Diapositive 1 - Le roseau pensant

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Diapositive 1 - Le roseau pensant
Désir et Bonheur
Faut-il satisfaire tous ses désirs pour être heureux ?
• Désir : tendance à rechercher objet (matériel ou moral) que l’on s’imagine être
source de satisfaction, de plaisir.
- envie : désir éphémère
- souhait, espoir : désir qui ne s’accompagne pas d’actions propres à le réaliser.
- volontés, projets : désirs réfléchis, accompagné d’actions propres à les réaliser.
On distingue parfois le désir et la volonté, le premier serait irréfléchi, la seconde étant
réfléchis.
• besoins : le plus souvent distingué des désirs,
- nécessaire (à la conservation de l’organisme) ≠ superflu (pour l’organisme)
- objet substituable, indéterminé (de l’eau, des nutriments) ≠ objet déterminé(je
désire ce plat).
Faut-il satisfaire tous ses désirs, envies, désirs superflus, aussi bien que projets
véritables pour être heureux ?
Mais il faut définir le bonheur.
Deux sens :
-pour être heureux, au sens de ressentir un état ponctuel de satisfaction intense, il faut
satisfaire certains désirs, semble-t-il.
-Mais être heureux, n’est-ce qu’éprouver ces états de satisfaction ?
Non : Le Bonheur désigne aussi la qualité d’une vie (ou d’une période de vie) heureuse.
Implique durée, stabilité
En quoi consiste le bonheur, au sens 2 ?
Satisfaire nos désirs semble être la condition nécessaire et suffisante pour être heureux :
comment pourrait-on être heureux si l’on se sait insatisfait ?
Mais :
- Peut-on satisfaire tous nos désirs ? L’homme n’est-il pas au contraire un être
nécessairement insatisfait ? Nos désirs n’excluent alors-t-il pas le bonheur ?
- Au contraire, ne peut-on pas avoir une vie heureuse avec des moments d’insatisfaction,
de peines ?
-Dans ce cadre, notre bonheur ne dépend-il pas plus de la conscience de notre vie,
davantage que de conditions objectives de la vie ?
Plus généralement, être heureux est-ce se sentir heureux, ou cela dépend-il de conditions
de vie objectives ?
I- le bonheur repose sur la satisfaction de tous ses désirs (Calliclès)
Dans le texte suivant, Platon fait dialoguer Socrate (son maître) et Calliclès, un sophiste.
Restituer l’argumentation en remplissant le tableau suivant :
Calliclès
Thèse générale sur le
bonheur
Position sur les lois
Position sur la morale
Argument (1)
Contre argument (1’)
Comparaison
Argument (2) (réponse à
1’)
Argument 3
Socrate
CALLICLÈS – si on veut vivre comme il faut, il faut laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, au lieu de
les réprimer. Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence au service de si grandes
passions et de les assouvir, elles et tous les désirs qui les accompagnent. Mais cela n’est pas, je suppose, à la portée
de tout le monde. C’est pourquoi la masse des gens blâme les hommes qui vivent ainsi, gênée qu’elle est de devoir
dissimuler sa propre incapacité à le faire. La masse déclare donc bien haut que l’intempérance est une vilaine chose.
C’est ainsi qu’elle réduit à l’état d’esclave les hommes dotés d’une plus forte nature que celle des hommes de la
masse ; et ces derniers, qui sont eux-mêmes incapables de se procurer les plaisirs qui les combleraient, font la
louange de la tempérance et de la justice à cause de leur propre lâcheté. Car pour ceux qui ont hérité du pouvoir ou
qui sont dans la capacité de s’en emparer (…), pour ces hommes-là, qu’est-ce qui serait plus mauvais que la
tempérance ? ce sont des hommes qui peuvent jouir de leurs biens, sans que personne n’y fasse obstacle (…) La
vérité, que tu prétends chercher, Socrate, la voici : si la vie facile, l’intempérance, et la liberté de faire ce qu’on veut,
demeurent dans l’impunité, ils font l’excellence et le bonheur. Tout le reste, ce ne sont que de belles idées, des
convention faites par les hommes et contraires à la nature, rien que des paroles en l’air, qui ne valent rien.
SOCRATE— Ce n’est pas sans noblesse, Calliclès, que tu as exposé ton point de vue, tu as parlé franchement. Toi, en
effet, tu as exposé clairement ce que les autres pensent et mais ne veulent pas dire. Je te demande donc de ne céder
à rien, en aucun cas ! Comme cela, le genre de vie qu’on doit avoir paraîtra tout à fait évident. Alors expliques-moi :
tu dis que, si l’on veut vivre tel qu’on est, il ne faut pas réprimer ses passions, aussi grandes soient-telles, mais se
tenir prêt à les assouvir par tous les moyens. Est-ce bien en cela que consiste [le bonheur et] l’excellence ?
CALLICLÈS- Oui, je l’affirme !
SOCRATE- On a donc tort de dire que ceux qui n’ont besoin de rien sont heureux.
CALLICLÈS- Oui, car, à ce compte, les pierres et les cadavres seraient très heureux.
