Effet de l`apport d`acides gras oméga 3 dans l`alimentation du porc

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Effet de l`apport d`acides gras oméga 3 dans l`alimentation du porc
2003. Journées Recherche Porcine, 35, 251-256.
Effet de l’apport d’acides gras oméga 3
dans l’alimentation du porc sur les performances
de croissance et la qualité de la viande
Victor VORIN (1), Jacques MOUROT (1), Pierre WEILL (2), Gwénolla ROBIN (1),
Philippe PEINIAU (1), Alain MOUNIER (1)
(1) Unité mixte de Recherches sur le Veau et le Porc – INRA, 35590 ST-Gilles
(2) Valorex, 35210 Combourtillé
Effet de l’apport d’acides gras oméga 3 dans l’alimentation du porc sur les performances de
croissance et la qualité de la viande
Dans l’alimentation humaine, il est demandé par les spécialistes d’augmenter la part des acides gras ω3 et en particulier
de certains dérivés de l’acide α linolénique ω3 (acide eicosapentaénoïque - EPA, C 20:5 n-3; acide docosahexaénoïque
- DHA, C22:6 n-3) qui ont un rôle important vis à vis de la prévention des maladies cardio-vasculaires. La viande de
porc, comme d’autres produits animaux, peut contribuer à cette démarche. Cette étude a été mise en place pour comparer l’effet de différentes formes d’apport d’acides gras ω3 dans l’alimentation du porc sur les performances de croissance et la qualité nutritionnelle de la viande. Des porcs (10 par régime) ont reçu des régimes isoénergétiques et isolipidiques contenant des sources différentes d’acides gras ω3 : huile de soja, graines de lin extrudées et huile de lin. Les
performances de croissance et les caractéristiques du tissu adipeux du dos (TASCD) et des muscles Longissimus dorsi et
Semimenbranosus) ont été mesurées. Les animaux recevant les graines extrudées présentent de meilleures performances
de croissance, une adiposité globale des carcasses plus faible et une plus grande richesse en acides gras ω3 avec une
teneur plus importante d’EPA et de DHA dans les tissus. L’effet de la nature des acides gras incorporés dans le régime
des porcs sur les TASCD et les muscles est une nouvelle fois montré, ce qui, selon la nature des acides gras ingérés,
pourrait avoir des répercussions favorables sur la qualité nutritionnelle de la viande pour répondre aux souhaits des
consommateurs et du corps médical.
Effect of n-3 fatty acids in pig diets on growth perfomance and meat quality
Human nutritionists recommend that the amount of n-3 fatty acids and particularly some derivatives of α-linolenic acid (eicosapentaenoic acid – EPA, C20:5 n-3 and docosahexaenoic acid - DHA, C22:6 n-3) be increased in the diet. The derivatives
play an important role in preventing cardiovascular diseases. Pork, as well as other animal products, can contribute to the
supply of n-3 fatty acids.
The present study was conducted to compare the effects of different forms of n-3 fatty acids in pig feed on growth and the
nutritional quality of the meat.
A total of thirty pigs (10 per diet) were fed isoenergetic and isolipidic diets, containing different sources of n-3 fatty acids :
soybean oil, extruded linseeds and linseed oil. Growth performance and the characteristics of dorsal adipose tissue,
Longissimus dorsi and Semi menbranosus muscles were measured. Pigs which were fed extruded linseed grew faster, had
leaner carcasses and contained more n-3 fatty acids (especially EPA and DHA) in their tissues compared to pigs given the
other sources of fatty acids. The positive relationship between dietary fatty acid levels and their incorporation into dorsal
adipose tissue and muscles has again be shown. This could have favourable repercussions on the nutritional quality of meat.
