Effet de l`apport d`acides gras oméga 3 dans l`alimentation du porc
Transcription
Effet de l`apport d`acides gras oméga 3 dans l`alimentation du porc
2003. Journées Recherche Porcine, 35, 251-256. Effet de l’apport d’acides gras oméga 3 dans l’alimentation du porc sur les performances de croissance et la qualité de la viande Victor VORIN (1), Jacques MOUROT (1), Pierre WEILL (2), Gwénolla ROBIN (1), Philippe PEINIAU (1), Alain MOUNIER (1) (1) Unité mixte de Recherches sur le Veau et le Porc – INRA, 35590 ST-Gilles (2) Valorex, 35210 Combourtillé Effet de l’apport d’acides gras oméga 3 dans l’alimentation du porc sur les performances de croissance et la qualité de la viande Dans l’alimentation humaine, il est demandé par les spécialistes d’augmenter la part des acides gras ω3 et en particulier de certains dérivés de l’acide α linolénique ω3 (acide eicosapentaénoïque - EPA, C 20:5 n-3; acide docosahexaénoïque - DHA, C22:6 n-3) qui ont un rôle important vis à vis de la prévention des maladies cardio-vasculaires. La viande de porc, comme d’autres produits animaux, peut contribuer à cette démarche. Cette étude a été mise en place pour comparer l’effet de différentes formes d’apport d’acides gras ω3 dans l’alimentation du porc sur les performances de croissance et la qualité nutritionnelle de la viande. Des porcs (10 par régime) ont reçu des régimes isoénergétiques et isolipidiques contenant des sources différentes d’acides gras ω3 : huile de soja, graines de lin extrudées et huile de lin. Les performances de croissance et les caractéristiques du tissu adipeux du dos (TASCD) et des muscles Longissimus dorsi et Semimenbranosus) ont été mesurées. Les animaux recevant les graines extrudées présentent de meilleures performances de croissance, une adiposité globale des carcasses plus faible et une plus grande richesse en acides gras ω3 avec une teneur plus importante d’EPA et de DHA dans les tissus. L’effet de la nature des acides gras incorporés dans le régime des porcs sur les TASCD et les muscles est une nouvelle fois montré, ce qui, selon la nature des acides gras ingérés, pourrait avoir des répercussions favorables sur la qualité nutritionnelle de la viande pour répondre aux souhaits des consommateurs et du corps médical. Effect of n-3 fatty acids in pig diets on growth perfomance and meat quality Human nutritionists recommend that the amount of n-3 fatty acids and particularly some derivatives of α-linolenic acid (eicosapentaenoic acid – EPA, C20:5 n-3 and docosahexaenoic acid - DHA, C22:6 n-3) be increased in the diet. The derivatives play an important role in preventing cardiovascular diseases. Pork, as well as other animal products, can contribute to the supply of n-3 fatty acids. The present study was conducted to compare the effects of different forms of n-3 fatty acids in pig feed on growth and the nutritional quality of the meat. A total of thirty pigs (10 per diet) were fed isoenergetic and isolipidic diets, containing different sources of n-3 fatty acids : soybean oil, extruded linseeds and linseed oil. Growth performance and the characteristics of dorsal adipose tissue, Longissimus dorsi and Semi menbranosus muscles were measured. Pigs which were fed extruded linseed grew faster, had leaner carcasses and contained more n-3 fatty acids (especially EPA and DHA) in their tissues compared to pigs given the other sources of fatty acids. The positive relationship between dietary fatty acid levels and their incorporation into dorsal adipose tissue and muscles has