Me Michel Brunet, Fraser Milner Casgrain srl Président du

Transcription

Me Michel Brunet, Fraser Milner Casgrain srl Président du
Me Michel Brunet, Fraser Milner Casgrain s.r.l.
Président du Comité d’audience
M. Jean Elie
Membre indépendant
M. Jacques Lemay, Valeurs Mobilières Desjardins
Membre du Conseil de la section du Québec
I.
Les Procédures
Un avis d’audition et des chefs d’infraction a été signifié à Monsieur Georges Métivier
(l’« Intimé »), conformément aux Statuts de l’Association canadienne des courtiers en valeurs
mobilières (l’« Association ») en relation avec le présent dossier le 25 juin 2003. Cet avis
d’audition et des chefs d’infraction est lui-même daté du 20 juin 2003. Tel que prévu à l’avis,
l’audition de cette affaire s’est déroulée le 20 août 2003 devant le Conseil de section du Québec
(le « Conseil de section ») de l’Association conformément à l’article 11 du Statut 20 de
l’Association. En vertu de cet avis d’audition et des chefs d’infraction, l’intimé a été convoqué
pour répondre aux accusations suivant lesquelles l’intimé, étant à tout moment concerné un
représentant de plein exercice à l’emploi de RBC Dominion Securities inc. (« RBCDS »), une
société Membre de l’Association, a contrevenu aux Statuts, Règlements et Principes directeurs
de l’Association comme suit :
Infraction
« Le ou vers le 8 novembre 2000, l’intimé a acheté pour son compte personnel des options d’une
compagnie au sujet de laquelle il avait obtenu d’un client, un initié, des informations privilégiées
et non connues du public contrairement à l’article 1(ii) du Statut 29 de l’Association. »
Il convient de reproduire ici le résumé des faits allégués et sur lesquels l’Association avait
manifesté l’intention de se fonder au cours de l’audition, tel que ces faits sont relatés à l’avis
d’audition et des chefs d’infraction :
« 1.
le personnel (le « personnel ») de l’Association a procédé à une enquête concernant la
conduite de l’intimé. Cette enquête fut initiée suite à des allégations d’inconduites
contenues à l’avis uniforme de cessation d’emploi produit à l’Association et reçu en date
du 1er décembre 2000;
(i)
2.
L’intimé
À tout moment pertinent, l’intimé était un représentant de plein exercice à l’emploi de
RBCDS un membre de l’Association, et exerçait ses activités à la succursale de la Place
Ville Marie située à Montréal, au Québec.
-23.
L’intimé a débuté dans l’industrie le 15 décembre 1987 chez Dean Witter Reynolds,
comme représentant de plein exercice, où il a travaillé jusqu’au 19 mars 1990. À
compter du 19 juin 1990, il a travaillé comme représentant inscrit chez RBCDS où il est
demeuré à l’emploi jusqu’à son congédiement le 23 novembre 2000.
4.
L’intimé n’est plus inscrit dans l’industrie des valeurs mobilières.
(ii)
actes reprochés
Conduite inconvenante
5.
À tout moment pertinent, M.X. était un client de RBCDS dont le compte était sous la
responsabilité de l’intimé ainsi que de M.P., un autre représentant inscrit à l’emploi de
RBCDS.
6.
À tout moment pertinent, M.X. était un dirigeant d’une compagnie inscrite sur le Nasdaq
(ci-après la « Compagnie »).
7.
Le ou vers le 8 novembre 2000, à l’occasion d’une rencontre avec l’intimé et M.P., sous
le sceau de la confidentialité, M.X. leur a communiqué une information privilégiée non
connue du public à l’effet qu’une annonce publique serait faite sous peu concernant un
investissement majeur dans la Compagnie.
8.
Quelques minutes après la rencontre avec M.X., l’intimé a acheté pour son compte
personnel 100 options de la Compagnie au sujet de laquelle il avait reçu une information
privilégiée non connue du public qu’il connaissait comme telle.
9.
Une fois l’achat des options complétée, M.P. a mis l’intimé en garde d’utiliser aux fins de
transactions l’information privilégiée qu’ils avaient reçue et a averti leur supérieur qu’il
soupçonnait l’intimé d’avoir utilisé ladite information privilégiée non connue du public.
10.
En matinée le lendemain, le ou vers le 9 novembre 2000, M.P. a avisé l’intimé que leur
supérieur était au courant qu’il avait acheté 100 options sur la base de ladite information
privilégiée non connue du public.
11.
Quelques minutes plus tard, ce même jour, l’intimé a vendu les 100 options de la
Compagnie achetées la veille environ une heure avant une annonce publique d’un
investissement majeur dans la Compagnie qui confirmait l’information privilégiée non
connue du public dévoilée par M. X. à l’intimé et M.P. »
II.
Statut 29
Suivant le statut 29 de l’Association, « les membres ainsi que chaque associé, administrateur,
dirigeant, directeur des ventes, directeur, directeur adjoint ou codirecteur de succursale,
représentant inscrit, représentant en placement et employé d’un membre (i) sont tenus d’observer
des normes élevées d’éthique et de conduite professionnelle dans l’exercice de leur activité et (ii)
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-3ne doivent pas avoir de conduite ou de pratique commerciale inconvenante ou préjudiciable aux
intérêts du public et … » [les soulignés sont de nous]
Le Titre 20 des Statuts de l’Association prévoit aussi que si, de l’avis du Conseil de section,
l’intimé a eu une conduite ou à une pratique commerciale que le Conseil de section, à son gré,
juge inconvenante ou préjudiciable aux intérêts du public, n’a pas observé les dispositions de
tous Statuts, Règlements ou Principes directeurs, ou dispositions de toute loi fédérale ou
provinciale régissant la négociation de valeurs mobilières ou de marchandises ou les services de
conseil en la matière, ou de tout règlement ou toute instruction générale adoptée en vertu de ces
lois, le Conseil de section peut imposer l’une ou l’autre ou plusieurs des sanctions suivantes :
III.