252
INTRODUCTION
La composition des lipides de la viande de porc, comme
celles de la plupart des animaux monogastriques est influencée par la nature des lipides alimentaires (FLANZY et al.,
1971; MOUROT et HERMIER 2001). Il est donc possible
d’essayer d’utiliser cette particularité pour améliorer la qualité nutritionnelle des viandes en introduisant des acides gras
jugés bons pour la santé humaine avec pour objectif de produire une viande dont la composition en acides gras se rapprochera le plus possible de celle proposée pour les apports
nutritionnels conseillés pour la population française (ANC
2001). Ces recommandations vont dans le sens d’une diminution des apports en acides gras ω6 et d’une augmentation
des acides gras ω3 pour tendre vers un rapport ω6/ω3 sensiblement égal à 5.
Chez le porc recevant une alimentation standard et conforme aux cahiers des charges respectant un apport d’acide
linoléique compris entre 1,2 à 1,5 % du poids du régime,
le rapport ω6/ω3 est voisin de 11 à 12 (MOUROT, données non publiées, calcul portant sur plus de 1500 porcs
étudiés au laboratoire ou à partir des données de la littérature). Il faut donc envisager d’augmenter fortement la part
des ω3 et plus particulièrement de l’acide α-linolénique
(C18:3, n-3) dans l’alimentation du porc pour obtenir une
viande avec un rapport ω6/ω3 voisin de 5. De plus, cet
acide α-linolénique est aussi le précurseur d’acides gras
jouant un rôle biologique particulièrement important dans
l’organisme comme l’acide eicosapentaénoïque (EPA, 20:5
n-3) et l’acide docosahexaénoïque (DHA, 22:6 n-3)
(LEGRAND et MOUROT 2002), or ces acides gras ne se
trouvent que dans les produits d’origine animale. Ainsi, un
simple apport d’acide α-linolénique dans l’alimentation
humaine (par exemple avec l’utilisation d’une matière
grasse végétale riche en cet acide gras) ne sera pas suffisant vis à vis du métabolisme cardio-vasculaire car l’organisme a aussi besoin d’EPA et de DHA apportés par l’ingestion de produits animaux.
Pour répondre à cette demande des nutritionnistes, nous
avons mis en place des études dont le but est de comparer
différentes formes d’apport de matières grasses contenant
des teneurs variables en acide α-linolénique et de suivre les
conséquences sur les performances de croissance des porcs,
la qualité nutritionnelle de la viande en s’intéressant plus
particulièrement aux dépôts en acide α-linolénique et en ses
dérivés comme l’EPA et le DHA.
1. MATERIELS ET METHODES
1.1. Animaux et régimes
30 porcs mâles castrés de race Large White Landrace croisés
Piétrain répartis en trois lots de 10 animaux ont reçu entre 35
et 105 Kg des régimes contenant des sources de lipides différentes : huile de soja, huile de lin ou graines de lin extrudées.
Les compositions des régimes et celles en acides gras sont indiquées dans le tableau 1. Ces matières grasses sont caractérisées par leurs teneurs en acides gras polyinsaturés différentes.
La teneur en acide α-linolénique représente 9,8% des acides
gras totaux pour l’huile de soja contre 18% et 20,5% respectivement pour les graines de lin extrudées et huile de lin.
Les animaux, élevés en loge individuelle ont reçu une alimentation ad libitum jusqu’à leur abattage selon le plan d'alimentation établi à l'UMRVP. Pendant la durée d’engraissement, les animaux sont pesés chaque semaine, les quantités
d'aliments distribuées sont notées ainsi que les refus éventuels. Le gain moyen quotidien et l'indice de consommation
ont été calculé par porc
Les animaux, élevés en loge individuelle ont reçu une alimentation ad libitum jusqu’à leur abattage selon le plan d’alimentation établi à l’UMRVP. Pendant la durée d’engraissement, les animaux sont pesés chaque semaine, les quantités
d’aliments distribuées sont notées ainsi que les refus éventuels. Le gain moyen quotidien et l’indice de consommation
ont été calculés par porc.
