Travail Final latin

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Travail Final latin
Lucrèce :
Sa conception de la mort
Lucrèce et sa vision de l’homme : du néant au ... néant !
Nous allons développer quelques théories chères à Lucrèce extraites du De Rerum Natura
et dans lesquelles il explique différents point de vue sur la mort. Dans cet ouvrage,
Lucrèce s’est fortement inspiré d’Epicure et de sa doctrine. Son pessimisme est
cependant une preuve de doutes sur la portée réelle de son message car sa sensibilité
l’a plongé dans une tristesse qui l’éloigne de la réalité : sa rencontre avec Epicure
s’assimile d’ailleurs à un échec. Commençons par quelques thèmes chers à Lucrèce :
1) Le suicide
Lucrèce l’encourage dans tous les cas de figures : en effet, Lucrèce conseille à la
personne qui a bien profité de la vie et qui a pu jouir de tous ses plaisirs de la quitter
épanoui ; et si au contraire, la personne subit sa vie sans y trouver de plaisir, pourquoi la
trainer en longueur ?
(III, 935-945)
(III, 935-945)
Nam [si] grata fuit tibi uita ante acta priorque Et non omnia pertusum congesta quasi in
uas Commoda perfluxere atque ingrata interiere ; Cur non ut plenus uitae conuiua
recedis Aequo animoque capis securam, stulte, quietem ?
Sin ea quae fructus cumque es periere profusa Vitaque in offensost, cur amplius addere
quaeris, Rursum quod pereat male et ingratum occidat omne, Non potius uitae finem
facis atque laboris ? Nam tibi praeterea quod machiner inueniamque, Quod placeat, nihil
est ; eadem sunt omnia semper
Traduction
Si ta vie écoulée a recueilli tes grâces, Si tu n'as pas laissé, comme un vase percé,
S'écouler tous les biens par ton ingratitude, Que ne sors-tu, sot, en convive plein de vie,
Et ne fais bon visage au repos sans souci ?
Mais si tes fruits passés se sont tous épandus, Si vivre te déplaît, pourquoi demander
plus, Quand tout finirait mal, perdu d'ingratitude ? Mets donc plutôt un terme à ta vie et
tes peines !
Car il n'est rien de neuf que je puisse inventer Pour te faire plaisir ; tout est toujours
pareil.
Lucrèce justifie ici le droit à chacun de pouvoir choisir le moment de sa mort. Lui-même
mettra d’ailleurs en pratique cette théorie en se suicidant en l’an 55 ACN.
2) L’avidité
Lucrèce nous montre ici que, par crainte de la mort, l’homme veut à tout prix de son
vivant s’élever au sommet de la richesse : tout est bon afin d’arriver à ses fins. La
pauvreté est pour cet homme le pire des châtiments. L’homme avide ne sera satisfait
que s’il arrive à doubler ses richesses même si pour cela, il doit multiplier les meurtres.
La mort d’un frère ou la richesse d’un proche peut le rendre joyeux ou haineux.
(III, 59-73)
(III, 59-73)
Denique avarities et honorum caeca cupido quae miseros homines cogunt transcendere
fines iuris, et interdum socios scelerum atque ministros noctes atque dies niti praestante
labore ad summas emergere opes, haec volnera vitae non minimam partem mortis
formidine aluntur. Turpis enim ferme contemptus et acris egestas semota ab dulci vita
stabilique videtur, et quasi iam leti portas cunctarier ante ; unde homines dum se falso
terrore coacti effugisse volunt longe longeque remosse, sanguine civili rem conflant
divitiasque conduplicant avidi, caedem caede accumulantes ; crudeles gaudent in tristi
funere fratris, et cansanguineum mensas odere timentque.
Traduction
Enfin l'avidité, le désir aveugle des honneurs, poussent les hommes misérables hors des
bornes du droit et parfois même les font complices ou même agents du crime ; ils les
assujettissent jour et nuit à un labeur sans égal pour s'élever au faîte de la fortune : or
de ces plaies de la vie, la plus grande part revient à la crainte de la mort, leur vraie
cause. Vivre dans le mépris infamant et l'âpre pauvreté semble en effet aux hommes
incompatible avec des jours doux et posés : ces maux paraissent les mettre dés cette
terre aux portes même de la mort ; c'est pourquoi les hommes en proie à ces vaines
alarmes voudraient fuir au loin et, pour y échapper, grossissent leurs biens au prix du
sang de leurs concitoyens ; ces avides doublent leurs richesses, multiplient leurs
meurtres ; ces cruels suivent avec joie les funérailles d'un frère, la table de leurs
proches leur inspire haine et effroi.