(i)
un blâme;
(ii)
une amende n’excédant pas le plus élevé des montants suivants, à savoir :
(1)
un million de dollars (1 000 000 $) par infraction; ou
(2)
un montant égal à trois fois l’avantage pécuniaire réalisé par l’intimé suite
à la commission de l’infraction;
(iii)
la suspension de l’autorisation de l’intimé pour la période et aux conditions qu’il
stipule;
(iv)
la révocation de l’autorisation de l’intimé;
(v)
l’interdiction de l’autorisation de l’intimé à n’importe quel titre et pour quelque
période que ce soit;
(vi)
les conditions à l’autorisation ou de maintien de l’autorisation qu’il juge
appropriées.
L’audition
Le 20 août 2003, l’intimé a comparu devant le Conseil de section. Me Caroline Champagne,
procureure de l’Association, a immédiatement avisé le Conseil de section que l’intimé avait
communiqué avec elle le 19 août. L’intimé a fait parvenir à Me Champagne un courriel. Il y a
avisé Me Champagne qu’il avait décidé de plaider coupable aux chefs d’infraction reprochés.
Dans ce courriel, l’intimé confirme que dans la matinée du 8 novembre 2000, M.X. lui a, au
cours d’une rencontre, fait part d’une nouvelle information concernant une compagnie
américaine dont les actions sont transigées sur les marchés. En sortant de la rencontre, l’intimé a
spontanément ouvert une position de 100 contrats d’option (d’une valeur de 10 000 $ US). Plus
tard, au cours de la journée, l’intimé se serait demandé si cette information pouvait constituer
une information privilégiée. Après y avoir réfléchi et consulté des collègues, l’intimé a décidé
de fermer sa position, car il y avait en effet un risque d’apparence de délit d’initié. L’intimé
souligne dans son courriel le fait qu’il n’a aucunement profité de son geste irréfléchi, ni, dit-il,
lésé qui que ce soit.
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-4Au tout début de l’audition, l’intimé a lui-même confirmé de vive voix au Conseil de section
qu’il plaidait coupable. Comme il l’a dit aux membres du Conseil de section :
« Je plaide coupable aux faits reprochés sous le titre « Conduite
inconvenante » qui se rapportent à un geste que j’ai posé le matin
du 8 novembre 2000 qui est décrit ici dans l’avis d’audition. Je
tiens simplement à apporter quelques précisions mentionnées dans
la note explicative pour l’Accovam en peut-être précisant que,
pendant douze (12) ou treize (13) ans, j’ai servi l’industrie des
valeurs mobilières au mieux de mes capacités. J’ai eu bien du
succès dans le domaine. Je n’ai jamais eu de condamnation ou
quoi que ce soit.
Le matin du 8 novembre, aujourd’hui, je reconnais que mon geste
était une erreur, que j’aurais dû savoir que c’était de l’information
privilégiée, même si j’avais déjà transigé ce titre-là dans mon
compte personnel et pour certains clients. J’aurais dû reconnaître
immédiatement que c’était de l’information privilégiée. Je ne veux
pas blâmer qui que ce soit et je prends l’entière responsabilité du
geste non conforme que j’ai posé, que j’ai cherché sincèrement à
corriger et que j’ai corrigé le lendemain matin, après avoir eu les
représentations de certaines personnes qui m’ont fait comprendre,
à ce moment-là, que le geste … que les informations étaient de
nature privilégiée. À ce moment-là, je ne croyais sincèrement pas,
au moment où j’ai ouvert la position, je n’avais pas vu ça et je l’ai
vu plus tard. »
Malgré son courriel du 19 août et le plaidoyer de culpabilité enregistré au début de l’audition, le
Conseil de section a quand même manifesté le souhait d’entendre les témoins convoqués par
Me Champagne dans le but d’établir le contexte et les circonstances entourant les infractions
reprochées et les faits relatés dans l’avis d’audition et des chefs d’infraction.
Témoignage de Pierre Petit
Il convient de citer certains des faits relatés par le premier témoin à être entendu, M. Pierre Petit.
En novembre 2000, M. Petit était à l’emploi de RBCDS depuis le 1er novembre 1994. M. Petit
connaissant l’intimé depuis déjà un an et demi ou deux avant qu’il ne commence lui-même à
travailler pour RBCDS. M. Petit et l’intimé avaient des fonctions similaires chez RBCDS. Ils
avaient d’ailleurs le même superviseur, M. Paul Baltazar. M. Petit et l’intimé avaient un client
commun en la personne de M.X. M.X. était une personne en vue dans le monde des affaires et
était très respecté. Parmi les postes qu’il occupait en novembre 2000, M.X. était président du
conseil d’une compagnie américaine (ci-après appelée « CX »), dont les titres étaient inscrits à la
cote de la bourse Nasdaq. M. Petit et l’intimé travaillaient régulièrement ensemble sur le compte
de M.X. M. Petit, l’intimé et M.X. se rencontraient régulièrement, à chaque trimestre. Une telle
rencontre trimestrielle a eu lieu le 8 novembre 2000. Dans le cadre de la planification de ses
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-5affaires, M.X. a parlé à l’intimé et M. Petit de la possibilité d’acheter des obligations. Comme
M.X. n’avait pas toutes les liquidités nécessaires dans ses comptes, puisqu’il était
« complètement investi, » M. Petit s’est interrogé sur la provenance des espèces nécessaires au
paiement de ces obligations. C’est à ce moment-là que M.X. a parlé à M. Petit et à l’intimé
d’une forte position qu’il avait dans CX, position qui était sujette à bouger d’une façon
substantielle dans les minutes ou les heures à venir parce qu’il y avait deux (2) informations qui
devaient sortir incessamment. Ces informations, comme il s’est avéré par la suite, avaient trait à
un achat par une compagnie européenne d’un bloc important d’actions du capital de CX à un prix
supérieur auquel se transigeaient alors les actions de CX et à un contrat qui devait intervenir
entre CX et une société très importante de son secteur d’activité. M.X. aurait alors mentionné,
sans doute soucieux que l’information demeure confidentielle : « il n’y a pas d’oreille qui nous
écoute ». M. Petit mentionne qu’il a très bien compris que l’information qu’il venait de recevoir
était une information non publique et qu’il ne pouvait pas l’utiliser.