again be shown. This could have favourable repercussions on the nutritional quality of meat. 252 INTRODUCTION La composition des lipides de la viande de porc, comme celles de la plupart des animaux monogastriques est influencée par la nature des lipides alimentaires (FLANZY et al., 1971; MOUROT et HERMIER 2001). Il est donc possible d’essayer d’utiliser cette particularité pour améliorer la qualité nutritionnelle des viandes en introduisant des acides gras jugés bons pour la santé humaine avec pour objectif de produire une viande dont la composition en acides gras se rapprochera le plus possible de celle proposée pour les apports nutritionnels conseillés pour la population française (ANC 2001). Ces recommandations vont dans le sens d’une diminution des apports en acides gras ω6 et d’une augmentation des acides gras ω3 pour tendre vers un rapport ω6/ω3 sensiblement égal à 5. Chez le porc recevant une alimentation standard et conforme aux cahiers des charges respectant un apport d’acide linoléique compris entre 1,2 à 1,5 % du poids du régime, le rapport ω6/ω3 est voisin de 11 à 12 (MOUROT, données non publiées, calcul portant sur plus de 1500 porcs étudiés au laboratoire ou à partir des données de la littérature). Il faut donc envisager d’augmenter fortement la part des ω3 et plus particulièrement de l’acide α-linolénique (C18:3, n-3) dans l’alimentation du porc pour obtenir une viande avec un rapport ω6/ω3 voisin de 5. De plus, cet acide α-linolénique est aussi le précurseur d’acides gras jouant un rôle biologique particulièrement important dans l’organisme comme l’acide eicosapentaénoïque (EPA, 20:5 n-3) et l’acide docosahexaénoïque (DHA, 22:6 n-3) (LEGRAND et MOUROT 2002), or ces acides gras ne se trouvent que dans les produits d’origine animale. Ainsi, un simple apport d’acide α-linolénique dans l’alimentation humaine (par exemple avec l’utilisation d’une matière grasse végétale riche en cet acide gras) ne sera pas suffisant vis à vis du métabolisme cardio-vasculaire car l’organisme a aussi besoin d’EPA et de DHA apportés par l’ingestion de produits animaux. Pour répondre à cette demande des nutritionnistes, nous avons mis en place des études dont le but est de comparer différentes formes d’apport de matières grasses contenant des teneurs variables en acide α-linolénique et de suivre les conséquences sur les performances de croissance des porcs, la qualité nutritionnelle de la viande en s’intéressant plus particulièrement aux dépôts en acide α-linolénique et en ses dérivés comme l’EPA et le DHA. 1. MATERIELS ET METHODES 1.1. Animaux et régimes 30 porcs mâles castrés de race Large White Landrace croisés Piétrain répartis en trois lots de 10 animaux ont reçu entre 35 et 105 Kg des régimes contenant des sources de lipides différentes : huile de soja, huile de lin ou graines de lin extrudées. Les compositions des régimes et celles en acides gras sont indiquées dans le tableau 1. Ces matières grasses sont caractérisées par leurs teneurs en acides gras polyinsaturés différentes. La teneur en acide α-linolénique représente 9,8% des acides gras totaux pour l’huile de soja contre 18% et 20,5% respectivement pour les graines de lin extrudées et huile de lin. Les animaux, élevés en loge individuelle ont reçu une alimentation ad libitum jusqu’à leur abattage selon le plan d'alimentation établi à l'UMRVP. Pendant la durée d’engraissement, les animaux sont pesés chaque semaine, les quantités d'aliments distribuées sont notées ainsi que les refus éventuels. Le gain moyen quotidien