Ethan Frome - Institut des Actuaires
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Ethan Frome - Institut des Actuaires
PROCESSUS DE POISSON MELANGE ET FORMULES UNIFIEES POUR SYSTEMES BONUS-MALUS J.F. WALHIN*y J. PARIS* * Université Catholique de Louvain, Belgique y Le Mans Assurances, Belgique RÉSUMÉ Nous proposons une méthodologie générale pour construire un système bonus-malus équilibré basé sur une fonction de perte exponentielle. Ce travail englobe les travaux sur le sujet et en simplifie les écritures. MOTS-CLÉS Processus de comptage, Poisson mélange, fonction de perte exponentielle, système bonus-malus. 1. INTRODUCTION - LE PROCESSUS DE COMPTAGE L'introduction d'un système bonus-malus en assurance RC auto se justifie principalement par le fait que le nombre N(t) de sinistres déclarés par un assuré dans l'intervalle (0,t] ne suit pas une loi de Poisson simple. Cela conduit naturellement à traduire la diversité des assurés en supposant que N(t) suit une loi de Poisson mélange caractérisée par ∞ Π (n, t ) = P ( N (t ) = n) = ∫ e −λt 0 ( λt ) n dU (λ ) . n! Généralement on fait choix de la fonction U pour trouver la loi de N(t). Lemaire (1979) a choisi la loi gamma pour U, ce qui conduit à la loi binomiale négative pour N(t). Morillo et Bermudez (1999) ont choisi la loi inverse gaussienne pour U, ce qui conduit à la loi Poisson inverse gaussienne pour N(t). Ces choix se justifient plus pour des raisons de facilité mathématique que pour des raisons objectives liées aux observations. En effet, l'observation porte sur le nombre de sinistres déclarés sur une période de temps (l'année en pratique). Comme la fréquence est faible, le nombre de degrés de liberté est peu élevé, ce qui rend difficile la distinction entre BULLETIN FRANÇAIS D’ACTUARIAT, Vol. 3, N° 6, 1999, pp. 35-43 J.F. WALHIN & J. PARIS 36 les modèles. Les deux choix particuliers indiqués plus haut appartiennent en réalité à la même famille obtenue en choisissant pour U une fonction de répartition infiniment divisible. Ceci se traduit de manière équivalente par une expression simple pour Π(n, t) : n Π(n, t) = (−1)n t Π (n)(0, t) n! où Π(0, t) = e −θ(t) θ(t) ≥ 0 θ(0) = 0 d θ(t) complètement monotone. dt Un choix intéressant pour la fonction θ′(t) est celui fait par Hofmann (1955) et utilisé par Kestemont et Paris (1985) : θ′(t) = p (1 + ct) a p > 0, c > 0, a ≥ 0. Par intégration, on trouve θ(t) = pt si a=0 θ(t) = θ(t) = p c ln(1 + ct) si a=1 p (1 + ct)1− a − 1 ailleurs. c(1 − a) Les cas particuliers sont : a=0 (Poisson) ; a=0.5 (Poisson Inverse Gaussienne) ; a=1 (Binomiale Négative) ; a=2 (Polya-Aeppli) ; a → ∞ , c → 0 , ac → b (Neymann Type A). Dans les problèmes d'assurance, il est naturel de supposer lim Π(0, t) = 0 t →∞ PROCESSUS DE POISSON MELANGE ET FORMULES UNIFIEES POUR SYSTEMES BONUS-MALUS 37 ce qui limite le choix possible à la sous-famille pour laquelle 0 ≤ a ≤ 1 . Par ailleurs le choix le plus général montre qu'une fonction complètement monotone ne diffère d'une autre que par une constante. Dans le cas de la famille