SOCRATE- Mais tout de même, la vie dont tu parles, c’est une vie terrible ! (…) laisse moi, te proposer une image
(…). Regarde bien si ce que tu veux dire, quand tu parles de ces deux genres de vie, une vie d’ordre et une vie de
dérèglement, ne ressemble pas à la situation suivante. Suppose qu’il y ait deux hommes, qui possèdent, chacun, de
nombreux tonneaux. Les tonneaux de l’un sont en bon état et remplis, celui-ci de vin, celui-là de miel, un troisième
de lait et beaucoup d’autres (…). Chaque tonneau est donc plein de ces denrées liquides qui sont rares, difficiles à
obtenir, et acquises au prix de travaux pénibles. Mais, au moins, une fois que cet homme a rempli ses tonneaux, il
n’a plus à verser quoique ce soit ni à s’occuper d’eux. L’autre homme, quant à lui, serait aussi capable de se procurer
ce genre de denrées, mais n’ayant que des tonneaux percés et fêlés, il serait forcé de les remplir jour et nuit sans
relâche, en s’infligeant les plus pénibles peines. Alors, regarde bien, si ces deux hommes représentent chacun une
manière de vivre, de laquelle des deux dis-tu qu’elle est la plus heureuse ? Est-ce la vie de l’homme déréglé ou celle
de l’homme tempérant ? Mon allégorie t’amène-t-elle à reconnaître que la vie tempérante vaut mieux que la vie
déréglée, ou n’es-tu pas convaincu ?
CALLICLÈS- Je ne le suis pas, Socrate. Car l’’homme dont tu parles, celui qui a fait le plein en lui-même et en ses
tonneaux, n’a plus aucun plaisir, il a exactement le type d’existence dont je parlais tout à l’heure : il vit comme une
pierre. S’il a fait le plein, il n’éprouve plus ni joie ni peine. Au contraire, la vie de plaisir est celle où l’on verse et on
reverse autant qu’on peut dans son tonneau !
SOCRATE- Mais si l’on y verse beaucoup, n’est-il pas nécessaire qu’il s’en écoule beaucoup aussi et qu’il y ait de
larges trous pour les écoulements ?
CALLICLÈS- Bien sûr.
SOCRATE- Alors, c’est la vie d’un pluvier, qui mange et fiente en même temps ! – non, ce n’est pas la vie d’un
cadavre, même pas celle d’une pierre ! Mais dis-moi encore une chose : ce dont tu parles, c’est d’avoir faim et de
manger quand on a faim, n’est-ce pas ?
CALLICLÈS- Oui.
SOCRATE- Et avoir soif, et, quand on a soif, se désaltérer ?
CALLICLÈS- Oui, mais surtout ce dont je parle, c’est de vivre dans la jouissance, d’éprouver toutes les formes de
désirs et de les assouvir – voilà, c’est cela, la vie heureuse !
SOCRATE- Fort bien, très cher. Tu t’en tiens à ce que tu as dit d’abord, et tu ne ressens pas la moindre honte. Mais
alors, il semble que moi non plus je n’ai pas à me sentir gêné ! – Aussi, pour commencer, réponds-moi : suppose
que quelque chose démange, qu’on ait envie de se gratter, qu’on puisse se gratter autant qu’on veut et qu’on
passe tout son temps à se gratter, est-ce là le bonheur de la vie ?
CALLICLÈS- Eh bien, je déclare que même la vie où on se gratte comme cela est une vie agréable !
SOCRATE- Et si c’est une vie agréable, c’est donc aussi une vie heureuse.
CALLICLÈS- Oui, absolument.
SOCRATE- Si on se gratte la tête seulement, ou faut-il que je te demande tout ce qu’on peut se gratter d’autre ?
Regarde, Calliclès, que répondras-tu, quand on te demandera si, après la tête, on peut se gratter tout le reste ?
Bref, pour en venir au principal, avec ce genre de saletés, dis-moi, la vie des êtres obscènes, n’est-elle pas une vie
affreuse, honteuse, misérable ? De ces êtres, oserais-tu tu dire qu’ils sont heureux, s’ils ont en abondance ce
qu’ils désirent ?
CALLICLÈS- Tu n’as pas honte, Socrate, d’amener la conversation vers ce genre d’horreurs ?
SOCRATE- Parce que c’est moi qui l’ai poussée là, ô noble individu ! N’est-ce pas plutôt celui qui affirme sans
nuance que les hommes qui éprouvent la jouissance, de quelque façon qu’ils jouissent, sont des hommes
heureux ? N’est-ce pas plutôt celui qui ne peut pas distinguer quels sont les plaisirs bons et quels sont les plaisirs
mauvais ? Mais maintenant, dis-moi encore juste ceci : prétends-tu que l’agréable soit identique au bon, ou bien y
a –t-il de l’agréable qui ne soit pas bon
CALLICLES : eh bien, pour ne pas être en désaccord avec ce que j’ai dit, si jamais je réponds que l’agréable est
différent du bon, je déclare que c’est la même chose.
