’une meilleure stratégie de lutte contre le trafic et la consommation illicites des drogues au Bénin. 2.5- Recherche et revue documentaires sur le thème La recherche documentaire (sur les différents aspects du sujet que sont : état des lieux du trafic au Bénin, traitement et réinsertion des toxicomanes, forces et faiblesses de la lutte contre le fléau, etc.) s’est appuyée sur les archives du centre de documentation ‘’Sévérin AKANDO’’ du Conseil Economique et Social, les recherches sur l’internet, les investigations des conseillers et enfin sur les différents supports de communication déposés par les personnes ressources. La revue documentaire a permis de tirer l'essentiel des informations de la documentation rassemblée ce qui a permis au présent rapport d’être rédigé. 2.6- Audition des personnes ressources Conformément au calendrier des auditions ci-dessus indiqué, des exposés liminaires ont été faits aux conseillers par les personnes ressources. Un débat de questions-réponses a permis suffisamment éclairés sur le thème en étude. 8 aux conseillers d’être 2.7- Visites de terrains Des visites de terrains organisées aussi bien au centre Psychiatrique de Jacquot qu’au laboratoire National des Stupéfiants et de Toxicologie de Cotonou ont permis aux conseillers d’apprécier d’une part les impacts négatifs sanitaires liés à l’usage abusif des drogues, d’autre part les travaux de laboratoire en cours et enfin les différents échantillons de drogues saisies par les services de répression. III- ETAT DES LIEUX DU PHENOMENE DE LA DROGUE AU BENIN Il consiste à : - déterminer la typologie des drogues mises en cause dans le trafic ; - faire l’état des saisies de drogues pour en apprécier la quantité ; - déterminer la pureté des drogues pour en apprécier la qualité ; - évoquer les itinéraires suivis par ces drogues pour en déterminer les provenances, les portes d’entrée sur le territoire national et les destinations ; - caractériser le trafic et la consommation ; - identifier les acteurs du trafic et de la consommation ; - faire l’état de la lutte anti-drogue. 3.1- Les drogues mises en cause Un regard rétrospectif et attentif sur les saisies réalisées sur plus de dix ans par les services de répression permet de constater qu’une grande diversité de drogues circule au Bénin. Elle se regroupe en trois grandes catégories : - les drogues cultivées localement comme le chanvre indien et la datura ; - les drogues importées qui constituent une variété exceptionnelle de par leurs caractéristiques. Il s’agit dans ce cas, de l’opium et ses dérivés, de la cocaïne et ses dérivés, du chanvre indien, des amphétamines, des substances psychotropes ; - Les drogues de conception locale à partir de composants chimiques synthétiques importés ou à base de plantes naturelles de la flore locale. 9 3.1.1- Le chanvre indien (ou « Gué ou Yamba ») - Cannabis, Sativa Linée de la famille des cannabinacées ; - plante dioïque, herbacée annuelle ; les pieds mâles sont grêlés et élancés, les femelles sont plus ramifiées et plus touffues ; - elle diffère d’une région à une autre en Afrique (cette différence est liée à la teneur en tetrahydrocannabinol- THC) ; - possède une faculté d’adaptation exceptionnelle dans le régime végétal. C’est une plante mutante (variation de composition chimique en fonction de la zone d’évolution ; forêt, savane…) ; - il est fait usage de : • ses feuilles et ses graines • sa racine • son huile 3.1.2 - La datura - trois espèces ont été identifiées au Bénin dans le sud (non comprise, la région côtière), le centre et plus récemment dans le nord : • datura innoxita ; • datura metel ; • datura stramonium ; - est de la famille des solanaceae - l’espèce DATURA se reconnaît parmi cette famille par quelques caractères simples : - • le fruit est capsulaire ou à déhiscence irrégulière • les fleurs ont cinq étamines est utilisé dans les rites dans les couvents animistes ; le chanvre indien et la datura sont fumés, chiqués et ingérés (huile de cannabis). 3.1.3 - L’opium et ses dérivés A la fois, source de médicaments utiles et de toxicomanie, l’opium est un stupéfiant connu de l’homme depuis des millénaires. - Principaux dérivés : morphine, héroïne ou (« off ») ; - Approche botanique : l’opium est extrait du pavot à opium (papaver somniferum album) ; 10 - Plante herbacée aux pétales de couleur parfois blanche et rouge qui peut atteindre une hauteur de 1.50 m de hauteur ; - Le pavot fleurit 3 à 4 mois après les semailles et la culture s’effectue à une altitude variant entre 300 et 1700 m ; - Les pays de culture : • Asie du Sud-Ouest (Afganistan, Iran Pakistan appelés : « croissant d’or »); • Asie du Sud-Est (Laos, Myanmar, Thaïlande appelés « triangle d’or ») ; • - Liban, Mexique L’opium est obtenu par scarification des capsules encore vertes du pavot à opium ; le suc laiteux qui s’écoule après que les incisions aient été faites, prend une couleur brunâtre, par oxydation au contact de l’air. Il est ramassé à l’aide de petits racloirs puis amalgamé sous forme de pains : c’est l’opium brut ; - Les producteurs peuvent obtenir 1 à 33 kg d’opium/ha ; - L’opium contient également d’autres composés comme la codéïne, la thébaine, la papavérine et la noscapine ; - Il est fumé, snifé, injecté. 3.1.4- Cocaïne ( ou Wiwé ou angel) - Elle s’obtient à partir d’une plante, le cocaïer ou érythoxylon coca qui est un arbuste à feuilles persistantes mesurant 1 à 1,5 m de haut. On peut faire plusieurs récoltes par an ; - - Zones de production : • Amérique Latine (Pérou, Bolivie, Colombie, Brésil, Equateur…) • estimation : 500 000 ha de superficies cultivées ; La cocaïne (chlorhydrate de cocaïne) est le produit fini obtenu par malaxation des feuilles de cocaïer dans du Kérosène, un autre traitement chimique permet ensuite d’avoir la pâte de coca : 150 à 400 kg de feuilles permet d’obtenir 1kg de cocaïne - Est snifée, injectée. 