3) La vieillesse
La mort s’en prendra toujours au vieillard âgé qui se plaint car à vouloir toujours désirer
ce qu’il n’a pas et a mépriser le bien présent, sa vie se déroule de manière incomplète
et sans joie : au lieu de s’en aller le cœur content, satisfait d’une vie bien remplie,
l’homme voudrait prolonger sa vie mais ne découvrirait sûrement pas de nouveaux
plaisirs. Pourquoi dés lors vouloir une longue vie et vouloir enterrer tout le monde alors
que la mort t’attend toujours et que le néant sera le même pour celui qui termine sa vie
aujourd’hui que pour celui qui est mort il y a plusieurs années.
(III, 935-943, 952-962).
(III, 935-943)
Nam [si] grata fuit tibi uita ante acta priorque Et non omnia pertusum congesta quasi in
uas Commoda perfluxere atque ingrata interiere ; Cur non ut plenus uitae conuiua
recedis Aequo animoque capis securam, stulte, quietem ?
Sin ea quae fructus cumque es periere profusa Vitaque in offensost, cur amplius addere
quaeris, Rursum quod pereat male et ingratum occidat omne, Non potius uitae finem
facis atque laboris ?
Traduction
Si ta vie écoulée a recueilli tes grâces, Si tu n'as pas laissé, comme un vase percé,
S'écouler tous les biens par ton ingratitude, Que ne sors-tu, sot, en convive plein de vie,
Et ne fais bon visage au repos sans souci ?
Mais si tes fruits passés se sont tous épandus, Si vivre te déplaît, pourquoi demander
plus,
Quand tout finirait mal, perdu d'ingratitude ? Mets donc plutôt un terme à ta vie et tes
peines !
(III, 952-962)
Grandior hic uero si iam seniorque queratur Atque obitum lamentetur miser amplius
aequo, Non merito inclamet magis et uoce increpet acri : « Aufer abhinc lacrimas,
baratre, et compesce querellas. Omnia perfunctus uitai praemia marces ; Sed quia
semper aues quod abest, praesentia temnis, Inperfecta tibi elapsast ingrataque uita, Et
nec opinanti mors ad caput adstitit ante Quam satur ac plenus possis discedere rerum.
Nunc aliena tua tamen aetate omnia mitte Aequo animoque, age dum, iam aliis concede
necessest. »
Traduction
Et si c'est un vieillard qui se lamente ainsi, Qui se plaint de la mort, pleurant plus qu'il
n'est juste, Ne serait-elle en droit de donner plus de voix : « Ravale donc ces pleurs,
gouffre, retiens tes plaintes ! Tous les biens de la vie épuisés, tu déclines ; À désirer
l'absent, mépriser le présent, La vie enfin t'échappe, ingrate, inachevée, Et voici que tu
vois la mort à ton chevet Sans pouvoir t'en aller le cœur plein et content. Laisse donc
tout cela, qui n'est plus de ton âge, Allons ! Du cœur, il faut céder la place aux autres ! »
Démontrons maintenant la nature mortelle de l’âme et l’absurdité de la crainte de la
mort. En effet, Lucrèce développe également l’idée que puisque l’âme périt avec le
corps, nos craintes de la mort doivent disparaître. C’est d’ailleurs cette idée qu’il
développe dans le passage.
(III, 866-867).
(III, 866-867)
Scire licet nobis nihil esse in morte timendum Nec miserum fieri qui non est posse,
neque hilum
Traduction
On voit qu'il n'y a rien à craindre dans la mort, Que celui qui n'est pas ne peut souffrir de
rien.
Il nous explique le fait que la mort ne nous touche aucunement du moment que l’âme
est mortelle ; de même que rien ne doit nous éprouver de notre vivant, rien quand nous
ne serons plus ne sera capable d’émouvoir nos cœurs. Notre existence est en effet régie
par l’union intime de l’âme et du corps et même si libérés du corps, l’esprit et l’âme
conservaient le sentiment, quel en serait l’intérêt ?
(III, 830-853).
(III, 830-853)
Nil igitur mors est ad nos neque pertinet hilum, Quandoquidem natura animi mortalis
habetur. Et uel ut ante acto nihil tempore sensimus aegri, Ad confligendum uenientibus
undique Poenis, Omnia cum belli trepido concussa tumultu Horrida contremuere sub altis
aetheris auris, In dubioque fuere utrorum ad regna cadendum Omnibus humanis esset
terraque marique, Sic, ubi non erimus, cum corporis atque animai Discidium fuerit,
quibus e sumus uniter apti, Scilicet haud nobis quicquam, qui non erimus tum, Accidere
omnino poterit sensumque mouere, Non si terra mari miscebitur et mare caelo.