SOCRATE- Calliclès, tu es en train de démolir tout ce qui avait été dit avant, et tu n’aurais même plus les qualités
requises pour chercher avec moi ce qui est vrai, si tu te mets à dire des choses contraires à ce que tu penses.
CALLICLÈS- Toi aussi, tu fais pareil, Socrate !
SOCRATE- Eh bien, si je le fais, j’ai tort de le faire ! Et toi aussi, tu as tort ! Mais réfléchis à une chose,
bienheureux Calliclès : le bien ne consiste pas dans une jouissance à n’importe quel prix, car sinon, si c’est le cas,
il semble bien que le tas de saletés auxquelles j’ai fait allusion tout à l’heure de façon détournée, va nous tomber
sur la tête, et plus encore ! CALLICLÈS- C’est ce que tu penses, toi Socrate !
SOCRATE- Mais toi, Calliclès, maintiens-tu réellement ton affirmation ?
CALLICLÈS- Oui.
Thèse générale sur le
bonheur
Position sur les lois
Position sur la morale
Calliclès
Socrate
La vie heureuse est celle
où l’on satisfait ses désirs,
tous ses désirs, surtout les
plus grands
Dans une démocratie, les
lois sont de pures
conventions instituées par
les faibles pour se
protéger des hommes
puissants. Elles n’ont
aucune légitimité.
La morale est, de même,
l’idéologie des faibles.
Eloge de l’immoralisme
(intempérance et
inégalité)
La vie de plaisir n’est pas
une vie heureuse. La vie,
pour être heureuse, doit
être tempérante, sage.
Les lois peuvent être
objectivement justes, et
non pas simplement
arbitraire, ou
conventionnelles
La morale peut être
rationnelle, objective.
Eloge de la morale
(tempérance et justice)
Argument (1)
Contre argument (1’)
Comparaison
Argument (2) (réponse à 1’)
Argument 3
La vie de plaisir est malheureuse
car elle implique labeur et aucune
satisfaction pérenne : image du
tonneau percé
La vie tempérante, si elle est une
vie de repos (image du tonneau
plein) n’est pas satisfaisante car
elle implique ennui et aucune
joie. Mieux vaut des peines, d e
l’action, et des plaisirs
La vie tempérante est comparable à La vie de plaisir est comparable à la
la vie d’un cadavre, ou à la
vie du pluvier
condition d’une pierre
Le plaisir est souvent de l’ordre du
(réponse : admettons ! même une soulagement (comme le plaisir de
vie de grattage est heureuse)
se gratter) : c’est donc la fin d’une
peine (plaisir négatif) plus qu’un
plaisir positif.
Si l’on soutient que n’importe
quelle jouissance fait la vie
heureuse, alors on doit admettre
tous les plaisirs, y compris ceux dits
« honteux » ou « immoraux » par la
société
• Éloge du désir par Calliclès :
Le désir c’est la vie. Sans désir, la vie est comme morte.
Moteur de l’existence, d’une existence active
Source de l’ambition, de l’entreprise, de la conquête.
« Rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion » (Hegel)
Héros de Calliclès : Xerxès, roi des Perses, grand conquérant.
Plus tard : Alexandre.
Alexandre qui est aussi le modèle de Dom Juan, autre grande figure du Désir.
DON JUAN. - Quoi ? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au
monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne ? La belle chose de vouloir se piquer d'un faux
honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à
toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux ! Non, non : la constance n'est bonne que
pour des ridicules ; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première
ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la
beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous
entraîne. J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice
aux autres ; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les
tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois
d'aimable ; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les
inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le
changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté,
à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des
soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les
petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener
doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à
dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité
d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les
charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance
d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de
victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter
l'impétuosité de mes désirs : je me sens un cœur à aimer toute la terre ; et comme Alexandre, je
souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.
Molière, Don juan, acte I scène 2
• Éloge du plaisir
Définition hédonisme
-sens courant : est hédoniste celui qui aime et jouit plus que les autres des plaisirs de la
vie, en particulier les plaisirs du corps.
-sens philosophique : considère que le plaisir est la première des valeurs humaines, voire
la seule valeur.
Calliclès : « le bon et l’agréable sont identiques »
Conséquence : immoralisme : une vie de plaisir même honteuse, obscène, etc., serait
heureuse.
Pourtant, l’assumer dans les paroles n’est pas l’assumer dans les faits. Il semble que
Socrate ait raison : nous ne sommes pas prêts à reconnaître comme valable n’importe
quel plaisir, donc n’importe quel désir.
-parce qu’ils ne sont pas tous satisfaisants
-parce que nous reconnaissons aussi d’autres valeurs (de valeurs morales).
II- Le désir nous rend-il malheureux ?
1-une thèse radicale : le désir est souffrance (Schopenhauer)
« Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-à-dire d’une privation,
c’est-à-dire d’une souffrance. La satisfaction y met fin ; mais pour un
désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés ; de plus, le désir
est long, et ses exigences tendent à l’infini ; la satisfaction est
courte, et elle est parcimonieusement mesurée. Mais ce
contentement suprême lui-même n’est qu’apparent : le désir
satisfait fait aussitôt place à un nouveau désir ; le premier est une
déception reconnue, le second une déception non encore reconnue.
