Céleste Boursier-Mougenot aux Abbatoirs | Zérodeux

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Céleste Boursier-Mougenot aux Abbatoirs | Zérodeux
Céleste Boursier-Mougenot aux Abbatoirs | Zérodeux | Revue d'art contemporain trimestrielle et gratuite
21/05/14 14:20
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Par François Salmeron
Spécial web
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Céleste Boursier-Mougenot, "Off Road", ©
Cédrick Eymenier
Du même auteur
Céleste Boursier-Mougenot aux Abbatoirs
Céleste Boursier-Mougenot aux Abbatoirs
Céleste Boursier-Mougenot aux Abattoirs / Frac Midi-Pyrénées, Toulouse, du 30 janvier au 4 mai 2014.
Céleste Boursier-Mougenot déploie dans le sous-sol des Abattoirs un environnement sonore fait de
bourdonnements, de grésillements et de larsens, régi par d’énigmatiques interférences. Musicien de formation,
Céleste Boursier-Mougenot a notamment subi l’influence de John Cage ou du mouvement Fluxus, abordant la
musique de manière expérimentale. Chez lui, l’instrument de musique se trouve souvent détourné de sa fonction
initiale et s’intègre davantage à des performances, à des actions, ou se pense même comme une véritable
sculpture. Plutôt que d’être joué par un musicien, l’instrument gagne effectivement en autonomie et devient
l’acteur de sa propre performance. Aussi, les instruments et les dispositifs acoustiques mis en place par Céleste
Boursier-Mougenot servent à ausculter le monde et à rendre perceptibles ses moindres vibrations et ondulations
qui, de prime abord, pourraient échapper à notre perception. Ils captent, amplifient et restituent ainsi les
innombrables flux d’informations qui traversent continuellement notre monde.
Céleste Boursier-Mougenot, « Scanner », © Cédrick Eymenier
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Céleste Boursier-Mougenot, « Off Road », © Cédrick Eymenier
Ce faisant, Off Road devient la scène d’un étrange ballet mécanique. Ébahis, nous assistons à la valse de trois
pianos motorisés sur roulettes qui vont et viennent, tourbillonnent, se croisent, et finissent même parfois par se
heurter. Ces pianos nous feraient d’abord penser à des automates ou à des engins téléguidés de main de maître
par l’artiste ou des performeurs cachés dans les dédales du musée. En réalité, les trois pianos sont connectés à
des détecteurs réagissant aux éléments qui les entourent : le déplacement des spectateurs, le vent qui souffle à
l’extérieur du musée, enregistré par un capteur. Des liens invisibles relient ainsi la trajectoire des instruments
aux mouvements des spectateurs et aux rafales de vent. La valse des pianos se trouve alors déterminée par son
environnement proche. Dès lors, les pianos n’ont pas véritablement de portée musicale : ils ne jouent pas de
notes, ils n’exécutent pas une partition et ne s’adressent pas directement à notre oreille – d’ailleurs un cache est
rabattu sur les claviers et seul le glissement des roues produit un son dans la salle. Les pianos deviennent plutôt
les acteurs d’un ballet, créant un spectacle, une chorégraphie improvisée se construisant au fil des perturbations
que provoquent le vent et les spectateurs avoisinants.
L’installation Averses repose elle aussi sur un système de détecteurs, sensibles cette fois-ci aux rayons
cosmiques. Une imposante batterie Ludwig trône au milieu d’une flaque d’eau. Deux grandes cymbales
surplombent la batterie comme deux paraboles et l’instrument tout entier est recouvert de gouttes d’eau. Les
gouttelettes scintillent sur le revêtement métallique des fûts, créant des éclats dorés sur la surface des cymbales
pareils à des astres luisants. La pesanteur de l’instrument, solidement ancré dans le sol, composé d’armatures et
de fûts massifs, fait passer la batterie pour une sculpture colossale, inamovible. Son aspect compact est toutefois
mis en regard avec le ciel et la légèreté de l’éther, avec la fraicheur et la fragilité des gouttes d’eau qui
l’habillent. En fait, le détecteur de rayons cosmiques déclenche des ondées qui viennent s’abattre sur la batterie
depuis le plafond des Abattoirs. Les trombes d’eau tombent donc de manière aléatoire et viennent frapper les
peaux des fûts, créant des roulements de tambour, des crépitements, des claquements qui rappellent le
grondement du tonnerre. Là encore, il n’y a pas de véritable interprète prenant l’instrument à bras le corps. Ce
sont les pulsations et les ondulations invisibles de l’univers qui sont captées et traduites en musique, dans un
grand fracas percussif. Le monde est comme mis sur écoute, et son battement se répercute dans de fulgurantes
figures rythmiques.
Céleste Boursier-Mougenot, « Extension », © Cédrick Eymenier
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Céleste Boursier-Mougenot, « Zombiedrones », © Cédrick Eymenier
La seconde partie de l’exposition sonde toujours le bourdonnement du monde, mais plus particulièrement les
ondes spectrales que notre société produit et qui constituent le flux incessant des informations. D’une part, un
vieux téléphone noir en bakélite est juché sur un monolithe de cire d’abeille. On se trouve alors dans une
situation d’attente, impatients de découvrir ce qui va se passer : quelqu’un va-t-il appeler ? Le téléphone va-t-il
se mettre à sonner et pourra-t-on décrocher ? Le téléphone U-43 est effectivement connecté à un moteur de
recherche qui lui envoie un signal chaque fois que les mots « fantômes » ou « spectres » sont tapés sur la toile
ou repérés dans des articles venant d’être mis en ligne. La sonnerie stridente sert alors d’avertissement ou
d’alerte, et le téléphone apparaît comme un outil de recensement en temps réel, digne des systèmes de
surveillance imaginés par Big Brother.
D’autre part, Zombiedrones nous place face à un écran de télévision déréglé. L’image noir et blanc saute,
grésille, accompagnée d’une bande-son lancinante, comme si le signal transmis était brouillé. Or, dans le
langage informatique, le terme de « Zombiedrones » désigne justement une forme de piratage où un tiers prend
le contrôle d’un ordinateur, sans que son propriétaire s’en aperçoive. Ici, Céleste Boursier-Mougenot perturbe
volontairement le signal vidéo et déforme donc le contenu télévisuel qui nous parvient habituellement : l’image
demeure sombre, saturée, alors que l’on zappe confortablement installés dans un canapé de cuir, agacés par le
brouhaha incessant qui accable nos oreilles et les perturbations qui parasitent l’écran.
Enfin, l’univers aérien et épuré de Prototype pour scanner vient contrebalancer l’obscurité latente de
Zombiedrones. Un ballon blanc gonflé à l’hélium, équipé d’un micro sans fil, papillonne dans une salle où un
ventilateur brasse l’air en direction du plafond. Le ballon décolle, plane, atterrit, se cogne aux murs où sont
fixées huit enceintes amplifiant ce que le micro sans fil enregistre. Les pérégrinations et les collisions du ballon
se traduisent alors en différentes sonorités. Une correspondance se noue entre les fréquences sonores et l’espace
parcouru, et les va-et-vient du ballon produisent ainsi une onde continue qui se mue parfois en larsen.
Eminemment poétique, l’installation nous renvoie la mystérieuse mélodie de l’éther et rend l’invisible enfin
perceptible à nos oreilles.
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