3.1.5- Produits de synthèse 11 Il s’agit dans leur grande majorité des médicaments (barbituriques, benzodiazepines, amphétamines, phencyclidine, lysergide…) que l’on retrouve sur les marchés des denrées alimentaires de la plupart des pays de la sous-région ouest-africaine. 3.2- Evaluation de l’ampleur du trafic et de la consommation La production, le trafic et la consommation n’ont cessé de prendre de l’ampleur depuis une dizaine d’années au Bénin, alimentant ainsi, au sein de la couche juvénile, une toxicomanie de masse grâce à des produits euxmêmes très diversifiés allant de l’alcool (élaboré à partir de plantes locales) aux drogues de synthèse pour la plupart importées. 3.2.1- Le trafic D’après l’hebdomadaire international indépendant « Jeune Afrique’’, n°2486 de l’année 2008, « du Sénégal au Nigéria en passant par le Cap-Vert, la Guinée, le Mali ou la Mauritanie, l’Afrique de l’ouest s’est imposée comme le principal fournisseur de l’Europe en Cocaïne ». Les trafiquants tentent de brouiller les pistes. Leur souci majeur est de pouvoir développer les affaires, « le trafic » dans une parfaite clandestinité. Ainsi, ils profitent non seulement de l’absence des contrôles policiers, mais aussi des Etats affaiblis par l’instabilité politique et la pauvreté endémique. La même source de ‘’jeune Afrique, op-cite’’ précise que parmi les pays prisés par les narcotrafiquants figurent notamment le Bénin, le Togo, la Sierra Léon, etc. à cause de la perméabilité de leurs frontières. Selon l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC), non seulement les ressortissants Ouest – africains jouent un grand rôle dans le marché européen de la cocaïne et de l’héroïne depuis longtemps, mais aussi la préexistence de réseaux de contrebande très organisés sur le continent a constitué un sérieux atout pour l’expansion fulgurante du trafic de cocaïne. Il est important de remarquer que quand bien même certaines drogues (telles que l’héroïne et la cocaïne) ne sont pas produites sur place en République du Bénin, leur présence et leur importance ne sont pas des moindres dans les saisies opérées. 12 Il se dégage alors concrètement que ces substances psychotropes sont frauduleusement introduites sur le territoire national. Leurs sorties du pays sont également clandestinement organisées. Les produits en transit sont quelques fois interceptés par les services de contrôle de chaque pays ou par la police internationale. De 1991 à 2009, lors de leur trafic, d’importantes quantités de différentes drogues sont saisies sur le territoire béninois par les services de contrôle. Les tableaux ci-après font état de toute la situation du trafic au Bénin à savoir les quantités de drogues saisies, les répartitions des drogues selon les portes d’entrée, leur nature et leur pureté et leurs mouvements. 13 Tableau n°2 : Quantité de drogues saisies de 1991 à 2000 (en grammes) Année Quantité de drogues saisies (g) Cannabis Cocaïne Héroïne 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 3432,753 61427,22 2 1950236,1 230 510,34 42898,24 5 44403,71 26862,306 78576,96 2 636142 22751,4 552,023 6529,913 864,16 8,23 6962,2 3188,8 31,217 607,649 4912,43 21495,92 2 1892,114 284,866 830 1998,05 5162,12 2270,7 164,862 3190,114 242,375 9224,487 Sources : OCERTID, CILAS Au cours de ces années, le trafic du cannabis a connu une grande activité en 1993, celui de la cocaïne en 2000 et l’héroïne également en 2000. L’importation des drogues dures, plus dangereuses, a connu une recrudescence par rapport au cannabis dont les quantités saisies ont sensiblement diminué au cours de ces années. Cette analyse est vérifiée par le graphique suivant : 14 Evolution des quantités de Cannabis saisies (1991-2000 2500000 2000000 1500000 Cannabis 1000000 500000 0 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 Evolution des quantités de Cocaïne saisies (1991-2000) 25000 20000 15000 Cocaïne 10000 5000 0 1991 1992 1993 1994 1995 1996 15 1997 1998 1999 2000 Evolution des quantités d'Héroïne saisies (1991-2000) 10000 9000 8000 7000 6000 5000 4000 3000 2000 1000 0 Héroïne 1991 1992 1993 1994 1995 1996 16 1997 1998 1999 2000 Tableau n°3 : Quantité de drogues saisies par année de 2001à 2009 (en grammes) Année Quantité de drogues saisies (g) Cannabis Cocaïne HéroïneMorphine 2001 2002 2003 809407,977 2126210,231 73049,198 31740,764 50,489 79144 14,364 2004 2005 2006 2007 2008 2009 222930 2206729,040 81608,581 56451,950 8596,846 36037,491 12,768 291669, 681 28214,910 22266,149 423244,99 4 22.749,7 08 7340,413 25,571 62785,4 55 25,241 189,835 1290,539 2307,394 762,964 Sources : OCERTID, CILAS Le tableau de ces dix dernières années crédite le chanvre indien d’un trafic interne au cours de l’année 2005 alors que le trafic de la cocaïne atteint un sommet jamais égalé en 2007. Quand à la l’héroïne ; son taux le plus élevé est atteint en 2001. L’engouement pour les drogues dures dans le trafic s’accroît de plus en plus. 17 Evolution des quantités de Cannabis saisies (2001-2009) 2500000 2000000 1500000 Cannabis 1000000 500000 0 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Evolution des quantités de Cocaïne saisies (2001-2009) 500000 400000 300000 200000 Cocaïne 100000 0 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Evolution des quantités d'Héroïne-Morphine saisies (2001-2009) 90000 80000 70000 60000 50000 40000 30000 20000 