Dans une lettre datée de cinq (5) jours plus tard, soit le 13 novembre 2000, que M. Petit a
adressée à une personne de RBCDS responsable du respect de la réglementation, M. Petit décrit
ainsi certains gestes qu’il a posés suite à la rencontre entre M.X., l’intimé et lui-même ce matin
du 8 novembre 2000, rencontre qui aurait eu lieu dans le bureau de l’intimé :
« À mon retour au bureau, j’ai demandé à Audrey Kean d’effectuer
les deux commandes en demeurant auprès d’elle pendant qu’elle
procédait. Après, j’ai demandé à Charles Martin si il était
disponible pour le lunch. Il était entre 11h45 et 11h55.
Soudainement, je suis parti vers le bureau de Georges Métivier, un
doute m’ayant effleuré l’esprit. Après avoir ouvert la porte du
bureau de Georges : « J’espère que tu ne te serviras pas de
l’information que nous venons de recevoir », lui de me répondre :
« bien sûr pas pour le stock mais pour les options? ». « Georges, je
ne veux pas que tu mettes dans le trouble M.X. » Et sur ce je
quitte son bureau. Il était aux alentours de 12h00, car je me
souviens avoir demandé à Isabelle de vérifier si chez Guy et Dodo
il y avait de la place pour deux personnes. »
À son retour du lunch vers 14h15, 14h45, M. Petit serait allé voir M. Paul Baltazar au sujet d’un
autre dossier. M. Petit aurait alors mentionné à M. Baltazar le bref échange relaté ci-dessus qu’il
avait eu le matin même avec M. Métivier. Lors d’une brève rencontre le lendemain matin vers
9h00, entre l’intimé et M. Petit, l’intimé aurait dit à M. Petit : « J’espère que t’as gardé pour toi
ce qui s’est passé hier ». M. Petit de lui répondre : « Non, je l’ai communiqué à Paul Baltazar. »
L’intimé aurait alors rétorqué à M. Petit : « Bien, t’u n’es pas correct ». L’intimé aurait même
alors tenté de justifier sa conduite en disant qu’il ne s’agissait pas de sa part d’une transaction
d’initié, qu’il s’était servi des instruments auxquels il avait accès pour justifier l’achat des
100 options de CX. L’intimé aurait de nouveau plus tard tenté de justifier sa conduite auprès de
M. Petit. Craignant que la conduite de l’intimé ait des répercussions négatives pour M.X.,
répercussions qui puissent affecter sa réputation, M. Petit est retourné voir M. Baltazar qui lui
aurait dit que cette question n’était plus de ses affaires.
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-6Témoignage de Paul Baltazar
M. Baltazar travaille à la succursale de la Place Ville Marie depuis septembre 2000. Il est à
l’emploi de RBCDS depuis 1991. En novembre 2000, il était le directeur de la succursale où
oeuvrait M. Petit et l’intimé. M. Baltazar a relaté que le 8 novembre en après-midi, M. Petit est
allé le voir à son bureau. Il avait un dossier à traiter avec lui. Au cours de la conversation,
M. Petit aurait fait part de l’inquiétude qu’il avait suite à une rencontre qu’il avait eue dans
l’avant-midi avec l’intimé et M.X. Il avait un doute quant à l’utilisation potentielle
d’information qui avait été transmise par M.X. Suite à cette conversation entre lui et M. Petit,
M. Baltazar est allé vérifier sur l’ordinateur s’il y avait eu dans la journée, dans les transactions
effectuées par l’intimé, pas nécessairement dans son compte personnel, mais dans toutes les
transactions qui avaient été faites par l’intimé, s’il y avait eu quoi que ce soit en rapport avec la
compagnie CX. M. Baltazar a constaté qu’il y avait eu dans le compte de l’intimé des
transactions sur CX. Il s’agissait de l’achat de 100 actions du titre de CX. M. Baltazar aurait
alors dit à M. Petit qu’il ferait le suivi sur cette question. Il appert du témoignage de M. Baltazar
que l’intimé a réussi, le 8 novembre, à acheter pour son compte personnel, vingt (20) contrats
d’option de CX au prix de 15/16. Cet achat se serait effectué à 11h45. Par la suite, l’intimé a
modifié son ordre à 12h02. Il a modifié son ordre pour compléter la transaction au prix de 1 1/8.
En fin de compte, l’intimé a acheté vingt (20) contrats d’option à 15/16 et puis il en a acheté
quatre-vingt (80) à 1 1/8.
L’intimé aurait au cours d’une rencontre avec M. Baltazar le 9 novembre, vers 9h40, 9h45, tenté
de justifier son achat de ces contrats d’option en fonction d’une approche dite « momentum »
qu’il utilisait. Il s’agirait d’une méthode que l’intimé a développée qui combine analyse
fondamentale, technique et quantité. Le témoignage de M. Métivier laisse supposer que l’intimé
cherchait ainsi à justifier un acte que l’intimé considérait répréhensible.
