Sans titre-1

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Sans titre-1
Post’U (2010) 71-78
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Comment suivre un patient
après une chirurgie bariatrique ?
L’obésité, en constante augmentation
dans le monde occidental et y compris
en France, entraîne de nombreuses
complications, responsables d’une
réduction de l’espérance de vie.
Les traitements conventionnels sont
souvent décevants, et c’est dans ce
contexte que la chirurgie de l’obésité
(dite bariatrique) s’est progressivement
développée. En France, le nombre
d’interventions n’a cessé d’augmen­
ter depuis le début des années 90
pour atteindre un maximum de
17 000 patients opérés en 2002
puis s’est stabilisé aux alentours de
10 000 interventions annuelles depuis
2003 [1]. Néanmoins, cette thérapeu­
tique ne doit s’inscrire que dans le
cadre d’un projet médical cohérent
conduit par une équipe spécialisée
multidisciplinaire qui doit pouvoir
non seulement assurer l’évaluation
préopératoire mais aussi le suivi post­
opératoire. Ainsi, plusieurs recomman­
dations basées sur des conférences
d’experts ont permis d’établir les indi­
cations, les contre­indications et le
bilan préopératoire multidisciplinaire
recommandé avant ce type de chi­
rurgie [2­4]. De même, les résultats de
cette chirurgie ont fait l’objet de nom­
breuses études enthousiastes concer­
nant les pertes de poids et l’évolution
favorable des comorbidités en post­
opératoire [5­7]. Néanmoins, la mor­
talité et les complications postopéra­
toires après chirurgie bariatrique sont
loin d’être nulles et justifient un suivi
à long terme [4­7, 8]. En effet, les
problèmes potentiels liés à ce type de
chirurgie sont multiples : compli­
cations chirurgicales, digestives ou
nutritionnelles, adaptation des diffé­
rents traitements des comorbidités,
gestion des conséquences de la perte
de poids…
Le but de cette mise au point est donc
d’aborder de manière très pratique le
suivi des patients opérés, après un bref
rappel des techniques chirurgicales et
des complications postopératoires.
Les techniques chirurgicales
les plus diffusées en France
et leurs principales
complications
postopératoires
Deux grands types d’intervention sont
utilisées en chirurgie bariatrique : les
techniques de réduction gastrique
encore appelées gastroplasties (gastro­
plastie verticale calibrée et anneau de
gastroplastie ajustable) et les tech­
M. Coupaye ( ), S. Ledoux
Services des Explorations Fonctionnelles et Chirurgie
Centre de référence de prise en charge pluri-disciplinaire de l’obésité morbide
Hôpital Louis-Mourier (AP-HP), Colombes (92)
■ S. Msika
Services des Explorations Fonctionnelles et Chirurgie
Centre de référence de prise en charge pluri-disciplinaire de l’obésité morbide
Hôpital Louis-Mourier (AP-HP), Colombes (92)
■ S. Msika
Service de Chirurgie Digestive
CHU Louis-Mourier, 178 rue des Renouillers, 92701 Colombes Cedex
Tél. : 01 47 60 62 56 – Fax : 01 47 60 62 69
E-mail : [email protected]
■
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M. Coupaye, S. Ledoux,
S. Msika
niques mixtes associant à la réduction
gastrique un certain degré de mal­
absorption par dérivation d’une partie
de l’intestin, dont la plus utilisée est
le by­pass gastrique (court circuit
gastrique). Plus récemment, une nou­
velle intervention, considérée comme
restrictive s’est beaucoup développée ;
il s’agit de la « Sleeve Gastrectomy »
ou gastrectomie en manchon ou en
gouttière.
L’intervention de chirurgie bariatrique
initialement la plus pratiquée dans le
monde était la gastroplastie verticale
calibrée selon la technique de
Mason [9]. Elle consiste en la création
d’une poche gastrique de 15­20 ml
réalisée par agrafage vertical le long
de la petite courbure et qui commu­
nique avec le reste de l’estomac par
un chenal rétréci par un bandage pro­
thétique (Fig. 1). Il existe de nom­
breuses variantes de cette technique.
