Protection des données clients

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Protection des données clients
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DOSSIER
SEMAINE DU 29 SEPTEMBRE AU 5 OCTOBRE 2016 LIBRE IMMO
PLUS D’ANNONCES SUR WWW.LOGIC-IMMO.BE
DOSSIER
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Protection des données clients : les courtiers sont dans l’illégalité
l’avocat. Fini le temps de l’impunité et de l’insou­
ciance générales, le texte, long de quelque 250 pa­
ges, établit un balisage clair et, surtout, prévoit des
sanctions sévères : l’entreprise qui ne respecte pas la
protection des données de ses clients comme spéci­
fié s’expose à une amende pouvant monter jusqu’à…
4 % de son chiffre d’affaires à l’échelle mondiale,
avec un plafond de 20 millions d’euros. Le texte pré­
voit aussi la création d’un Comité européen de la
protection des données doublé de 28 autorités de
contrôle indépendantes, dont le pouvoir répressif,
renforcé, est autre que celui la ‘modeste’ commis­
sion belge.
Jusqu’à 20 millions d’euros d’amende
D’un point de vue législatif, la loi dite ‘Vie privée’
(1992, modifiée en 1998 et 2003) vise à protéger
le citoyen contre toute utilisation abusive de ses
données à caractère personnel. Elle définit non
seulement les droits et devoirs de la personne
dont les données sont traitées, mais aussi ceux du
responsable d’un tel traitement. Pour veiller au
respect de ces principes, le législateur belge a créé
un organe de contrôle indépendant, la Commis­
sion de la protection de la vie privée. “Toutefois, à
l’heure actuelle, peu sont les courtiers et autres profes­
sionnels de l’immobilier qui se plient à cette loi… voire,
carrément, qui en ont connaissance”, déplore Bruno
Lambotte. Il faut dire, reconnaît l’expert, que la
Commission de la protection de la vie privée ne
dispose pas de moyens financiers et d’action suffi­
sants pour remplir son rôle. Or, en l’absence de
sanctions, le laisser­aller règne.
“Plus pour longtemps”, avertit Me Dechamps. Ini­
tié fin 2015, un accord portant sur un règlement
européen relatif à la protection des données per­
sonnelles a été entériné par les différentes instan­
ces européennes début 2016. Le texte entrera en
vigueur en juin 2018. “Ce règlement est directement
applicable chez nous, à la différence d’une directive,
qui doit être transposée dans le droit belge”, précise
Comme les agents immobiliers et d’autres
professions de la brique, les portails d’annonces
immobilières ne respectent pas tous la loi sur
la protection de la vie privée concernant les
données personnelles de leurs utilisateurs.
Le nouveau règlement européen prévoit des droits et des devoirs étendus pour les
sabilités qui leur incombent. Nous
avons donc décidé d’offrir des pro­
duits (lire par ailleurs) pour faciliter
leur mise en règle.” Et
de leur livrer ici une
série de conseils.
1
sion.be). Par ailleurs, Frédéric De­
champs donnera une série de for­
mations sur le sujet, agréées par
l’Institut profession­
nel des agents im­
mobiliers (IPI) et
ouvertes aux cour­
tiers comme aux
syndics (lire par
ailleurs).
S’informer.
Nul n’est censé
ignorer la loi. La
première chose à
faire serait donc de
Déclarer. Le
la consulter. Tous les
professionnel
renseignements
qui compulse des
nécessaires, en ce
données suscepti­
compris les textes
bles de porter at­
de loi, mais aussi des
teinte à la vie privée
FRÉDÉRIC DECHAMPS
informations utiles
de ses clients et les
et des documents officiels sont
traite de manière automatisée doit
disponibles sur le site Internet de la
en faire la déclaration auprès de la
Commission de protection de la vie
Commission de protection de la vie
privée (www.privacycommis­
privée. Cette déclaration peut être
2
D.R.
Frédéric Dechamps, avocat spécia­
lisé (Lex4u), et Bruno Lambotte,
entrepreneur et expert en nouvelles
technologies des métiers de l’im­
mobilier, se sont associés pour
mettre au point des solutions pour
les agents immobiliers et autres
professionnels de la brique... non
encore rompus aux droits et devoirs
auxquels ils sont tenus concernant
la protection des données à carac­
tère personnel de leurs clients. “Les
services que nous offrons ont évidem­
ment un but commercial, je ne vais
pas le cacher, admet Bruno Lam­
botte. Mais ce n’est pas nous qui
avons édicté la loi. Nous avons simple­
ment constaté que peu d’agences – ou
de sociétés liées à l’immobilier en
général – se montrent soucieuses de la
vie privée de leurs clients. Bien sou­
vent par méconnaissance des respon­
Lawbox
TOUT L’ATTIRAIL JURIDIQUE EN 1 CLIC
Mise au point par Thibaut Roberti en association avec
Me Frédéric Dechamps (Lex4u), Lawbox est une start-up
offrant divers documents juridiques utiles (contrats...)
aux PME. Un volet spécial “Vie privée” sera disponible
dans un mois. Dont coût : 49 euros par document
téléchargé, 35 euros pour un appel à un avocat
(conseils...) et 99 euros par mois pour le libre accès à
tous les documents et un appel à un avocat inclus.
