L`Alzheimer au Maroc : une situation déplorable
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L`Alzheimer au Maroc : une situation déplorable
L’Alzheimer au Maroc : une situation déplorable « Chref meskine, c’est normal qu’il ne se rappelle plus de rien ». On entend souvent dire ceci à propos d’une personne âgée qui perd la mémoire. Seulement voilà, l’Alzheimer n’est pas simplement une perte conjoncturelle de mémoire, c’est une maladie neurodégénérative du cerveau avec des effets secondaires de différents ordres. Outre l’effacement de la mémoire, elle s’accompagne par une perte de poids excessive et le dysfonctionnement de plusieurs organes du corps. Le manque d’information sur cette maladie et la méconnaissance de ses symptômes se traduit souvent dans nos milieux par l’exclusion sociale du malade, la personne étant considérée comme sénile ou démente. Vécue par l’entourage comme une tare, la maladie devient un tabou dont personne n’ose parler. Pour cette raison, une campagne de sensibilisation et d’information est nécessaire pour aider les familles à détecter les premiers symptômes et commencer le traitement, d’autant que le nombre de personnes atteintes par l’Alzheimer va croissant au Maroc à l’image du reste du monde. « La maladie affecte 4 à 6 % de la population âgée de plus de 60 ans. L’espérance de vie est estimée inférieure à 8 ans, une fois le diagnostic est posé » a expliqué le Pr Moussaoui, chef du Centre Universitaire de Psychiatrie lors d’une conférence tenue en mars dernier sur le thème, « Aspects psychosociaux de la maladie d’Alzheimer ». Si, aujourd’hui, l’Alzheimer touche près de 80 000 cas au Maroc, « le chiffre pourrait largement augmenter, compte-tenu d'autres facteurs à risques comme l'hypertension artérielle, le diabète ou le cholestérol », a rajouté le psychiatre. Les besoins des malades d’Alzheimer. « Le médicament à lui seul coûte 1100 dhs ! Une misania pour la famille qui doit aussi faire face aux autres dépenses liées à la maladie de mon père ! » Comme pour celle de Salim, beaucoup de familles marocaines souffrent non seulement des dégâts occasionnés par la maladie sur leurs proches mais également du fardeau financier qui en résulte. Il n’existe, à ce jour, aucune prise en charge institutionnelle de l’Alzheimer. Cette réalité est très dure à vivre au quotidien pour les familles. D’où le combat mené par des associations pour attirer l’attention des responsables sur une dégénérescence qui frappe de plus en plus de Marocains. « Les gens doivent comprendre qu'il ne s'agit pas d'une maladie psychiatrique, mais bel et bien 1/3 L’Alzheimer au Maroc : une situation déplorable d'une maladie organique qui affecte le cerveau et nécessite une prise en charge adéquate » clame Khadija Tantaoui, porte-parole de l’association « Maroc Alzheimer ». Un encadrement efficace de la maladie passe par des structures adaptées. Une des premières choses que l’association « Maroc Alzheimer » préconise est la création d’hôpitaux de jour pour les malades. Dans ces hôpitaux, ces derniers peuvent passer la journée et suivre des activités à même de les maintenir le plus longtemps possible en éveil. La deuxième nécessité réside dans la formation d’un personnel à même de prendre soin des malades hospitalisés. Le Maroc manque en effet cruellement de praticiens et d’aides soignants spécialisés dans le domaine. A ce manque s’ajoute la commercialisation d’un seul médicament à un prix inabordable pour les malades ne disposant pas de couverture médicale. Enfin, des dispositifs de sensibilisation de la population aux symptômes de la maladie d’Alzheimer sont nécessaires pour éviter des drames familiaux. En effet, plusieurs cas d’abandon sont enregistrés, beaucoup de familles assimilant la maladie d’Alzheimer à de la folie. Dans d’autres situations, la méconnaissance de la maladie fait que la personne touchée est laissée sans surveillance. Cette dernière peut ainsi sortir et se perdre, faute de pouvoir se rappeler son nom et l’adresse de son domicile. Aujourd’hui encore, dans les milieux populaires où l’ignorance fait assimiler cette maladie à de la démence, certains recourent à la médecine traditionnelle et à la magie pour tenter de la soigner. Ces « remèdes » peuvent se révéler très dangereux pour les malades. Ainsi, par exemple, la tournée des saints et l’enchainement du malade toute une nuit pour « l’exorciser », aggravent encore plus l’état de celui-ci. De telles situations pourraient être évitées juste en emmenant le malade chez le médecin, un simple généraliste étant capable de nos jours de détecter la maladie. Aider l’entourage. « Il faut aider l’entourage qui vit dans un climat de stress permanent. Il faudrait au moins prévoir un accueil de jour pour les patients, ce qui permettrait à la famille de respirer, d’autant que les traitements n’offrent pas aujourd’hui d’espoir de guérison. Ils améliorent les symptômes liés à la perte de mémoire au début de la maladie, mais leurs effets s’épuisent avec le temps », explique le Pr Moussaoui. Comment aider les aidants, ceux qui entourent le malade ? Tel est l’un des axes de réflexion proposé à bord du « Train contre la maladie d’Alzheimer » qui sillonne actuellement la France depuis le 21 septembre, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre la maladie d’Alzheimer. Partager le quotidien d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer, c’est veiller à la sérénité de son environnement, qui doit être à la fois 2/3 L’Alzheimer au Maroc : une situation déplorable calme, apaisant et stable. Et ce, 24 heures sur 24. Or, cela relève parfois de l’impossible et il faut savoir être conscient de ses limites. Il est important, en effet, qu’un aidant apprenne à prendre soin de lui et à disposer d’un espace de vie dans lequel il peut prendre du recul, se ressourcer. A son tour, il doit accepter de recevoir de l’aide pour continuer, dans la durée, à accompagner son proche malade. En effet, l’aidant familial risque, à terme, de s’épuiser. La maladie évoluant, il se retrouve à devoir assurer une aide et une présence de plus en plus importante auprès de son proche malade. Et il finit par ne plus prendre en compte ses propres besoins. Pour le Dr. Oudgrhiri, spécialisé en médecine des vieux (gériatrie), « la maladie d'Alzheimer dépasse son cadre purement sanitaire pour devenir un fléau social qui affecte non seulement le patient, mais également les personnes qui en prennent soin ». 3/3