Devant les versions des faits qui différaient, tels qu’ils étaient relatés par Messieurs Petit et
l’intimé, M. Baltazar prend la décision de communiquer avec M.X. pour avoir sa version des
faits. Une rencontre a eu lieu entre M. Baltazar et M.X. le 16 novembre 2000. M.X. aurait alors
dit à M. Baltazar que M.X. aurait clairement dit à M. Petit et à l’intimé, lors de la rencontre que
M.X.avait antérieurement eue avec M. Petit et l’intimé, que ces derniers devenaient des initiés en
recevant l’information concernant CX.
Témoignage de Georges Métivier
Interrogé à son tour, l’intimé a suggéré que M.X. a fourni l’information concernant CX lors de la
rencontre du 8 novembre au matin sans jamais mentionner d’aucune manière que cette
information faisait de M. Petit et de l’intimé des initiés. L’intimé suggère aussi que la démarche
de M. Petit auprès de M. Baltazar était motivée par le désir de M. Petit d’avoir pour lui seul le
compte de M.X. L’intimé mentionne d’ailleurs que ce serait l’intimé qui aurait dit à M. Petit
dans la matinée du 8 novembre : « Je vais transiger dans le titre CX … Qu’est-ce que t’en
penses? ». Ce ne serait donc pas, suivant l’intimé, M. Petit qui aurait pris l’initiative de mettre
en garde l’intimé d’effectuer des transactions sur les titres de CX suite aux propos de M.X.
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-7IV.
Représentations sur sanction
Les représentations de Me Champagne quant à la sanction à imposer ont été fondées
principalement sur la décision rendue par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario
dans l’affaire Donini1. Nous reviendrons plus tard sur cette affaire.
Également, Me Champagne a fait référence au Cours relatif au Manuel sur les normes de
conduite de l’Accovam. Ces normes font entre autre état de l’obligation de fiduciaire que
doivent respecter les représentants comme l’intimé :
« De plus, une relation de fiduciaire exige du conseiller en placement qu’il
fasse preuve de prudence, d’honnêteté et de bonne foi dans ses rapports
avec les clients et qu’il ne tire aucunement profit de la confiance que ces
derniers lui témoignent. »
On retrouve également dans ce manuel les grandes lignes du code de déontologie de la personne
inscrite :
« La personne inscrite doit exercer une prudence raisonnable et
faire preuve de discernement et d’impartialité. La personne
inscrite doit se comporter avec loyauté et intégrité et agir de
manière honnête et équitable dans tous ses rapports avec le public,
les clients, les employeurs et ses collègues.
La personne inscrite doit encourager les autres à exercer leurs
activités dans les valeurs mobilières d’une façon professionnelle.
La personne inscrite doit se conformer aux lois sur les valeurs
mobilières de la province où les provinces où elle est inscrite et
elle doit satisfaire à toutes les exigences des organismes
d’autoréglementation dont son employeur est membre.
La
personne inscrite doit garder confidentiels tous les renseignements
obtenus du client.
Si une personne inscrite obtient des renseignements pertinents qui
ne sont pas publics, elle ne doit pas communiquer ces
renseignements à quiconque et elle ne doit pas non plus y donner
suite.
Les employés qui travaillent dans les services de
négociation, du financement des sociétés et de la recherche d’une
firme, doivent être conscients de la nécessité de protéger les
renseignements confidentiels et importants qui ne sont pas publics
et qu’ils reçoivent dans le cours normal de leurs activités.
1
Re : Donini, 2003 Carswell 3445; 2003 WL 22100433 (Ont. Div. Ct.)
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-8Les initiés sont des personnes qui sont en position d’obtenir au
sujet d’une société des renseignements auxquels le public n’a pas
accès et qui, au moment d’acheter ou de vendre des titres de la
société, disposeront alors d’un avantage indu sur l’ensemble du
public investisseur. Par conséquent, la réglementation des valeurs
mobilières interdit aux initiés de se servir d’information privilégiée
pour leurs propres opérations de placement. Ce règlement vise
également les personnes qui reçoivent des tuyaux, soit de
l’information confidentielle avant qu’elle ne soit rendue publique.
Est considérée comme information privilégiée toute information
importante non diffusée au sujet des titres d’un émetteur. Par
information importante, on entend toute information dont on peut
attendre que sa transmission pourrait avoir un effet sur le cours des
titres de la société. Par non diffusée, on entend que l’information
n’a pas été rendue publique. » [les soulignés sont de nous]
Me Champagne a recommandé au Conseil de section des sanctions extrêmement sévères pour
l’intimé compte tenu de l’importance de l’infraction à laquelle il a plaidé coupable, à savoir :
I.
une suspension temporaire de l’autorisation de 7 à 10 ans, s’appliquant rétroactivement à
compter du congédiement de l’intimé, le 23 novembre 2000;
II.
comme condition du rétablissement de l’autorisation, que l’intimé suive et réussisse le
Cours relatif au Manuel sur les normes de conduite;
III.
une amende d’au moins 25 000 $;
IV.
le remboursement des frais d’enquête de 15 000 $; et
V.
une période de supervision stricte de 12 à 24 mois.