Hofmann, on prend donc θ′étendu(t) = δ + θ′(t) . Ceci indique que le processus N(t) le plus général est la somme de deux processus indépendants. Le premier est un processus de Poisson simple, de paramètre δ , qui correspond aux sinistres purement fortuits, le second est un processus de Hofmann et correspond aux sinistres liés au comportement du conducteur. Dans le cas étendu, il est facile de montrer que la loi de probabilité s'écrit : f N(t)(0) = e−θ(t) − δt pt f N(t)(1) = δt + a (1 + ct) − θ(t) − δt e pt f N(t)(x) = 1 δt + a x (1 + c ) f (x − 1) + N(t) i −1 1 ct a ∑ x(1 + ct) i = 2 (i − 1)! 1 + ct pt x Γ(a + i − 1) Γ(a) f N(t)(x − i) , x ≥ 2. Dans le cas de la loi Binomiale Négative sans composante Poissonienne, la densité est donnée de manière explicite. Dans le cas de la loi Poisson Inverse Gaussienne sans composante Poissonienne, la densité est donnée sous forme d'une récursion du 2ème ordre. L'utilisation de ces processus Poisson mélange a déjà été décrite dans Walhin et Paris (1999) pour la construction de systèmes bonus-malus. Par la suite, nous aurons besoin de la propriété suivante : Pour la classe des processus de Poisson mélange, la distribution de la fréquence conditionnellement à l'historique sinistre ne dépend que du nombre de sinistres. En effet J.F. WALHIN & J. PARIS 38 dU(λ N(t) − N(t − 1) = kt, K , N(1) − N(0) = k1) = P N (t ) − N (t − 1) = kt ,..., N (1) − N (0) = k1 λ dU (λ ) P [ N (t ) − N (t − 1) = kt ,..., N (1) − N (0) = k1 ] e−λt (λt)k = k∗ ∞e ∫0 = e − λt (λt)k k∗ −λ t dU(λ) k (λt) dU(λ) ∞ − λt k ∫0 e (λt) dU(λ) e−λt (λt)k = dU(λ) k! ∞e ∫0 − λt dU(λ) (λt)k k! dU(λ) = dU(λ N(t) = k) t avec ∑ k j = k j =1 t ∗ ∏kj = k . j =1 Cette propriété n’est pas utilisée dans les systèmes bonus-malus avec un nombre limité de classes et ceci explique en partie pourquoi ces derniers sont en déséquilibre. A l'avenir, nous travaillerons donc avec la fonction de distribution a posteriori dU(λ N(t) = k) . 2. SYSTÈME BONUS-MALUS ET FONCTION DE PERTE La construction d'un système bonus-malus avec une fonction de perte a été décrite dans Lemaire (1979) et est utilisée dans Morillo et Bermudez (1999). La motivation pour l'introduction d'un tel système bonus-malus est la suivante. La construction classique est basée sur le principe de l’espérance : λt +1 (k ) = E (Λ N (t ) = k ) PROCESSUS DE POISSON MELANGE ET FORMULES UNIFIEES POUR SYSTEMES BONUS-MALUS 39 qui est en fait l'intensité conditionnelle du processus. Cette dernière provient de la minimisation de la fonction de perte quadratique 2 ∞ ∫0 (λ − λt +1(k) ) dU(λ N(t) = k) . Comme le fait remarquer Lemaire (1979), cette méthode traite les mali et les boni de manière symétrique pour la classe des assurés ayant déclaré k sinistres en t années. Si la compagnie d'assurance souhaite maintenir un niveau élevé de solidarité parmi ses assurés, elle doit utiliser une méthode qui pondère les mali et boni différemment. Choisissons une fonction de perte exponentielle : ∞ −γ(λ − λt +1(k)) − 1 dU(λ N(t) = k) . ∫0 1 e γ Une telle fonction de perte nous permet