Ecotourisme en Equateur
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Ecotourisme en Equateur
T hh ee m T m aa Ethnotourisme Ecotourisme en Equateur L’Equateur est l’un des pays ayant la plus grande densité de richesses naturelles et culturelles au monde. Pour Pascal Languillon, l’écotourisme s’y développe rapidement, avec des répercussions pouvant être très positives sur la protection de l’environnement et les communautés “ ©Patrick Bernard L’écotourisme joue un rôle prépondérant dans la protection de l’environnement et le développement socio-économique des populations locales en Equateur.” Cette phrase, lâchée avec certitude par le directeur de l’Association Equatorienne d’Ecotourisme1 (ASEC), Diego Andrade, résume bien l’importance des enjeux soulevés dans ce pays par cette nouvelle forme de tourisme. Contrée aux patrimoines naturels et culturels remarquables, l’Equateur souffre malheureusement d’inégalités sociales criantes et d’une dégradation inquiétante de Chasseur Huaorani Notes : 1 www.ecoturismo.org.ec 2 Amazon Watch Voir à ce propos le thema Autochtones contre pétrole en Equateur, in Ikewan n° 56 3 www.ricancie.nativeweb.org son environnement. Cette détérioration progressive du pays est en grande partie imputable au pillage incessant de ses ressources par les multinationales du bois et du pétrole, principalement en Amazonie. Pour inverser la tendance, une poignée de visionnaires a commencé à développer des projets d’écotourisme au début des années 1990 dans le but de montrer que l’on peut tirer des revenus de la nature autrement que par son exploitation. Ces initiatives ont pour la plupart été de francs succès, et on peut maintenant affirmer qu’on trouve en Equateur parmi les meilleurs exemples au monde d’écolodges et de projets de tourisme communautaire. Malheureusement, profitant de cette image vendeuse, des dizaines d’agences utilisent maintenant le terme “écotourisme” dans leur promotion sans en respecter les principes. Le pays de la diversité De la mer à la forêt en passant par la Sierra, il y en a pour tous les goûts. Petit pays confiné entre le Pérou et la Colombie, l’Equateur n’a pas la renommée internationale de ses illustres voisins. Pourtant, avec son trio “Côte, Sierra et Amazonie”, la partie continentale du pays constitue l’un des trésors cachés d’Amérique du Sud. Sur un territoire presque deux fois plus petit que celui de la France, on peut se glisIKEWAN n°60 • avril - mai - juin 2006 18 ser en une journée de l’Océan Pacifique à la jungle tropicale en passant par les flancs de volcans aux neiges éternelles, faisant de cette terre un paradis de contrastes naturels. Le pays se positionne comme l’un des hauts lieux de la biodiversité à l’échelle de la planète. La diversité de l'Equateur se reflète également chez ses habitants, dont les coutumes se sont constituées en fonction de leur milieu géographique immédiat. Sur les 13 millions et demi d’habitants, plus de 40% sont des indigènes qui conservent une culture très marquée. On trouve principalement des Quechuas dans la Sierra et l’Amazonie est peuplée entre autres par des tribus Shuar, Huorani, Achuar, etc. Selon Diego Andrade, les autorités doivent jouer la carte de l’écotourisme si elles veulent augmenter les revenus générés par le tourisme. Mais de très nombreuses agences et hôtels utilisent actuellement le préfixe “éco” dans leur promotion pour s’attirer un plus grand nombre de clients, sans pour autant respecter les principes du développement durable, à tel point que certains observateurs considèrent que le terme est aujourd’hui dénué de sens. Afin de clarifier la situation, l’ASEC a récemment lancé un programme de certification qui consiste à labelliser les tour opérateurs et écolodges en tant qu’ “entreprises d’écotourisme”, suite à la vérification du respect de certaines “normes d’écotourisme”. Ces standards minimaux à respecter incluent la qualité des services proposés, la maîtrise des impacts sociaux et environnementaux, le traitement des déchets, la petite taille des groupes de visiteurs, le respect des cultures locales, et une promotion qui correspond à la réalité du lieu visité. Diego Andrade conclut : “Si on peut prouver au gouvernement que sur le long terme l’écotourisme va ramener plus de devises au pays que le pétrole, alors nous pourrons espérer arrêter la destruction de notre patrimoine naturel. Je suis déjà témoin d’un changement au niveau des mentalités dans les hautes sphères administratives, et j’ai bon espoir que notre stratégie d’écotourisme portera ses fruits d’ici à la fin de la décennie.” Ecotourisme communautaire en Amazonie La frénésie pour estampiller chaque opération touristique en Equateur d’“écotourisme” n’a malheureusement pas épargné la forêt amazonienne. Des dizaines d’agences à Quito proposent des pseudo “écotours” en forêt qui n’ont pas grand chose d’écologiques, et qui exploitent les populations indiennes plutôt qu’elles ne les aident. Cette surabondance d’offre brouille les pistes du touriste potentiel, qui a bien du mal à faire le tri entre bon et mauvais “écotour”. Une solution s’offre alors à lui: tourner le dos aux agences classiques et choisir de s’embarquer dans Ethnotourisme une aventure de tourisme communautaire, où les bénéfices restent au sein des populations réceptrices, leur permettant ainsi de poursuivre leur vie traditionnelle dans la forêt. Il y a peu d’endroits dans le monde où le choix du voyageur a une telle influence sur le futur de la forêt tropicale. En effet, l’Equateur, qui possède l’un des bouts de forêt les plus riches en biodiversité de la planète, est aussi un