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François MORELLET
Œuvres entrées dans la collection en
1985, 1987, en 1992 à l’issue de la
Biennale de Lyon 1991 L’amour de l’art,
une exposition de l’art contemporain en
France, et en 2007 à l’issue de
l’exposition
Œuvres
encombrantes
(2007):
Deux lignes de tirets interférents, 1971
Dimensions : 10 x 620 x 6 cm
Œuvre acquise en 1985, n° d’inventaire :
985.3.1
Peinture, 1952
Dimensions : 100 x 153 x 1,4 cm
Œuvre acquise en 1987, n° d’inventaire :
987.2.1
Mouvement ondulatoire, 1965
Dimensions variables : hauteur 5 m
minimum
Don de l’artiste en 1987, n° d’inventaire :
987.24.1
Sculpture murale, 1991
2
Dimensions variables : environ 150 m
Don de l’artiste en 1992, n° d’inventaire :
992.10.1
Basculement d’un mur et d’une porte de
5° au-dessus de 0°, 1985
2
Dimensions variables : environ 100 m
Œuvre acquise en 2006, n° d’inventaire :
2006.3.1
Échappatoire, 2007
2
Dimensions variables : environ 250 m
Don de l’artiste en 2007, n° d’inventaire :
2007.7.1
D’après « 6 lignes au hasard des
années 70 », 2006
Dimensions : 21 x 29,7 cm
Don de l’artiste en 2007, n° d’inventaire :
2007.7.2
Œuvres encombrantes, 2007
Exposées ensemble selon la configuration
arrêtée par l’artiste, ces sept œuvres en
composent une huitième, l’exposition ellemême, intitulée Œuvres encombrantes,
2007, n° d’inventaire : 2007.7.3
En 1985, à l’orée d’une première année de programmation du Musée d’art contemporain alors
en devenir, François Morellet est l’un des tout premiers artistes invités pour une exposition
personnelle (avec cette même année Joseph Kosuth, Lawrence Weiner, Daniel Buren, J.P. Bertrand, etc.).
Du 24 mai au 9 juin, François Morellet expose alors plusieurs pièces au seuil de l’invisibilité
parmi lesquelles Basculement d’un mur et d’une porte de 5° au-dessus de 0° : une simple ligne
de ruban adhésif noir qui semble, par sa seule présence sur le mur, faire basculer l’espace
dans son entier : « J’ai réalisé depuis 1968 de nombreuses œuvres éphémères à l’aide de
rubans adhésifs noirs ou blancs collés directement sur des murs ou tout autre support (vitres,
sculptures, peintures, etc.). Ces réalisations sont basées sur trois systèmes que j’avais utilisés
1
pour mes peintures dès les années cinquante : superposition, interférence, hasard . »
De ces œuvres, le Musée
n’en acquiert aucune. Le
Basculement d’un mur…
est pourtant formidable de
simplicité, d’efficacité et
de pertinence, mais sa
« ténuité »
et
son
matériau que l’on colle et
décolle à satiété, pour peu
qu’il y ait une porte et un
mur à proximité, nous
paraissent alors très peu
propices
(matériau
François Morellet, Œuvres encombrantes, 2007. ©Blaise Adilon
pauvre, décision minimum
©Adagp, Paris 2010
de l’artiste, humour) à un
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François Morellet. Les autres œuvres exposées s’intitulaient : Vanishing Point of View n° 3, 1985 (une
banquette, une toile, un scotch) ; Deux néons interférents, 1985 ; Mouvement ondulatoire, 1965.
© Musée d’art contemporain de Lyon – 2010
1
2
accueil favorable de la Commission nationale d’acquisition . Peu après l’exposition, mais
toujours au cours de l’année 1985, le Musée acquiert Deux lignes de tirets interférents, 1971,
auprès de la galerie Média de Neuchâtel (voir notice J. L. Byars, p. 128). C’est une œuvre en
néon, matériau qu’affectionne François Morellet dès la fin des années 60 et qui lui offre la
possibilité d’« une foule de nouvelles expériences dans l’art visuel : programmation, images
consécutives, mouvements contrôlés de l’œil, rythmes lumineux, etc. ».
Quelques mois plus tard, au début de l’année 1987, Marc Hostettler (directeur de la galerie
Média) nous signale une peinture de Morellet de 1952 intitulée Peinture, qui correspond
précisément à l’époque où Morellet s’engage résolument (sans jamais y adhérer autrement
qu’au second degré, mais avec le plus grand sérieux) dans l’« abstraction géométrique ».
Composée de sept panneaux reliés par des charnières, la Peinture est « pliable » à la manière
d’un paravent. Sur chacun des panneaux, François Morellet superpose successivement des
bandes blanches, grises et jaunes qui se répètent comme autant de motifs et qui semblent
pouvoir être déclinées à l’infini. Peinture anticipe le principe de la trame : « toutes juxtapositions
ou superpositions régulières et infinies d’éléments identiques ».