d'indexer nos préférences vis-à-vis des boni et mali à attribuer. Par exemple si γ=0.25, deux polices avec une sous-tarification de 0.02 compensent une police avec une sur-tarification de 0.04 tandis que avec γ=25 il faut 4 polices avec sous-tarification de 0.02 pour compenser une police avec sur-tarification de 0.04. Cette dernière situation représente donc une plus grande solidarité entre assurés. Une solution n’est possible au problème de minimisation −γ(λ − λt +1(k)) ∞ min ∫ 1 e − 1 dU(λ N(t) = k) λt +1(k) 0 γ que si λt +1(k) est contraint. La contrainte naturelle est celle qui assure l'équilibre financier du système : E λt +1 ( N (t )) = E Λ . La solution de ce problème de minimisation sous contrainte est donnée par Lemaire (1979) au moyen du Lagrangien et de manière plus élégante par Morillo et Bermudez (1999) au moyen de l'inégalité de Jensen. La solution s’écrit : 1 λt +1 (k ) = E Λ + E ln E (e −γΛ N (t )) − ln E (e−γΛ N (t ) = k ) . γ J.F. WALHIN & J. PARIS 40 Quelques lignes d'algèbre permettent de réécrire cette expression comme t N (t ) Π ( N (t ), t + γ ) t k Π (k , t + γ ) 1 ) ) λt +1 (k ) = E Λ + E ln ( − ln ( . γ Π ( N (t ), t ) Π (k , t ) t+γ t+γ La prime sera exprimée sous la forme d'un pourcentage, en référence à la prime a priori, E Λ . Ce pourcentage est : Pt +1 (k ) = 100 + 3. t N (t ) Π ( N (t ), t + γ ) t k Π (k , t + γ ) 100 1 ) ) − ln ( . E ln ( Π ( N (t ), t ) Π (k , t ) EΛ γ t+γ t+γ APPLICATIONS NUMÉRIQUES Dans cette section, nous reprenons le portefeuille utilisé par Morillo et Bermudez (1999) et nous l'ajustons suivant une binomiale négative, une Poisson Inverse Gaussienne et une loi de Hofmann. L'ajustement Binomiale Négative avec une composante Poisson simple est également donné. Nombre de sinistres Obs BN PIG Hof BN + Po 0 122628 122781 122641 122620 122623 1 21686 21258 21656 21725 21705 2 4014 4295 3995 3945 3955 3 832 909 881 874 892 4 224 197 222 226 225 5 68 43 61 65 60 6 17 10 18 20 16 7 7 2 5 6 5 8 l 7 1 -87304.81 2 -87269.49 2 -87268.66 2 -87272.37 68.46 9.67 8.31 13.79 ddl 4 5 4 4 δ 0 0 0 0.0695 p 0.2249 0.2249 0.2249 0.1554 c 0.2937 0.6255 0.6982 0.4468 a 1 0.5 0.4522 1 χ 2 PROCESSUS DE POISSON MELANGE ET FORMULES UNIFIEES POUR SYSTEMES BONUS-MALUS 41 Nous sommes en mesure de construire les tables suivantes (Pt +1(k)) : 1. Binomiale Négative γ=0.25 Espérance t/k 0 1 2 3 0 1 γ=2.5 2 3 0 1 γ=25 2 3 0 1 2 3 1 77 169 216 353 78 176 274 372 82 162 242 322 92 126 160 194 2 62 137 212 287 64 144 225 305 70 137 205 272 86 117 148 179 3 53 116 178 241 54 122 190 258 60 119 178 236 81 109 137 166 4 45 100 154 208 47 106 165 224 53 105 157 209 76 103 129 155 5 40 88 136 183 41 94 146 198 48 94 141 187 72 97 121 146 10 25 55 85 59 92 62 92 77 95 115 26 125 32 123 58 114 Poisson Inverse Gaussienne 2. γ=0.25 Espérance t/k 0 1 2 3 0 1 γ=2.5 2 3 0 1 γ=25 2 3 0 1 2 3 1 78 155 270 406 79 161 285 432 85 145 234 339 95 116 145 179 2 67 122 202 299 68 128 216 321 75 122 190 271 90 109 134 164 3 59 102 164 238 60 107 175 257 67 106 161 227 86 103 125 152 4 53 89 139 198 54 93 149 215 62 95 141 196 83 98 118 142 5 49 79 121 171 50 83 130 185 57 86 125 173 80 94 112 134 10 37 54 77 57 82 61 84 78 91 3. 