COP21, une usine à gaz ?
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COP21, une usine à gaz ?
64 environnement 65 Paris accueille la 21e conférence internationale sur le climat COP21, une usine à gaz ? Ce sommet, qui se tiendra en décembre, doit aboutir à un accord pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. 10 questions pour comprendre les enjeux. T exte Isabelle Jarjaille Qu’est-ce que la COP21 ? La 21e édition de la conférence des parties (COP) est le grand raout annuel des 196 pays membres de l’ONU autour de la question du réchauffement climatique. 40 000 personnes sont attendues du 30 novembre au 11 décembre 2015 sur le site du Bourget pour aboutir à un accord multilatéral de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Pourquoi parle-t-on autant de cette édition ? l’évolution du climat). Celui qui a été publié en mars 2014 est alarmant : « Si nous ne changeons rien, le réchauffement global sera de 4 à 5 °C d’ici à 2100, résume Jean Jouzel, vice-président du Giec. Les événements climatiques extrêmes seront de plus en plus fréquents. Le réchauffement est trop rapide et les écosystèmes ne peuvent pas s’adapter. Les générations nées il y a vingt ans seront les premières impactées ! » Gilles Berhault, président du Comité 21, qui rassemble la Parce qu’elle est historique ! Lors de la 3e COP, en 1997, 180 pays ont adopté le protocole de Kyoto, qui engageait 38 pays industrialisés parmi les plus pollueurs à réduire de 5,2 % leurs émissions de GES sur la période 2008-2012 par rapport à leur niveau de 1990. En 2009, la COP15 de Copenhague devait fixer de nouveaux objectifs. La conférence fut un échec : faute d’unanimité, les pays ont simplement ratifié un calendrier de négociations pour finaliser un texte en 2015. société civile, abonde dans ce sens : « La multiplication des allergies, la présence du moustique tigre en France et les migrations climatiques sont les premiers éléments tangibles de ces changements. » En cause : les gaz à effet de serre. Présents naturellement dans l’atmosphère, ils piègent une partie des rayonnements solaires, ce qui réchauffe notre planète. Leur augmentation induit un réchauffement excessif. La combustion des énergies fossiles, dégageant du dioxyde de carbone (CO 2), est la principale source d’émission de GES (80 % en Europe). Viennent ensuite d’autres gaz : protoxyde de carbone, halocarbures et méthane, issus respectivement de l’utilisation d’engrais azoté en agriculture, de procédés industriels et du traitement de nos déchets. illustration sebastien agnona - Sources : global Carbon Projetct Pourquoi les Etats ne peuvent-ils plus reculer ? La COP s’appuie sur les rapports du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur JUIN 2015 Le Giec préconise de maintenir la hausse des températures sous le seuil de 2 °C d’ici à 2100, sinon des changements irréversibles se produiront. La COP21 doit aboutir à la production d’un texte, voté à l’unanimité par les 196 pays, avec des objectifs chiffrés de réduction des émissions de GES par pays. Pour la première fois, l’accord contiendra des mesures juridiquement contraignantes. Qui paiera la facture ? C’est l’un des principaux enjeux de la COP21. Le coût de la transition énergétique pour les pays en voie de développement (Afrique, une partie de l’Amérique latine…) a été évalué à 100 milliards d’euros. Historiquement responsables des émissions de GES, les pays développés et, dans une moindre mesure, les grands pays émergents (Chine, Inde) devront payer la facture. Les négociations porteront sur le financement et la répartition de cette enveloppe. Comment mettre 196 nations d’accord ? C’est le casse-tête ! Chaque pays fait pression pour minorer les objectifs en fonction de ses intérêts. La majorité des Etats sont représentés par des groupes de négociation, comme l’Union européenne, le Groupe arabe (dont les pays pétroliers) ou le Groupe des 77 (pays en développement, souvent avec la Chine). D’autres coalitions sont officieuses. Comme le Groupe du parapluie (les Etats « climato-sceptiques ») : les Etats-Unis, qui n’ont pas ratifié le protocole de Kyoto ; le Canada, qui s’est retiré de l’accord en 2011 ; la Russie, le Japon et la Nouvelle-Zélande, qui ne se sont pas réengagés pour 2013-2020. Pourquoi peut-on quand même espérer un accord ? D’abord, l’état d’esprit a changé. La pression sur les Etats est forte : « Il y a une prise de conscience, assure Gilles Berhault. En Chine, par exemple, la protestation monte en réaction aux problèmes de pollution. » Ensuite, la méthode a évolué. Désormais il existe des réunions préparatoires en comités réduits, et les Etats peuvent rendre publics leurs engagements de réduction de GES d’ici à la grand-messe du Bourget. Au premier point d’étape, fixé au 31 mars 2015, 34 pays (dont les 28 de l’Union européenne) avaient rendu leur copie. 