10000 0 Héroïne-Morphine 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Tableau :… Répartition des drogues selon la porte d’entrée (Année 2008) Lieux Nombre de drogues entrant par cette porte Pourcentage (%) Frontières terrestres 52 51,5% Frontières aériennes 28 27,7% Frontières maritimes 1 1% 20 19,8% 101 100% Milieu local Total Source : LNST Les frontières terrestres sont les plus utilisées et contribuent à convoyer 51,5% de la quantité de drogues trafiquées. Les frontières aériennes interviennent pour 27,7%, ce qui dénote de la porosité ou de la forte perméabilité de nos frontières. Tableau …: Répartition des drogues selon la nature (Année 2008) Désignation Nombre de chaque type Pourcentage (%) Cannabis 5 4,9% Héroïne 9 9% Cocaïne 47 46,5% 1 1,% Néant 39 38,6% Total 101 100% Méthaqualone Source : LNST La cocaïne représente la drogue la plus trafiquée avec 46,5% renforçant ainsi la tendance à la hausse et le choix des drogues dures importées par les trafiquants pour animer le trafic et la consommation. 19 Tableau : Répartition des drogues selon la pureté (Année 2008) Nombre de chaque type Pourcentage (%) 61 60,4% 1 1% 39 38,6% 101 100% Désignation Drogues pures Drogues frelatées Substances inertes (pas sous contrôle international) Total Source : LNST Les drogues dures sont créditées d’une pureté de 60,4% et sont en parfaite corrélation avec la tendance à la hausse et la primauté accordée par les trafiquants à cette catégorie de drogue. Tableau : Mouvement du trafic (Année 2008) N° d’ordre Origine Provenance (Nombre de fois) 1 Bénin 27 2 Nigéria 30 3 Togo 7 4 Ghana 5 Etats-Unis 6 7 Hollande Destination (Nombre de fois) Allemagne 8 1 Mali 9 Turque 10 Chine 11 23 Guinée 12 1 Inde 13 Angleterre 14 12 Inconnu Total 101 20 Tableau : Répartition des drogues selon la porte d’entrée (Année 2009) Nombre de drogues entrant par cette porte Pourcentage (%) Frontières terrestres 39 63 Frontières aériennes 28 29 Frontières maritimes - - Milieu local 5 8 Total 62 100 Lieux Tableau : Répartition des drogues selon la nature (Année 2009) Désignation Cannabis Héroïne Cocaïne Acétylcodéïne Caféine Benzodiazépines Morphine Opium Néant Total Nombre de chaque type 4 5 15 2 1 1 1 2 33 Pourcentage (%) 06 08 24 03 1 1 1 03 54 62 100 Tableau : Répartition des drogues selon la pureté (Année 2009) Désignation Nombre de chaque type Pourcentage (%) 20 33 - - Mélanges de drogues 09 13 Substances inertes (pas sous contrôle international) 33 54 Total 62 100 Drogues pures Drogues frelatées 21 Tableau : Mouvement du trafic (Année 2009) N° d’ordre 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 Origine Bénin Nigéria Guinée Conakry Ghana Angleterre France Sénégal Libye Autriche Thaïlande Mali Libéria Suisse Provenance (Nombre de fois) 23 30 7 2 - Destination (Nombre de fois) 45 3 3 2 2 2 1 1 1 1 1 Total 62 62 L’autre volet du trafic de drogue qu’il ne faut pas occulter est celui de la production spécifique d’un type de drogue, le chanvre indien et d’une culture sporadique de certaines plantes dont la datura. L’esquisse d’un essai cartographique de la production locale de drogues au Bénin (voir figure N° 1) permet d’apprécier l’ampleur de cette facette du trafic qui vient en appui à une importation croissante des drogues dures en provenance des pays de l’Amérique Latine et de l’Asie. Cette production, jadis familiale (culture dans des pots, au niveau des plafonds) est devenue extensive et se fait au milieu des cultures vivrières de maïs, de mil ou de sorgho. Les forêts classées, les zones cynégétiques, les ‘’ No man’s land ’’ au niveau des zones frontalières sont des sites privilégiés de culture de chanvre indien. 22 (CARTE BENIN) 23 Il faut souligner ici le caractère audacieux et risqué dont font preuve les acteurs du trafic et de la consommation qui au prix de leur vie n’hésitent pas à utiliser certains organes de leur propre corps (estomac, intestin, rectum, vagin…) pour faire le trafic de la drogue. Les complicités au plus haut niveau de l’Etat constituent également un appui important pour les acteurs du trafic qui se sentent sous le couvert d’une protection et rivalisent d’ardeur dans la réalisation de leur forfait. 3.2.2. La consommation Elle est aujourd’hui irréfutable dans les différentes couches de notre société. Elle mérite cependant une étude épidémiologique pour mieux cerner les différents aspects qui la caractérisent. On sait néanmoins, qu’elle touche prioritairement les jeunes de la tranche d’âge de 15 à 48 ans. Elle s’effectue en solitaire par les vétérans recherchant une certaine intimité ou sous forme de consommation de groupe (consommation collective) de deux (2) à plusieurs individus habitués et solidaires suivant des normes et des règles d’usage. Les sessions de consommation sont rarement diurnes et se font dans ce cas dans une grande discrétion et de façon clandestine, ou nocturnes avec une volonté désinvolte des usagers qui n’hésitent pas à s’exhiber en groupe dans des lieux publics et même dans les centres de détention (prisons). Les voies d’administration de la consommation sont également multiples et varient en fonction de la nature de la drogue à consommer. Ainsi ces drogues sont souvent fumées, snifées, ingérées. La voie injectable est très peu utilisée dans le milieu des consommateurs béninois. 