Tableau 1 - Composition des régimes et teneurs en acides gras des différents régimes expérimentaux
Huile de soja
Graines de lin extrudées
Huile de lin
Energie (MJ EN/kg)
16,36
16,18
16,23
Protéines
18,30
16,54
16,90
Matières grasses
3,51
3,16
3,56
Composition en AG
C14:0
C16:0
C16:1 (n-7)
C18:0
C18:1 (n-9)
C18:2 (n-6)
C20:0
C18:3 (n3)
C20:1 (n-9)
C20:2
C20:3 (n-3)
C22:1 (n-9)
C24:0
C24:1 (n-9)
%
0,1
12,9
0,3
2,4
21,5
51,8
0,3
9,4
0,4
0,1
0,3
0,1
0,2
0,0
mg/ kg
26
3157
70
599
5315
12684
84
2307
105
28
80
33
44
12
%
0,1
12,6
0,2
2,1
19,3
45,9
0,3
18,1
0,5
0,1
0,3
0,2
0,2
0,1
mg/ kg
19
2254
28
384
3468
8232
61
3238
96
21
50
34
34
11
%
0,1
11,9
0,2
2,3
18,9
43,1
0,3
21,9
0,5
0,1
0,3
0,2
0,2
0,1
mg/ kg
22
2523
34
492
4018
9149
73
4658
107
27
54
38
37
11
253
1.2. Mesures à l’abattage et prélèvements.
A la fin de la période expérimentale et après un jeûne de
12 heures, les animaux ont été sacrifiés à un poids vif
moyen de 105 kg (+ 2 kg) par électronarcose puis saignée.
La mesure de la TVM a été réalisée et les animaux ont été
découpés selon la découpe européenne normalisée. Dès
l’abattage, des prélèvements du tissu adipeux sous-cutané
dorsal, des muscles Longissimus dorsi et Semimembranosus
ont été réalisés mis sous vide puis congelés et conservés à
- 20°C en vue des analyses chimiques.
Des mesures de qualité de viande ont été effectuées (pH à 24
heures, pertes de ressuage, pertes à la cuisson).
1.3. Mesures au laboratoire
Les lipides totaux du tissu adipeux sous-cutané dorsal et des
muscles (frais et après cuisson sous vide) ont été extraits à froid
selon la méthode de FOLCH et al., (1957) dans un mélange
chloroforme-méthanol. Le profil en acides gras est réalisé par
chromatographie en phase gazeuse après dérivation au trifluorure de Bore (BF3) selon la méthode de MORRISSON et SMITH
(1964). La colonne est une colonne capillaire en silice fondue
de 30 m de long, 0,25 mm de diamètre intérieur, remplie
d’une phase stationnaire (80 % de biscyanopropyl et de 20 %
de cyanopropylphényl), la température du four est programmée de 45° à 240° avec des montées 20 à 35° min entrecoupée de plateaux, les températures de l’injecteur et du détecteur
sont respectivement de 220 et 280°C. Les acides gras sont
exprimés en pourcentage des acides gras identifiés et en quantité totale calculée grâce à un standard interne (C17).
La composition des classes de lipides dans les muscles et la
bardière est déterminée à l’aide d’une chromatographie en
phase liquide haute performance (HPLC) selon les techniques
de STOLYWHO et al., (1987) et LESEIGNEUR-MEYNIER et
al., (1991). Les classes de lipides sont exprimées en quantité
totale dans les tissus.
2. RÉSULTATS ET DISCUSSION
2.1. Performances de croissance et composition
tissulaire de la carcasse
La consommation alimentaire est identique entre les porcs,
mais les performances de croissance sont influencées par les
régimes (tableau 2). L’apport de graines de lin extrudées
induit un meilleur gain de poids (p<0,08) et un meilleur indice de consommation (p<0,07). Le temps nécessaire pour
atteindre un poids d’abattage équivalent a été diminué d’environ 5 jours avec le régime apportant des graines de lin
extrudées (p<0,03). Ces résultats montrent que le régime
contenant la matière grasse apportée par les graines de lin
serait plus efficace en terme de croissance que les traitements où la matière grasse est apportée directement sous
forme d’huile.