4 canada 1,4 % russie 5 % 1 CHINE 27,6 % allemagne 2,1 % états-unis 14,5 % 5 royaume-uni 1,3 % Pourquoi la COP21 se tient-elle en France ? En 2012, François Hollande a été le seul dirigeant à proposer la candidature de son pays pour accueillir la COP21. En tant que présidente de cette édition, la France a un rôle central à jouer. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, a été désigné pour mener les négociations car, historiquement, la France dispose d’un important réseau diplomatique pour influencer les décisions. Au-delà des recettes potentielles pour Paris (estimées à 100 millions d’euros), la COP est une belle vitrine pour les acteurs français du développement durable. A quel accord doit-on aboutir ? japon 3,5 % 3 france 1 % mexique 1,3 % Les 20 plus grands émetteurs de CO2 A eux deux, la Chine et les EtatsUnis totalisent plus de 40 % des émissions de CO2 de la planète, soit, en 2013, 15 210 milliards de tonnes de dioxyde de carbone issues de la combustion d’énergie fossile. La France se classe à la 16e place car une grande partie de son électricité est produite grâce au nucléaire. italie 1 % brésil 1,3 % corée du sud 1,7 % INDE 6,7 % thaïlandE 0,9 % turquie 0,9 % arabie saoudite 1,4 % iran 1,7 % australie 0,9 % afrique du sud 1,2 % indonésiE 1,4 % Comment les pays comptent-ils réduire leurs émissions de GES ? Idéalement, il faudrait que les pays s’engagent dans une transition énergétique verte : abandonner progressivement les énergies fossiles au profit des énergies renouvelables. Dans la réalité, les Etats disposent de plusieurs outils pour contourner la difficulté. La Russie (4e pollueur mondial) a annoncé un objectif ambitieux de réduction de 25 à 30 % de ses émissions d’ici à 2030 par rapport à 1990. Mais dans le détail, Moscou mise beaucoup sur ses forêts, qui représentent 25 % de la surface boisée mondiale. Qualifiées de « puits de carbone » car elles stockent le CO2, les forêts permettent de compenser les hausses d’émission. Une vision à court terme qui ne prévoit pas de revoir en profondeur le modèle énergétique de la Russie. Autre outil que de nombreux pays incluent dans leur stratégie : le recours au marché international du carbone. Ce système, mis en place lors du protocole de Kyoto, permet à des Etats « verts » de vendre leur « droit à polluer » à d’autres qui n’arriveraient pas à réduire leurs émissions. Quel est le rôle de la société civile ? Lors des COP, il y a quasiment autant de négociateurs que de représentants d’ONG, d’associations, d’entreprises et de collectivités. Ces derniers dialoguent officieusement avec les équipes gouvernementales pour tenter d’influencer leurs choix. La COP21 est aussi l’occasion d’une large sensibilisation du grand public. En parallèle de la conférence au Bourget, une exposition universelle des solutions du développement durable sera organisée au Grand Palais à Paris par Solutions COP21 (www.solutionscop21.org). Et l’artiste Yann Toma réalisera une installation de lumière monumentale du 5 au 12 décembre au pied de la tour Eiffel. Il faudra danser ou pédaler pour produire l’énergie et illuminer l’œuvre. K 25 ans de négociations 1990 : Le premier rapport du Giec établit un lien entre les activités humaines et le réchauffement climatique. 1992 : Lors du sommet de Rio, 150 nations signent une convention qui appelle les pays industrialisés à stabiliser leurs émissions de GES. L’objectif n’est pas tenu. 1997 : 180 Etats signent le protocole de Kyoto : 38 pays industrialisés s’engagent à réduire leurs émissions de 5,4 % à l’horizon 2012. L’objectif est partiellement atteint. 2009 : La COP de Copenhague se solde par un échec. La négociation est repoussée à 2015. JUIN 2015