3.2.3. - Les acteurs du trafic et de la consommation Ils sont organisés en réseau dont les contours varient en fonction des contextes de trafic ou de consommation. Au Bénin, les trafiquants semblent être constitués selon une gradation de type pyramidale qui se distingue par : - Au niveau 1 (sommet) : un noyau d’individus de qualification et de responsabilité difficilement identifiables. Ils entretiennent un lien étroit avec d’autres réseaux sur les plans sous-régional, continental et même international 24 selon un principe de concentration, de concertation et de synergie internationale au sein des acteurs ; - Au niveau 2 : des réseaux locaux bien organisés avec des ramifications modifiables avec le noyau. Ce qui permet de minimiser les risques policiers et les trahisons ; - Au niveau 3 : il s’agit des groupes de passeurs, de dealers ou de ‘’mullets’’. Certains peuvent appartenir au niveau 2. Leur rôle consiste spécifiquement à transmettre le ‘’message ‘’ ou la ‘’marchandise’’ ; - Au niveau 4 : réseau de distribution de proximité en forme de coopérative. A cette étape, la cession des drogues se fait en détail (en gramme) par des méthodes déguisés et discrètes. Cette organisation fonctionne selon une règle : « frère si tu tombe, un autre prendra ta place ». C’est le postulat de leur survie. Quant aux consommateurs, ils s’identifient en usagers potentiels et en usagers chroniques. Ils sont des deux sexes dans une proportion de 90% pour le sexe masculin et de 10% pour le sexe féminin. Ce sont pour la plupart des acteurs de ‘’petits boulots ‘’ (artisans, élèves, étudiants…) et touchent toutes les ethnies et nationalités installées au Bénin. Au Bénin, les motivations des acteurs du trafic et de la consommation illicites de drogues sont de deux ordres : - Pour les trafiquants, le trafic de la drogue est d’abord une activité économique rentable caractérisée par l’acquisition d’un gain facile, aisé et rapide au mépris des dégâts dommageables que cela peut provoquer sur le plan socio-économique. Pour les consommateurs, les raisons sont multiples : l’extrême pauvreté et la misère qui sévissent dans les communautés s’accompagnent de dépression, d’une envie de l’oubli de soi et des soucis qui accablent ; l’envie d’une performance plus accrue dans le métier exercé ; le désir d’un ‘’voyage’’ pour appartenir à un autre monde. De façon générale et en guise d’exemple, les acteurs du trafic et de la consommation en 2009 se présentent selon le tableau suivant : 25 Tableau N° : Récapitulatif des acteurs déférés pour trafic de drogue en 2009 Acteurs arrêtés et déférés Type de drogue Effectif Cannabis 78 Cocaïne 14 Héroïne 13 Cannabis 02 Cocaïne 04 Héroïne 00 Cannabis 04 Cocaïne 01 Héroïne 01 02 Ghanéens Cannabis 02 2,06% 02 Nigériens Cannabis 02 2,06% 1 Congolais Cannabis 01 1,03% 1 Français Cocaïne 01 1,03% 80 Béninois Pourcentage (%) 82,48 % 7,22% 07 Nigérians 4,12% 04 Togolais Tableau : N° Des acteurs du trafic et de la consommation de drogues (de 2000 à 2009) Année Nombre de personnes déférées 2000 99 2001 52 2002 67 2003 48 2004 46 2005 110 2006 109 2007 104 2008 85 2009 97 SOURCE : OCERTID, CILAS 26 3.2.4- La lutte anti-drogue au Bénin La production, le trafic et la consommation du drogue bénéficient dans le monde et également au Bénin, de conditions favorables et fonctionnent véritablement comme une entreprise en réseau avec des moyens colossaux capables de désorganiser et de déstabiliser même les Etats les plus nantis. Face à cet état de fait et malgré la pauvreté endémique sous laquelle croupissent les Etats africains dont le Bénin, des élans de sursaut et des soubresauts de souveraineté, de ras –de- bol, induits souvent par la communauté internationale, s’élèvent pour parer aux velléités expansionnistes et extensives de ce phénomène du trafic et de la consommation illicites des drogues. 3.2.4.1 Cadre juridique de la lutte anti-drogue Très tôt dès les années 1980, l’Etat béninois a pris conscience du danger que représente ce fléau capable de porter des dégâts considérables tant sur les plans politique, économique que socio-sanitaire. Un arsenal juridique a été donc conçu et comporte : - Le décret n°31-89 du 24 janvier 1989 portant création et fonctionnement du Laboratoire National des Stupéfiants ; - L’arrêté ministériel n° 2333 du 19 aout 1992 portant nomination des membres de la Commission Nationale des Stupéfiants ; - La loi n°97-025 du 18 juillet 1997 sur le Contrôle des Drogues et des précurseurs. - L’Arrêté N°0057 du 05 mars 1999 portant création d’une cellule de lutte contre le blanchiment de l’argent d’origine frauduleuse ; - Le décret n°99-141 du 15 mars 1999 portant création et attributions de l’Office Central de Répression du Trafic Illicite des drogues et des précurseurs ( OCERTID); - Le décret n°99-162 du 08 avril 1999 portant création, composition, attributions et fonctionnement du Comité Interministériel de Lutte contre l’Abus des Stupéfiants et des substances psychotropes (CILAS) ; - L’arrêté interministériel n°0119 du 14 mai 2003 portant création, attributions et fonctionnement de la Commission de Destruction des plantes et substances toxicomanogènes saisies ; 27 - L’arrêté n°068 du 14 mai 2003 portant création d’un Comité National de lutte anti-dopage dans le sport Pour renforcer ces armes juridiques, une politique de lutte anti-drogue (POLUDRO) a été élaboré en juillet 2000. Elle s’articule sur : - Un Plan Directeur National (PDN) qui fait l’état des lieux, le diagnostic en matière de l’usage abusif des drogues et définit les stratégies décennales ; - Un Plan National d’Actions (PNA) pour la mise en œuvre des stratégies du PDN. Il est impérieux de souligner que le Bénin a ratifié les trois conventions des Nations-Unies de 1961, de 1971 et 1988 sur l’organisation, le développement et l’intensification de la lutte anti-drogue sur les plans de l’offre de la demande et du trafic. 