et l'indice de consommation ont été calculé par porc Les animaux, élevés en loge individuelle ont reçu une alimentation ad libitum jusqu’à leur abattage selon le plan d’alimentation établi à l’UMRVP. Pendant la durée d’engraissement, les animaux sont pesés chaque semaine, les quantités d’aliments distribuées sont notées ainsi que les refus éventuels. Le gain moyen quotidien et l’indice de consommation ont été calculés par porc. Tableau 1 - Composition des régimes et teneurs en acides gras des différents régimes expérimentaux Huile de soja Graines de lin extrudées Huile de lin Energie (MJ EN/kg) 16,36 16,18 16,23 Protéines 18,30 16,54 16,90 Matières grasses 3,51 3,16 3,56 Composition en AG C14:0 C16:0 C16:1 (n-7) C18:0 C18:1 (n-9) C18:2 (n-6) C20:0 C18:3 (n3) C20:1 (n-9) C20:2 C20:3 (n-3) C22:1 (n-9) C24:0 C24:1 (n-9) % 0,1 12,9 0,3 2,4 21,5 51,8 0,3 9,4 0,4 0,1 0,3 0,1 0,2 0,0 mg/ kg 26 3157 70 599 5315 12684 84 2307 105 28 80 33 44 12 % 0,1 12,6 0,2 2,1 19,3 45,9 0,3 18,1 0,5 0,1 0,3 0,2 0,2 0,1 mg/ kg 19 2254 28 384 3468 8232 61 3238 96 21 50 34 34 11 % 0,1 11,9 0,2 2,3 18,9 43,1 0,3 21,9 0,5 0,1 0,3 0,2 0,2 0,1 mg/ kg 22 2523 34 492 4018 9149 73 4658 107 27 54 38 37 11 253 1.2. Mesures à l’abattage et prélèvements. A la fin de la période expérimentale et après un jeûne de 12 heures, les animaux ont été sacrifiés à un poids vif moyen de 105 kg (+ 2 kg) par électronarcose puis saignée. La mesure de la TVM a été réalisée et les animaux ont été découpés selon la découpe européenne normalisée. Dès l’abattage, des prélèvements du tissu adipeux sous-cutané dorsal, des muscles Longissimus dorsi et Semimembranosus ont été réalisés mis sous vide puis congelés et conservés à - 20°C en vue des analyses chimiques. Des mesures de qualité de viande ont été effectuées (pH à 24 heures, pertes de ressuage, pertes à la cuisson). 1.3. Mesures au laboratoire Les lipides totaux du tissu adipeux sous-cutané dorsal et des muscles (frais et après cuisson sous vide) ont été extraits à froid selon la méthode de FOLCH et al., (1957) dans un mélange chloroforme-méthanol. Le profil en acides gras est réalisé par chromatographie en phase gazeuse après dérivation au trifluorure de Bore (BF3) selon la méthode de MORRISSON et SMITH (1964). La colonne est une colonne capillaire en silice fondue de 30 m de long, 0,25 mm de diamètre intérieur, remplie d’une phase stationnaire (80 % de biscyanopropyl et de 20 % de cyanopropylphényl), la température du four est programmée de 45° à 240° avec des montées 20 à 35° min entrecoupée de plateaux, les températures de l’injecteur et du détecteur sont respectivement de 220 et 280°C. Les acides gras sont exprimés en pourcentage des acides gras identifiés et en quantité totale calculée grâce à un standard interne (C17). La composition des classes de lipides dans les muscles et la bardière est déterminée à l’aide d’une chromatographie en phase liquide haute performance (HPLC) selon les techniques de STOLYWHO et al., (1987) et LESEIGNEUR-MEYNIER et al., (1991). Les classes de lipides sont exprimées en quantité totale dans les tissus. 