Dans la décision Donini, dont il est question ci-dessus, la Commission des valeurs mobilières de
l’Ontario a ordonné une suspension de quinze (15) ans. Il paraît pertinent de citer l’extrait
suivant de la décision rendue par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario :
« Counsel for staff submitted that the circumstances of this case
permit the Commission to set the precedent for future cases that
may come before the Commission and the precedent which will
send a clear and unambiguous signal to the public of the
Commission’s strong denunciation of the conduct engaged by
Donini. She suggested it was imperative that the sanctions
adequately serve as a general deterrent for those who may
contemplate engaging an illegal insider trading. She stated that our
capital markets, and the public who invest in them, must depend on
those in a position of trust, such as registrants, holding, senior
positions in a firm, performing their duties in good faith, with
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-9honesty and integrity. It is the responsibility of the Commission,
she argued, to make it clear that the consequences will be serious
for those who chose to depart from the standard. We agree with
these submissions. »
Suivant Me Champagne, la décision que le Conseil de section rendra dans la présente affaire doit
servir d’exemple pour que toute personne qui serait tentée de commettre un acte similaire à celui
qu’a avoué l’intimé sache, et que le public aussi sache, que l’Accovam est préoccupée par ce
genre de conduite et le réprimandera très sévèrement.
V.
Analyse
Plaidoyer de culpabilité
Aucune question ne se pose quant à la culpabilité de l’intimé en rapport avec les infractions
reprochées dans la présente affaire. Dès le début, l’intimé a reconnu que son geste était une
erreur, qu’il aurait dû savoir que l’information qui lui avait été transmise par M.X. au cours de
cette réunion du 8 novembre 2000 constituait de l’information privilégiée et qu’il aurait dû
reconnaître immédiatement que c’était de l’information privilégiée. Il prend l’entière
responsabilité du geste non conforme qu’il a posé, geste qu’il a cherché à corriger. Rien ne
suggère que l’intimé ait pu enregistrer son plaidoyer de culpabilité autrement qu’en pleine
connaissance de cause.
Statut applicable
Il est reproché à l’intimé d’avoir contrevenu au paragraphe (ii) de l’article 1 du Statut 29 de
l’Accovam. Rappelons que l’article 1 du Statut 29 de l’Accovam se lit comme suit :
« 1.
Les membres ainsi que chaque associé, administrateur,
dirigeant, directeur des ventes, directeur, directeur adjoint ou codirecteur de succursale, représentant inscrit, représentant en
placement et employé d’un membre (i) sont tenus d’observer des
normes élevées d’étique et de conduite professionnelle dans
l’exercice de leurs activités, (ii) ne doivent pas avoir de conduite
ou de pratique commerciale inconvenante ou préjudiciable aux
intérêts du public et (iii) doivent avoir le caractère, la réputation,
l’expérience et la formation qui correspondent aux normes
mentionnées aux points (i) et (ii) qui précèdent ou que le conseil
d’administration peut prescrire… »
Quant aux pouvoirs du Conseil de section dans une matière disciplinaire comme celle-ci,
rappelons qu’on les retrouve à l’article 10 du Statut 20 : Le Conseil de section compétent peut :
« (a) imposer à un représentant inscrit, un représentant en
placement, un directeur des ventes, un directeur adjoint ou
codirecteur de succursale, un associé, un administrateur ou un
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- 10 dirigeant d’un membre ou à toute autre personne relevant de la
compétence de l’Association, l’une ou plusieurs des sanctions
suivantes :
(i)
un blâme;
(ii)
une amende n’excédant pas le plus élevé des montants
suivants, à savoir :
(iii)
1 000 000 $ par infraction; ou
(iv)
un montant égal à trois fois le gain pécuniaire qu’a réalisé
ladite personne par suite de l’infraction;
(v)
la suspension de l’autorisation de cette personne pour la
période et aux conditions qu’il stipule;
(vi)
la révocation de l’autorisation de cette personne;
(vii)
l’interdiction de l’autorisation de cette personne à
n’importe quel titre et pour quelque période que ce soit;
(viii)
l’imposition de conditions à l’autorisation ou au maintien
de l’autorisation qu’il juge appropriées;
si, de l’avis du Conseil de section, cette personne :
(i)
n’a pas observé les dispositions de toutes lois fédérales ou
provinciales régissant la négociation de valeurs mobilières
ou de marchandises ou les services de conseils en la
matière, ou de tout règlement ou instruction générale
adopté en vertu de ces lois;
(ii)
n’a pas observé les dispositions des Statuts, Règlements,
Ordonnances ou Principes Directeurs de l’Association;
(iii)
a eu une conduite ou une pratique commerciale que ledit
Conseil, à son gré, juge inconvenante ou préjudiciable aux
intérêts du public; ou
(iv)
n’a pas les qualités requises en matière d’intégrité, de
solvabilité, de formation ou d’expérience. »
Lignes directrices sur les sanctions disciplinaires
L’Accovam a publié des « Lignes directrices sur les sanctions disciplinaires ». Ces lignes
directrices concernant des sanctions à imposer pour des infractions déterminées peuvent servir de
guide au Conseil de section qui peut les prendre en considération pour déterminer la sanction à
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- 11 infliger dans le cadre d’une procédure disciplinaire introduite en vertu du Statut 20. Il est utile
de reproduire certaines parties de l’introduction de ces lignes directrices :
« Le secteur des valeurs mobilières est fondé sur la confiance. À
titre d’organisme d’autoréglementation national du Secteur,
l’Association réglemente les activités de ses sociétés membres et
des personnes autorisées employées par les sociétés membres en ce
qui concerne la suffisance du capital et l’exercice de l’activité.