Elle est réalisable par laparoscopie,
mais peu diffusée en France.
La gastroplastie par anneau ajustable
est d’apparition plus récente (1990 en
France). Il s’agit d’un bandage cir­
culaire de la partie haute de l’estomac
qui réalise une poche gastrique d’une
capacité similaire à celle de la gastro­
plastie verticale calibrée. Cette inter­
vention a la particularité d’être ajus­
table par l’adjonction d’une chambre
sous­cutanée (boîtier) reliée par un
cathéter au ballonnet de l’anneau [10].
Son remplissage par du sérum physio­
logique (ou une solution radio opaque)
71
Figure 1. Gastroplastie verticale calibrée
permet de moduler le degré de serrage
en fonction de la courbe pondérale
obtenue (Fig 2). Deux caractéristiques
expliquent l’engouement pour cette
technique à la fin des années 90 en
France : d’une part le caractère réver­
sible, d’autre part la réalisation quasi
systématique de cette intervention par
abord laparoscopique mini invasif
avec des suites opératoires allégées
comparativement à la laparotomie et
ses nombreuses complications notam­
ment pariétales. Les complications
chirurgicales des anneaux de gastro­
plastie ajustables sont généralement
de deux types : d’une part les pro­
blèmes liés au boîtier (retournement,
infection) ou à la connexion de la
tubulure (rupture), d’autre part les pro­
blèmes de la poche gastrique proxi­
male. La dilatation de cette poche est
la complication la plus fréquente : elle
survient dans 5 % des cas, souvent à
distance de la chirurgie (en moyenne
à un an postopératoire) [11]. Cette
dilatation peut être soit la cause, soit
la conséquence d’un « glissement » de
l’anneau et s’accompagne générale­
ment de symptômes gênants (pyrosis,
douleurs épigastriques, vomissements,
dysphagie entraînant un amaigrisse­
ment important). Certaines dilatations
de poche apparaissent néanmoins sans
glissement de l’anneau associé et
peuvent être asymptomatiques, leur
mécanisme est encore mal compris ;
on ne sait pas notamment si le non
respect des consignes diététiques joue
un rôle dans ces dilatations et si leur
incidence pourrait être réduite par un
72
meilleur encadrement diététique.
L’érosion voire la migration intra gas­
trique de l’anneau est beaucoup plus
rare [11]. Les complications nutrition­
nelles des gastroplasties se limitent
généralement à une carence martiale
(liée en partie à une intolérance ali­
mentaire fréquente à la viande rouge)
et plus rarement en folates, si du
moins le suivi est correct et la restric­
tion calorique raisonnable (anneau
peu « serré »). Par contre, le confort
digestif est souvent médiocre : vomis­
sements très fréquents mais souvent
cachés (> 30 % des cas dans la litté­
rature), reflux gastro­oesophagien qui
est généralement la première manifes­
tation d’une complication mécanique.
Une des conséquences de ces vomis­
sements répétés est la carence en vita­
mine B1 qui peut être dramatique en
l’absence de prise en charge adaptée
(plusieurs cas d’encéphalopathies de
Gayet Wernicke ont été rapportés dans
la littérature).