2. RÉSULTATS ET DISCUSSION 2.1. Performances de croissance et composition tissulaire de la carcasse La consommation alimentaire est identique entre les porcs, mais les performances de croissance sont influencées par les régimes (tableau 2). L’apport de graines de lin extrudées induit un meilleur gain de poids (p<0,08) et un meilleur indice de consommation (p<0,07). Le temps nécessaire pour atteindre un poids d’abattage équivalent a été diminué d’environ 5 jours avec le régime apportant des graines de lin extrudées (p<0,03). Ces résultats montrent que le régime contenant la matière grasse apportée par les graines de lin serait plus efficace en terme de croissance que les traitements où la matière grasse est apportée directement sous forme d’huile. Chez les animaux ayant reçu les graines de lin extrudées, la teneur en viande maigre (TVM) est plus élevée (limite de signification, P<0,11) (tableau 3). Ces résultats confirment les travaux de MOUROT et al., (1995) et vont à l’encontre des observations de BUCHARLES et al., (1987) et MOUROT et al., (1994), qui observent une diminution du taux de muscle chez les animaux soumis à des régimes riches en acides gras polyinsaturés. Des variations des activités lipogéniques au niveau des tissus pourraient être à l’origine de la mobilisation des glucides alimentaires et du métabolisme énergétique pour la production de muscles (augmentation du poids de longe et un poids de bardière plus faible chez les animaux recevant les graines). Le pH ultime et les pertes au ressuage et à la cuisson ne sont pas modifiés par les traitements. On peut toutefois noter que les pertes totales en eau, (ressuage et cuisson) sont plus faibles chez les porcs recevant les graines de lin extrudées. 2.2. Teneurs en lipides totaux et composition en acides gras des tissus La teneur en lipides totaux dans le tissu adipeux sous-cutané dorsal est diminuée chez les porcs recevant les régimes contenant des graines de lin (p<0,01), mais elle n’est pas affectée dans les muscles Longissimus dorsi et Semimembranosus (tableau 3). Après cuisson sous vide, la teneur en lipides totaux du Longissimus dorsi n’est pas modifiée entre les lots, mais la cuisson augmente la teneur en lipides dans le muscle de près de 0,5 à 0,6 % suite à des pertes en eau et protéines. L’influence de la composition en acides gras du régime sur celle des tissus est une nouvelle fois démontrée confirmant des travaux précédents (MOUROT et al., 1995 ; KOUBA et al., 1998). Les variations de composition en acides gras observées dans le TA sous-cutané dorsal suivent celles des acides gras alimentaires, ce qui se traduit par une plus forte Tableau 2 - Effet des régimes sur les performances de croissance des animaux Poids début, Kg Age début, j Poids fin, Kg Age fin, j Ingéré moyen, Kg/j GMQ, g/j Indice de consommation Huile de soja 35,0 92,0a 104,6 163,6 2,83 974 2,91 Graines de lin extrudées 35,8 90,6b 105,6 158,5 2,89 1033 2,80 Huile de lin 35,8 90,8b 105,7 163,6 2,85 965 2,96 n = 10 porcs par régime, Les valeurs en ligne affectées d'une même lettre ne sont pas différentes significativement au seuil de 5 % RSD 2,2 1,2 4,7 4,7 0,19 81 0,15 Effet régime NS p<0,03 NS p<0,03 NS p<0,08 p<0,07 254 Tableau 3 - Effet des régimes sur la composition de la carcasse, les poids des principaux morceaux de découpe, les critères de qualité de la viande et les teneurs en lipides totaux de la bardière et des muscles TVM pH Pertes au ressuage, % Pertes totales en eau, % (1) Longe Bardière Jambon Panne (en g) TA sous-cutané du dos Longissimus dorsi Semimembranosus Lipides totaux après cuisson dans le LD Huile de soja Graines de lin extrudées Huile de lin 59,7 60,6 59,4 5,54 5,60 5,54 8,3 7,7 9,1 33,3 32,0 33,6 Poids de découpe (% de la carcasse) 26,7 27,4 26,8 7,4 7,1 7,7 24,5 24,7 24,3 663 626 634 Lipides totaux (%) 78,2 75,1 78,9 1,92 1,89 2,04 2,41 2,25 2,23 2,51 2,56 2,65 RSD 3,3 0,1 1,7 2,3 Effet régime NS NS NS NS 1,1 0,9 1,1 144 NS NS NS NS 