3.2.4.2 Organes de la lutte anti-drogue La problématique générale de la drogue pose à l’Etat une équation réelle dont l’enjeu reste l’équilibre socio-économique et la sauvegarde de l’avenir des jeunes. En tant que tel, c’est bien une prérogative de la volonté politique de faire face à cette situation dans sa globalité. Pour une mise en œuvre conséquente de la POLUDRO, l’Etat a mis en place un certain nombre d’organes pour contribuer efficacement à la lutte anti-drogue. Il s’agit de : - Le CILAS qui coordonne et anime la POLUDRO. Il est composé des représentants des ministères en charge de la sécurité, de la justice, de la santé, des affaires étrangères, de la défense nationale, de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche scientifique, des finances, de la famille et de la protection sociale, de l’environnement, de la communication et du commerce. - L’OCERTID qui est l’organe qui s’occupe de la lutte préventive mais surtout répressive du trafic et de la consommation illicite des drogues. Il est composé uniquement des agents des Forces de Sécurité Publique ; - Le Centre National Psychiatrique de Jacquot et l’Unité de Soins d’Urgence aux Toxicomanes (USUT). Ces deux structures prennent en charge les toxicomanes, s’occupent de leur traitement et parfois et de leur réinsertion en liaison avec les services compétents concernés ; 28 - La Commission de destruction des plantes et substances toxicomanogènes saisies. Elle est présidée par le Ministre en charge de la Justice et tous les membres y sont représentés. Cette commission a pour tâches de procéder à la destruction de toutes plantes et substances toxicomanogènes légalement saisies et dont la destruction a régulièrement ordonnée conformément aux lois et règlements en vigueur. De manière générale et malgré l’indigence financière et matérielle dans laquelle végètent les acteurs de cette chaîne anti-drogue, on ne peut qu’être admiratif pour le courage et la détermination dont ils font preuve en vue de freiner voire éradiquer ce fléau. 3.2.4.3- Stratégies de lutte anti-drogue Elles sont développées notamment au niveau de tous les maillons de la chaine de lutte anti-drogue dont entre autres : - L’OCERTID et les Forces de Sécurité Publique. - Le Laboratoire National des Stupéfiants et de Toxicologie. - Les Services Indiciaires. - La commission de destruction des plantes et substances toxicomanogènes. Les saisies de drogues sont opérées par les services de répression (Police, Gendarmerie, Douanes, Agents des eaux et forêts) selon une stratégie classique qui s’appuie sur des informations données par des indicateurs, la localisation du milieu du trafic ou de la consommation, l’infiltration de ce milieu, le dépistage, l’arrestation des mis en causes généralement en flagrant délit et la saisie des drogues. Le laboratoire National des stupéfiants et de Toxicologie s’investit à travers l’analyse et l’identification des substances saisies, à apporter des preuves tangibles par l’inculpation ou la relaxation des mis en causes. Il est donc en amont du déclenchement de la procédure judiciaire. Les servies judiciaires sont saisis par l’OCERTID avec les documents nécessaires pouvant leur permettre d’enclencher une procédure à l’encontre des mis en causes. La commission de destruction des plantes et substances toxicomanogènes saisies. L’élimination de ces substances dangereuses est réalisée en bout de chaine par cette commission. 29 IV– IMPACTS SOCIO-ECONOMIQUES ET SANITAIRES Les impacts socio-économiques et sanitaires liés à la consommation des drogues ne sont pas des moindres. 4.1. – Impacts socio-économiques L’usage et le trafic des drogues constituent un phénomène de société qui engendre des conséquences socio-économiques néfastes et difficiles à gérer. En effet, la drogue rend la société inutile à l’homme et l’homme inutile à la société. Ce phénomène d’inutilité interdépendante se consacre par l’effet : de destruction induit par la drogue sur l’individu, de dislocation de la famille et de destruction de la société toute entière. Cette interdépendance favorise l’exacerbation de l’offre et de la demande des drogues, impacts socio-économiques fondamentaux induits par ce phénomène. 4.2. – Impacts sanitaires En dépit de la tendance de classification et de distinction selon leurs formes dites douces ou dures, les drogues présentent, à quelques égards près, les mêmes dangers pour la santé de l’homme. En effet, le tabac constitue une passerelle vers le cannabis, communément appelé ‘’le gué’’. Cette passerelle conduit lentement mais presque inévitablement vers les autres drogues autrement plus dangereuses, toute chose exposant le toxicomane à la propension à divers genres de perversions et de crimes. Les problèmes sanitaires principaux induits par la consommation des drogues peuvent se résumer aux points ci-après : - Le ramollissement cérébral ; - L’hypertension artérielle ; - La baisse de l’immunité conduisant à la contraction des hépatites, des IST et du VIH/SIDA ; - La psychose toxique ; - Le coma ; - Les troubles mentaux ; - Le cancer etc. Il en résulte que l’abus des drogues induit des effets inhérents à l’aggravation de la morbidité et de la mortalité. 