Pour être admise comme société membre, une organisation doit
respecter des exigences de capital strictes et démontrer ses
capacités et sa volonté d’exercer son activité d’une manière
conforme à la Loi ou aux lois sur les valeurs mobilières de la
province ou des provinces où elle est inscrite et d’adhérer aux
Statuts, aux Règlements, aux Principes directeurs et aux
Ordonnances de l’Association. Les personnes autorisées ont des
responsabilités analogues et doivent avant tout se conduire avec
droiture et intégrité et agir avec honnêteté et loyauté dans leurs
relations avec le public, leurs clients et la profession dans son
ensemble. »
Comme il est mentionné ci-dessus, le Conseil de section n’est pas tenu de suivre ces lignes
directrices. Le Conseil est libre ou non de les prendre en considération pour déterminer la
sanction à infliger. Cependant, dans l’affaire Milesky2, le Conseil de section de l’Ontario a jugé
raisonnable de traiter ces lignes directrices comme des indications des attentes de la profession et
comme pertinentes à la détermination des sanctions, bien qu’elles ne soient ni exhaustives ni
déterminantes. Le Conseil de section partage l’avis dudit Conseil de section de l’Ontario dans
l’affaire Milesky.
Les lignes directrices contiennent des principes et règles qui sont proposés en vue de fournir un
cadre pour l’appréciation de la gravité d’une contravention particulière aux Statuts, Règlements,
Ordonnances et Principes directeurs de l’Association et en vue d’aider à déterminer les sanctions
raisonnables dans les circonstances.
Les principales préoccupations du Conseil de section, en ce qui concerne la détermination de la
sanction appropriée, devraient être les suivantes :
2
(i)
la protection du public investisseur;
(ii)
la protection de la qualité de membres de l’Association canadienne des courtiers
en valeurs mobilières;
(iii)
la protection de l’intégrité de la procédure de l’Association canadienne des
courtiers en valeurs mobilières;
[1999] i.d.a.c.d. No. 17.
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- 12 (iv)
la protection de l’intégrité des marchés de valeurs mobilières;
(v)
la prévention de la répétition de conduite du type de celle qui est examinée.
Les sanctions doivent être fonction des circonstances de la faute particulière commise par
l’intimé, avec un objectif de dissuasion général.
Comme il est mentionné ci-dessus, le Conseil de section dans la présente affaire souscrit à ces
principes et croit que les sanctions doivent être fonction des circonstances de la faute particulière
commise par l’intimé, avec un objectif de dissuasion général. Il faut toutefois faire attention et
conserver un juste équilibre entre la faute reprochée et les attentes à l’égard de la profession. Le
présent Conseil de section souscrit aux observations faites par celui de l’Ontario dans l’affaire
Mills3 :
« [TRADUCTION]
Les attentes et les conceptions de la
profession sont particulièrement pertinentes par rapport à la
dissuasion. Si une sanction est inférieure à ce que feraient attendre
à ses membres les conceptions de la profession, cela peut nuire aux
objectifs visés par la procédure disciplinaire de l’Association; de
même, des sanctions excessives peuvent réduire le respect à
l’égard de la procédure et, du coût, diminuer son effet dissuasif.
Donc, dans une audience sur la sanction, le Conseil de section a
pour mission de déterminer une sanction appropriée par rapport à
la conduite en cause et à l’intimé, pénétré de l’idée que le but
premier est la prévention plutôt que le châtiment. » [les soulignés
sont de nous]
Les considérations clés dans la détermination des sanctions comprennent le préjudice causé au
client, à l’employeur et au marché des valeurs mobilières, la répréhensibilité, c’est-à-dire y a-t-il
eu conduite non intentionnelle ou négligence ou conduite comportant des éléments de
manipulation, de fraude ou de tromperie, le degré de participation, le degré auquel l’intimé a tiré
un profit de la faute, le dossier disciplinaire antérieur et l’acceptation par l’intimé de sa
responsabilité, sa reconnaissance de la faute et ses remords, la prise en compte de la coopération,
les efforts volontaires de réhabilitation, la confiance accordée à l’expertise d’autres personnes, la
planification et l’organisation, la faute commise à plusieurs reprises sur une période longue, la
vulnérabilité de la victime, la non coopération à l’enquête de l’Association et la perte financière
significative du client ou de la société membre.
VI.
Détermination de la sentence
Suspension.
L’audition de cette affaire a eu lieu le 20 août 2003. Le Conseil de section est soucieux
d’envoyer à l’industrie le bon message dans les circonstances, un message qui tient compte de la
3
[2001] i.d.a.c.d. No. 7é
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- 13 conjoncture, de la crise de confiance qui sévit dans l’industrie en raison d’agissements
répréhensibles commis sur tout le territoire nord-américain. Le Conseil de section s’est
longuement interrogé en particulier sur la question de la suspension de l’intimé. Dans ses lignes
directrices, l’Accovam suggère la suspension temporaire des privilèges de la personne inscrite à
titre de membre dans les cas suivants :
-
il y a eu de nombreuses contraventions graves;
il y a un schéma de conduite fautive;
l’intimé a des antécédents disciplinaires;
la faute comporte les agissements criminels ou quasi-criminels;
la faute a causé un certain préjudice à l’intégrité de la profession dans son ensemble.
Par ailleurs, la révocation permanente de l’inscription est réservée aux cas dans lesquels :
-
le public a fait l’objet d’un abus;
il est clair que les agissements de l’intimé indiquent qu’il est ingouvernable;
la faute comporte des agissements criminels ou quasi-criminels;
il y a des motifs de croire qu’on ne peut avoir confiance que l’intimé agira avec honnêteté et
loyauté dans ses relations avec le public, les clients et la profession dans son ensemble.
Dans l’affaire Donini, affaire que la procureure de l’Accovam a cité à maintes reprises et sur
laquelle elle dit fonder essentiellement ses recommandations, M. Donini a été initialement
condamné à une suspension de 15 ans, suspension qui, à toutes fins pratiques, compte tenu de
son âge, l’écartait de la profession de façon permanente.
