52 ans après le tremblement de terre d`Agadir, la capitale du Souss

Transcription

52 ans après le tremblement de terre d`Agadir, la capitale du Souss
52 ans après le tremblement de terre d'Agadir,
la capitale du Souss se souvient : La baraka
Nous sommes le 29 février 1960 quelques minutes avant minuit.
La maison dort, la famille repose. Ma mère et Pierre (mon fils aîné de 2 ans) dans
une des deux chambres, Jean mon mari, Philippe (mon cadet dont nous nous
apprêtons à fêter le premier anniversaire) et moi-même dans l’autre.
Tout à coup, un sourd grondement, une violente secousse. Toute la maisonnée se
réveille. Machinalement mon mari étend le bras pour toucher le berceau de Philippe
qui était de son côté : plus de berceau! Il a roulé à l’autre bout de la pièce.
De suite nous réalisons l’ampleur de la catastrophe. Mon mari se précipite vers
l’autre chambre. Ses deux occupants sont indemnes. L’armoire de ma mère a
basculé, mais la pièce étant très petite, elle a été arrêtée dans sa chute par une
étagère fixée sur le mur d’en face, formant un abri sous lequel ma mère et mon fils
se cachent.
Nous descendons tous au rez-de-chaussée. Par chance l’escalier a tenu. En
passant, j’enfile une paire de chaussures qui se trouvait sur l’une des marches. Nous
arrivons au rez-de-chaussée : spectacle de désolation, des gravats partout, des
vitres brisées, dans la cuisine des carreaux descellés jonchent le sol.
Nous ouvrons une porte donnant sur l’extérieur, un épais nuage de poussière
jaunâtre s’élève du sol. On ne distingue rien, d’autant plus que la ville, du fait de la
secousse tellurique, se retrouve sans électricité (et également sans eau).
On finit tout de même par s’habituer à la pénombre, les gens se parlent,
s’interpellent, demandent des nouvelles.
Comme nous, les occupants des deux maisons voisines de la nôtre s’en sont sortis.
Peu de temps après un ami marocain de Jean, Lahcen, vient sur sa moto prendre de
nos nouvelles. Je me souviens aussi d’un vendeur du marché de Talborj. Il
déambulait, hagard, dans sa longue chemise blanche et m’a dit : «Madame, j’ai tout
perdu ». Sa mère promenait souvent dans notre quartier son petit-fils, un beau bébé
noir, et quelquefois s’asseyait contre le muret de notre petite cour.
Le garage était sous la maison avec une pente très raide. Il a d’abord fallu lever le
rideau de fer; ce qui n’a pas été facile, puis la voiture sortie je m’y suis installée avec
Philippe dans mes bras. J’étais assise sur une paire de draps neufs, que je ne
voulais pas laisser dans la maison si bien que ma tête touchait presque le plafond de
la voiture.
Je passai là toute la nuit, paniquée à l’idée qu’une autre secousse pouvait se
produire. Seul au matin un besoin pressant m’obligea à sortir de mon abri... Mais
avant il y eut le chocolat.
En effet mon mari réussit à nous faire du chocolat chaud, un exploit en de telles
circonstances. Pourquoi pas du café? Parce qu’à cette époque le café moulu n’était
pas encore à la mode, et notre moulin électrique était inutilisable, mais pour les
enfants nous avions eau minérale et chocolat. Le combustible? Le gaz butane, la
cuisinière étant toujours en état de marche. Une de nos voisines, Mme Lemarié, qui
par la suite nous donna de ses nouvelles, nous dit : «Ah! Nous avons souvent parlé
du chocolat de M. Gaucher».
Pour Philippe, ce fut une nuit comme une autre, du 29 au soir au 1 au matin il a
dormi à poings fermés comme s’il ne s’était rien passé. Heureux âge. Pierre, le grand
de 2 ans, résolut tout de suite le problème : «La maison est cassée, on va chez pépé
Robert» (mon beau-père). Ce qui fut fait.
Mais avant de nous diriger vers le Morvan nous allâmes reprendre un peu nos esprits
chez des amis (M. et Mme Mazelier) colons à la Targa en banlieue de Marrakech.
Nous fûmes les premiers rescapés à arriver dans cette ville, et c’est de la poste de
Guéliz que, sans tarder, nous envoyâmes des télégrammes pour rassurer familles et
amis.
Et puis, peu à peu, nous nous organisâmes et la vie reprit son cours. En me
remémorant tout cela, je pense que nous avons eu tous les cinq beaucoup,
beaucoup de chance. La baraka en somme!
* Institutrice à Agadir
de 1957 à 1960
Source : http://www.libe.ma/52-ans-apres-le-tremblement-de-terre-d-Agadir-la-capitale-duSouss-se-souvient-La-baraka_a25494.html?preaction=nl&id=20732951&idnl=107830&

Documents pareils