Chez les animaux ayant reçu les graines de lin extrudées, la
teneur en viande maigre (TVM) est plus élevée (limite de
signification, P<0,11) (tableau 3). Ces résultats confirment
les travaux de MOUROT et al., (1995) et vont à l’encontre
des observations de BUCHARLES et al., (1987) et MOUROT
et al., (1994), qui observent une diminution du taux de
muscle chez les animaux soumis à des régimes riches en
acides gras polyinsaturés. Des variations des activités lipogéniques au niveau des tissus pourraient être à l’origine de la
mobilisation des glucides alimentaires et du métabolisme
énergétique pour la production de muscles (augmentation du
poids de longe et un poids de bardière plus faible chez les
animaux recevant les graines).
Le pH ultime et les pertes au ressuage et à la cuisson ne sont
pas modifiés par les traitements. On peut toutefois noter que
les pertes totales en eau, (ressuage et cuisson) sont plus
faibles chez les porcs recevant les graines de lin extrudées.
2.2. Teneurs en lipides totaux et composition en
acides gras des tissus
La teneur en lipides totaux dans le tissu adipeux sous-cutané
dorsal est diminuée chez les porcs recevant les régimes
contenant des graines de lin (p<0,01), mais elle n’est pas
affectée dans les muscles Longissimus dorsi et
Semimembranosus (tableau 3). Après cuisson sous vide, la
teneur en lipides totaux du Longissimus dorsi n’est pas modifiée entre les lots, mais la cuisson augmente la teneur en
lipides dans le muscle de près de 0,5 à 0,6 % suite à des
pertes en eau et protéines.
L’influence de la composition en acides gras du régime sur
celle des tissus est une nouvelle fois démontrée confirmant
des travaux précédents (MOUROT et al., 1995 ; KOUBA et
al., 1998). Les variations de composition en acides gras
observées dans le TA sous-cutané dorsal suivent celles des
acides gras alimentaires, ce qui se traduit par une plus forte
Tableau 2 - Effet des régimes sur les performances de croissance des animaux
Poids début, Kg
Age début, j
Poids fin, Kg
Age fin, j
Ingéré moyen, Kg/j
GMQ, g/j
Indice de consommation
Huile de soja
35,0
92,0a
104,6
163,6
2,83
974
2,91
Graines de lin extrudées
35,8
90,6b
105,6
158,5
2,89
1033
2,80
Huile de lin
35,8
90,8b
105,7
163,6
2,85
965
2,96
n = 10 porcs par régime,
Les valeurs en ligne affectées d'une même lettre ne sont pas différentes significativement au seuil de 5 %
RSD
2,2
1,2
4,7
4,7
0,19
81
0,15
Effet régime
NS
p<0,03
NS
p<0,03
NS
p<0,08
p<0,07
254
Tableau 3 - Effet des régimes sur la composition de la carcasse, les poids des principaux morceaux de découpe,
les critères de qualité de la viande et les teneurs en lipides totaux de la bardière et des muscles
TVM
pH
Pertes au ressuage, %
Pertes totales en eau, % (1)
Longe
Bardière
Jambon
Panne (en g)
TA sous-cutané du dos
Longissimus dorsi
Semimembranosus
Lipides totaux après
cuisson dans le LD
Huile de soja
Graines de lin extrudées Huile de lin
59,7
60,6
59,4
5,54
5,60
5,54
8,3
7,7
9,1
33,3
32,0
33,6
Poids de découpe (% de la carcasse)
26,7
27,4
26,8
7,4
7,1
7,7
24,5
24,7
24,3
663
626
634
Lipides totaux (%)
78,2
75,1
78,9
1,92
1,89
2,04
2,41
2,25
2,23
2,51
2,56
2,65
RSD
3,3
0,1
1,7
2,3
Effet régime
NS
NS
NS
NS
1,1
0,9
1,1
144
NS
NS
NS
NS
2,78
0,27
0,53
p<0,01
NS
NS
0,55
NS
n = 10 porcs par régime, (1) pertes cumulées de ressuage et de cuisson
Les valeurs en ligne affectées d'une même lettre ne sont pas différentes significativement au seuil de 5 %
teneur en acides gras ω3 déposés (p<0,001) dans ce tissu
pour les régimes apportant du lin sous forme d’huile ou de
graines extrudées (tableau 4). Cette teneur élevée en acides
gras ω3 peut s’expliquer par une plus forte teneur en acide
α-linolénique du régime et vraisemblablement par une compétition au niveau des différents acides gras polyinsaturés.