Entre le moment de l’audition et celui de la rédaction de la présente décision, la Cour Supérieure
de Justice de l’Ontario a elle-même rendu sa décision relativement à l’appel qu’avait logé Donini
de la décision de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario. Différents motifs ont été
invoqués par la Cour Supérieure de l’Ontario pour réduire la sanction qui avait été imposée à
Donini par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario. Ces motifs ne trouvent pas
application dans la présente affaire. Nous en citons quelques uns ci-dessous pour qu’il soit clair
que nous ne devrions pas être influencé par la Décision de la Cour Supérieure de l’Ontario dans
Donini dans l’établissement de la sentence de l’intimé.
« There were a number of factors involving the penalty imposed on
Donini, which have caused us to examine it particularly carefully.
The first factor is that one member of three person panel, while
agreeing with the summary of the evidence made by the chairman,
did not feel that Donini was guilty of insider trading, but felt that
he should not have traded until he checked whether the information
he had about the planned warrant issue was indeed material. His
failure to do so was, in his view, against the public interest. This
does suggest that to one member, at least, the offence committed
by Donini was less reprehensible than many and not deserving of a
suspension for such an extended period of time.
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- 14 A second factor is the comment made by the chairman of the panel
and his Reasons following the liability hearing, but before the
penalty hearing was convened. Speaking about Donini, he said
« he has been unrepentant and unwilling to acknowledge that his
conduct was not becoming a registrant and contrary to the public
interest ». In our view, any person charged with a crime in the
criminal courts or an offense before a tribunal, which has the
power to impose penalties, is entitled to deny his guilt and call
upon the prosecution to establish it. Criminal courts have all
always recognized, when imposing a sentence, that consideration
should be given to an accused who pleads guilty and expresses
remorse. The reverse of this situation, however, is not appropriate.
An accused not pleading guilty is not and should not be subject to
increased penalty simply because he has chosen to defend himself.
… Given Donini’s present age, he, in reality, faces a lifetime ban
from participating in the investment business. We have of the
view that this is wrong in principle. Whether a person charged by
the OSC settles or requires the hearing to take place, such person
should be treated in an even manner. Donini was entitled to
defend himself.
In our view, there is a non reasonable disparity between the
suspension meted out to Paterson by way of settlement and that
meted out to Donini, notwithstanding that Donini did not make or
was unable to make any sort of « voluntary payment » of the sort
made by Paterson. As indicated earlier, we are conscious of the
obligation of this Court to yield curial deference to the findings of
an administrative tribunal, which has an acknowledged special
expertise. This is particularly so where in addition it has a
disciplinary function. This does not mean, however, that the court
must accept whatever the tribunal concludes. It ought not to
disturb the penalty imposed and substitute its judgment for that of
the panel unless there is an error in principle or as Robin’s J.A.
said in Takahashi vs. College of Physicians and Sergeants (1979),
26o.r. (2nd) 353 (div.ct.): unless the punishment clearly does not fit
the crime so to speak.
While recognizing that the OSC is not bound strictly to follow its
own precedents, we are of the view that its penalty decisions
should generally adhere to some recognizable pattern. We adopt
the view expressed by Braidwood J.A. in the British Columbia
Court of Appeal case of Cartaway Resources Corp. (R.E.) [2002]
b.c.j. 2115 (c.a.) at paragraphs 93 and 94 :
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- 15 … counsel for Hartvikson submits that this creates a sense that
Hartvikson received a greater punishment because he chosed to
contest his innocence in a hearing.
Certainly, it is not appropriate that access to the Commission
threaten to heighten a potential penalty so radically. While the
Commission may not be bound by all the technical rules of stare
decisis to the same extent as the courts, I am in agreement with
Counsel for Hartvikson that fairness requires that it generally
follow its past decisions in order to avoid the appearance of
arbitrariness… »
La suspension s’appliquant à Donini a été réduite à quatre ans par la Cour Supérieure de
l’Ontario.
Le Conseil de section dans la présente affaire, comme mentionné ci-dessus, s’est longuement
interrogé sur la sanction à imposer à l’intimé dans les circonstances et en particulier sur la durée
de toute suspension, le cas échéant, qui devrait s’appliquer à l’intimé. Le Conseil de section a
été particulièrement soucieux de trouver un équilibre entre la gravité des gestes reprochés,
compte tenu de la conjoncture et de toutes les circonstances, les buts recherchés par l’imposition
d’une telle sanction et son devoir d’être juste, tant à l’égard du public, que de l’industrie et de
l’intimé. Le Conseil de section souscrit aux raisons invoquées par la procureure de l’Accovam,
elle-même inspirée par l’affaire Donini en première instance, devant la Commission des valeurs
mobilières de l’Ontario. Les raisons pour lesquelles la suspension s’appliquant à Donini a été
réduite par la Cour supérieure de l’Ontario ne sont pas applicables à l’intimé dans la présente
affaire. Le Conseil de section croit qu’il doit plutôt s’inspirer des motifs invoqués par la
Commission des valeurs mobilières de l’Ontario en première instance plutôt que ceux invoqués
par la Cour Supérieure de l’Ontario en appel.
Le Conseil de section, compte tenu de :
-
la gravité des gestes posés par l’intimé;
-
l’expérience de l’intimé dans le domaine des valeurs mobilières et du succès qu’il a eu dans
l’exercice de sa profession;
-
du devoir que l’intimé avait, tant vis-à-vis du public en général que de l’industrie dans
laquelle il oeuvrait ainsi qu’envers son client, M.X.;
-
des obligations fiduciaires que l’intimé avait à l’égard de M.X.;
-
du risque qu’il a fait encourir à M.X. si jamais le défaut de l’intimé de respecter le caractère
confidentiel de l’information qui lui avait été confiée par M.X. avait été dévoilé dans le
public en général;
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- 16 en vient à la conclusion qu’une suspension de dix ans rétroactive au congédiement de l’intimé à
partir du 23 novembre 2000 est appropriée dans les circonstances. Le Conseil de section a
sérieusement considéré la possibilité d’imposer à l’intimé une radiation permanente de
l’Association. Le Conseil de section a conclu en fin de compte qu’une radiation permanente de
l’Association n’était pas justifiée dans les circonstances, compte tenu des critères élaborés dans
les lignes directrices et du fait qu’une telle sanction pourrait être considérée excessive et réduire
le respect à l’égard de la procédure et diminuer son effet dissuasif, tel qu’observé dans l’affaire
Mills mentionnée ci-dessus.
