Technologies médicales€: Des innovations mal

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Technologies médicales€: Des innovations mal
Industrie Dispositifs médicaux
Technologies médicales
Des innovations mal
récompensées
En dépit du foisonnement des innovations, la route vers le remboursement est longue
et semée d’embûches pour les dispositifs médicaux.
D
ispositifs médicaux implantables, biomatériaux pour
les prothèses, équipements
d’imagerie médicale, robots
chirurgicaux… Avec 11 000 sociétés
et plus de 500 000 produits, l’industrie du dispositif médical (DM) figure
parmi les secteurs les plus innovants
en Europe. Plus de 8 % de son CA
sont consacrés, en moyenne, à la
R&D.. 15 700 inventions ont été en-
Vers une harmonisation européenne ?
DR
Guy Lebeau, président
d’Eucomed et de la
division des Dispositifs
médicaux & diagnostics pour l’Europe,
le Moyen-Orient et
l’Afrique de « Johnson
& Johnson », résume
l’évolution du secteur des DM dans
l’UE.
Comment jugez-vous l’évolution de
l’environnement règlementaire européen ?
● Nous sommes assez confiants car la Commission européenne manifeste une réelle volonté de discuter avec les industriels dans le
cadre d’un réel libre échange au sein de l’union
européenne. Il y a quelques mois, un groupe de
travail opérationnel a été créé afin d’améliorer
l’environnement règlementaire en Europe. Par
ailleurs, les agences nationales d’évaluation de
technologies de santé développent des échanges entre les pays, ce qui constitue les tous premiers pas d’une harmonisation européenne.
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PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2009
registrées dans la branche, selon l’office des brevets européens. En France,
une technologie médicale nouvelle
voit le jour chaque semaine. Les innovations en matière de DM s’expriment souvent à travers l’addition
d’améliorations successives – dites
incrémentales – qui, si elles ne bouleversent pas les conditions d’usage et
l’état de la technique, n’en apportent
pas moins des améliorations cliniques
Reste les remboursements qui demeurent
probablement l’élément majeur expliquant les
variations des temps d’accès à l’innovation : de
6-8 mois à 18-24 mois selon les pays en Europe.
Après avoir prouvé l’intérêt clinique de
vos innovations, comment faire la preuve
médico-économique dans un contexte
actuel de crise globale ?
● Nos entreprises, totalement dédiées à
l’amélioration clinique des patients, doivent
intégrer la dimension économique à travers
des outils méthodologiques consensuels.
C’est pourquoi dès octobre 2007, Eucomed
a lancé des programmes de recherches sur
l’évaluation socio-économique des dispositifs
médicaux dans le cadre de l’Institut européen
des technologies de santé pour la recherche
socio-économique1qui réunit universitaires,
industriels et représentants gouvernementaux.
(1) European Heath Technology for Socio-Economic Research (EHTI).
(2) Pr. Rosanna Tarricone, directrice exécutive.
Tél. : 32 493 518 002.
[email protected].
certaines. Ainsi, des défibrillateurs
implantables ont vu leur taille considérablement réduite. Ils sont passés
de 200 cc dans les années 90 à moins
de 40 cc aujourd’hui. Cependant, la
France occupe le 10ème rang européen au regard de leur taux d’implantation1, bien que l’Hexagone ait été
le premier pays à avoir introduit en
Europe un défibrillateur automatique
implantable. Autre exemple emblématique : l’Ablatherm. Ce dispositif
médical développé par la société française EDAP TMS, né de la collaboration exemplaire de recherche entre
l’INSERM2, l’hôpital universitaire
Edouard Hériot et Edap TMS, représente une avancée majeure, saluée par
la communauté médicale internationale, dans le traitement du cancer localisé de la prostate. « Reste que plus
de 9 ans après sa commercialisation et
sa mise sur le marché en France, cette
technologie n’est toujours pas prise en
charge et remboursée par le système
de santé français, alors qu’elle l’est
dans d’autres pays européens », observe Odile Corbin, directeur général
du SNITEM3. Aussi, si les conditions
de la recherche et de la mise sur le
marché4 sont aujourd’hui réunies en
France, de nombreux freins subsistent
au niveau du remboursement des DM
innovants.
Du dédale règlementaire au
maquis tarifaire
L’accès à l’innovation s’est singulièrement complexifié avec le nouveau
mode de financement des établissements de santé (tarification à l’activité
ou T2A), la création de la liste des
produits et prestation remboursables
(LPPR) en ville et la nouvelle nomenclature des actes médicaux (CCAM).