Nos résultats confirment ceux de BEE et al., (1999) qui rapportent que le porc étant dépourvu d’activité ∆-12 ou ∆-15
désaturase, tous les acides gras retrouvés dans les tissus
seraient d’origine exogène et l’augmentation de leur teneur
serait le reflet de leur accumulation et d’un déficit de la synthèse de novo. Ainsi la quantité totale d’acides gras ω3
déposés dans le TA sous cutané dorsal est de 1,5 g pour
100 g de TA pour le régime à base d’huile de soja ; 2,0
pour les graines de lin extrudées ; 2,7 pour l’huile de lin. Les
teneurs en eicosapentaénoïque (EPA) et docosahexaénoïque
Tableau 4 - Effet des régimes sur la teneur en acides gras du tissu adipeux sous-cutané dorsal
Expression en mg
pour 100 g de tissu
Huile de soja
Graines de lin
extrudées
Huile de lin
RSD
Effet régime
Total des AG saturés
C 14: 0
C 16: 0
C 18: 0
C 20: 0
C 24: 0
29040a
819a
17207a
10803a
201
10
30287ab
830a
17734ab
11517a
1112
10
31556b
906b
18581b
11852a
1061
13
1823
65,1
927,6
1000
30,2
16,2
p<0,02
p<0,01
p<0,01
p<0,08
NS
NS
Total des AG monoinsaturés
C 14: 1
C 16: 1
C 18: 1
C 20: 1
C 22: 1
C 24: 1
17414
6,0
1063
25603
648
12
88
27661
11
1178
25773
636
13
60
27872
6,0
1176
25946
668
13
68
2212
13,6
239
2169
119,1
7,0
25,5
NS
NS
NS
NS
NS
p<0,07
Total des AG polyinsaturés
C 18: 2 n-6
C 18: 3 n-3
C 20: 2 n-6
C 20: 3 n-6
C 20: 5 n-3, EPA
C 22: 5 n-3
C 22: 6 n-3, DHA
11107a
8898a
1367a
447a
66a
20a
88a
23a
9195b
6670b
1775b
324b
43b
37b
103a
28a
10414a
7119b
2331c
368ab
39b
37b
126b
23a
1012
840,4
175
91
13
10
18
4,0
p<0,001
p<0,001
p<0,001
p<0,02
p<0,001
p<0,001
p<0,001
p<0,04
Coefficient d'insaturation
1,35ab
1,33a
1,37b
0,1
p<0,005
a
b
b
Somme des AG n-6
9094
6884
7489
843
p<0,001
Somme des AG n-3
1565a
1987b
2758c
185
p<0,001
0,4
p<0,001
Rapport ω6/ ω3
5,9
a
b
3,5
c
2,9
n = 10 porcs par régime,
Les valeurs en ligne affectées d'une même lettre ne sont pas différentes significativement au seuil de 5 %
255
(DHA), acides gras particulièrement importants pour le métabolisme lipidique chez l’homme (LEGRAND et DURAND,
2001), sont retrouvées en plus grande quantité chez les porcs
recevant les graines extrudées, soit, respectivement 37 et 28
mg pour 100 g de tissu adipeux. Ainsi, le régime apportant la
graine extrudée entraîne donc dans le tissu adipeux des porcs
un dépôt important d’acides gras polyinsaturés à longues
chaînes jugés bon pour la santé de l’homme. Cependant, cet
effet bénéfique doit être tempéré par le fait que, dans la plupart des cas, le gras de la viande de porc doit être consommé
avec modération car il est supposé peu diététique par les nutritionnistes et l’ensemble du corps médical.
