Fichier PDF - Filles de la Sagesse International
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HOMÉLIE DE MGR FRANÇOIS GARNIER, ARCHEVÊQUE DE CAMBRAI À SAINT LAURENT SUR SÈVRE, 12 MAI 2013 Mgr François Garnier connaît les Filles de la Sagesse de longue date. Il les connaît et les apprécie. Lors de la proclamation de la vénérabilité et la béatification de la co-fondatrice des Filles de la Sagesse, Mgr Garnier était l’évêque de Luçon. Il a eu aussi la joie de présenter Marie-Louise Trichet à Jean-Paul II lors de la cérémonie de Béatification à St Pierre de Rome en mai 1993. À l’occasion du 20e anniversaire de cet événement, l’archevêque de Cambrai fut invité à prononcer l’homélie. Sa joie était évidente !... Chères sœurs de la Sagesse, chers amis, Vous devinez sans peine la joie que j’ai d’être parmi vous en ce 20 ème anniversaire de la béatification de Marie Louise Trichet, votre co-fondatrice. Je remercie votre évêque, Monseigneur Castel, de me donner ce bonheur. Le bonheur, c’est d’abord celui de recevoir ensemble les trois appels complètement fous aux yeux du monde que Dieu nous adresse aujourd’hui par sa Parole : Celui de « croire encore » à l’heure où il semble nous oublier, à l’heure de la mort la plus injuste ; dire avec Etienne : « seigneur Jésus, reçois mon esprit ». Celui de « prier encore » pour les ennemis qui vous lapident ; et dire avec Etienne : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché ». Et puis l’appel à être « un », « pour que le monde puisse croire » : nos divisions, nos jalousie, nos mesquineries stérilisent si souvent la mission de l’Église…. « Que notre unité soit parfaite » dans nos communautés, dans nos paroisses, dans nos aumôneries, dans nos mouvements, dans nos diocèses : « Ainsi, le monde saura que tu m’as envoyé…. » Mais avec le bonheur de recevoir les appels fous de la Sagesse de Dieu, il y a celui de tous les souvenirs heureux des évènements d’il y a vingt ans. Le plus cocasse, celui de relèvement des reliques de la future bienheureuse, achevé dans la basilique toute proche. Un beau moment de prière, avec la visite inopinée, imprévisible, de Monseigneur Claude Dagens qui passait par là… et voulait prier dans la basilique en passant. La découverte de la vie de notre fondatrice. Je n’oublierai jamais la première réaction de sa mère : « J’ai appris, ma fille, que tu allais te confesser à ce prêtre de l’Hôpital… Tu deviendras folle comme lui… » Louis-Marie vient de lui dire : « Vous serez religieuse, ma fille, vous serez religieuse… » « Mais dites-moi où ? » « Nulle part », répond-il en riant, en ajoutant : « Allez demander à l’Hôpital »… hôpital c’est beaucoup dire, tout juste un hospice qui offre toit et pain noir à tout ce qu’il y a de pauvre, disgracié, infirme et ulcéré… Marie-Louise y entre comme « pauvre » en janvier 1703. Elle est vêtue d’une grosse étoffe gris cendrée. Elle va servir humblement. Elle est estimée de tous. Elle améliore le fonctionnement de l’Hôpital. Mais aucune sœur ne la rejoint. Elle est fondatrice d’un ordre qui n’existe pas. Dix années sans aucune sœur… Grignion le lui avait bien dit, mais dix ans, c’est long. D’autant plus long qu’elle traverse toutes les épreuves : l’hiver rigoureux de 1709, l’épidémie de 1710, le décès de sa sœur préférée, Elisabeth, et celui, trois ans plus tard, de son jeune frère Alexis qui vient d’être ordonné prêtre et qui meurt en soignant les pestiférés… Et Montfort qui lui écrit « Demeurez à l’Hôpital »… Il faut attendre 1714 pour qu’arrive une première compagne, Catherine Brunet… Montfort meurt l’année suivante… Quelle foi en Dieu ! Et quelle charité en l’égard des plus pauvres ! Dans les grands souvenirs ? Celui de la rencontre de vos sœurs, à Rome, la ville de la Béatification. Venues de tous les continents, elles nous racontaient comme dans les Actes des Apôtres ce qu’elles vivaient de la Sagesse du Christ au