2,78 0,27 0,53 p<0,01 NS NS 0,55 NS n = 10 porcs par régime, (1) pertes cumulées de ressuage et de cuisson Les valeurs en ligne affectées d'une même lettre ne sont pas différentes significativement au seuil de 5 % teneur en acides gras ω3 déposés (p<0,001) dans ce tissu pour les régimes apportant du lin sous forme d’huile ou de graines extrudées (tableau 4). Cette teneur élevée en acides gras ω3 peut s’expliquer par une plus forte teneur en acide α-linolénique du régime et vraisemblablement par une compétition au niveau des différents acides gras polyinsaturés. Nos résultats confirment ceux de BEE et al., (1999) qui rapportent que le porc étant dépourvu d’activité ∆-12 ou ∆-15 désaturase, tous les acides gras retrouvés dans les tissus seraient d’origine exogène et l’augmentation de leur teneur serait le reflet de leur accumulation et d’un déficit de la synthèse de novo. Ainsi la quantité totale d’acides gras ω3 déposés dans le TA sous cutané dorsal est de 1,5 g pour 100 g de TA pour le régime à base d’huile de soja ; 2,0 pour les graines de lin extrudées ; 2,7 pour l’huile de lin. Les teneurs en eicosapentaénoïque (EPA) et docosahexaénoïque Tableau 4 - Effet des régimes sur la teneur en acides gras du tissu adipeux sous-cutané dorsal Expression en mg pour 100 g de tissu Huile de soja Graines de lin extrudées Huile de lin RSD Effet régime Total des AG saturés C 14: 0 C 16: 0 C 18: 0 C 20: 0 C 24: 0 29040a 819a 17207a 10803a 201 10 30287ab 830a 17734ab 11517a 1112 10 31556b 906b 18581b 11852a 1061 13 1823 65,1 927,6 1000 30,2 16,2 p<0,02 p<0,01 p<0,01 p<0,08 NS NS Total des AG monoinsaturés C 14: 1 C 16: 1 C 18: 1 C 20: 1 C 22: 1 C 24: 1 17414 6,0 1063 25603 648 12 88 27661 11 1178 25773 636 13 60 27872 6,0 1176 25946 668 13 68 2212 13,6 239 2169 119,1 7,0 25,5 NS NS NS NS NS p<0,07 Total des AG polyinsaturés C 18: 2 n-6 C 18: 3 n-3 C 20: 2 n-6 C 20: 3 n-6 C 20: 5 n-3, EPA C 22: 5 n-3 C 22: 6 n-3, DHA 11107a 8898a 1367a 447a 66a 20a 88a 23a 9195b 6670b 1775b 324b 43b 37b 103a 28a 10414a 7119b 2331c 368ab 39b 37b 126b 23a 1012 840,4 175 91 13 10 18 4,0 p<0,001 p<0,001 p<0,001 p<0,02 p<0,001 p<0,001 p<0,001 p<0,04 Coefficient d'insaturation 1,35ab 1,33a 1,37b 0,1 p<0,005 a b b Somme des AG n-6 9094 6884 7489 843 p<0,001 Somme des AG n-3 1565a 1987b 2758c 185 p<0,001 0,4 p<0,001 Rapport ω6/ ω3 5,9 a b 3,5 c 2,9 n = 10 porcs par régime, Les valeurs en ligne affectées d'une même lettre ne sont pas différentes significativement au seuil de 5 % 255 (DHA), acides gras particulièrement importants pour le métabolisme lipidique chez l’homme (LEGRAND et DURAND, 2001), sont retrouvées en plus grande quantité chez les porcs recevant les graines extrudées, soit, respectivement 37 et 28 mg pour 100 g de tissu adipeux. Ainsi, le régime apportant la graine extrudée entraîne donc dans le tissu adipeux des porcs un dépôt important d’acides gras polyinsaturés à longues chaînes jugés bon pour la santé de l’homme. Cependant, cet effet bénéfique doit être tempéré par le fait que, dans la plupart des cas, le gras de la viande de porc doit être consommé avec modération car il est supposé peu diététique par les nutritionnistes et l’ensemble du corps médical. En ce qui concerne les lipides intramusculaires, la composition en acides gras déposés dans le muscle Longissimus dorsi (tableau 5) va dans le même sens que celle observée dans le tissu adipeux avec cependant des effets moindres (synthèse de LEBRET et al., 1999). L’expression des acides gras en quantité, permet de connaître ce qui pourrait