Pourquoi Marie-Antoinette - La culture dans tous les sens

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Pourquoi Marie-Antoinette - La culture dans tous les sens
Pourquoi Marie-Antoinette
est-elle une star ?
Quelques repères académiques
On pouvait penser qu’il s’agissait d’un simple feu de paille, d’un engouement
passager qu’une nouvelle mode chasserait… En 2008, les Parisiens couraient
au Grand Palais pour découvrir l’étape parisienne d’un véritable show passé
par Bordeaux, Compiègne et San Francisco : l’exposition consacrée à MarieAntoinette. Avec plus de trois cents œuvres venues de toute l’Europe, la
scénographie confiée à un grand metteur en scène d’opéra, Robert Carsen,
et un parcours théâtral montrant les différentes périodes de la vie de la
reine, de l’adolescente autrichienne mariée à quinze ans à la reine frivole et
narcissique pour arriver enfin au portrait grave d’une femme qui va mourir,
l’exposition avait attiré plus de 333 000 visiteurs. Quelques années plus tard,
la cote d’amour de la reine est toujours au plus haut, faisant d’elle l’un des
personnages historiques les plus populaires, dans un retournement paradoxal
dont l’histoire a le secret puisqu’en son temps celle que ses détracteurs
surnommaient “l’Autrichienne” fut particulièrement haïe. Accusée de ruiner
les finances du royaume, de compromettre le roi et de le couper du peuple,
mouillée par l’affaire du “collier de la reine” (dans laquelle elle était innocente)
puis portant la responsabilité de la fuite à Varennes et de l’attaque de la
France par les puissances étrangères, la reine fit couler peu de larmes quand
sa tête tomba sur l’échafaud (1793) après un procès particulièrement dur.
Et pourtant, Marie-Antoinette est aujourd’hui dans l’air du temps, furieusement.
De bourreau du peuple elle est devenue victime, de souveraine conspuée
dans les pamphlets et accusée de tous les vices, elle est devenue reine de
cœur. Historiens, écrivains et journalistes fournissent si régulièrement en
nouveautés les lecteurs, en kiosque et en librairie que l’on peut parler d’une
inflation éditoriale, des Adieux à la reine de Chantal Thomas (Prix Fémina
2002 et porté à l’écran en 2012 par Benoît Jacquot avec L. Seydoux et D.
Kruger) aux livres d’Évelyne Lever, spécialiste française de la reine. “MarieAntoinette” sur une couverture fait vendre. Sur scène, l’épouse malheureuse
de Louis XVI inspire ces dernières années spectacles musicaux et ballets et
du côté de la mode, on ne compte plus les collections et accessoires inspirés
de “l’univers” de la reine, du Versailles acidulé avec strass au look bergère chic
traversant Trianon en courant pieds nus. La publicité n’est pas en reste qui fait
son miel des perruques poudrées, soieries bouillonnantes et autres mouches
posées sur des joues roses. Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir si l’on
guillotinerait “Madame véto”—comme le faisait encore Robert Hossein en
1993 dans un spectacle où le public était amené à voter—, mais si l’on partage
ou pas ce que l’on peut appeler une véritable Marie-Antoinettemania.
Tout a-t-il commencé avec Marie-Antoinette, le film de Sofia Coppola ? La
réalisatrice américaine y présentait la reine comme une jeune femme lost in
translation à Versailles, se réfugiant dans un amour immodéré pour les fêtes
au champagne, la mode et… les macarons, au centre d’un chassé-croisé
édifiant.
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Pourquoi Marie-Antoinette
est-elle une star ?
La touche culture&sens
• Une équipe de la maison parisienne Ladurée, renommée
mondialement pour ses petits gâteaux ronds, fut d’ailleurs
employée à plein temps sur le tournage pour fournir
religieuses à la rose et mille-feuilles aux framboises alors
que l’enseigne parisienne présentait dès la sortie du film
dans toutes ses vitrines la collection “Marie-Antoinette”.
Le film a bien joué un rôle important dans l’engouement
actuel, notamment en séduisant les jeunes générations
qui n’adhèrent sans doute pas aux charmes de la reine
pour les mêmes raisons que leurs prédécesseurs, plus
du côté de l’idéologie et de l’histoire que de l’icône rose
bonbon. Il y a désormais du Lady Di en elle. Mais si le
film a fait grimper la cote d’amour de la reine, il ne l’a pas inventée.
• Le retour en grâce de celle qui de son vivant fut sans doute la plus détestée
des reines de France ne doit en réalité pas grand-chose à Sofia Coppola, et
l’on pourrait même dire que si la réalisatrice s’est emparée de cette figure
historique, c’est que pour une Américaine de sa génération tournée vers
l’Europe, marie-Antoinette incarne un personnage romanesque et attachant.
Cette image s’est construite dans la durée, à travers les livres, dont un des plus
lus reste celui de Stefan Sweig (1933) ou le cinéma, qui a donné à peu près
toutes les visions possibles de la reine. En réalité, Marie-Antoinette est à peine
guillotinée (1793) que le mythe commence à naître et avec lui un commerce
du souvenir et de la nostalgie, où l’on collecte des objets lui ayant appartenu,
des mèches de cheveux et autres reliques que les amoureux s’arrachent dès
le XIXe siècle. Les portraits miniatures et statuettes à son effigie n’ont jamais
quitté les étales jusqu’à aujourd’hui où ils côtoient les souvenirs les plus variés,
du parfum “reconstitué” de la reine, M.A. Sillage de la reine, vendu en exclusivité
au château de Versailles (350 € les 25 millilitres, 8000 € pour l’édition luxe)
aux couteaux dont le manche est fait du bois des arbres de Trianon tombés
pendant la tempête de 1999. Ce filon est d’autant plus rentable que la MarieAntoinettemania sévit très fortement au Japon où l’on retrouve la reine dans de
multiples accessoires, des mangas et même une comédie musicale.
• Que penser de ce culte pour une personnalité aux multiples facettes ?
Dévotion people et légère ou engagement historique, voire, politique ? En
quoi Marie-Antoinette parle-t-elle plus à notre époque que d’autres figures
historiques au destin tout aussi tragique ? Plusieurs lectures sont possibles, mais
la force principale de cette reine contradictoire demeure sans doute dans sa
capacité à faire coexister les contraires.
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www.culture-sens.fr
Des idées de loisirs
A lire :
Marie-Antoinette, catalogue de l’exposition aux
Galeries nationales du Grand Palais, éditions de
la RMN. Marie-Antoinette, S. Zweig.
A voir :
Si Versailles m’était conté, S. Guitry. Marie-Antoinette, S. Coppola.
A visiter :
le château de Schönbrunn, à Vienne (Autriche). le domaine de Marie-Antoinette, à
Versailles (petit Trianon et hameau de la reine), ainsi que les petits appartements
de la reine, dans le château. La laiterie, au domaine national de Rambouillet
(Yvelines) et… la Conciergerie, sur l’Ile de la Cité, à Paris.
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