Dans Donini, en première instance, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario cite les
extraits suivants de l’affaire Woods 4que nous reprenons à notre compte :
« The prohibition on « Insider Trading », i.e.trading in securities of
a reporting issuer with the knowledge of a material fact or material
change with respect to the reporting issuer which has not generally
been disclosed, is a significant component of the scheme of
investor protection and of the fostering of fair and efficient capital
markets and confidence in them, that are the cornerstones of the
Act. It would be grossly unfair to permit a person who obtains
undisclosed material information with respect to a reporting issuer
because of his relationship with the issuer to trade with the
informational advantage this gives him or her. To quote the
striking analogy used by Farley J.:
“It is not just a question of the house in a casino
situation moving the odds in a card game or the
dealer counting cards, it is akin to the dealer being
able to play with marked cards.”
As Farley J. went on to say:
“when one actually trades with the benefit of inside
information, then the seller is not an innocent and
lucky winner. Rather the insider trader is a
rapacious thief.”
As well, such activity, if counternanced, would detract from the
credibility of our capital markets and lead to the undermining of
investor confidence in those markets. In addition, the prohibition
encourages timely disclosure of material changes, enabling
investors to make better informed investment decisions.
Accordingly, an intentional violation of the prohibition is, and
must be regarded by the Commission as being, a very serious
matter. It is not for us to punish the offence, the courts have
4
In Re : Woods (1995), 18 O.S.C.B. 4625
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- 17 already done that. Having found that Woods was guilty of insider
trading, what we now are obliged to consider is whether, and if so
to what extent, the public interest requires us to intervene to protect
the marketplace, and investors in it, from future improper or illegal
activities by Woods. »
Le Conseil de section croit utile de noter qu’à son avis l’intimé savait dès le moment où il l’a
reçue que l’information qui lui a été transmise par M.X. était une information privilégiée.
L’intimé a avoué qu’il s’agissait là d’information qu’il aurait dû reconnaître comme étant
privilégiée. Il savait que ces agissements étaient interdits et avait l’intention d’exploiter
l’information privilégiée à son avantage. Il est vrai que l’intimé a par ailleurs cherché à corriger
sa faute mais il l’a fait, selon la preuve, après les mises en garde qui lui ont été faites. Les
raisons pour lesquelles le Conseil de section a décidé de ne pas imposer de radiation permanente
sont que l’intimé n’a commis qu’une seule faute, ne l’aurait pas véritablement planifié et n’en a
tiré aucun profit. De plus, l’intimé s’est reconnu coupable de la faute reprochée. Il a collaboré à
l’enquête et il n’a aucun antécédent disciplinaire. L’intimé semble éprouver des remords. Tous
ces facteurs ont contribué à ce que le Conseil de section en vienne à la conclusion qu’une
suspension de dix ans était plus appropriée qu’une suspension permanente.
Le Conseil de section veut aussi noter son désaccord avec la position adoptée par l’intimé à
l’effet que son geste n’aurait lésé personne. Il est même très surprenant que quelqu’un
d’expérience comme l’intimé ait adopté une telle position. Même si elles ne sont pas
nécessairement connues, il est clair que des gestes comme ceux qu’a posés l’intimé font des
victimes réelles, sans parler des torts créés à l’industrie et aux marchés. Les propos de la
Commission des valeurs mobilières de l’Ontario dans l’affaire Woods, tels qu’ils sont rapportés
ci-dessus, sont éloquents à cet égard.
Aussi, le Conseil de section s’en voudrait de ne pas mentionner sa vive préoccupation à l’égard
des risques que l’intimé a fait courir à M.X. en utilisant illégalement l’information qui lui avait
été communiquée en toute confiance par M.X., un de ses clients de longue date. Les gestes
posés par l’intimé constituent un manquement grave à son devoir de fiduciaire envers M.X. et le
Conseil de section, en rendant sa décision, a été grandement influencé par ce qui semble avoir été
une complète insouciance de l’intimé à l’égard de tels risques qu’il faisait encourir à un de ses
clients.
En concluant qu’une sentence rétroactive de dix ans est applicable et convenable dans les
circonstances, le Conseil de section réalise que compte tenu de l’âge de l’intimé, il est possible
que celui-ci n’œuvre plus jamais dans le domaine des valeurs mobilières. Malgré ce fait, le
Conseil croit que cette sanction est celle qui est appropriée dans les circonstances.
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- 18 Le Conseil en arrive également à la conclusion qu’une amende de 25 000 $ devrait être imposée
à l’intimé, que l’intimé ne devrait pas être autorisé à exercer sa profession de représentant dans le
domaine des valeurs mobilières à moins d’avoir suivi et réussi le Cours relatif au Manuel sur les
normes de conduite, que l’intimé devrait être assujetti à une supervision stricte de 24 mois
advenant qu’il retrouve son autorisation et que l’intimé soit enfin condamné à payer les frais
d’enquête de 15 000 $.
Signé à Montréal ce 18 décembre 2003.
(S) Michel Brunet
MICHEL BRUNET
(S) Jean Elie
JEAN ELIE
(S) Jacques Lemay
JACQUES LEMAY
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