Astérix le Wallon - Maison de l`Europe Transjurassienne

Transcription

Astérix le Wallon - Maison de l`Europe Transjurassienne
ASTERIX LE WALLON
Astérix le Gaulois s’insurgeait seul contre l’Empire romain. Voici qu’Astérix le Wallon s’est
insurgé seul aussi contre vingt-huit Etats européens et a refusé de signer l’Accord de libreéchange liant l’UE et le Canada. Trois millions et demi de Wallons auront fait plier cinq cents
millions d’Européens.
En un premier temps, l’information a fait sourire. Puis les revendications ont été prises en
compte. Et finalement Astérix le Wallon aura gagné son bras de fer. Au-delà de la curiosité,
ce face–à-face est intéressant, car le non wallon au CETA est un oui à une Europe citoyenne.
A ce titre, il intéresse les Suisses. Un examen sur la forme et le fond de cette résistance
locale conduit à analyser le fonctionnement et les dysfonctionnements du projet européen.
Un leader
Cette insurrection est d’abord celle d’un homme. Professeur de droit européen à Bruxelles,
et à ce titre bien connu à Genève et à Neuchâtel, aujourd’hui président du Gouvernement
wallon, Paul Magnette est une personnalité déterminée, son intelligence impose ses
analyses, sa maîtrise du projet européen rayonne, son discours sans notes impressionne, son
entregent suscite l’estime des capitales européennes, sa courtoisie lui ouvre toutes les
portes.
Une région d’Europe très européenne
Mais l’action du Gouvernement wallon repose sur un tissu citoyen moins connu, ainsi que
sur une motivation citoyenne inédite. La Wallonie débat, discute et décortique depuis trois
ans les politiques d’échanges européens et leurs dérives. Des Ateliers citoyens essaimés sur
l’ensemble du territoire analysent régulièrement les initiatives de la Commission
Européenne. Ce mouvement citoyen émane d’un élan de terrain vivant, très heureux de
pourvoir ainsi narguer le pouvoir dominant de la Flandre voisine. 1500 communes ont voté
des motions où elles se proclament hors TTIP, ainsi que 400 000 pétitionnaires. La décision
de Parlement wallon avait été prise le 25 avril 2016 déjà, en un document particulièrement
abouti. C’est donc un mouvement de fond qui a porté Paul Magnette à s’opposer au Traité.
Une ouverture à l’Europe citoyenne
Enfin, et surtout, l’insurrection wallonne questionne le projet européen. En amont des lois,
elle souhaite préserver les régions d’Europe d’une domination sans recours des marchés
privés, ainsi que du risque de disparition des économies locales, des émeutes agricoles et
des fermetures des outils de production industriels.
La Wallonie n’a en effet pas accepté qu’une Commission d’arbitrage privée tranche les
différends entre l’Etat et les firmes commerciales ; que le Traité octroie aux Entreprises le
droit de contester des décisions étatiques devant les Tribunaux ; que la biodiversité, en
regard de l’énorme marché canadien et américain, ne soit pas protégée, ni la sécurité
alimentaire; que l’exception agricole n’ait pas été posée dans l’accord ; ni l’exception
culturelle sur la diversité de expressions ; qu’aucun article ne protège les marchés courts, ni
l’accès aux échanges des PME ; que l’opacité traverse les travaux du CETA ; que le contrôle
démocratique soit bien trop absent dans la négociation des Accords ; que les avancées de la
COP 21 aient été oubliées. L’ouverture des marchés européens à ces Accords commerciauxlà était considérée comme dangereuse pour la survie de la diversité de la production
économique locale en Europe, soit-elle agricole, industrielle ou culturelle. En bref,
manquaient dans les Traités les balises sociétales, environnementales et sanitaires qui
caractérisent la production et la diffusion européennes, tous standards qui protègent les
intérêts généraux. Tel fut le discours wallon.
Folklorique et anecdotique l’opposition wallonne ? Une histoire belge de plus ? Repli
identitaire ? Solo d’un leader charismatique ? Non, une vision de l’Europe plus citoyenne,
moins liée aux sociétés multinationales, moins soumises à la suprématie des Entreprises et
de leurs dirigeants. Astérix le Wallon a finalement dompté l’Empire européen en un épisode
qui aura surpris et marqué l’histoire européenne.
Jacques-André TSCHOUMY
Maison de l’Europe transjurassienne
Neuchâtel
[email protected]