-> https://www.lawbox.be/fr/
Elargissement des droits et devoirs
réalisée par voie électronique
(moyennant une contribution de
25 euros) ou via un formulaire
papier (125 euros), le tout étant
disponible sur son site Internet.
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Mettre à jour ses documents
contractuels. Il s’agit d’évaluer
l’ensemble des contrats existants au
sein desquels l’entreprise est res­
ponsable de données clients… voire
un de ses sous­traitants, puisqu’ils
sont désormais, eux aussi, soumis
au nouveau régime de droits et
devoirs en matière de protection de
la vie privée. Si les documents font
défaut, ils doivent être revus con­
formément au règlement européen.
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Transmettre l’information à
ses sous­traitants et collabo­
rateurs. Ces derniers sont dans le
Au rang des obligations listées dans ce nouveau rè­
glement européen, Frédéric Dechamps épingle
quelques changements importants. Dont l’encadre­
ment du ‘profiling’, auquel le client qui soumet ses
données personnelles a le droit de s’opposer. Mais
aussi le fait que les sous­traitants des entreprises dé­
tentrices des données clients soient déclarés res­
ponsables, au même titre que ces dernières, du trai­
tement desdites informations. “Tous les maillons de la
chaîne sont dorénavant logés à la même enseigne,
ponctue l’avocat. Solidarisés, ils encourent les mêmes
pénalités.” Il en va ainsi, par exemple, des sociétés de
softwares et autres hébergeurs de sites web.
Les failles de sécurité sont, elles aussi, ciblées : “Si
des ‘hackers’ réussissent à pirater le site Internet d’un
courtier ou si, tout simplement, ce dernier se fait déro­
ber un ordinateur ou une tablette pourvu d’un accès à
ses données clients, il faut en avertir l’autorité de con­
trôle le plus rapidement possible.”
L’obligation d’information est également renfor­
cée. “Lorsqu’un courtier ou tout autre professionnel de
l’immobilier sollicite des données à caractère personnel,
il lui faut avertir clairement son client non seulement
des mesures de protection de ces informations mises en
œuvre, de l’usage qu’il leur réserve, mais aussi, du droit
du client à introduire une réclamation auprès de l’auto­
rité de contrôle s’il s’estime lésé”, ajoute Me Dechamps.
En la matière, un recours peut être effectué par
voie de justice. “S’appliquent alors des sanctions péna­
les qui peuvent aller jusqu’à la peine d’emprisonnement
selon la gravité des préjudices causés”, conclut­il.
Épinglé
Que fait l’IPI ?
L’Institut professionnel des agents
immobiliers (IPI) a inscrit le respect de la vie
privée dans son code déontologique. Mais celuici porte surtout sur “l’inviolabilité du domicile et
la vie privée des personnes concernées par des
visites ou des interventions à domicile”. Voire la
consultation de banques de données de type
cadastre, etc., lors de laquelle le courtier “ne
peut recueillir et traiter que des informations
directement liées à l’exercice de la mission
à l’occasion de laquelle la consultation est
demandée”. Il est précisé que les informations
compulsées ne peuvent être utilisées à des fins
privées ou marketing. Aucun article n’aborde la
protection des données à caractère personnel et
les droits et devoirs de l’agent en la matière.
Formations. L’IPI consacre cependant un cycle
de formations à la loi sur la protection de la vie
privée et sur le nouveau règlement européen.
Données par Me Frédéric Dechamps (Lex4u),
elles ont lieu à Bruxelles (28/11), Dampremy
(30/11), Aywaille (8/12) et Wierde (13/12) et
sont gracieusement offertes par l’IPI.
U www.ipi.be/formation/formation­
permanente­des­agents­immobiliers
agents immobiliers comme pour leurs clients
même bateau, autant donc s’assurer
qu’ils en sont conscients et ont pris
les dispositions nécessaires.
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Etre transparent avec les
clients. C’est le point le plus
important de la ‘to­do’ list des
professionnels concernés : informer
leurs clients des moyens mis en
œuvre pour protéger les données
récoltées et, surtout, du traitement
qui en sera fait au sein de l’entre­
prise en vue de telle ou telle finalité
soigneusement listée. “Un exercice
qui devra être réitéré pour chaque
nouveau client communiquant ses
données personnelles, mais aussi pour
chaque nouvel usage qui en est fait, ou
pour chaque nouveau sous­traitant
utilisant directement ces données ou
en ayant simplement connaissance”,
insiste Bruno Lambotte.