En ce qui concerne les lipides intramusculaires, la composition en acides gras déposés dans le muscle Longissimus dorsi
(tableau 5) va dans le même sens que celle observée dans le
tissu adipeux avec cependant des effets moindres (synthèse
de LEBRET et al., 1999). L’expression des acides gras en
quantité, permet de connaître ce qui pourrait être réellement
ingéré en alimentation humaine. Ainsi, la quantité totale
d’acides gras ω3 déposés dans le muscle Longissimus dorsi
est relativement élevée chez les porcs recevant la graine
extrudée. Ils représentent respectivement 30 mg /100 g de
muscle pour l’huile de soja ; 39 mg pour huile de lin et
46 mg pour les graines de lin extrudées.
L’incorporation de l’huile de lin dans l’alimentation du porc
permet donc d’augmenter les dépôts d’acides gras n-3 dans
la viande par rapport à l’huile de soja confirmant ainsi les
travaux de KOUBA et al. (2002). Les teneurs en EPA et DHA
sont également plus élevées chez ces animaux, respectivement 7,1 et 1,8 mg /100 g de muscle. Cependant la conversion C18:3 en EPA et DHA reste faible chez le porc confirmant les observations de EMKEN et al., (1994).
Tableau 5 - Effet des régimes sur la teneur en acides gras dans le muscle Longissimus dorsi
Expression en mg
pour 100 g de muscle
Huile de soja
Graines de lin
extrudées
Huile de lin
RSD
Effet régime
Total des AG saturés
C 14: 0
C 16: 0
C 18: 0
C 20: 0
C 24: 0
480
12,4
303,7
157,5
3,2
3,4
569
13,5
366,9
182,3
3,5
2,9
545
15
345,8
177,1
3,6
3,2
117
3,1
77,5
37,6
1,3
1,2
NS
NS
NS
NS
NS
NS
Total des AG monoinsaturés
C 16: 1
C 18: 1
C 20: 1
C 22: 1
C 24: 1
434
32,9
386,3
8,5
1,2
4,8
493
39
438,1
8,7
1,6
5,1
470
38
419,3
8,0
0,9
3,3
106,7
10
95
2,2
1,3
2,3
NS
NS
NS
NS
NS
NS
Total des AG polyinsaturés
C 18: 2 n-6
C 18: 3 n-3
C 20: 2 n-6
C 20: 3 n-6
C 20: 4 n-6
C 20: 5 n-3, EPA
C 22: 5 n-3
C 22: 6 n-3, DHA
229
162,1
11,8a
5,7
4,2
30,7
3,8a
8,8
1,6
299
210,2
19,9b
5,4
6,4
38,1
7,1a
10,6
1,8
238
165,9
17,4b
5,7
4,7
27,8
6,7a
8,3
1,8
79
54
4,8
2,4
2,1
15
3,0
4,4
0,9
p<0,12
NS
p<0,003
NS
p<0,09
NS
p<0,04
NS
NS
Coefficient d'insaturation
1,5
1,6
1,5
0,1
NS
Somme des AG n-6
193
248
194
68
NS
Somme des AG n-3
30a
46b
39ab
13
p<0,05
Rapport ω6/ ω3
6,5a
5,5ab
5,0b
1,2
p<0,04
n = 10 porcs par régime,
Les valeurs en ligne affectées d'une même lettre ne sont pas différentes significativement au seuil de 5 %
Tableau 6 - Effet des régimes sur les principales classes de lipides dans le muscle Longissimus dorsi
(expression en mg par 100 g de muscle)
Lipides Neutres
Lipides Polaires
Triglycérides
Cholestérol
n = 10 porcs par lot
Huile de soja
987
384
864
52
Graines de lin extrudées
951
438
827
47
Huile de lin
1038
385
920
52
RSD
168
75
156
10
Effet régime
NS
NS
NS
NS
256
Les différents régimes expérimentaux ont permis de réduire
considérablement le rapport ω6/ ω3 de 11 avec un régime
classique à un chiffre voisin de 5, valeur recommandée par
les ANC (2001).