30 Certains impacts sanitaires sont spécifiques à des drogues données et se présentent comme suit : Effets et dangers du cannabis : Les effets de la consommation de cannabis sont variables : légère euphorie, accompagnée de rire, légère somnolence. Les usagers de tous les âges consomment généralement le cannabis pour le plaisir et la détente. Des doses fortes entraînent rapidement des difficultés à accomplir une tâche, perturbent la perception du temps, la perception visuelle et la mémoire immédiate et provoquent une léthargie. Ces effets peuvent être dangereux si l’on conduit une voiture, si l’on utilise certaines machines : Les principaux effets physiques du cannabis peuvent provoquer, selon la personne, la quantité consommée et la composition du produit : 1. Une augmentation du rythme du pouls (palpitations) ; 2. Une diminution de la salivation (bouche sèche) ; 3. Un gonflement des vaisseaux sanguins (yeux rouges) ; 4. Parfois une sensation de nausée. Même si les effets nocifs du cannabis sur la santé sont, à certains égards, moins importants que ceux d’autres substances psycho-actives, l’appareil respiratoire est exposé aux risques du tabac (nicotine et goudrons toxiques), car le joint est composé d’un mélange de tabac et de cannabis. Les risques respiratoires sont amplifiés dans certaines conditions d’inhalation (pipes à eau, « douilles »). Certains effets, souvent mal perçus par la population et les consommateurs, ont des conséquences importantes et révèlent l’existence d’un usage à problème. Il s’agit de : - Difficultés de concentration, difficultés scolaires… ; - Dépendance psychique parfois constatée lors d’une consommation régulière et fréquente : préoccupations centrées sur l’obtention du produit ; - Risques sociaux pour l’usager et son entourage liés aux contacts avec des circuits illicites pour se procurer le produit ; - Chez certaines personnes plus fragiles, le cannabis peut déclencher des hallucinations ou des modifications de perceptions et de prise de 31 conscience d’elles-mêmes: dédoublement de la personnalité, sentiment de persécution. Ces effets peuvent se traduire par une forte anxiété. Effets et dangers de la cocaïne L’usage de la cocaïne provoque une euphorie immédiate, un sentiment de puissance intellectuelle et physique et une indifférence à la douleur et à la fatigue. La cocaïne provoque : - Une contraction de la plupart des vaisseaux sanguins. Les tissus insuffisamment irrigués, s’appauvrissent et par conséquent, se nécrosent. C’est souvent le cas de la cloison nasale avec des lésions perforantes chez les usagers réguliers ; - Des troubles du rythme cardiaque. Ils peuvent être à l’origine d’accidents cardiaques, notamment chez des personnes fragiles et/ou qui consomment de fortes quantités de tabac. D’autant que la consommation de tabac, comme celle de l’alcool, est souvent augmentée lors des prises de cocaïne. - Chez les personnes plus sensibles, l’usage de cocaïne peut provoquer des trouves physique, une grande instabilité d’humeur, des délires paranoïdes (notamment au bruit) ou des attaques de panique. - Une augmentation de l’activité psychique et, par conséquent, des insomnies, des amnésies et des phases d’excitation. - Une autre caractéristique de la cocaïne est de lever les inhibitions, ce qui peut conduire à commettre des actes de violence, des agressions sexuelles, des dépenses compulsives, etc … entraînée par la cocaïne en La sensation de « toute-puissance » fait un produit qui risque d’engendrer des passages à l’acte, au suicide notamment. Par ailleurs, les matériels utilisés pour « sniffer » peuvent transmettre les virus des hépatites A, B et C, s’ils sont partagés entre plusieurs usagers . en cas d’injection, le matériel partagés est très souvent à l’origine de la transmission du virus du sida (05 millions de cas au monde). Effets et dangers de l’héroïne : L’héroïne provoque l’apaisement, l’euphorie et une sensation d’extase. Elle agit comme anxiolytique puissant et comme antidépresseur. Les effets recherchés peuvent traduire un mal-être psychique, une souffrance, un besoin d’oubli. 32 L’effet immédiat de l’héroïne est de type « orgasmique ». C’est le « flash ». Il est suivi d’une sensation d’euphorie puis de somnolence, accompagnée parfois de nausées, de vertiges et d’un ralentissement du rythme cardiaque. En cas d’usage répété, le plaisir intense des premières consommations ne dure en général que quelques semaines. Cette phase peut être suivie d’un besoin d’augmenter la quantité du produit et fréquence des prises. La place accordée à cette consommation est telle qu’elle modifie la vie quotidienne de l’usager. Des troubles apparaissent, dont l’anorexie et l’insomnie. La dépendance s’installe rapidement dans la majorité des cas. L’héroïnomane oscille entre des états de soulagement euphoriques (lorsqu’il est sous l’effet de l’héroïne) et des états de manque qui provoquent anxiété, agitation… La dépendance à l’héroïne entraîne des risques sociaux importants. Elle enclenche un processus de marginalisation chez certains usagers. La surdose ou overdose de l’héroïne peut provoquer une insuffisance respiratoire entraînant une perte de connaissance et éventuellement la mort. L’injection entraîne des risques d’infection (notamment par les virus du sida et des hépatites B et C) si l’’usager ne se sert pas d’un matériel d’injection stérile, à usage unique. 4.3. – Profil du toxicomane béninois A l’analyse des divers impacts socio-économiques et sanitaires induits par le trafic et la consommation de la drogue, le profil du toxicomane béninois peutêtre décrit comme l’individu soumis à un état de dépendance physique, psychique et/ou mixte. Le toxicomane offre ou présente donc un profil néfaste et nuisible à la société. V- EVALUATION DE LA GESTION DE LA LUTTE ANTI-DROGUE Malgré la réaction positive des autorités béninoises par l’élaboration et l’adoption de la Politique Nationale de Lutte contre la Drogue qui a pris en compte aussi bien la prévention, la répression, le traitement que la réinsertion, des insuffisances persistent et compromettent les actions ainsi engagées. On peut noter ces insuffisances aux plans législatif, institutionnel, socio-économique, des infrastructures et du matériel. 