HISTOIRE(S) DES IMAGES PHOTOGRAPHIQUES

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HISTOIRE(S) DES IMAGES PHOTOGRAPHIQUES
HISTOIRE(S) DES IMAGES PHOTOGRAPHIQUES - 1re partie
de 1839 aux années 1960
Cours de Jean pierre Morcrette
COURS N° 11
Plan et citations
EUROPE ENTRE LES GUERRES (3), FRANCE
PLAN du cours :
1 - REVUES ET LIVRES
- ARTS ET METIERS GRAPHIQUES, Photographie, 1930 ;
- Quelques exemples de livres parus en France ;
2 - MAN RAY ;
3 - Maurice TABARD ;
4 - Pierre BOUCHER ;
5 - André KERTESZ ;
6 – BRASSAI.
"L'objectif est un oeil mieux fait que l'oeil. Il mérite de voir le monde mieux fait que le monde, ou
autrement fait, ce qui est déjà très bien. Chaque angle nouveau multiplie le monde par lui-même.
L'appareil n'a pas à inventer, à combiner, à truquer. Ce n'est pas de la peinture, ni de l'imagination. Le
photographe est un témoin. Le témoin de son époque. Le vrai photographe, c'est le témoin de tous les jours,
c'est le reporter. Qu'il ne tienne pas toujours son oeil à un mètre cinquante du sol, c'est naturel. Mais qu'il
pense toujours au sol. Au sol d'aujourd'hui, de ce matin, de ce jeudi matin ou de ce jour si beau qu'on néglige
de s'informer du nom qu'il porte par hasard.
Le monde.
Le monde de l'époque.
Et l'homme qui n'est qu'un objet mobile de plus dans le monde et dans l'époque. Et l'homme moralement
identique à travers le temps.
Faire des nus, pourquoi ?
Parce que c'est beau depuis toujours et qu'un matin d'été ça m'a plu."
Germaine KRULL, Études de nu, 1930
A propos de la photographie « La marquise Cassati », 1922
« Ce soir-là, je développai les négatifs : ils étaient flous. Je les mis de côté et considérais cette séance
comme un échec. N’ayant pas de mes nouvelles, la marquise me téléphona peu après ; je déclarai que les
négatifs ne valaient rien, mais elle insista pour les voir, si mauvais qu’ils fussent. J’en tirai quelques-uns où
l’on distinguait un semblant de visage ; sur un des négatifs, on voyait trois paires d’yeux. On aurait pu le
prendre pour une version surréaliste de la Méduse. C’est précisément cette photo qui l’enchanta : j’avais fait le
portrait de son âme, dit-elle, et elle m’en commanda des douzaines d’exemplaires. La photo de la marquise fit
le tour de Paris. Des personnes appartenant aux cercles les plus fermés commencèrent à venir, s’attendant
toutes à des miracles. Je dus quitter ma chambre d’hôtel et trouver un vrai studio. »
MAN RAY, in Autoportrait, 1963
Qu’es que c’est une belle photo ?
Qu’es que c’est une belle femme ?
Je ne sais pas.
Qu’es que c’est une peinture abstraite ?
Qu’es que c’est une peinture figurative ?
Je ne sais pas.
Je ne fais que des non- abstractions.
Si aujourd’hui je prends position, demain il faut que je me contredis.
La poursuite de ma liberté et du plaisir efface toutes les idées.
S’il y a contradiction peu importe.
COURS N°11
EUROPE ENTRE LES GUERRES (3) FRANCE
HISTOIRE(S) DES IMAGES PHOTOGRAPHIQUES – 1re partie. Une série de cours proposée par Jean pierre Morcrette
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Une ligne, un triangle, un visage, un œuf, sont tous bons comme point de départ pour une aventure.
J’ai toujours envié ceux pour qui une œuvre est un mystère.
MAN RAY in Autoportrait.