être réellement ingéré en alimentation humaine. Ainsi, la quantité totale d’acides gras ω3 déposés dans le muscle Longissimus dorsi est relativement élevée chez les porcs recevant la graine extrudée. Ils représentent respectivement 30 mg /100 g de muscle pour l’huile de soja ; 39 mg pour huile de lin et 46 mg pour les graines de lin extrudées. L’incorporation de l’huile de lin dans l’alimentation du porc permet donc d’augmenter les dépôts d’acides gras n-3 dans la viande par rapport à l’huile de soja confirmant ainsi les travaux de KOUBA et al. (2002). Les teneurs en EPA et DHA sont également plus élevées chez ces animaux, respectivement 7,1 et 1,8 mg /100 g de muscle. Cependant la conversion C18:3 en EPA et DHA reste faible chez le porc confirmant les observations de EMKEN et al., (1994). Tableau 5 - Effet des régimes sur la teneur en acides gras dans le muscle Longissimus dorsi Expression en mg pour 100 g de muscle Huile de soja Graines de lin extrudées Huile de lin RSD Effet régime Total des AG saturés C 14: 0 C 16: 0 C 18: 0 C 20: 0 C 24: 0 480 12,4 303,7 157,5 3,2 3,4 569 13,5 366,9 182,3 3,5 2,9 545 15 345,8 177,1 3,6 3,2 117 3,1 77,5 37,6 1,3 1,2 NS NS NS NS NS NS Total des AG monoinsaturés C 16: 1 C 18: 1 C 20: 1 C 22: 1 C 24: 1 434 32,9 386,3 8,5 1,2 4,8 493 39 438,1 8,7 1,6 5,1 470 38 419,3 8,0 0,9 3,3 106,7 10 95 2,2 1,3 2,3 NS NS NS NS NS NS Total des AG polyinsaturés C 18: 2 n-6 C 18: 3 n-3 C 20: 2 n-6 C 20: 3 n-6 C 20: 4 n-6 C 20: 5 n-3, EPA C 22: 5 n-3 C 22: 6 n-3, DHA 229 162,1 11,8a 5,7 4,2 30,7 3,8a 8,8 1,6 299 210,2 19,9b 5,4 6,4 38,1 7,1a 10,6 1,8 238 165,9 17,4b 5,7 4,7 27,8 6,7a 8,3 1,8 79 54 4,8 2,4 2,1 15 3,0 4,4 0,9 p<0,12 NS p<0,003 NS p<0,09 NS p<0,04 NS NS Coefficient d'insaturation 1,5 1,6 1,5 0,1 NS Somme des AG n-6 193 248 194 68 NS Somme des AG n-3 30a 46b 39ab 13 p<0,05 Rapport ω6/ ω3 6,5a 5,5ab 5,0b 1,2 p<0,04 n = 10 porcs par régime, Les valeurs en ligne affectées d'une même lettre ne sont pas différentes significativement au seuil de 5 % Tableau 6 - Effet des régimes sur les principales classes de lipides dans le muscle Longissimus dorsi (expression en mg par 100 g de muscle) Lipides Neutres Lipides Polaires Triglycérides Cholestérol n = 10 porcs par lot Huile de soja 987 384 864 52 Graines de lin extrudées 951 438 827 47 Huile de lin 1038 385 920 52 RSD 168 75 156 10 Effet régime NS NS NS NS 256 Les différents régimes expérimentaux ont permis de réduire considérablement le rapport ω6/ ω3 de 11 avec un régime classique à un chiffre voisin de 5, valeur recommandée par les ANC (2001). Les régimes n’ont pas influencé significativement les teneurs en différentes classes de lipides dans le muscle Longissimus dorsi (tableau 6). La teneur la plus faible en lipides neutres (ou lipides de réserve) est observée chez les animaux issus du lot recevant les graines extrudées. Les teneurs en lipides polaires (ou lipides de structure) sont plus fortes chez les porcs recevant les graines extrudées, il y a donc une plus grande accumulation de phospholipides dans les membranes des cellules des animaux recevant les graines. Les teneurs en cholestérol du muscle ne sont pas affectées par les régimes, la teneur la plus faible étant observée chez des porcs recevant les graines extrudées. CONCLUSION Cette étude montre que l’incorporation de matières grasses enrichies en acides gras ω3 dans les régimes des porcs induit une augmentation de dépôt d’acides gras jugés bons pour la santé de l’homme, tel que l’EPA et le DHA. Les différentes formes d’apport