Le court­circuit gastrique (ou by­pass
gastrique) comporte la création d’une
petite poche gastrique réalisée par
section­agrafage de la partie supé­
rieure de l’estomac anastomosée direc­
tement à l’intestin grêle par l’intermé­
diaire d’une anse en Y. L’estomac
distal, le duodénum et le grêle proxi­
mal sont ainsi court­circuités de la
digestion ce qui crée un certain degré
de malabsorption (Fig. 3). La longueur
de l’anse alimentaire peut varier de
70 cm à 2 mètres ce qui permet de
moduler en partie la malabsorption
intestinale. Cette technique pratiquée
depuis plus de 20 ans en Amérique du
Nord, est actuellement de plus en plus
réalisée en France, sous laparoscopie,
par des équipes spécialisées et donnent
en moyenne de meilleurs résultats sur
le poids et les comorbidités que les
gastroplasties [12]. Par contre, les
complications chirurgicales des by­
pass gastriques sont potentiellement
plus graves que celles des anneaux,
fonction de l’expérience du chirurgien
et de la qualité de la prise en charge
postopératoire. Certaines sont pré­
coces, qu’ils s’agissent de complica­
tions anastomotiques (abcès, fistules),
d’occlusions ou d’abcès post opé­
ratoires et peuvent nécessiter une
réintervention rapide. D’autres peu­
vent survenir quelques semaines plus
tard au niveau de l’anastomose gastro­
jéjunale : sténose et ulcère anastomo­
tique essentiellement. La fréquence de
ces sténoses est très variable selon
la technique chirurgicale employée :
elles surviennent le plus souvent sur
les anastomoses circulaires méca­
niques ; en revanche, les anastomoses
linéaires mécaniques sont plus larges
Figure 2. Gastroplastie
par anneau ajustable
Figure 3. Court circuit gastrique
(by-pass gastrique)
• • • • • •
et ne donnent pas de sténose [13].
A distance de la chirurgie, les compli­
cations des by­pass gastriques sont
rares, faites essentiellement d’occlu­
sions par hernie interne. En revanche,
les complications nutritionnelles des
by­pass sont, du fait de la restriction
alimentaire plus importante et de la
malabsorption induite (shunt duo­
dénal), beaucoup plus fréquentes
qu’après les gastroplasties. Il s’agit de
façon quasi­constante de carences
martiales (notamment chez les femmes
réglées qui ont souvent une réserve en
fer limite en préopératoire et dont
l’apport alimentaire devient rapide­
ment insuffisant en postopératoire), de
carences en vitamine B12 à plus long
terme par défaut d’absorption de la
molécule lié à l’absence de facteur
intrinsèque en raison de la section
gastrique, de carence en calcium et
plus rarement de carences en folates
et de dénutrition protéique. Il existe
également un risque de « dumping
syndrome » compte tenu du montage
chirurgical.
La « sleeve gastrectomy » ou gastrec­
tomie en manchon (Figure 4) est de
développement récent ; elle existe
cependant depuis plusieurs années, car
elle fait partie intégrante de la tech­
nique de « switch » duodénal qui est
une diversion bilio­pancréatique ; les
chirurgiens canadiens qui l’ont beau­
coup réalisée, ont proposé la gastrec­
tomie en gouttière seule comme inter­
vention restrictive ; elle consiste à
retirer par laparoscopie la grosse tubé­
rosité et le fundus gastrique et à n’en
laisser qu’un tube étroit source de la
restriction ; en revanche l’antre est
laissé intact afin de ne pas menacer la
vidange antro­pylorique. Ce principe
restrictif semble cependant être asso­
cié à des modifications hormonales en
particulier une diminution de la sécré­
tion de ghréline qui joue dans les
mécanismes de la satiété [14]. Ses
risques sont essentiellement liés aux
carences en fer de par la restriction et
souvent l’absence de consommation
de viandes rouges. Les résultats sur le
poids et les co­morbidités à court
• • • • • •
terme sont plutôt bons, du même ordre
voire légèrement inférieurs qu’avec le
by­pass, mais il existe actuellement
peu de données fiables sur le long
terme ; en revanche, ses effets sur les
troubles du métabolisme glucidique
sont assez remarquables. Ses résultats
à long terme sont cependant encore
moins bien connus. Son intérêt réside
essentiellement chez le patient « super
super obèse » (IMC > 50 kg/m 2) à
risque opératoire élevé, afin de dimi­
nuer la mortalité et la morbidité post­
opératoires. Néanmoins, l’autre intérêt
de cette technique est la possibilité,
en cas d’amaigrissement insuffisant,
de réaliser dans un second temps
une intervention malabsorptive (by­
pass gastrique ou diversion bilio­
pancréatique) pour « relancer » la perte
de poids [14].