La satisfaction d’aucun souhait ne peut procurer de contentement
durable et inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on jette à un
mendiant : elle lui sauve aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère
jusqu’à demain. – Tant que notre conscience est remplie par notre
volonté, tant que nous sommes asservis à l’impulsion du désir, aux
espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître, tant que
nous sommes des sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur
durable, ni repos. Poursuivre ou fuir, craindre le malheur ou
chercher la jouissance, c’est en réalité tout un ; l’inquiétude d’une
volonté toujours exigeante, sous quelque forme qu’elle se
manifeste, emplit et trouble sans cesse la conscience ; or sans repos
le véritable bonheur est impossible. Ainsi le sujet du vouloir
ressemble à Ixion attaché à une roue qui ne cesse de tourner, aux
Danaïdes qui puisent toujours pour emplir leur tonneau, à Tantale
éternellement altéré ».
Arthur Schopenhauer, Le
Monde comme Volonté et comme
Représentation, t. 1, chap. 57.
A
De l’insatisfaction
constitutive des
désirs ou la
recherche
désespérée du
bonheur.
B
On ne peut être
heureux si l’on
reste assujetti à
nos désirs
« Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-à-dire d’une privation,
c’est-à-dire d’une souffrance. La satisfaction y met fin ; mais
pour un désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés ; de
plus, le désir est long, et ses exigences tendent à l’infini ; la
satisfaction est courte, et elle est parcimonieusement mesurée.
Mais ce contentement suprême lui-même n’est qu’apparent : le
désir satisfait fait aussitôt place à un nouveau désir ; le premier
est une déception reconnue, le second une déception non
encore reconnue. La satisfaction d’aucun souhait ne peut
procurer de contentement durable et inaltérable. C’est comme
l’aumône qu’on jette à un mendiant : elle lui sauve aujourd’hui
la vie pour prolonger sa misère jusqu’à demain. – Tant que
notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous
sommes asservis à l’impulsion du désir, aux espérances et aux
craintes continuelles qu’il fait naître, tant que nous sommes
des sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni
repos. Poursuivre ou fuir, craindre le malheur ou chercher la
jouissance, c’est en réalité tout un ; l’inquiétude d’une volonté
toujours exigeante, sous quelque forme qu’elle se manifeste,
emplit et trouble sans cesse la conscience ; or sans repos le
véritable bonheur est impossible. Ainsi le sujet du vouloir
ressemble à Ixion attaché à une roue qui ne cesse de tourner,
aux Danaïdes qui puisent toujours pour emplir leur tonneau, à
A. De l’insatisfaction constitutive des désirs ou la recherche désespérée du bonheur.
1. Toute volonté, désir, etc. dérive en fait d’un
besoin fondamental de l’homme.
Il manque toujours quelque chose à
l’homme, comme à l’animal, qui sont des
êtres incomplets.
Mais ce manque ne concerne chez
l’animal que des besoins primaires,
l’homme s’invente des objets de désirs.
Ce manque essentiel à la nature humaine
engendre la souffrance.
Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-àdire d’une privation, c’est-à-dire d’une
souffrance. La satisfaction y met fin ; mais
pour un désir qui est satisfait, dix au moins
sont contrariés ; de plus, le désir est long, et
ses exigences tendent à l’infini ; la
satisfaction est courte, et elle est
parcimonieusement mesurée. Mais ce
contentement suprême lui-même n’est
qu’apparent : le désir satisfait fait aussitôt
place à un nouveau désir ; le premier est
une déception reconnue, le second une
déception non encore reconnue. La
satisfaction d’aucun souhait ne peut
procurer de contentement durable et
inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on
jette à un mendiant : elle lui sauve
aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère
jusqu’à demain.
B. De l’insatisfaction constitutive des désirs ou la recherche désespérée du bonheur.
2. Le problème de la satisfaction limitée des désirs
• arg 1: L’impossible satisfaction de
tous les désirs.
• arg 2 : La satisfaction est toujours
décevante :
-éphémère
- faible par rapport à nos attentes
Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-àdire d’une privation, c’est-à-dire d’une
souffrance. La satisfaction y met fin ; mais
pour un désir qui est satisfait, dix au moins
sont contrariés ; de plus, le désir est long, et
ses exigences tendent à l’infini ; la
satisfaction est courte, et elle est
parcimonieusement mesurée. Mais ce
contentement suprême lui-même n’est
qu’apparent : le désir satisfait fait aussitôt
place à un nouveau désir ; le premier est
une déception reconnue, le second une
déception non encore reconnue. La
satisfaction d’aucun souhait ne peut
procurer de contentement durable et
inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on
jette à un mendiant : elle lui sauve
aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère
jusqu’à demain.