A propos de la photographie de Brassai, « La tour saint Jacques », 1932-33
« La tour saint Jacques sous son voile pâle d’échafaudages qui depuis des années maintenant
contribue à en faire, plus encore, le grand monument du monde à l’irrévélé. »
André BRETON, in Minotaure n°7, 1935
« La plupart du temps, j’ai puisé mes images dans la vie journalière autour de moi. Je pense que c’est
la saisie la plus sincère et humble du réel, du plus quotidien, qui mène au fantastique. Ou, comme disait Jean
Giono, “ la réalité poussée à l’extrême aboutit à l’irréalité”. »
BRASSAI, 1980
« La photographie, je ne l’ai jamais considérée comme un but en soi, mais comme un moyen. Un
merveilleux moyen de saisir les choses belles, étranges ou curieuses qui m’ont surpris, ému, émerveillé : un
visage, un corps de femme, le regard d’une bête, la féerie latente et éphémère que recèle la rue, le mur. Pour
moi, le photographe est un collectionneur – un collectionneur d’images en même temps que de moments
d’émotion de sa vie »
BRASSAI, lettre à Jean Keim, 11 juin 1972
« […] A quelle impulsion ai-je obéi, à quelle tentation ai-je succombé en m'emparant de quelques
plaques de verre pour les graver ! Respectueux de l'image imprimée par la lumière, hostile à toute
intervention, ai-je subi malgré moi l'influence des surréalistes que je fréquentais à l'époque ? Qui sait ? Celui
que nous avons été devient si étranger après quelques lustres que nos actes et même leurs motifs souvent
nous échappent. J'ai raconté ailleurs comment, en rechargeant les châssis chez Picasso en 1932, j'avais
oublié une plaque vierge dans son appartement rue La Boétie, comment l'ayant trouvée, il l'attaqua aussitôt à
la pointe pour y tracer l'image de Marie-Thérèse. Probablement l'histoire de cette petite plaque oubliée est-elle
à l'origine de mes gravures. J'ignorais alors qu'avant Picasso d'autres peintres s'étaient essayés à graver sur
émulsion photographique : Delacroix, Rousseau, Daubigny, Millet et quelques autres. Et je ne connaissais pas
les clichés-verre de Corot dont le Cabinet des Estampes possède une importante série. Jusqu'à sa fin, Corot
se passionna pour ce procédé de gravure sur verre recouvert de collodium dénommé aussi “autographiehéliographique", “cristallographie”, “héliotypie”, “clichés-glace”, “photo-calque”, etc. Il exécuta son soixantesixième cliché-verre en 1874, à soixante-dix-huit ans.
Pourtant ce qui m'attira dans cette aventure, ce n'était pas le procédé lui-même, plus ingrat sans doute que
celui de l'eau-forte ou de la pointe sèche, mais la possibilité d'introduire dans la gravure ce je ne sais quoi qui
n'appartient en propre qu'à la photographie, la plus belle photo ne vaudra sans doute jamais un beau dessin depuis la découverte de la photographie on nous l'a assez souvent répété - mais les plus beaux dessins du
monde pourront-ils jamais remplir l'office de la photographie, irremplaçable témoin de l'instant et substitut
privilégié de la réalité […]
De l'image photographique à la gravure, le réalisme a perdu ses droits au profit de l'onirisme. La photographie
s'est parfois volatilisée. Parfois quelques débris en ont survécu ; un bout de sein frémissant, un visage en
raccourci, une cuisse, un bras. Enchâssés dans le graphisme, c'est à nos obsessions, à nos rêves qu'ils
donnent l'éclat de l'instant et le souffle de la réalité. Ce sont sans doute des couches différentes de notre être
qui se sont engagées dans l'opération de la photo et dans celle de la gravure. La photographie, image même
de l'abnégation, révèle certes, elle aussi, la personnalité, mais toujours indirectement, par le truchement d'un
monde interposé. C'est pour cela que je l'ai préférée. Mais peut-elle éteindre toute notre faim, toute notre
soif ? Je pense à ce qu'un jour Picasso m'a dit : “Il est impossible que la photographie arrive à te satisfaire
entièrement…” »
BRASSAI, in Transmutations, Lacoste, Les Contards, 1967
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