Les interventions de dérivation bilio­
pancréatique, dont la plus pratiquée
est l’intervention de Scopinaro et sa
variante avec « switch » duodénal
comprennent une gastrectomie et un
court circuit intestinal long. Elles sont
très pourvoyeuses de dénutrition et de
carences en micronutriments [15].
Elles ne sont réalisées que par quelques
rares équipes en France.
Figure 4. Gastrectomie longitudinale
(« sleeve gastrectomy »)
Le suivi post opératoire
La prise en charge postopératoire est
indispensable. Elle doit être effectuée
périodiquement par l’équipe multi­
disciplinaire qui a posé l’indication
opératoire (associant psychologue ou
psychiatre, diététicien, nutritionniste
et chirurgien), en coordination avec le
médecin traitant, de façon rapprochée
la première année (idéalement tous les
3 mois) puis au moins annuellement
les années suivantes. Ce suivi permet
de dépister et de prendre en charge
rapidement quatre aspects essentiels :
– Les carences nutritionnelles : par
une enquête alimentaire et des
bilans biologiques sanguins pério­
diques (NFS, ionogramme sanguin,
calcémie, calciurie, PTH1­84, albu­
minémie, bilan martial, folates
sériques, vitamines D, B1 et B12 au
minimum). En pratique, les patients
bénéficient d’un bilan préopératoire
complet permettant de corriger les
carences préexistantes qui sont
paradoxalement fréquentes dans
cette population en raison notam­
ment des régimes répétés [16]. Les
patients opérés d’un by­pass gas­
trique prennent dès leur sortie de
chirurgie une supplémentation sys­
tématique en multi vitamines ; on
choisit les préparations les plus
complètes contenant des oligo
éléments (ex : Azinc Optimal® ou
Elevit B9® : 1cp/j). D’autres vita­
mines ou minéraux sont ensuite
ajoutés en fonction des bilans bio­
logiques postopératoires (fer, cal­
cium, vitamine B1, vitamine B12,
apports protéiques…). En ce qui
concerne les patients opérés d’une
gastroplastie, les substitutions post­
opératoires ne sont pas systéma­
tiques mais adaptées aux résultats
des bilans biologiques périodiques.
– Les complications mécaniques des
anneaux gastriques ajustables : par
des radiographies d’abdomen sans
préparation et des transit œso­
gastroduodénaux en cas de point
d’appel clinique. Une fibroscopie
oesogastroduodénale sera réalisée
73
si le transit n’est pas contributif, en
cas d’hématémèse ou de suspicion
d’oesophagite ou d’ulcère. On
préconise également une fibro­
scopie systématique à 2 ans post­
opératoire après anneau gastrique
ajustable pour dépister notam­
ment les ulcères ou les migrations
d’anneau intra gastriques asympto­
matiques.
– L’évolution des comorbidités : par
une adaptation rapide des traitements
anti­diabétiques, anti­hypertenseurs
et hypolipémiants en cas de perte
de poids rapide, notamment après
by­pass gastrique, et par un suivi­
rapproché des autres facteurs de
risque présents avant la chirurgie
(syndrome d’apnée du sommeil…).
– Le retentissement psychosocial
de l’intervention et de la perte de
poids : par un suivi psychologique
en cas de besoin.
Les problèmes
qui se posent en pratique
Le rôle du médecin traitant est fonda­
mental, en collaboration avec l’équipe
médico­chirurgicale responsable de
l’intervention, car le nombre toujours
croissant de patients opérés rend le
suivi spécialisé rapproché à long terme
de plus en plus difficile.