I. De l’insatisfaction constitutive des désirs ou la recherche désespérée du bonheur.
3. Le problème de l’insatiabilité des désirs
• Récusation de l’apparence de
contentement : le désir est source d’une
insatisfaction chronique
-arg 1 : le désir fait aussitôt place à un
nouveau désir
-arg 2 : La satisfaction est toujours en
même temps déception
Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-àdire d’une privation, c’est-à-dire d’une
souffrance. La satisfaction y met fin ; mais
pour un désir qui est satisfait, dix au moins
sont contrariés ; de plus, le désir est long, et
ses exigences tendent à l’infini ; la
satisfaction est courte, et elle est
parcimonieusement mesurée. Mais ce
contentement suprême lui-même n’est
qu’apparent : le désir satisfait fait aussitôt
place à un nouveau désir ; le premier est
une déception reconnue, le second une
déception non encore reconnue. La
satisfaction d’aucun souhait ne peut
procurer de contentement durable et
inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on
jette à un mendiant : elle lui sauve
aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère
jusqu’à demain.
arg 1 : le désir fait aussitôt place à un nouveau désir.
Le désir est insatiable, ne peut trouver de contentement, il est comme un tonneau sans
fond qui engloutit tout (cf. Le Gorgias de Platon). Il renaît toujours, il n’est jamais vraiment
satisfait.
Exemples :
- l’avare
- Le dictateur
- Don Juan
besoin animal ≠ désir humain : le lion une fois qu’il a pris son repas, repu, s’endort.
L’homme est celui qui ne se satisfait jamais de ce qu’il a, il est engagé dans une course
effrénée à la consommation sans fin, il assigne toujours de nouveaux objets à ses désirs.
→ argument 2 La satisfaction est toujours en même temps déception
Ex. de Don Juan :
« L’amour de l’homme décline sensiblement à partir du moment où il a reçu satisfaction ;
presque toutes les autres femmes l’attirent plus que celle qu’il possède déjà, il aspire au
changement ».
Atteindre l’objet convoité, c’est tuer le désir en nous et susciter nécessairement l’ennui.
 (Conséquence) Un nouveau désir va surgir, brisant l’ennui, mais accroissant à
nouveau la souffrance liée à l’absence de l’objet nouvellement désiré.
A. De l’insatisfaction constitutive des désirs ou la recherche désespérée du bonheur.
1. Le rapport entre vouloir, besoin et satisfaction.
2. Le problème de la satisfaction limitée des désirs
3. Le problème de l’insatiabilité des désirs
4. L’insatisfaction inhérente au désir
a) (conséquence) La satisfaction ne
peut procurer de contentement
véritable
b) Comparaison avec le cas de
l’aumône faite au mendiant
Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-àdire d’une privation, c’est-à-dire d’une
souffrance. La satisfaction y met fin ; mais
pour un désir qui est satisfait, dix au moins
sont contrariés ; de plus, le désir est long, et
ses exigences tendent à l’infini ; la
satisfaction est courte, et elle est
parcimonieusement mesurée. Mais ce
contentement suprême lui-même n’est
qu’apparent : le désir satisfait fait aussitôt
place à un nouveau désir ; le premier est
une déception reconnue, le second une
déception non encore reconnue. La
satisfaction d’aucun souhait ne peut
procurer de contentement durable et
inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on
jette à un mendiant : elle lui sauve
aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère
jusqu’à demain.
B. On ne peut être heureux si l’on reste assujettit à nos désirs
1. Le désir est l’ennemi du bonheur
Il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni
repos tant que:
a) (1er motif) notre conscience est
remplie par notre volonté
b) (2ème motif) nous sommes asservis
à l’impulsion du désir, aux espérances,
etc.
c) (3ème motif) Nous sommes des
sujets du vouloir
Tant que notre conscience est remplie par
notre volonté, tant que nous sommes
asservis à l’impulsion du désir, aux
espérances et aux craintes continuelles qu’il
fait naître, tant que nous sommes des
sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni
bonheur durable, ni repos. Poursuivre ou
fuir, craindre le malheur ou chercher la
jouissance, c’est en réalité tout un ;
l’inquiétude d’une volonté toujours
exigeante, sous quelque forme qu’elle se
manifeste, emplit et trouble sans cesse la
conscience ; or sans repos le véritable
bonheur est impossible. Ainsi le sujet du
vouloir ressemble à Ixion attaché à une
roue qui ne cesse de tourner, aux Danaïdes
qui puisent toujours pour emplir leur
tonneau, à Tantale éternellement altéré
B- Être heureux suppose se détacher de nos désirs
La recherche de la satisfaction de tous ses désirs n’est pas la voie qui conduit au bonheur.
Désirer est un piège, un leurre et se constitue pour lui comme l’ennemi fondamental de
tout bonheur.
1) Le désir, ennemi du bonheur
« Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à
l’impulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître, tant que
nous sommes des sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni repos ».
Tant que : a) notre conscience est remplie par notre volonté
b) nous sommes asservis à l’impulsion du désir, aux espérances et aux craintes
qu’il fait naître
c) nous sommes des sujets du vouloir
ALORS : conclusion : Il n’y a pour nous ni bonheur durable ni repos.
« bonheur durable » = vrai bonheur  Un bonheur éphémère, simple joie passagère.
« repos » = paix, tranquillité intérieure  Le désir est toujours inquiétude.