Les régimes n’ont pas influencé significativement les teneurs
en différentes classes de lipides dans le muscle Longissimus
dorsi (tableau 6). La teneur la plus faible en lipides neutres
(ou lipides de réserve) est observée chez les animaux issus
du lot recevant les graines extrudées. Les teneurs en lipides
polaires (ou lipides de structure) sont plus fortes chez les
porcs recevant les graines extrudées, il y a donc une plus
grande accumulation de phospholipides dans les membranes des cellules des animaux recevant les graines. Les
teneurs en cholestérol du muscle ne sont pas affectées par les
régimes, la teneur la plus faible étant observée chez des
porcs recevant les graines extrudées.
CONCLUSION
Cette étude montre que l’incorporation de matières grasses
enrichies en acides gras ω3 dans les régimes des porcs
induit une augmentation de dépôt d’acides gras jugés bons
pour la santé de l’homme, tel que l’EPA et le DHA.
Les différentes formes d’apport étudiées permettent d’obtenir
un rapport d’acides gras ω6/ω3 voisin de 5, valeur recommandée par les apports nutritionnels conseillés (ANC).
Parmi les formes d’apport d’acides gras ω3 comparés dans
cette étude, la graine de lin extrudée semble induire une
meilleure croissance des animaux, un taux de muscle dans la
carcasse plus élevé, une teneur moindre en cholestérol de la
viande, une diminution de la teneur en lipides des tissus adipeux, et un accroissement du dépôt des acides gras EPA et
DHA, ce qui va dans le sens de l’amélioration de la qualité
nutritionnelle de la viande souhaitée par les nutritionnistes.
En conséquence, l’utilisation des régimes enrichis en ω3 et
notamment la graine de lin extrudée permettrait une augmentation des dérivés de l’acide α-linoléique sans augmenter la teneur en lipides totaux et en cholestérol.
Toutefois, la viande des porcs de cette expérience n’a pas
fait l’objet de tests organoleptiques. On pourrait craindre
qu’une forte augmentation de l’insaturation ne puisse altérer
les qualités organoleptiques de la viande en raison d’un
potentiel d’oxydation accru. Cependant, cette possible détérioration du goût n’a pas été mise en évidence par les travaux de KOUBA et al. (2002) introduisant de l’huile de lin
dans les régimes des porcs, mais il est possible que dans
cette étude une utilisation plus importante de vitamine E dans
la ration a permis de ralentir l’oxydation des acides gras.
Pour l’avenir, et à titre préventif, il est donc préférable d’envisager une supplémentation en vitamine E des régimes pour
limiter les risques d’oxydation des lipides lors de l’utilisation
de matières grasses riches en acides gras ω3. Il est possible
aussi que la graine de lin extrudée n’induise pas le même
potentiel d’oxydation que l’huile de lin. Des travaux complémentaires sont donc nécessaires pour bien maîtriser l’utilisation de l’incorporation d’acides gras ω3 dans l’alimentation
du porc et en tirer un maximum d’effets bénéfiques pour
améliorer la qualité nutritionnelle de cette viande.
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