Avant toute chose, il semble néan­
moins nécessaire de rappeler qu’en cas
de vomissements répétés, d’into­
lérance alimentaire brutale ou de
douleur abdominale inexpliquée, le
patient doit joindre de toute urgence
l’équipe médicochirurgicale respon­
sable de l’intervention ; l’expérience
prouve en effet que la plupart des
services d’urgences des hôpitaux de
proximité ne sont généralement pas
encore formés à ce type de chirurgie
et transfèrent les patients vers les
centres spécialisés.
En dehors de ces cas extrêmes, la prise
en charge et les problèmes potentiels
sont assez différents entre les inter­
ventions de restriction pure et les
interventions mixtes.
74
Les problèmes les plus fréquemment
rencontrés avec les gastroplasties par
anneau ajustable sont :
– La survenue de vomissements, d’un
pyrosis, d’une dysphagie ou de
régurgitations anormalement fré­
quentes : il peut s’agir d’une dilata­
tion de poche ou d’une dilatation de
l’œsophage par serrage excessif
de l’anneau. Le diagnostic se fait
facilement sur un transit œso­
gastro­duodénal. Une fibroscopie
œso­gastro­duodénale ne sera
réalisée que si le transit baryté n’est
pas contributif ou en cas d’hématé­
mèse. Le traitement consiste à « des­
serrer » l’anneau gastrique, ce qui
peut suffire à faire disparaître les
symptômes. En cas d’échec, l’abla­
tion de l’anneau s’impose le plus
souvent.
– La survenue d’une douleur à type
de brûlure oesophagienne : il s’agit
le plus souvent d’une oesophagite
sur reflux gastro­oesophagien lié à
un serrage excessif de l’anneau,
authentifié par le transit baryté et
la fibroscopie. Il faut donc « desser­
rer » cet anneau et prescrire un trai­
tement par inhibiteur de la pompe
à protons. Un contrôle fibrosco­
pique est préconisé après la fin du
traitement pour vérifier la guérison
totale de l’oesophagite.
– La survenue d’une hématémèse : il
peut s’agir d’une migration intra
gastrique de l’anneau qui doit être
authentifiée en fibroscopie et impose
un retrait chirurgical de cet anneau.
– Un arrêt inexpliqué de la perte de
poids : il peut s’agir d’une rupture
de la tubulure qui est facilement
visible sur l’ASP ; une ré­intervention
chirurgicale s’impose alors, par voie
locale le plus souvent. Plus rare­
ment, une migration intra gastrique
de l’anneau est découverte lors
d’une fibroscopie œsogastrique : ces
migrations sont souvent asympto­
matiques et peuvent ne se mani­
fester que par une inefficacité de
l’anneau.
– Une suppuration ou des douleurs au
niveau du boîtier : il peut s’agir
d’une infection qui nécessite une
ablation chirurgicale du boîtier et
d’une partie de la tubulure si elle est
infectée, (voire de l’anneau en fonc­
tion des prélèvements bactériens),
associé à un traitement antibiotique
adapté au germe retrouvé. Si cette
suppuration survient très à distance
de l’intervention, elle doit faire évo­
quer une infection du dispositif de
la profondeur vers la superficie, qui
peut signer une migration intra gas­
trique de l’anneau, imposant son
retrait chirurgical
– Des douleurs tardives au niveau du
boîtier : fréquentes lorsque le patient
a beaucoup maigri, elles peuvent
nécessiter un repositionnement
chirurgical du boîtier, à visée pure­
ment fonctionnelle.