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Renforcer la sécurité. Il con­
vient de réagir rapidement en
cas de faille de sécurité, d’informer
ses clients que leurs
données sont poten­
tiellement mises en
danger puisque
sorties du contrôle
strict de l’entreprise
et de ses sous­trai­
tants, mais aussi de
se munir de systè­
mes préventifs pour
que pareil dommage
puisse être limité, ou
mieux, évité.
entendu que les conseils donnés
valent pour d’autres domaines –,
la liste des droits et des devoirs a
également été
allongée, à tout le
moins précisée.
“Les personnes dont
les données sont
collectées et traitées
bénéficient de nou­
veaux droits, parmi
lesquels le droit à
l’oubli, poursuit Me
Dechamps. Cela
signifie qu’ils peuvent
demander à ce que
soient effacées de la
Et les clients ?
BRUNO LAMBOTTE
base de données des
Dans le chef des clients des agen­
prestataires de services les informa­
ces immobilières ou de tout profes­
tions les concernant directement.”
sionnel de la brique – puisque c’est
Autre droit accordé par le règle­
le secteur qui nous occupe ici, étant
ment européen, celui de la limita­
D.R.
Dossier Frédérique Masquelier
IL Y A ENCORE QUELQUES ANNÉES de cela, la
protection des données à caractère personnel et le
contrôle de leur traitement par des tiers pour des
finalités diverses étaient relativement anodins.
Peu sujets à polémique, à tout le moins. “Avant l’es­
sor d’Internet, ceux qui collectaient des données n’en
faisaient pas grand­chose, si ce n’est alimenter leur fi­
chier clients”, acquiesce Frédéric Dechamps, avocat
spécialisé en nouvelles technologies au sein du ca­
binet Lex4u. Aujourd’hui, ces enjeux sont devenus
cruciaux. “La ‘data’ vaut de l’or, c’est le nouveau pé­
trole, assure­t­il. En effet, en croisant les données re­
cueillies, il est possible de déterminer le profil d’un
client potentiel, de le suivre à la trace et de devancer
ses besoins en y répondant par de la publicité.” Le
marketing est désormais tout puissant et son em­
prise, infinie, démultipliée par des potentialités
techniques évoluant à toute allure. Et ce, dans tous
les secteurs d’activité, dont… l’immobilier.
“Imaginez que vous cherchez un bien à vendre ou à
louer sur un portail d’annonces immobilières en li­
gne, décrit Bruno Lambotte, entrepreneur aux
multiples casquettes, expert en nouvelles techno­
logies des métiers de l’immobilier. Vous vous ins­
crivez en donnant vos nom et prénom, votre âge, vo­
tre localisation. Mais aussi le type de biens qui vous
intéresse, meublé ou non, votre budget. Ces informa­
tions seront transmises par le portail à l’agent immo­
bilier en charge de la vente du bien qui correspond à
vos critères. Dans le cas d’une location, ce dernier re­
layera peut­être même le tout au propriétaire du
bien.” Voilà deux détenteurs de vos données per­
sonnelles de plus. Mais la liste s’allonge. “L’agent
immobilier peut aussi transférer les fichiers à un cer­
tificateur PEB avec lequel il collabore, par exemple.
Tandis que les hébergeurs de sites web ou les pro­
grammateurs de logiciels de traitement des données
des uns et des autres en disposent aussi”, poursuit­il.
Le tout dans le cadre strict de l’exercice de leurs
activités respectives. Que se passe­t­il si un ou plu­
sieurs maillons de cette chaîne se rend compte du
potentiel marketing de la base de données ainsi
constituée et en fait commerce ? “Des sociétés de
déménagement pourraient être intéressées, de même
que des organismes de crédit, des cuisinistes, des ven­
deurs de meubles, des sociétés de télécom, des fournis­
seurs d’énergie, etc.” Autant de professionnels qui
tireront parti de ces précieux renseignements
pour vous proposer ‘spontanément’ leurs services.
“Sans que vous ayez marqué votre accord concernant
le transit de vos données, encore moins pour être
ainsi sollicité”, martèle Frédéric Dechamps.
INES JUANOLA / REPORTERS
La loi sur la vie privée de leurs
clients n’est guère respectée par les
agents immobiliers. L’Europe s’en
mêle, règlement, moyens d’action
et sanctions sévères à la clé.
tion de traitement des données. “Un
client peut accorder à un prestataire
de services le seul usage de ses données
pour telle ou telle finalité bien précise.
A l’inverse, il peut décider que celles­ci
ne soient pas traitées pour d’autres”,
détaille l’avocat. Enfin, le client jouit
encore du droit de portabilité de ses
données. Ce qui revient à dire qu’il
peut exiger d’un agent immobilier,
par exemple, que celui­ci transfère
son dossier personnel à un concur­
rent avec lequel son client aurait
décidé de travailler, résiliant ce
faisant le mandat (exclusif ou non)
accordé au premier. “Une mesure qui
risque de passer difficilement auprès
des courtiers, par essence très territo­
riaux car travaillant à l’échelle locale
et devant faire face à une concurrence
rude”, glisse Bruno Lambotte.
F.Ma.