pays qui saccage sa forêt sans discernement. Les chiffres ont de quoi faire frémir, quand on sait que l’industrie pétrolière est responsable de la contamination de plus d’un million d’hectares de forêt tropicale en Equateur et de l’empoisonnement lent de plus de 30.000 indigènes2, et que cette destruction massive est aujourd’hui activement soutenue par un gouvernement où la corruption est omniprésente. Choisir d’aller voir la forêt, c’est donc aider à la préserver, en donnant les moyens financiers aux communautés qui y vivent de la défendre. Un des meilleurs exemples de tourisme communautaire en Equateur est fourni par l’agence RICANCIE3. C’est un projet initié et totalement géré par des indiens Quechuas, qui habitent dans la forêt primaire peu profonde en bordure de la ville de Tena. L’agence propose depuis une quinzaine d’années des tours en forêt aux seins de neuf communautés différentes, en permettant au touriste de choisir l’orientation qu’il veut donner à son séjour. Le programme “aventure” combine des marches en forêt à des descentes en pirogue, alors que le programme “culture” permet au visiteur de participer aux activités quotidiennes d’une famille. Le programme “santé” se focalise sur l’usage des plantes médicinales et propose la rencontre avec un chamane. La durée d’un séjour varie entre un et dix jours selon les inclinaisons personnelles des touristes. Au total, plus de 200 familles sont impliquées dans ce projet, et se partagent les bénéfices, ce qui leur permet de complémenter leurs activités agricoles. Ce programme a reçu presque dix mille touristes sur douze ans, permettant la construction d’une école et la préservation d’au moins quarante mille hectares de forêt. Grâce à lui, les jeunes restent dans leurs villages au lieu de partir chercher du travail en ville. Malgré ce franc succès, la situation reste actuellement tendue car une entreprise d’extraction pétrolière française souhaite commencer des opérations dans cette zone, ce qui a provoqué des manifestations importantes à Tena. Sans ce projet d’écotourisme communautaire, la résistance n’aurait pas fait long feu, car les populations auraient accepté l’argent de la compagnie pétrolière sans trop rechigner. Le succès de RICANCIE a inspiré d’autres communautés à faire de même. Les projets d’écotourisme communautaire se mettent à foisonner en Amazonie. Malheureusement, les responsables n’ont pas toujours la formation et la connaissance du marché nécessaire, et de nombreux projets tombent vite dans l’oubli. Il est donc important d’accompagner la mise en place de tels projets au sein des communautés amazoniennes, et d’éduquer le touriste à faire le choix de la solidarité et de la préservation de l’environnement. Pascal Languillon [email protected] E n t re t i e n a v e c R o d r i g o F l o re s , président de la FEPTCE EM : Qu’est ce que le tourisme communautaire ? Le tourisme communautaire est une activité économique solidaire qui met en relation une communauté autochtone avec des visiteurs dans une perspective interculturelle, avec la participation consentante de ses membres. Le but est de valoriser le patrimoine culturel et de gérer durablement les ressources naturelles, avec une redistribution équitable des bénéfices. Nous préférons utiliser ce terme plutôt qu’ “écotourisme” car ce dernier a été trop galvaudé dans notre pays. EM : Qu’est ce que la FEPTCE ? C’est une association à but non lucratif fondée en 2002 qui s’occupe de promouvoir et de fortifier le développement du tourisme communautaire en Equateur, en le positionnant clairement sur le marché touristique national. Nous établissons des codes de conduites, nous assurons des formations pour préparer les communautés au tourisme, et nous nous assurons d’améliorer la qualité des tours existants. ©Patrick Bernard T hh ee m T m aa Le tourisme communautaire, solution aux désastres humain et environnemental de l’exploitation pétrolière? EM : Qu’avez vous appris des expériences passées du tourisme communautaire en Equateur ? Beaucoup de communautés ont fait l’erreur de ne montrer qu’une partie folklorique de leurs cultures. Nous avons également appris que les communautés ne doivent pas se lancer tête baissée dans l’aventure du tourisme, mais doivent chercher à créer des alliances et surtout à savoir s’il existe un marché potentiel pour leurs activités. Trop de communautés ont construit des hébergements et investi beaucoup d’argent sans savoir comment faire leur promotion, ce qui a mené à l’échec de nombreux projets mal montés. Cependant, nous avons vu que ce type de tourisme apporte une solution viable pour de nombreuses communautés, et qu’il participe activement à l’éducation à l’environnement de leurs membres et au ralentissement de la déforestation. EM : Comment envisagez-vous le futur du tourisme communautaire en Equateur ? Nous pensons que de plus en plus de touristes vont vouloir visiter nos communautés. Nous devons nous préparer à offrir un service de qualité et à faire en sorte que nos activités soient durables. Il y a un travail énorme à faire sur l’image et la promotion de ce secteur du tourisme, tant ici qu’au niveau des marchés émetteurs, qui se situent principalement en Europe. Seuls 4% des touristes venant dans notre pays s’adonnent à ce type de tourisme. Nous espérons doubler ce chiffre dans les prochaines années. Cependant, nous devons garder à l’esprit que le tourisme ne peut pas constituer la seule source de revenus pour les communautés. FEPTCE (Fédération Pluri-culturelle du Tourisme Communautaire en Equateur) www.uct.edu.ec/feptce 19 IKEWAN n°60 • avril - mai - juin 2006