En outre, le processus habituel de
mise à disposition des patients et des
professionnels de santé des produits
les plus innovants nécessite une succession d’étapes dont le franchissement est complexe :
• l’évaluation du service attendu, puis
de l’amélioration de ce service des
DM innovants par la commission
d’évaluation des produits et prestations (CEPP) de la Haute autorité
de santé (HAS),
• la fixation des tarifs de remboursement et le cas échéant des prix
limite de vente par le comité économique des produits de santé (CEPS)
placé sous la tutelle des ministères
du Budget, de l’Economie et de la
Santé.
• l’évaluation des actes par la commission
d’évaluation des actes professionnels
(CEAP) de la HAS, afin qu’ils puissent
être inscrits à la CCAM et tarifés.
La prise en charge des DM innovants
concerne les produits intégrés dans les
groupes homogènes de séjour (GHS),
mais également ceux figurant sur la
liste des DM en sus, et notamment les
DM à usage individuel onéreux. Ainsi, 41 libellés et 1164 codes de DM
Les entreprises de technologies médicales, en bref
• 240 entreprises fédérées au sein du SNITEM en France
• 6,2 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2008 (Sur la base d’un
taux de conversion euro/dollar constant)
• 5,5 milliards de dépenses remboursées
• 14 millions d’assurés du régime général bénéficient du remboursement
d’un dispositif de la liste des produits et prestations (hors optique)
SOURCES : HAUT CONSEIL POUR L’AVENIR DE L’ASSURANCE MALADIE ET CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS ET ESPICOM BUSINESS INTELLIGENCE.
sont inscrits sur cette liste dérogatoire
en évolution permanente. En 2009,
le nombre de codes d’implants ayant
fait l’objet d’une radiation pour être
intégrés dans les GHS est nettement
plus important que celui des DM implantables nouvellement inscrits dans
la liste en sus5.
Le maillon manquant
Le législateur français a adopté une
disposition6 conforme aux suggestions
faites par le SNITEM visant à coordonner la prise en charge d’un DM
très innovant ainsi que l’évaluation
et la tarification via l’inscription à la
nomenclature de l’acte qui lui est associé. Les conditions d’application de
cette disposition laissent cependant
nombre de questions sans réponses.
En attendant, l’attractivité de la France commence à pâtir de ces lenteurs
règlementaires. Certaines entreprises
multinationales commencent à choisir d’autres pays européens qui offrent
une plus grande fluidité pour introduire leur DM innovants. ■
Bernard Banga
(1) « ICD Implant rates Accros EU Countries », Eucomed 2008.
(2) Institut national de la santé et de la
recherche médicale.
(3) Syndicat national de l’industrie des
technologies médicales.
(4) Marquage CE.
(5) Une centaine de radiation contre une
dizaine d’inscription courant 2009.
(6) Article 51 de la LFSS 2009.
Simplifier les procédures administratives
Thierry Herbreteau, président
de l’association
pour la promotion de l’innovation des dispositifs médicaux (APIDIM), par ailleurs,
vice président Europe de Saint Jude
Medical, réclame un meilleur soutien à
l’innovation.
Pour quelles raisons l’APIDIM1 plaide-telle pour une adaptation des procédures
administratives aux dispositifs médicaux?
● Ces procédures sont trop largement calquées sur celles du médicament. Contrairement aux médicaments, l’innovation
dans notre secteur connaît un cycle de vie
rapide, de l’ordre de 18 mois pour certains
produits implantables2. Cependant, les délais de traitements des dossiers transmis
pour une première inscription s’établissent
à 335 jours en moyenne et peuvent aller
jusqu’à trois ans dans certains cas. De surcroît, l’introduction d’un dispositif médical marqué CE en France met 6 mois de
plus que dans les autres pays européens.
synchroniser la durée de l’étude clinique
avec la durée des innovations. En effet, l’accès à l’innovation s’avère intimement liée à
la recherche et aux données cliniques. Or,
avec le manque de fluidité à l’accès à l’innovation, la France se prive de certains travaux
de recherche et de collaborations cliniques.
Propos recueillis par Bernard Banga
La dernière loi de financement de la sécurité sociale corrige-t-elle cet aléa ?
● Nous avons salué l’article 51 de la PLFSS
qui permettrait simultanément d’évaluer, de
coter un acte et de rembourser un dispositif
médical innovant pour une durée limitée.
Toutefois, ce dispositif n’est pas entré en action aujourd’hui. En attendant ce guichet
unique, les industriels de l’Apidim demandent à être plus associés afin de mieux faire
(1) L’ APIDIM est un think-tank pour favoriser
une diffusion rapide des DM innovants en France. Ses laboratoires fondateurs - Alcon, Baxter,
Becton Dickinson, St Jude Médical, Medtronic,
3M santé, Guidant et Boston Scientific -, pèsent
plus de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires
et plus de 2000 salariés.
(2) Défibrillateurs, valves cardiaques, neurostimulateurs.
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