Et si iam nostro sentit de corpore postquam Distractast animi natura animaeque
potestas, Nil tamen est ad nos, qui comptu coniugioque Corporis atque animae
consistimus uniter apti.
Nec, si materiem nostram collegerit aetas Post obitum rursumque redegerit ut sita nunc
est, Atque iterum nobis fuerint data lumina uitae, Pertineat quicquam tamen ad nos id
quoque factum, Interrupta semel cum sit repetentia nostri. Et nunc nil ad nos de nobis
attinet, ante Qui fuimus, [neque] iam de illis nos adficit angor.
Traduction
Et donc la mort n'est rien en rapport avec nous Et ne nous touche en rien, sachant
l'esprit mortel. Et comme au temps passé nous n'avons rien souffert, Quand les
Carthaginois partout venaient combattre, Que le monde ébranlé par le choc de la guerre
Tremblait épouvanté sous la voûte du ciel, Et que l'humanité se demandait à qui
L'empire allait échoir sur la terre et la mer, De même, quand nous ne serons plus,
qu'âme et corps Divorceront, rompant l'union qui nous forme, Nous qui ne serons plus,
rien, absolument rien Ne pourra nous atteindre ni mouvoir nos sens, Même si terre et
mer, mer et ciel se mêlaient.
Et si l'âme et l'esprit, après s'être arrachés De notre corps, avaient encor des sentiments,
Cela ne serait rien en rapport avec nous, Qui sommes l'union de l'âme avec le corps.
Même si le temps rassemblait nos matériaux Après la mort, et les rangeait comme à
présent, Nous donnant la lumière et la vie à nouveau, Cela non plus ne nous toucherait
nullement, Le souvenir de nous-même une fois rompu. Et rien ne nous atteint
aujourd'hui de ce nous Que nous fûmes, il ne nous donne aucune angoisse.
‘’ Je dois chasser et renverser cette peur de l'Achéron qui pénétrant l'homme jusqu'au
cœur, trouble sa vie, la teint tout entière de la couleur de la mort’’ (III, 35-39).
(III, 35-39)
hasce secundum res animi natura uidetur atque animae claranda meis iam uersibus esse
et metus ille foras praeceps Acheruntis agendus, funditus humanam qui uitam turbat ab
imo omnia suffundens mortis nigrore neque ullam
Traduction
Mon objet est maintenant, je crois, la nature de l'esprit, et
c'est l'âme, le principe vital, qu'il me faut éclairer dans mes vers. Je dois chasser et
renverser cette peur de l'Achéron qui pénétrant l'homme jusqu'au coeur, trouble sa vie,
la teint tout entière de la couleur de la mort.
Lucrèce conclut ses idées à propos de la mort en expliquant que la fin sera la même
pour celui qui meurt aujourd’hui que pour celui qu’on a enterré il y a des années. Le
passage suivant démontre à souhait, l’avis de Lucrèce à ce sujet.
(III, 1090-1094)
Mors aeterna tamen nihilo minus illa manebit, Nec minus ille diu iam non erit, ex
hodierno Lumine qui finem uitai fecit, et ille, Mensibus atque annis qui multis occidit
ante.
Traduction
N'en restera pas moins cette mort éternelle, Et le temps du néant ne sera pas moins long
Pour celui dont la vie a pris fin aujourd'hui, Que pour tel qui n'est plus depuis bien des
années.
Nous pouvons en conclure que, selon Lucrèce, nous ne devons rien craindre de la mort
car la mort étant aussi bien la dissolution de l’âme et du corps, elle est aussi disparition
de toute conscience et tout souvenir et n’est donc pas à craindre. La mort n’est en
réalité que la séparation des éléments dont nous sommes composés.
L’homme est ainsi libéré de ses deux grandes craintes :
* la crainte des dieux
* la crainte de la mort
C’est en connaissant enfin sa véritable nature ainsi que celle du monde qui l’entoure
qu’il retrouvera la paix du cœur. C’est grâce à la connaissance et à la science qu’il
atteindra l’ataraxie et la sagesse.
Sources bibliographiques
Chomienne Gérard, ‘’Lire les philosophes’’ (Hachette Education)
Encyclopédie thématique (Universalis)
Lucrèce, ‘’De rerum natura’’ (Classiques Roma)
http://www.trigofacile.com/jardins/muses/latin/lucrece/rerum-natura3c.