33 5.1 Au plan législatif : cas de la loi 97-O25 du 18 juillet 1997. Un flou juridique persiste dans la réglementation en vigueur au Bénin en matière de lutte contre le trafic et la consommation des drogues. En effet, la loi 97-O25 du 18 juillet 1997 sur le contrôle des drogues et des précurseurs n’est pas complète car ne déterminant pas toutes les dispositions légales en matière de répression. De façon concrète, les insuffisances relevées de ladite loi se présentent comme suit : 1. le caractère alternatif des peines : il est souhaitable, dans le souci d’une véritable répression et d’une prévention plus accrues, que les peines d’emprisonnement et d’amende soient cumulativement appliquées ; 2. l’article 100 punit de la même peine le trafiquant et l’usager de la drogue. A notre sens, le trafiquant mérite d’être plus sévèrement puni que le simple usager ; 3. l’article 108 : le souci de protection des mineurs délinquants qui est mis en exergue dans l’article 142 semble être en contradiction avec les principes énoncés à l’article 108 alinéa 7 ; 4. l’article 116 ne précise pas à qui incombe la charge des soins médicaux prodigués. S’agissant des toxicomanes manifestement indigents, il serait souhaitable que l’état prenne en charge les frais liés au traitement de cette catégorie de malades ; 5. l’article 142 exclut les mineurs et les délinquants primaires des sanctions prévues à l’article 100 si le produit trouvé en leur possession est de faible quantité et permet de considérer qu’il est destiné à leur consommation personnelle. Cet article encourage la consommation de la drogue et mérite d’être revu car le risque est grand de voir les mineurs devenir des passeurs pour les gros trafiquants ; 6. l’absence de décrets d’application de la loi 5.2 Au plan institutionnel: cas de l’OCERTID L’office Central de Répression du Trafic Illicite des Drogues et précurseurs (OCERDID) est la seule structure officielle chargée de la répression de l’usage 34 abusif des drogues au Bénin. Cependant, on y note une certaine inopérationnalité face à la lutte contre le blanchiment d’argent issu du trafic des stupéfiants, l’institution étant confrontée à la rareté des preuves en la matière. En dehors du volet répression général qui est plus ou moins effectif, les autres mesures de lutte anti-drogue peinent à s’installer. Il en est de même de l’insuffisance de la qualification du personnel. 5.3 Au plan socio économique Le Bénin ne dispose pas à ce jour d’une véritable politique de sensibilisation et de réinsertion sociale des toxicomanes. Cette situation serait à la base du taux galopant des toxicomanes dans la société béninoise. D’autres faiblesses existent et entravent la lutte contre le trafic de la drogue. Il s’agit de : 1. la corruption: il est clair que le problème de la lutte contre les stupéfiants, en dépit des prises de position officielles n’est pas encore fondamentalement perçu comme une priorité. La corruption joue un rôle majeur dans le développement de tous les trafics de drogues ; 2. le peu de crédit accordé à l’importance de la question de coordination internationale dans la lutte contre les stupéfiants ; 3. le défaut d’un personnel d’encadrement qui pourra se consacrer à plein temps au fonctionnement du CILAS ; 4. l’insuffisance notoire du budget national (subvention) alloué au CILAS ; 5. le défaut de décentralisation de la lutte anti-drogue : comités départementaux et communaux non opérationnels par manque de budget propre à cette lutte, d’équipement et de formation; 6. le défaut de collaboration des populations avec les structures chargées de lutter contre le trafic et la consommation de la drogue; 7. l’implication insuffisante des Organisations Non Gouvernementales et de la Société Civile dans la lutte contre les stupéfiants. 5.4 Au plan des infrastructures et du matériel Les faiblesses notées à ce niveau sont relatives aux éléments ci-après : 1. le défaut de siège pour le CILAS; 2. l’inadaptation des locaux actuels du CILAS; 3. le manque de moyens roulants propres au CILAS; 35 4. le défaut de moyen adéquat de communication rapide comme une embarcation rapide ; 5. l’absence d’équipements techniques de détection des produits et des champs de culture de cannabis; 6. l’insuffisance de moyens techniques au Laboratoire National des Stupéfiants et de Toxicologie (LNST); 7. l‘inexistence de structures de réinsertion et de réhabilitation ; 8. l’absence de coordination des services de répression (absence de statistique fiable); 5.5 Autres faiblesses de la lutte anti-drogue En dehors des insuffisances ci-dessus citées, d’autres faiblesses de la lutte anti-drogue résident dans les facteurs suivants : 1. la perméabilité des frontières ; 2. la faiblesse des procédures douanières ; 3. l’insuffisance d’échanges d’informations entre les services de répression au plan national; 4. la non accessibilité des champs de cannabis par les forces de répression; 5. la surveillance insuffisante des côtes et des eaux territoriales du pays; 6. la vulnérabilité générale du pays sur terre et sur mer; 7. l’insuffisance de moyens humain et matériel à l’Unité de Soins d’Urgence aux Toxicomanes (USUT); VI- MESURES PRECONISEES DANS LE CADRE DE LA PREVENTION ET DE LA GESTION DU FLEAU DE LADROGUE AU BENIN L’évaluation critique de la gestion du phénomène de la drogue au Bénin révèle des insuffisances qui induisent la nécessité mettre en œuvre des mesures susceptibles d’améliorer la stratégie de lutte contre ce fléau. Cependant, il est indispensable de souligner que cette stratégie, pour être efficace, doit s’inspirer d’une approche multisectorielle du phénomène de la drogue qui reste fondamentalement un fait de société revêtant des dimensions économiques, politiques, sociologiques et mentales. Du fait, pour autant qu’elle doit être poursuivie, la répression ne saurait être la seule réponse à ce problème qui prend de l’ampleur dans notre pays. 36 Analysée sous cet angle, la stratégie de lutte anti-drogue pourrait porter sur trois volets : les mesures de prévention, les mesures de réhabilitation et de réinsertion sociale des toxicomanes, les mesures de répression. 