À l’issue de cette acquisition,
l’artiste
offre
au
Musée
Mouvement ondulatoire, 1965.
L’œuvre est un multiple édité à
trois exemplaires : « En gros, de
1963 à 1975, je me suis surtout
intéressé à jouer avec le temps,
c’est-à-dire
à
créer
“du
mouvement”, soit grâce à des
moteurs, des clignoteurs ou des
programmateurs (qui utilisaient
d’ailleurs aussi des moteurs
électriques). » C’est évidemment
le
cas
de
Mouvement
ondulatoire, qui se présente
comme un simple fil lesté de
François Morellet, Œuvres encombrantes, 2007. ©Blaise Adilon plomb relié à un moteur suspendu
au plafond
et qui
oscille
©Adagp, Paris 2010
perpétuellement autour de son
axe vertical. Le « mouvement » crée ainsi un volume virtuel aux contours « ondulatoires »
intangibles.
À cette date, trois œuvres de 1952, 1965 et 1971 sont entrées dans la collection.
3
En 1991, François Morellet accepte de participer à la première Biennale de Lyon . Fidèle à ses
intentions de limiter ses propres décisions artistiques : « J’ai pendant vingt ans environ produit
avec beaucoup d’obstination des œuvres systématiques dont la ligne de conduite constante a
été de réduire au minimum mes décisions arbitraires », Morellet réalise une œuvre uniquement
composée des murs de la salle d’exposition, mais décalés par redoublement et par
4
basculement .
2
Avant d’être acquise par un musée, toute œuvre doit recevoir l’agrément d’une commission nationale
(aujourd’hui ces commissions sont régionalisées), composée des représentants des institutions nationales
(Louvre, Musées nationaux, ATP…) de toutes disciplines. Timidité, autocensure ou prudence extrême, le
Musée ne présente pas Basculement d’un mur et d’une porte de 5° au-dessus de 0°, alors qu’il n’hésitera
pas à proposer deux ans plus tard le « reflet » d’une durée de cinq minutes de Maria Nordman, puis
encore deux ans après Terra, une sphère de terre destinée à disparaître du regard (voir C. Parmiggiani),
œuvres qui recevront toutes deux l’accord de la même commission.
3
L’amour de l’art, une exposition de l’art contemporain en France. Co-commissariat Thierry Raspail et
Thierry Prat. Soixante-neuf artistes disposent d’un espace équivalent de 120 m2 que l’on peut atteindre en
ouvrant soixante-neuf portes. L’exposition se déroule du 3 septembre au 13 octobre 1991 à la Halle
Tony-Garnier, à l’ELAC et au Saint Pierre Art Contemporain.
4
« Sculpture murale.
Depuis environ 17 000 ans, les hommes (qui en avaient les moyens) ont aimé couvrir abondamment les
murs, voire même les plafonds de leurs habitations avec des peintures (pariétales, murales ou
transportables). Depuis environ 50 ans il en est bien autrement, particulièrement chez les bourgeois
© Musée d’art contemporain de Lyon – 2010
2
François Morellet, Œuvres encombrantes, 2007. ©Blaise Adilon ©Adagp, Paris 2010
À l’issue de la Biennale, l’artiste donne au Musée Sans titre, 1991, la « sculpture murale » :
« J’ai pratiqué l’économie de moyens d’abord dans le plan du tableau, puis, réalisant que je
pouvais faire l’économie du tableau, je me suis servi directement du mur, tellement plus stable,
plus grand et… plus économique ! »
En 2006, soit vingt et un an après sa première exposition au Musée, Basculement d’un mur et
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d’une porte de 5° au-dessus de 0° est enfin acquise . C’est alors l’occasion d’engager avec
l’artiste une réflexion portant sur l’ensemble de ses œuvres, sur leur cohérence dans la
collection et le principe de rétrovision, qui pourrait alors leur donner une cohésion nouvelle. La
rétrovision (terme inspiré par Allan Kaprow puis emprunté à Daniel Buren, voir notice Niele
Toroni, p. 524 pour sa définition, projet que nous avons initié dès 1985 avec Abramović et Ulay
et l’invention du moment, puis poursuivi avec Per Kirkeby, voir notice p. 292, et enfin
délibérément développé avec Robert Morris ou Lawrence Weiner), est une manière de
configurer une temporalité, depuis le point de vue d’un artiste à qui l’on demande de porter
rétrospectivement une attention particulière sur une période, un ensemble ou une
problématique de son œuvre, pour qu’il en fasse un moment ou une œuvre générique (sur la
définition des deux notions, voir pour la première les notices d’Abramović/Ulay, Joseph Kosuth,
Sol LeWitt/Merz, et pour la seconde, Kabakov, Robert Filliou, John Baldessari).
