COP21, une usine à gaz ?

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COP21, une usine à gaz ?
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Paris accueille la 21e conférence internationale sur le climat
COP21, une usine à gaz ?
Ce sommet, qui se tiendra en décembre, doit aboutir à
un accord pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.
10 questions pour comprendre les enjeux. T exte Isabelle Jarjaille
Qu’est-ce que la COP21 ?
La 21e édition de la conférence des parties
(COP) est le grand raout annuel des 196 pays
membres de l’ONU autour de la question
du réchauffement climatique. 40 000 personnes sont attendues du 30 novembre au
11 décembre 2015 sur le site du Bourget pour
aboutir à un accord multilatéral de réduction
des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Pourquoi parle-t-on autant
de cette édition ?
l’évolution du climat). Celui qui a été publié
en mars 2014 est alarmant : « Si nous ne
changeons rien, le réchauffement global sera
de 4 à 5 °C d’ici à 2100, résume Jean Jouzel,
vice-président du Giec. Les événements
climatiques extrêmes seront de plus en plus
fréquents. Le réchauffement est trop rapide
et les écosystèmes ne peuvent pas s’adapter.
Les générations nées il y a vingt ans seront
les premières impactées ! » Gilles Berhault,
président du Comité 21, qui rassemble la
Parce qu’elle est historique ! Lors de
la 3e COP, en 1997, 180 pays ont adopté
le protocole de Kyoto, qui engageait
38 pays industrialisés parmi les plus
pollueurs à réduire de 5,2 % leurs
émissions de GES sur la période
2008-2012 par rapport à leur niveau
de 1990. En 2009, la COP15 de
Copenhague devait fixer de nouveaux objectifs. La conférence fut un
échec : faute d’unanimité, les pays ont
simplement ratifié un calendrier de négociations pour finaliser un texte en 2015.
société civile, abonde dans ce sens : « La
multiplication des allergies, la présence du
moustique tigre en France et les migrations
climatiques sont les premiers éléments tangibles de ces changements. » En cause : les
gaz à effet de serre. Présents naturellement
dans l’atmosphère, ils piègent une partie des
rayonnements solaires, ce qui réchauffe notre
planète. Leur augmentation induit un réchauffement excessif. La combustion des
énergies fossiles, dégageant du dioxyde de
carbone (CO 2), est la principale source
d’émission de GES (80 % en Europe).
Viennent ensuite d’autres gaz : protoxyde
de carbone, halocarbures et méthane, issus
respectivement de l’utilisation d’engrais
azoté en agriculture, de procédés industriels
et du traitement de nos déchets.
illustration sebastien agnona - Sources : global Carbon Projetct
Pourquoi les Etats ne peuvent-ils
plus reculer ?
La COP s’appuie sur les rapports du Giec
(Groupe d’experts intergouvernemental sur
JUIN 2015
Le Giec préconise de maintenir la hausse
des températures sous le seuil de 2 °C d’ici
à 2100, sinon des changements irréversibles
se produiront. La COP21 doit aboutir à la
production d’un texte, voté à l’unanimité par
les 196 pays, avec des objectifs chiffrés de
réduction des émissions de GES par pays.
Pour la première fois, l’accord contiendra des
mesures juridiquement contraignantes.
Qui paiera la facture ?
C’est l’un des principaux enjeux de la
COP21. Le coût de la transition énergétique
pour les pays en voie de développement
(Afrique, une partie de l’Amérique latine…)
a été évalué à 100 milliards d’euros. Historiquement responsables des émissions de
GES, les pays développés et, dans une
moindre mesure, les grands pays émergents
(Chine, Inde) devront payer la facture. Les
négociations porteront sur le financement
et la répartition de cette enveloppe.
Comment mettre 196 nations
d’accord ?
C’est le casse-tête ! Chaque pays fait pression pour minorer les objectifs en fonction
de ses intérêts. La majorité des Etats sont
représentés par des groupes de négociation,
comme l’Union européenne, le Groupe arabe
(dont les pays pétroliers) ou le Groupe des 77
(pays en développement, souvent avec la
Chine). D’autres coalitions sont officieuses.
Comme le Groupe du parapluie (les Etats
« climato-sceptiques ») : les Etats-Unis, qui
n’ont pas ratifié le protocole de Kyoto ; le
Canada, qui s’est retiré de l’accord en 2011 ;
la Russie, le Japon et la Nouvelle-Zélande,
qui ne se sont pas réengagés pour 2013-2020.
Pourquoi peut-on quand même
espérer un accord ?