6.1- Les mesures de prévention contre le trafic et la consommation de la drogue • Mettre en œuvre des actions efficaces de lutte contre la pauvreté ; car le trafic et la consommation de la drogue s’expliquent surtout par le sousdéveloppement notamment le chômage, l’oisiveté, la faiblesse des revenus et le manque d’accès à de meilleurs services de santé et d’éducation ; • Intensifier, avec le concours des médias, des Organisations Non Gouvernementales et des Organisations de la société civile des campagnes de sensibilisation sur le fléau en direction des couches sociales les plus exposées notamment les jeunes scolaires et universitaires, les jeunes artisans et ouvriers ainsi que les jeunes ruraux; • Contribuer à une prise de conscience précoce des couches juvéniles sur les méfaits de la drogue à travers son introduction dans les programmes scolaires ; • Œuvrer à la réduction de l’offre et de la demande par la mise en place des cultures de substitution du cannabis et par la lutte contre le trafic illicite des médicaments en vente libre sur les marchés ou dans les pharmacies ; • Assurer une surveillance plus efficace de nos frontières terrestres, aériennes et maritimes en vue de démanteler ou tout au moins de réduire les réseaux du trafic de drogue ; • Procéder à un inventaire et à une analyse des plantes toxicomanogènes de notre flore en vue de disposer d’une banque de données et pour prévenir leur éventuelle utilisation ; • Instituer une Journée Nationale de lutte contre la drogue. 37 6.2- Les mesures de soins, de réhabilitation et de réinsertion sociale des Toxicomanes • Renforcer en moyens humains, financiers et matériel l’Unité de Soins d’Urgence pour Toxicomanes de Jacquot et envisager la création d’autres unités similaires sur le territoire national en vue d’une prise en charge plus efficace des toxicomanes ; • S’inspirer des expériences des tradipraticiens en matière de prise en charge et de traitement des toxicomanes ; • Apporter un appui aux initiatives privées œuvrant au traitement et à la réhabilitation des toxicomanes ; • Concrétiser l’engagement politique défini dans la POLUDRO et relatif à la prodigation des soins aux toxicomanes, à leur réhabilitation et à leur réinsertion sociale ; • Œuvrer à la réalisation du projet agro-pastoral initié par le Centre de Jacquot, lequel est actuellement confronté à des difficultés de financement pour sa mise en œuvre ; 6.3- Les mesures de répression • Procéder dans les meilleurs délais à une évaluation critique du cadre législatif, institutionnel et organisationnel de la lutte anti-drogue en vue d’en corriger les insuffisances et le rendre ainsi plus opérationnel et plus adapté au contexte de notre pays ; • Doter les structures de la lutte anti-drogue de moyens humains, financiers et matériels en vue de l’efficacité dans l’accomplissement de leur mission ; • Veiller à une application non discriminatoire et non sélective des lois à tous les stades de la chaîne du trafic et de la consommation de la drogue ; • Contribuer à l’implication du Bénin dans les instances, structures sous régionales et internationales de lutte contre le trafic de drogue et le blanchiment d’argent issu de la drogue. 38 CONCLUSION La problématique du trafic et de la consommation illicites des drogues est riche d’enseignements tant dans le milieu social béninois qu’autour de nous, dans la sous-région, dans le continent et même au niveau mondial où l’interdépendance en la matière sen fait croissante et dans lequel les disparités et les inégalités sont de plus en plus révélées et exploitées par les auteurs du fléau. Notre hypothèse de lutte n’entend nullement pronostiquer une disparition du trafic et de la consommation illicite de drogues et des réseaux ou organisations qui s’en occupent. Simplement, on souligne l’état de fait, l’impossibilité de contrôler le trafic dans sa globalité avec cette ardeur et cet engagement de plus en plus croissants d’une frange non négligeable de la jeunesse béninoise d’instrumentaliser la drogue. La stratégie de lutte contre le trafic de drogues, menée jusqu’à lors par le pouvoir et ses services est loin d’atteindre son but, celui d’endiguer très vite ce fléau pour préserver la jeunesse, bras valide du développement. Notre crainte tout à fait légitime est donc à son paroxysme et il urge de mettre à disposition des organes compétents en la matière, les ressources humaines, les moyens techniques et logistiques pour mener à bien leur devoir. Toutes les couches de notre société devront être informées, sensibilisées et devenir des cibles actifs de cette lutte contre ce fléau qui, à la longue si l’on y prend garde, sera une gangrène de plus pour nous enfoncer dans la misère et la pauvreté compromettant aussi dangereusement nos efforts pour l’amélioration des conditions de vie de nos populations. C’est notre cri de cœur que nous vous invitons à relayer et à transcrire en actions réelles, promptes et efficaces pour le bien de tous. 39