B. Être heureux suppose se détacher de nos désirs
1. Le désir est l’ennemi du bonheur
2. Penser que satisfaire nos désirs pourra supprimer
la souffrance inhérente à la vie est un leurre
Tant que notre conscience est remplie par
notre volonté, tant que nous sommes
asservis à l’impulsion du désir, aux
espérances et aux craintes continuelles qu’il
fait naître, tant que nous sommes des
sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni
bonheur durable, ni repos. Poursuivre ou
fuir, craindre le malheur ou chercher la
jouissance, c’est en réalité tout un ;
l’inquiétude d’une volonté toujours
exigeante, sous quelque forme qu’elle se
manifeste, emplit et trouble sans cesse la
conscience ; or sans repos le véritable
bonheur est impossible. Ainsi le sujet du
vouloir ressemble à Ixion attaché à une
roue qui ne cesse de tourner, aux Danaïdes
qui puisent toujours pour emplir leur
tonneau, à Tantale éternellement altéré
2) Penser que satisfaire nos désirs pourra supprimer la souffrance inhérente à la vie est un
leurre.
Poursuivre ses désirs, chercher la jouissance = fuir la souffrance, craindre le malheur.
« l’inquiétude d’une volonté toujours exigeante, sous quelque forme qu’elle se manifeste,
remplit et trouble sans cesse la conscience ».
« Or sans repos, le véritable bonheur est impossible ». Le bonheur n’est pas un état positif
chez Schopenhauer, mais négatif, on ne l’acquiert pas, il survient lors de la cessation de
tout désir. La thèse de S. est la suivante : il n’y a de bonheur que lorsque cesse tout désir,
lorsqu’on se déprend du vouloir.
La thèse de S. proche de la philosophie bouddhiste
Cf. Les Quatre Vérités Sublimes du
Sermon de Bénarès.
Les 3 premières
suivantes :
vérités
sont
les
1. Toute vie est souffrance ;
2. L’origine de la vie et de la souffrance
est le désir ;
3. L’abolition du désir entraîne l’abolition
de la souffrance.
Vie = Désir = Souffrance
La vie est essentiellement faite de
souffrance. Certes, nous avons l’espoir
d’arriver un jour au bonheur par la
satisfaction de tous nos désirs, c’est
d’ailleurs ce qui nous fait vivre, mais ce
n’est qu’une vaine illusion. Ce qu’il faut
donc, c’est arriver à échapper à la
souffrance.
La solution : supprimer en nous tous nos désirs, y compris notre désir fondamental de
vivre et d’être heureux. Lorsque nous y serons parvenus, nous serons délivrés du désir et
donc de la souffrance. Nirvana, délivrance.
Samkhya Sutra : « Seul est heureux celui qui a perdu tout espoir ; l’espoir est la plus grande
torture qui soit, et le désespoir le plus grand bonheur ».
B. Être heureux cela suppose se détacher de nos désirs
1. Le désir est l’ennemi du bonheur
2. Penser que satisfaire nos désirs pourra supprimer
la souffrance inhérente à la vie est un leurre
3. Ixion, les Danaïdes et Tantale: Le désir comme
supplice
Tant que notre conscience est remplie par
notre volonté, tant que nous sommes
asservis à l’impulsion du désir, aux
espérances et aux craintes continuelles qu’il
fait naître, tant que nous sommes des
sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni
bonheur durable, ni repos. Poursuivre ou
fuir, craindre le malheur ou chercher la
jouissance, c’est en réalité tout un ;
l’inquiétude d’une volonté toujours
exigeante, sous quelque forme qu’elle se
manifeste, emplit et trouble sans cesse la
conscience ; or sans repos le véritable
bonheur est impossible. Ainsi le sujet du
vouloir ressemble à Ixion attaché à une
roue qui ne cesse de tourner, aux Danaïdes
qui puisent toujours pour emplir leur
tonneau, à Tantale éternellement altéré.
Rubens, Ixion trompé par Junon, 1615, Paris,
Musée du Louvre.
Ixion, fils de Phlégyas, roi des Lapithes, accepta d'épouser Dia fille d' Eionée dont il refusa les cadeaux de mariage. Ceci fit
enrager son beau-père qui confisqua ses chevaux. Alors il l'invita à un festin, mais il avait aménagé devant le palais une
fosse dissimulée par des branchages et où brûlait du charbon de bois; le roi Eionée qui ne se doutait de rien y tomba et
périt dans la braise.
Zeus, qui s'était personnellement conduit de la même façon lorsqu'il avait été amoureux, non seulement le purifia mais le
convia à sa table dans l'Olympe alors qu'il était repoussé par tout le monde et perdait la raison.
Ixion se montra ingrat et essaya de séduire Héra, mais Zeus devinant ses pensées, façonna un nuage à la forme d'Héra, et
Ixion, qui était trop ivre pour remarquer que c'était une créature illusoire, s'unit à cette nuée. Il fut surpris dans ses étreintes
par Zeus qui donna l'ordre à Hermès de le flageller sans pitié puis de l'attacher à une roue enflammée qui tournoierait sans
cesse dans les Enfers.
