Réflexions des Jésuites d`Haïti et des représentants de la

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Réflexions des Jésuites d`Haïti et des représentants de la
Réflexions des Jésuites d’Haïti et des représentants de la
société civile haïtienne sur la nouvelle situation créée par
le Séisme du 12 janvier 2010
Rapport No 1
Après le terrible cataclysme du 12 janvier 2010, les Jésuites d’Haïti collaborent
avec leurs confrères jésuites et des acteurs de la société civile de la République
Dominicaine pour venir en aide à la population haïtienne. Un comité d’urgence a été mis
en place et un centre d’urgence a été créé, avec pour mission d’alimenter plus de 7 cellules
de distribution d’aide alimentaire et de services de santé à la population dans différents
quartiers de la capitale et à Léogâne. Le comité d’urgence se réunit chaque matin, animé
par le P. Kawas François, jésuite. En marge de cette intervention, les jésuites ont décidé de
créer une cellule d’action et de réflexion sur l’impact du cataclysme sur la société
haïtienne, sur l’aide internationale publique et privée, la souveraineté nationale et sur la
reconstruction du pays. La présence massive des militaires étrangers notamment ceux des
États-Unis d’Amérique du Nord sur le sol national laisse perplexe les Haïtiens.
La première réunion s’est tenue au Noviciat des Jésuites à Tabarrre 10, rue A.
Francois No 4, le dimanche 24 janvier. Étaient présents des intellectuels, des prêtres, des
leaders d’organisations de la société civile, des entrepreneurs etc. Les échanges tournaient
autour des points suivants:
1. L’impact (physique, social, politique, économique etc.) de cette catastrophe et ses
conséquences sur la société haïtienne?
2. Réflexion sur l’aide internationale publique et privée à Haïti et la problématique
de la souveraineté nationale avec la présence de nombreux militaires étrangers
dans le pays, notamment la présence de plus 20000 militaires Nord-Américains.
3.
La reconstruction d’Haïti après la catastrophe du 12 janvier ?
I.- De l’impact et des conséquences du cataclysme sur la société
L’impact et les conséquences du cataclysme du 12 janvier sur la société haïtienne
sont incommensurables. Nous sommes encore loin du temps des bilans. Toutes nos
institutions déjà faibles : l’État (le Palais National et les Casernes Dessalines, la Direction
Générale des Impôts, le Palais des Ministères, la Police Nationale, l’Institution judiciaire,
le système pénitentiaire etc.), les mairies, les églises notamment l’Église catholique, les
infrastructures de santé et d’éducation, les banques, le commerce, l’industrie etc. ont subi
un coup sans précédent. C’est pratiquement l’effondrement de l’État et de l’économie du
pays. Moralement et psychologiquement, la population a subi un profond traumatisme. Il
faudra beaucoup de temps pour s’en remettre. Les prisonniers -certains très dangereuxsont dans la rue. Nous publierons bientôt une évaluation chiffrée des dégâts causés par le
séisme.
Cette catastrophe met à nu les faiblesses d’Haïti. Aucune prise en change de la part
des Pouvoirs Publics. L’État déjà faible s’est littéralement effondré; aucun service public
ne s’est manifesté à Port-au-Prince et dans les autres zones sinistrées durant les premiers
jours qui ont suivi le séisme. La centralisation des services publics dans la capitale a
précipité cet effondrement de l’État. Par contre la population a fait montre d’une solidarité
sans pareil : secours aux blessés, partage de la nourriture, de l’eau, mise ne place de
nombreux comités de quartier etc. Ce phénomène contredit l’idée que l’Haïtien est
fondamentalement individualiste. Sans cette solidarité spontanée mais efficace, on ne voit
pas comment la population survivrait. Pendant les trois premiers jours, l’absence de l’État
était total et la population livrée à elle-même. Par ailleurs, de nouveaux problèmes sociaux
s’annoncent à côté de ceux qui existent déjà : la montée de la pauvreté, l’augmentation du
nombre des handicapés et d’orphelins.
II. De l’aide multinationale publique et privée à Haïti
On observe une mobilisation sans pareil tant du côté des États, des acteurs
internationaux et régionaux que de la société civile. Des artistes des grands pays
occidentaux se mobilisent. Un courant de compassion et de solidarité charrie des individus
et des entités collectives dans tous les pays du monde. Du jamais vu dans l’histoire de
l’aide humanitaire. Par contre, on se pose de sérieuses questions sur la gestion de cette aide
en Haïti. Qui va la gérer? Les ong’s? Les agences internationales? L’État haïtien n’en a pas
les moyens. Sa gestion des catastrophes naturelles antérieures s’est révélée catastrophique.
La capacité de gestion de l’administration publique haïtienne est quasi nulle. Cette aide
massive va-t-elle contribuer à l’enrichissement d’une petite élite de fonctionnaires et de
technocrates corrompus, haïtiens et étrangers, comme par le passé? Va-t-elle arriver au
pays par les canaux de la coopération bilatérale et multilatérale classique? Cette
coopération s’est révélée toujours inefficace et n’a jamais pu lancer le pays sur la voie du
développement. Par ailleurs nous connaissons les mécanismes cyniques de cette
coopération. Dans un contexte pareil, la perplexité et le pessimisme s’imposent.