104 38 112 43 117 67 106 Binomiale Négative + Poisson γ=0.25 Espérance t/k 0 1 2 3 0 1 γ=2.5 2 3 0 1 γ=25 2 3 0 1 2 3 1 79 160 304 459 80 159 292 434 86 140 237 348 96 110 135 170 2 68 122 224 343 69 123 220 331 76 116 190 280 93 104 125 155 3 61 100 176 272 62 102 176 266 70 100 158 233 90 99 117 143 4 57 86 145 224 57 88 146 222 65 89 136 199 87 95 110 133 5 53 76 123 190 53 78 125 189 61 81 119 174 85 92 105 125 10 45 55 73 55 75 59 77 79 86 105 44 107 50 105 75 98 On voit immédiatement apparaître la solidarité croissante entre assurés lorsque le γ augmente. J.F. WALHIN & J. PARIS 42 CONCLUSION Nous avons revu l'intérêt d'utiliser des processus de comptage pour la construction de systèmes bonus-malus. L'aspect Poisson mélange de ces processus permet d'obtenir des écritures compactes pour les formules de systèmes bonus-malus, même lorsqu’elles sont obtenues au moyen de fonctions de perte exponentielle. En particulier le processus de Hofmann englobe la Binomiale Négative et la Poisson Inverse Gaussienne. Les écritures sont simplifiées dans ce dernier cas. En particulier, il n’est pas nécessaire de faire appel aux fonctions de Bessel de troisième type. De plus, le choix du paramètre a du processus de Hofmann permet d'utiliser une gamme d'hétérogénéité dans la construction du système bonus-malus. Le cas a=0, pour lequel on retrouve le processus de Poisson amène un système bonus-malus neutre. Le cas a=1, Binomiale Négative, entraîne une tension importante au sein des primes du système bonus-malus. Enfin, nous avons vu que l'actuaire dispose d'un autre outil pour faire varier boni et mali, tout en gardant un système équilibré : il s'agit du paramètre gamma de la fonction de perte exponentielle. Le choix de ce dernier, combiné au choix de la loi de comptage, permet à la compagnie de construire un système bonus-malus correspondant au niveau de solidarité qu’elle souhaite maintenir au sein de son portefeuille. RÉFÉRENCES HOFMANN, M. (1955). Über zusammengesetzte Poisson-Prozesse un ihre Anwendungen in der Unfallversicherung. Bulletin of the Swiss Actuaries, 55 : 499-575. KESTEMONT, R.M. and PARIS, J. (1985). Sur l’Ajustement du Nombre de Sinistres. Bulletin of the Swiss Actuaries, 85 : 157-164. LEMAIRE, J. (1979). How to Define a Bonus-Malus System with an Exponential Utility Function. Astin Bulletin, 19 : 274-282. MORILLO, I and BERMUDEZ, L. (1999). An Optimal Bonus-Malus System. Papers presented at the third congress on Insurance : Mathematics and Economics, 6. WALHIN, J.F. and PARIS, J. (1999). Using Mixed Poisson Distributions in Connection with Bonus-Malus Systems. Astin Bulletin, 29 : 81-99. PROCESSUS DE POISSON MELANGE ET FORMULES UNIFIEES POUR SYSTEMES BONUS-MALUS Jean-François WALHIN*y José PARIS* * Institut de Statistique Voie du Roman Pays, 20 B-1348 Louvain-la-Neuve Belgique e-mail : [email protected] y Le Mans Assurances Avenue Louise, 222 B-1050 Bruxelles Belgique 43