La fausse Héra, par la suite appelée Néphélé, donna à Ixion Centauros, enfant proscrit, qui, lorsqu'il atteignit l'âge
d'homme engendra, dit-on, des juments de Magnésie, les Centaures, dont le plus fameux était le docte Chiron.
John William Waterhouse (1849-1917), The Danaides, 1904.
2- pour être heureux, il faut seulement trier entre les désirs (Epicure)
LES DESIRS
NATURELS
NECESSAIRES
nécessaires
pour la vie-même
(Besoins primaires)
manger
boire
respirer
…
« VAINS »
pouvoir, richesse, considération…
NON-NECESSAIRES
belle maison, bien manger…
attachement amoureux
nécessaires
pour la tranquillité du corps
(Besoins secondaires)
vêtements fonctionnels
logement sain
nourriture équilibrée
…
nécessaires
« pour le bonheur »
amitié
liberté (indépendance)
philosopher
Epicure considère que la raison est capable de soigner les maux dont nous souffrons, si l’on
adapte son mode de vie en conséquence.
-Nous souffrons d’abord de craintes irrationnelles, notamment les craintes superstitieuses et
surtout pour nous moderne la crainte de la mort. Mais la réflexion a le pouvoir de nous en
débarrasser, si l’on prend acte de la nature matérielle de l’esprit humain et si nous acceptons
notre condition mortelle.
- nous souffrons aussi de mauvais désirs, désirs vains qui ne peuvent être pleinement satisfaits
(ajoutons que la culture contemporaine capitaliste, la société de consommation cultive à l’excès
ces désirs).
Pour être heureux, c’est-à-dire pour Epicure pour vivre la vie la plus agréable qui soit, il faut s’en
tenir aux désirs naturels et nécessaires : satisfaire nos besoins, limiter nos relations sociales au
nécessaire, cultiver l’amitié et la philosophie dont le but est de nous rendre heureux.
L’hédonisme (conception selon laquelle le plaisir est la première valeur) d’Epicure est donc un
hédonisme sobre, modéré, bien loin de l’hédonisme libertain, par exemple.
Complément : cours dédié à la Lettre à Ménécée d’Epicurre.
Transition : le bonheur n’est-il que cela ?
- Ne repose-t-il pas lui-même que l’activité, plutôt que sur la quiétude, la tranquillité du
corps et de l’âme ?
Le sophiste Calliclès oppose avec raison à la métaphore du tonneau percé une autre
image : la vie qui consiste à réprimer ses désirs est comme la condition d’une pierre
- on a pris en compte surtout les désirs portant sur des objets extérieurs à la personne.
Mais les désirs, ce sont aussi les désirs portant sur notre existence elle-même : que faire
de mon existence, qu’ / qui est ce que je voudrais devenir ?
III- le bonheur suppose des activités qui donnent sens à notre existence
« Nul homme ne choisirait de vivre en conservant durant toute son existence l’intelligence
d’un petit enfant, même s’il continuait à jouir le plus possible des plaisirs de l’enfance »
Aristote
1- le plaisir n’est pas nécessairement le but de l’action
• « il y a aussi bien des avantages que nous mettrions tout notre empressement à obtenir,
même s’ils ne nous apportaient aucun plaisir, comme voir, se souvenir, savoir, posséder les
vertus. » (Aristote)
-on peut préférer la vérité au plaisir.
- on peut préférer accomplir une action vertueuse au plaisir
• « Qu’en fait des plaisirs accompagnent nécessairement ces avantages ne fait pour nous
aucune différence, puisque nous les choisirions quand même ils ne seraient pour nous la
source d’aucun plaisir. »
Le plaisir n’est pas toujours le but, le motif : il ne fait qu’accompagner cette activité.
• selon Aristote, ce que l’on veut, au fond, c’est agir, mener une certaine activité selon
une certaine excellence.
L’action et l’activité qui est bien faite est agréable à faire, dans son accomplissement
même (« plaisir mobile » dans les termes d’Epicure)
Ce qui nous plaît peut être davantage cet acte que le résultat (« le plaisir immobile » qui
s’en suit).
• Pourquoi avons-nous plaisir à réussir une activité ?
-ce peut être par anticipation de la réalisation de l’objectif que nous (ou la société) nous
sommes fixés. Mais si c’est pour cela, Epicure aura raison de dire que cela nous apportera
toujours une part d’insatisfaction : incertitude, risque d’échec donc de déception.
- une autre raison : celui qui accomplit bien une action, une activité, c’est celui qui en a les
capacités (qu’il a éventuellement acquis). Si l’action est agréable, c’est parce que ces
capacités sont à l’oeuvre, elles sont en train de se déployer, d’être utilisée, de s’exercer.
Exemple du plaisir dans l’activité sportive.
Je peux éprouver du plaisir de courir non pas parce que je réalise mes objectifs (ou ceux de la société), mais
simplement parce que j’exerce mes facultés. Si aujourd’hui je ne cours pas si bien que d’habitude (j’ai peu dormi), je
n’ai pas de déception, j’ai simplement un plaisir en moins, mais pas de peine.
Il y a donc un plaisir de l’action bien faite, par le simple fait qu’en l’accomplissant bien, nous
éprouvons le plaisir de déployer notre puissance.