D’abord, l’état d’esprit a changé. La pression sur les Etats est forte : « Il y a une prise
de conscience, assure Gilles Berhault. En
Chine, par exemple, la protestation monte
en réaction aux problèmes de pollution. »
Ensuite, la méthode a évolué. Désormais il
existe des réunions préparatoires en comités réduits, et les Etats peuvent rendre publics leurs engagements de réduction de
GES d’ici à la grand-messe du Bourget. Au
premier point d’étape, fixé au 31 mars 2015,
34 pays (dont les 28 de l’Union européenne)
avaient rendu leur copie.
4
canada
1,4 %
russie
5 %

1
CHINE
27,6 %
allemagne
2,1 %
états-unis
14,5 %
5
royaume-uni
1,3 %
Pourquoi la COP21 se tient-elle
en France ?
En 2012, François Hollande a été le seul
dirigeant à proposer la candidature de son
pays pour accueillir la COP21. En tant que
présidente de cette édition, la France a un
rôle central à jouer. Laurent Fabius, ministre
des Affaires étrangères, a été désigné pour
mener les négociations car, historiquement,
la France dispose d’un important réseau
diplomatique pour influencer les décisions.
Au-delà des recettes potentielles pour Paris
(estimées à 100 millions d’euros), la COP est
une belle vitrine pour les acteurs français du
développement durable.
A quel accord doit-on aboutir ?
japon
3,5 %
3
france
1 %
mexique
1,3 %
Les 20 plus grands
émetteurs de CO2
A eux deux, la Chine et les EtatsUnis totalisent plus de 40 % des
émissions de CO2 de la planète, soit,
en 2013, 15 210 milliards de tonnes
de dioxyde de carbone issues de
la combustion d’énergie fossile. La
France se classe à la 16e place car
une grande partie de son électricité
est produite grâce au nucléaire.
italie
1 %
brésil
1,3 %
corée du sud
1,7 %
INDE
6,7 %
thaïlandE
0,9 %
turquie
0,9 %
arabie saoudite
1,4 %
iran
1,7 %
australie
0,9 %
afrique du sud
1,2 %
indonésiE
1,4 %
Comment les pays comptent-ils
réduire leurs émissions de GES ?
Idéalement, il faudrait que les pays s’engagent dans une transition énergétique verte :
abandonner progressivement les énergies
fossiles au profit des énergies renouvelables.
Dans la réalité, les Etats disposent de plusieurs outils pour contourner la difficulté. La
Russie (4e pollueur mondial) a annoncé un
objectif ambitieux de réduction de 25 à 30 %
de ses émissions d’ici à 2030 par rapport
à 1990. Mais dans le détail, Moscou mise
beaucoup sur ses forêts, qui représentent
25 % de la surface boisée mondiale. Qualifiées de « puits de carbone » car elles stockent
le CO2, les forêts permettent de compenser
les hausses d’émission. Une vision à court
terme qui ne prévoit pas de revoir en profondeur le modèle énergétique de la Russie.
Autre outil que de nombreux pays incluent
dans leur stratégie : le recours au marché
international du carbone. Ce système, mis en
place lors du protocole de Kyoto, permet à
des Etats « verts » de vendre leur « droit à
polluer » à d’autres qui n’arriveraient pas à
réduire leurs émissions.
Quel est le rôle de la société civile ?
Lors des COP, il y a quasiment autant de
négociateurs que de représentants d’ONG,
d’associations, d’entreprises et de collectivités. Ces derniers dialoguent officieusement
avec les équipes gouvernementales pour
tenter d’influencer leurs choix. La COP21
est aussi l’occasion d’une large sensibilisation
du grand public. En parallèle de la conférence
au Bourget, une exposition universelle des
solutions du développement durable sera
organisée au Grand Palais à Paris par Solutions COP21 (www.­solutionscop21.org). Et
l’artiste Yann Toma réalisera une installation
de lumière monumentale du 5 au 12 décembre au pied de la tour Eiffel. Il faudra
danser ou pédaler pour produire l’énergie et
illuminer l’œuvre. K
25 ans de négociations
1990 : Le premier rapport du Giec établit
un lien entre les activités humaines et le
réchauffement climatique.
1992 : Lors du sommet de Rio, 150 nations
signent une convention qui appelle les pays
industrialisés à stabiliser leurs émissions
de GES. L’objectif n’est pas tenu.
1997 : 180 Etats signent le protocole
de Kyoto : 38 pays industrialisés s’engagent
à réduire leurs émissions de 5,4 % à l’horizon 2012. L’objectif est partiellement atteint.
2009 : La COP de Copenhague se solde par
un échec. La négociation est repoussée à 2015.
JUIN 2015