Avec François Morellet, nos premières conversations commencent à Cluny (exposition du
25 juin au 25 septembre 2005), se poursuivent à Bâle (Art Unlimited le 13 juin 2006) et se
concluent à Lyon.
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Afin d’unifier (nous pourrions peut-être utiliser le terme « artialiser » ) cet ensemble disparate
de pièces s’étalant sur cinquante-cinq ans (ensemble que d’aucuns dans la plupart des
musées qualifieraient d’historiquement représentatif et par conséquent cohérent), nous
souhaitons de l’artiste un « principe » (nous ne disposons pas d’autres mots) qui donne à ce
syntagme paradoxal une forme achevée, c’est-à-dire datée et signée par l’auteur (c’est-à-dire
qui fasse de ces œuvres ensemble une autre œuvre) à l’intérieur de laquelle nous puissions
nous immerger simultanément au présent et au passé.
branchés qui ont découvert les délices des murs presque vides. Strzeminski avait déjà réalisé dans les
années 30 des tableaux qui ne devaient faire qu’un avec le mur, puis Yves Klein, en 1958, a exposé
seulement les murs blancs de la galerie Iris Clert. En dehors de ces cas extrêmes, on a pu voir dans les
musées et galeries d’art contemporain l’espace consacré aux œuvres. Le mur nu est donc la surface
idéale et dominante que les peintres revendiquent et s’approprient. J’ai moi-même toujours un grand
plaisir à voir beaucoup de mur autour de mes tableaux et j’ai souvent réalisé des peintures qui devaient
se fondre avec le mur. Mais est-ce que les sculptures, elles aussi, doivent se fondre avec quelque chose ?
Avec le sol en acceptant piétinement et souillures diverses ? Ou pourquoi pas une fois de plus avec le
mur comme je le propose ici. » (déclaration de François Morellet, catalogue L’amour de l’art, p. 218.)
5
Commission d’acquisition du 20 avril 2006.
6
Alain Roger, Nus et paysages, Essai sur la fonction de l’art, Paris, Aubier, 1978, 2001.
© Musée d’art contemporain de Lyon – 2010
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Répondant à notre interrogation, François Morellet nous propose une pièce intitulée
Échappatoire (qui, s’empresse-t-il de préciser sera un don fait au Musée). C’est une sculpture
de 12,5 x 12,5 m que le visiteur devra s’efforcer de traverser le plus vite possible car il s’agit
d’une échappatoire – solution offerte au public, (à la manière de l’aspirine contre la migraine
tenace), de combattre efficacement le syndrome du regardeur encerclé par les œuvres, et qui
panique à l’idée de ne pouvoir en sortir. La sculpture monumentale, cachant la vue dans un
premier temps, distribue en fait l’ensemble des œuvres de Morellet de la collection à la manière
d’une trame, à partir de laquelle elles sont chacune un point de vue. La sculpture est sonore.
Elle contient un « bruit blanc », origine et synthèse de tous les sons, équivalent pour les oreilles
au blanc pour le regard. Il faut également préciser que cette sculpture (centre de
« l’installation » que composent désormais toutes les œuvres « ensemble » dûment disposées)
reprend le plan d’une peinture ancienne. Celle-ci peinte en 1975 s’intitule Dix lignes au hasard.
Des dix lignes initiales, François Morellet n’en a conservé que six, qu’il a transposées de la
deuxième à la troisième dimension.
Ces six lignes sont désormais six
couloirs qui se croisent et qui sont
autant d’« échappatoires » vers son
œuvre recomposée. Le visiteur est,
par
conséquent,
simultanément
immergé dans une sculpture de 2007
et dans une peinture de 1975 qui
ouvre(nt) sur toutes les autres. Magie
du temps feuilleté : 1952-1965-19751985-1991-2007. Cinquante-cinq ans.
Tout en un. Sept œuvres ensemble, la
huitième est celle qui les contient
7
toutes .
François Morellet
François Morellet, D’après « 6 lignes au hasard des
Né en 1926 à Cholet (France), vit et années 70 », 2007. © Blaise Adilon ©Adagp, Paris 2010
travaille à Paris et à Cholet (France)
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Sept œuvres, car dans l’axe d’un des « couloirs » de l’Échappatoire, François Morellet a placé (et
donné) un plan des dix lignes au hasard, qui boucle la boucle : l’œuvre en question, l’originale, est ainsi
le référent, la neuvième œuvre en quelque sorte d’un ensemble qui en compte huit.
© Musée d’art contemporain de Lyon – 2010
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