Sous le couvert de cette aide, de nombreux militaires de pays étrangers arrivent en Haïti.
Plus de 20000 soldats américains seront déployés en Haïti. Cette situation ne va-t-elle pas
ouvrir la voie à une occupation du territoire national?
N’est-on pas en droit de se
demander si Haïti n’est pas en train de se convertir en un enjeu de luttes géopolitiques et
idéologiques entre les puissances occidentales : les États-Unis d’Amérique du Nord, la
France, l’Union Européenne, le Vénézuela, le Brésil? Quel est l’enjeu réel de toutes ces
forces-armées sur le territoire haïtien?
III. De la reconstruction d’Haïti
La question de la reconstruction d’Haïti est aujourd’hui urgente et incontournable. Et cette
reconstruction ne peut se faire en absence des acteurs internationaux. Mais qui seront les
protagonistes de cette reconstruction? L’effondrement total de l’État haïtien et son
incapacité subséquente à assurer par lui-même la reconstruction du pays, impliquent le fait
que ce sont les acteurs internationaux qui risquent de prendre en charge cette
reconstruction. Cette dernière ne risque-t-elle pas de se faire sans et contre les Haïtiens?
Nous savons que les relations entre les États ne sont pas de type humanitaire mais des
rapports de force autour d’intérêts et d’enjeux économiques, géopolitiques bien concrets.
Si les États-Unis d’Amérique et les autres acteurs internationaux seraient les
protagonistes d’un nouveau «Plan Marshall» pour Haïti, quel sera la contribution de la
société civile et de l’État haïtiens? Quels sont les mécanismes positifs qui existent déjà
dans la société haïtienne et ceux à mettre en place pour rendre possible cette reconstruction
d’Haïti? Comment renforcer les institutions de l’État, celles de la société civile, les partis
politiques, pour les rendre aptes à prendre en main cette reconstruction? Depuis quelques
années, la société civile haïtienne (les médias, les associations paysannes et suburbaines,
les ong’s, les organismes de défense des droits humains, les organisations religieuses,
l’université etc. ) s’est renforcée et s’est montrée bien présente sur la scène politique; mais
comment la sensibiliser davantage aujourd’hui pour l’amener à apporter une meilleure
contribution à la reconstruction des institutions nationales? Nous sommes convaincus que
la reconstruction du pays est d’abord et avant tout une question nationale. Il n’est pas
l’affaire du gouvernement seulement. Les principaux acteurs doivent être les Haïtiens euxmêmes; tous les Haïtiens sans distinction. La société civile haïtienne, dans toutes ses
composantes, doit se mobiliser pour aider à l’élaboration d’un projet de société pour Haïti.
Ce projet est indispensable pour canaliser l’aide externe et faire que cette dernière soit
profitable pour le pays.
12 janvier 2010 est désormais une date historique pour Haïti et pour le monde. Il existera à
jamais un avant et un après 12 janvier. Il convient donc que la société civile haïtienne
notamment les groupes socioprofessionnels agissent vite et efficacement pour aider à
élaborer ce projet de société, un plan de relance de l’économie du pays, pour exiger des
responsables de l’État une intervention qui soit véritablement au bénéfice de la Nation
entière, en dehors de tout populisme; ce travers politique qui a causé tant de torts au pays
au cours de ces dernières années.
Quelques décisions de la cellule de réflexion
Quelles suites donner à cette première matinée de réflexion? Quelles sont les stratégies à
adopter pour passer de la parole à l’action? Les participants ont formulé les propositions
suivantes :
Dresser une cartographie des zones frappées par le séisme
Créer une interconnexion entre les différents groupes et organisations de la société
civile qui réfléchissent aujourd’hui en Haïti sur la nouvelle situation créée par le
tremblement de terre du 12 janvier
Voir comment aider à intégrer la diaspora haïtienne dans le processus de reconstruction
du pays
Établir une base de données chiffrée sur les victimes, les dégâts en général causés par
le tremblement de terre dans tous les domaines
Organiser une fois par semaine cette réunion de réflexion
Ont pris part à cette matinée de réflexion:
Noms
Email
Phone
Mario Serrano
[email protected]
38146418
Bismith Lazard
[email protected]
Miller Lamothe
[email protected]
Marcel Chalerus
[email protected]
Katia Phanor Mathieu
[email protected]
Martha St Clair
[email protected]
35581756
Sr Marie Eliane Dorélus
[email protected]
3421 2498
Serge Lamothe
[email protected]
3722 3895
Maxima Peña
[email protected]
Rose Julien
[email protected]
34530833
Kawas François
[email protected]
3406-5224
Zago (Luné Roc Pierre Louis)
[email protected]
Suzy Castor
[email protected]
3455-6690
Eloin Ezuho
Sonia Vasquez
[email protected]
Jimmy Calixte
[email protected]
3826 2381
Fred Sylvain
[email protected]
3796 8757