service des plus rejetés par nos sociétés, les prostituées, les malades du Sida et les drogués… J’étais bouleversé. Bien sûr, le souvenir de la béatification elle-même, à l’intérieur de la basilique Saint Pierre. Je tremblais plus qu’un peu en présentant votre fondatrice à Jean Paul II ! Enfin, le souvenir de la visite éclair de Saint Père il y a 17 ans ici même à Saint Laurent : il avait voulu s’agenouiller et prier devant la tombe de son ami Saint Louis Marie avant le début du voyage pastoral qui allait le conduire à Sainte Anne d’Auray, Tours et Reins. Il avait désiré cette heure de prière avec les religieux et religieuses de l’Ouest de la France, notamment les Pères Montfortains, les Filles de la Sagesse et les Frères de Saint Gabriel. Ce jour-là, m’adressant à lui comme votre évêque d’alors, je lui disais ceci que je signerais encore aujourd’hui : « Très Saint Père, notre bonheur le plus grand est de savoir que vous avez voulu, pour commencer votre visite pastorale en France, être entouré de ceux et celles qui ont choisi la vie consacrée notamment dans la vie religieuse. Ils vivent la difficile fraternité sans se choisir, cela n’est pas si simple. Ils trouvent leur richesse en choisissant la pauvreté. Ils aiment à plein cœur en choisissant le célibat. Ils deviennent libres en choisissant d’obéir au Christ. Ils nous provoquent, sans dire, sur notre manière très mondaine de concevoir ce que nous appelons « la réussite »… Ils sont des boussoles discrètes dans le monde déboussolé. Qu’on les regarde aujourd’hui, même s’ils ne sont plus très jeunes dans leur majorité…, ils sont sans nom, sans gloire… Serviteurs discrets de tous les jours, toujours les mêmes, sans grandeur autre que celle d’un bonheur à partager avec un cœur qui recommence chaque matin son espérance. Ils ne savent pas la pluie quotidienne de miracles dont ils sont, grâce au Christ, la source. Ils tissent sans aucun bruit de l’amour simple à journée pleine ». En faisant mémoire de ces souvenir, je ne joue pas dans la nostalgie ! Non, je rends grâce à Dieu pour les communautés bel et bien actuelles des Filles de la Sagesse, à celles que je connais le mieux, celle de Douchy Les Mines – Cambrai, en tout premier ; celle de Langres. Je pense à Sœur Henri et à Sœur Célina hier, à Sœur Daniel Marie et Sœur Marcelle aujourd’hui qui m’aident à vivre mon ministère d’évêque ! J’ai tant à leur dire merci et à dire merci à leurs supérieures. J’imagine toutes les autres sœurs de la Sagesse à travers le monde, « Femmes de foi, d’audace et d’action, de proximité, de discernement et de prière à la suite de Marie-Louise », ainsi que vous l’avez dit le 8 mars dernier lors de la Journée Internationale de la Femme. Je puis vous confier, en terminant, l’une de mes plus grande épreuves d’évêque : c’est celle de recevoir des Supérieures Générales l’annonce de la fermeture inéluctable d’une communauté. En particulier de ces petites communautés qui tiennent bon dans les quartiers les plus populaires. Là où elles sont, elles sont l’Église. Elles sont le cœur de Jésus, son oreille et ses mains. Le plus grand nombre de leurs voisins, à commencer par les plus incroyants, tiennent aux sœurs. Communautés fragiles à cause de l’âge mais si fortes par la foi. Petits coins de ciel là où il n’y en a pas beaucoup. Dans une visite pastorale en plein quartier de misère, les habitants m’ont dit « Elles, elles sont nos Sœurs… Vous, vous êtes nos Pères »… Tout était dit !! Et dans une autre rencontre, en Afrique celle-là, dans une communauté qui accueille les enfants dénutris et les malades du Sida, j’ai entendu ceci que je n’oublierai jamais : « Quand on voit ce que les Sœurs font, on peut croire ce que les Pères disent !!! » Je prie pour que les Pères que nous sommes ne fassent pas que « dire », mais je rends grâce à Dieu pour tout ce que les Sœurs « font » ! François Garnier Archevêque de Cambrai