Les problèmes les plus fréquemment
rencontrés avec les by-pass gastriques sont :
– Des vomissements inexpliqués
associés à une dysphagie, survenant
généralement dans les trois pre­
miers mois postopératoires : il peut
s’agir d’une sténose et/ou d’un
ulcère de l’anastomose gastro­
jéjunale dont le diagnostic est porté
par la fibroscopie oesogastrique. En
cas de sténose, un traitement par
dilatations endoscopiques répétées
(2 à 3 séances sous anesthésie géné­
rale) permettra de retrouver une
anastomose fonctionnelle. En cas
d’ulcère anastomotique, un traite­
ment par IPP à dose importante et
généralement prolongé (si besoin
associé à une éradication de l’héli­
cobacter pilori) permettra d’obtenir
une guérison complète.
– Des douleurs post prandiales
fugaces associés à des borborygmes
ou des « gargouillements » gênants :
classiques après ce type de chirurgie
mais difficiles à traiter, on peut
essayer des médicaments à base de
charbon ou des antispasmodiques
en cas de douleurs. Parfois, certains
aliments identifiables déclenchent
des crises, il faut alors les exclure
de l’alimentation. Le plus souvent,
ces troubles surviennent sans cause
• • • • • •
identifiable et ne régressent pas
toujours avec le temps, le patient
doit apprendre à vivre avec.
Néanmoins, certaines douleurs
répétitives doivent faire évoquer
une occlusion intermittente sur
bride ou par hernie interne.
– Des malaises qui sont des équiva­
lents de dumping syndrome, lié à
l’arrivée rapide des aliments dans le
jéjunum : il s’agit là par contre
d’aliments généralement clairement
identifiables, soit trop gras, soit trop
sucrés, soit trop salés et il faut les
exclure pour éviter un nouveau
malaise.
– Des hypoglycémies « fonction­
nelles ». Il s’agit d’hypoglycémies
survenant en période postpran­
diale tardive, lié à une réponse
hyper insulinique après augmen­
tation trop rapide de la glycémie
en postprandial. La suppression
des sucres rapides de l’alimenta­
tion et le fractionnement des repas
permettent généralement de
résoudre le problème, parfois des
médicaments, type Glucor®, peu­
vent être efficaces. Des cas d’hypo­
glycémies organiques ont été
rapportés mais semblent être
exceptionnels, liés à une hyper­
plasie du pancréas dont les causes
restent débattues [17].
– Des douleurs post prandiales à dis­
tance de la chirurgie et qui s’aggra­
vent avec le temps : il est alors
impératif d’effectuer une opacifica­
tion digestive (Scanner ou TOGD)
afin de rechercher un obstacle sur
une anse intestinale responsable
d’une occlusion, qui peut être une
hernie interne ; ce diagnostic
impose bien sûr une intervention
chirurgicale rapide.
Les problèmes rencontrés avec les
deux types de chirurgie sont généralement liés à l’amaigrissement
parfois massif et rapide et à la restriction calorique souvent importante
en postopératoire immédiat :
– Une chute de cheveux : fréquente
chez les femmes, elle témoigne soit
d’une perte de poids rapide et
• • • • • •
importante sans carence clairement
identifiée (« stress postopératoire »),
soit d’une carence en un ou plu­
sieurs éléments précis : fer, vitamine
B6, vitamine B12, zinc…il suffit
alors d’apporter per os ces éléments
déficitaires. En l’absence de carence
identifiée, la chute de cheveux est
toujours réversible en quelques
mois mais on peut augmenter la
dose de multi vitamines (ex : Azinc
optimal 2 ou 3 cp/j) pour passer un
cap difficile. Les petits moyens (évi­
ter la tension des cheveux, les cou­
per courts) sont aussi utiles, un
traitement dermatologique associé
peut parfois être nécessaire transi­
toirement.