étudiées permettent d’obtenir un rapport d’acides gras ω6/ω3 voisin de 5, valeur recommandée par les apports nutritionnels conseillés (ANC). Parmi les formes d’apport d’acides gras ω3 comparés dans cette étude, la graine de lin extrudée semble induire une meilleure croissance des animaux, un taux de muscle dans la carcasse plus élevé, une teneur moindre en cholestérol de la viande, une diminution de la teneur en lipides des tissus adipeux, et un accroissement du dépôt des acides gras EPA et DHA, ce qui va dans le sens de l’amélioration de la qualité nutritionnelle de la viande souhaitée par les nutritionnistes. En conséquence, l’utilisation des régimes enrichis en ω3 et notamment la graine de lin extrudée permettrait une augmentation des dérivés de l’acide α-linoléique sans augmenter la teneur en lipides totaux et en cholestérol. Toutefois, la viande des porcs de cette expérience n’a pas fait l’objet de tests organoleptiques. On pourrait craindre qu’une forte augmentation de l’insaturation ne puisse altérer les qualités organoleptiques de la viande en raison d’un potentiel d’oxydation accru. Cependant, cette possible détérioration du goût n’a pas été mise en évidence par les travaux de KOUBA et al. (2002) introduisant de l’huile de lin dans les régimes des porcs, mais il est possible que dans cette étude une utilisation plus importante de vitamine E dans la ration a permis de ralentir l’oxydation des acides gras. Pour l’avenir, et à titre préventif, il est donc préférable d’envisager une supplémentation en vitamine E des régimes pour limiter les risques d’oxydation des lipides lors de l’utilisation de matières grasses riches en acides gras ω3. Il est possible aussi que la graine de lin extrudée n’induise pas le même potentiel d’oxydation que l’huile de lin. Des travaux complémentaires sont donc nécessaires pour bien maîtriser l’utilisation de l’incorporation d’acides gras ω3 dans l’alimentation du porc et en tirer un maximum d’effets bénéfiques pour améliorer la qualité nutritionnelle de cette viande. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES • ANC, Apports Nutritionnels Conseillés pour la population française, 2001 AFSSA, Ed. Tec & Doc, Paris. • BEE G., MESSIKOMER R., GEBERT S., 1999. Fett Lipid 1001, 336-342. • BUCHARLES C., GIRARD J.P., DESMOULINS B., YUAN C.W., BONNET M., 1987. Rev. Fr. Corps Gras, 34, 68-75. • EMKEN E.A., ADLOF R.O., GULLEY R.M., 1994. Biochem. biophys. Acta, 1213, 277-288. • FLANZY J., FRANÇOIS A.C., RÉRAT A., 1971. Ann. Biol. anim. Bioch. Biophys., 10, 603-620. • FOLCH J., LEE M., SLOANE STANLEY G.H., 1957. J.Biol.Chem., 226, 497-509. • KOUBA M., MOUROT J., BONNEAU M., MOUNIER A. , 1998. Jounnées Rech. Porcine en France, 30, 297-301. • KOUBA M., ENSER M., WHITTINGTON F.M., NUTE G.R., WOOD J.D., 2002. J. Animal Sci. (sous-presse). • LEBRET B., MOUROT J., LEFAUCHEUR L.,1999. INRA Prod. Anim. 12, 1, 11-28. • LEGRAND P., DURAND G., 2001, OCL, 8, 13-14. • LEGRAND P., MOUROT J., Viande et Produits carnés, 2002, Hors série, p 49-57. • LESEIGNEUR-MEYNIER, A., GANDEMER, G., 1991. Meat Sci., 29, 229-241. • MORRISSON W.R., SMITH L.M., 1964. J. Lipid Res., 5, 600-608. • MOUROT J., PEINIAU P., MOUNIER A., 1994. Reprod. Nutr. Dev., 34, 213-220. • MOUROT J., CAMARA M., Février C., 1995. C.R. Acad. Sci. Paris, Sciences de la vie, 318, 965-970. • MOUROT J., KOUBA M., 1999. Reprod. Nutr. Dev., 39, 125-132. • MOUROT J., HERMIER D., 2001, Reprod. Nut. Dev. 41, 109-118. • STOLYWHO A., MARTIN M., GUICHON. G, 1987. J. Liqu. Chromatogr. 10, 1237-1224.