3- Le bonheur dans l’accomplissement de nos potentialités ou de nos projets
La vie heureuse est celle où l’on accomplit les activités que l’on a la capacité de bien
accomplir. Le bonheur se place dans une certaine activité où l’on réussit
Que la vie où je me consacre aux activités où je suis bon soit une vie agréable est une
conséquence du fait que l’on y exerce des activités avec réussite.
Nous avons plaisir à réaliser les activités où nous excellons, et cette réalisation est une
forme d’accomplissement de soi : si nous cultivons et exerçons ces pouvoirs, nous serons un
être accompli, achevé en ce qui concerne le principal, le plus important de notre vie. Il y a
un bonheur du musicien qui accompli ces talents.
Pour réussir dans une activité (pour bien jouer d’un instrument de musique), il faut avoir
certaines capacités, potentialités.
elles dépendent :
- de notre nature (constitution physique du sprinteur avant d’avoir cultivé son corps)
de notre éducation (mon père avait de l’adresse (fin bricoleur) et me l’a enseigné)
- du monde dans lequel on vit
- de nous-mêmes, notre volonté (développer nos capacités / en acquérir par nous-mêmes)
Notre volonté nous donne un certain pouvoir de réussir là où nous n’avions pas reçu ce
pouvoir de la nature ou de notre éducation.
Le point de départ de notre bonheur peut ainsi être notre projet d’existence : ce que nous
jugeons que nous devons devenir pour réussir notre vie. A partir de ce projet, nous pouvons
nous donner à nous-mêmes, par un travail, certaines capacités dont l’exercice nous rendra
heureux.
4- des conditions pour s’assurer un tel bonheur
a- trouver son projet le plus propre : ne pas se perdre dans des voies qui ne nous
conviennent pas. Devenir soi-même.
b- des conditions secondaires du bonheur
en général :
-Satisfaction de nos besoins donc une vie économique décente
- besoins sociaux et affectifs : relation sociale, amitié, vie de couple, de famille...
c- problème de la conciliation entre réalisation de notre projet d’existence et conditions
secondaires du bonheur : ex : concilier vie de famille et passion, travail et projet
d’existence. Il s’agit d’un problème technique.
5- fuir le « divertissement » : de Pascal à JP Sartre
Pascal analyse le divertissement :
L’homme se réfugie dans toute activité qui le divertit d’un constat fondamental : celui de
la vacuité de son existence : nous sommes mortels et nous sommes malheureux, notre
existence semble ne pas avoir de sens.
Chaque fois que nous nous livrons à la poursuite d’un objet de désir charnel, ludique,
social, etc., en un mot terrestre, nous nous moquons, au fond, de l’atteinte de ce but :
notre satisfaction tient seulement au fait que nous oublions notre « misère ».
Mais ce divertissement ne nous offre aucune pleine satisfaction.
Il faut faire face à notre condition malheureuse.
La seule sortie possible de cette condition, pour Pascal, c’est la foi :
Seule la perspective de la vie éternelle peut donner sens à notre vie mortelle,
Seul l’amour de Dieu peut donner sens à notre désir toujours insatisfait.
Seul les pratiques et croyances chrétiennes peuvent donner sens à notre vie terrestre.
Cette conséquence peut être refusée : le sens de notre existence n’a pas à être
donné par un Dieu, mais par nous-mêmes (Heidegger, JP Sartre).
Nous devons nous-mêmes donner sens à notre existence , en construisant un
projet qui soit bien le notre.
Si mon projet consiste à devenir savant, par exemple, je ne dois pratiquer des loisirs que
dans la mesure où cela repose mes facultés propres à me faire accéder à ce que j’ai
projeté d’être : je ne jouerais au poker que si cela mes détend le cerveau, lorsqu’il est
fatigué. Les digressions par rapport à notre projet d’existence doivent être ordonnées
par rapport à ce dernier. Le « divertissement » est un « oubli » de notre projet
d’existence. Etre heureux exclut le divertissement : on se perd dans des activités qui ne
sont pas les nôtres, qui ne définissent pas notre bonheur, même si elles nous procurent
un plaisir dans l’instant.
Conclusion
• Epicure et Schopenhauer ont raison d’insister sur le problème central qui se pose à
l’homme, qui veut être heureux : l’homme est d’abord sujets aux difficultés matérielles,
économiques, affectives, et ce au quotidien de manière superficielle ou profonde, ce qui
fait que notre existence est d’abord sujet à la souffrance.
• il va donc de soi que la première exigence est de diminuer cette souffrance.
- la rationalisation de nos angoisses est essentielle
- la réforme de nos désirs aussi : cesser d’entretenir des désirs qui produisent plus de
peine que de plaisir; ainsi avoir une vie modérée et autarcique.
• Mais nos désirs sont aussi les moteurs de nos existence (ce en quoi Calliclès a raison),
et ce qui peut donner sens à cette existence.
L’existence prend sens lorsque nous nous consacrons à des activités dans lesquelles nous
pouvons nous accomplir, exercer et développer nos capacités (Aristote).