– Une anémie : typiquement micro­
cytaire par carence martiale pré­
dominante, parfois macrocytaire
par carence en vitamine B12, sou­
vent normocytaire en cas de carence
mixte. L’expérience prouve qu’il
vaut mieux traiter les carences au
début de leur installation et ne pas
attendre une anémie franche car de
fortes doses substitutives par voie
parentérale sont alors nécessaires
pour restaurer un statut vitaminique
correct. La carence profonde en
vitamine B12 entraîne une pancy­
topénie. Les carences en fer sont
facilement corrigées par un traite­
ment per os à condition que l’ané­
mie soit modérée et que la tolérance
digestive du fer pris par voie orale
soit bonne. Les carences en vita­
mine B12 sont très classiques après
by­pass gastrique en raison de la
section gastrique mais ne survien­
nent qu’après le 6e mois post opé­
ratoire car les réserves hépatiques
en vitamine B12 sont impor­
tantes [18, 19]. La substitution se
fait donc classiquement par voie
intramusculaire, une ampoule de
1000 µg par mois en moyenne, elle
est généralement débutée entre le
6e et le 12e mois postopératoire et
doit être poursuivie à vie, avec une
fréquence d’administration qui
dépend des résultats biologiques.
Les carences en folates et en cal­
cium sont plus rares et facilement
corrigées par un apport per os.
– Des signes de dénutrition : un amai­
grissement trop rapide, une fatigue,
une dépression, une fonte mus­
culaire, voir des oedèmes des
membres inférieurs sont des signes
évocateurs. Une hospitalisation
s’impose parfois pour alimenter ces
patients par voie entérale ou paren­
térale. En pratique, ces situations
sont rares si les patients sont cor­
rectement suivis et prennent leurs
substitutions.
– Des douleurs au niveau de l’hypo­
chondre droit : il peut s’agir de
coliques hépatiques en rapport avec
la présence de calculs vésiculaires
dont la formation est favorisée par
l’amaigrissement rapide et impor­
tant. En cas de calculs vésiculaires
présents avant la chirurgie (surtout
avant by­pass gastrique), la cholé­
cystectomie simultanée est systéma­
tique, en raison de l’impossibilité
d’extraction endoscopique des
calculs du cholédoque après by­
pass. La cholécystectomie préven­
tive (sur vésicule alithiasique) n’est
généralement pas effectuée.
Conclusion
Le nombre de patients obèses ayant
bénéficié d’une chirurgie bariatrique
est actuellement probablement supé­
rieur à 120 000 en France et aug­
mente d’environ 10 000 par an. Il est
clair que le nombre de médecins et
de chirurgiens spécialistes pouvant
les suivre n’augmente pas aussi vite…
et que le rôle du médecin traitant
devient actuellement majeur pour
coordonner le suivi de ces patients,
en collaboration avec l’équipe médi­
cochirurgicale responsable de l’inter­
vention. Un effort de communication
et de collaboration entre ces dif­
férents acteurs semble donc indis­
pensable afin d’optimiser la prise
en charge de ces patients dont la
compliance et le suivi à long terme
sont parfois difficiles.
75
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Les 5 points forts
➊
➋
➌
➍
➎
L’anneau gastrique ajustable donne surtout des complications chirurgicales
et mécaniques à distance de la chirurgie.
Les complications postopératoires précoces du court circuit gastrique sont
plus graves qu’avec l’anneau gastrique.
A distance de l’intervention, le court circuit gastrique donne essentiel­
lement des complications nutritionnelles.
Le rôle du médecin traitant est fondamental pour coordonner le suivi des
patients opérés en collaboration avec l’équipe médicochirurgicale respon­
sable de l’intervention.
Le suivi à long terme des patients opérés est indispensable en raison du
risque de complications tardives.
Question à choix unique
Question 1
Parmi les propositions suivantes, laquelle est erronée ?
❏ A. Après gastric bypass, la carence la plus fréquente est la carence protidique
❏ B. Une dilatation de poche gastrique après anneau gastrique fait penser à un serrage excessif de l’anneau
❏ C. Une œsophagite peptique après anneau gastrique se traite médicalement par IPP
❏ D. Le dumping syndrome est la particularité du gastric bypass
❏ E. Une chute de cheveux est fréquente chez la femme après gastric bypass, et témoigne d’une perte de poids
rapide
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