Ingrédients fonctionnels : cap sur la valeur ajoutée

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Ingrédients fonctionnels : cap sur la valeur ajoutée
DOSSIER PRODUITS LAITIERS
Ingrédients fonctionnels :
cap sur la
valeur ajoutée
Bien que l’Europe soit un marché essentiel, les ingrédients laitiers fonctionnels bénéficient aussi de l’essor des pays émergents. Les opérateurs français
ont des atouts à faire valoir.
DAIRYGOLD
u-delà de son appétit pour les
poudres laitières soumises à
cotations, l’industrie agroalimentaire des pays émergents
entame une phase de maturation, qui
va contribuer à la croissance de la
demande mondiale pour les ingrédients
laitiers déshydratés à forte valeur ajoutée. Sur ce marché, les opérateurs français ont des atouts à faire valoir. Les
12 M€, d’investissement annoncés au
printemps par Laïta pour sa filière ingrédients secs et les outils industriels
concernés bénéficieront directement à
EPI INGRÉDIENTS en charge de la commercialisation de ses poudres. Une première étape pour un effort qui promet
d’être continu. Depuis début 2012, la
filiale de Laïta est organisée en deux
pôles, l’un dédié aux ingrédients liés aux
fluctuations des marchés internationaux
(poudres de lait, lactosérum et autres
protéines de lait), l’autre aux produits
élaborés et à valeur ajoutée. Ce dernier
couvre les ingrédients à propriétés organoleptiques (poudres de crème, beurre,
et produits fermentés) et les produits
« à la carte » dans une approche B to B.
« Nous sommes dans une relation
directe avec l’industriel où nous jouons
un rôle de conseil en termes de développement avec un soutien important
vis-à-vis de l’analyse et la mise en œuvre
des spécificités de nos clients », explique
Thierry Le Guen, en charge du marketing
et de la qualité.
Cela signifie-t-il que les commodités
sont rivées aux marchés export tandis
A
EPI Ingrédients,
filiale de Laïta,
bénéficie des
investissements
de sa maisonmère. La division
concentre
ses efforts
sur les poudres
fermentées.
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que les produits élaborés sont cantonnés au marché européen ? « Pas du
tout ! Nous fabriquons et commercialisons d’importants volumes de poudres de lait pour l’exportation via des
négociants, mais l’objectif est de trouver les meilleures voies de valorisation.
Ainsi, nous pouvons développer des
relations directes avec les industriels
sur des cahiers des charges spécifiques, aussi bien en Europe qu’à l’international, même pour la poudre de
lait », explique-t-il. Concernant les produits élaborés, les grands groupes
industriels, qui sollicitent Epi Ingrédients
sur les marchés européens, demandent
à les accompagner dans les pays tiers
où ils se développent.
La gamme de la filiale de Laïta
dédiée aux ingrédients secs s’est renforcée autour de ses produits phares,
notamment les poudres fermentées.
La dernière nouveauté en date s’appelle : Epilac 748. Développée en 2011
à l’intention des marchés export, cette
poudre fermentée maigre est utilisée
dans des préparations de type frozenyogourt ou crèmes glacées. « Réalisé
à partir de yaourt, puis thermisé et
séché, cet ingrédient permet d’apporter le goût typique du yaourt. La flore
rendue inactive évite toute contamination de l’installation », explique-t-il.
L’expertise
métier
ARMOR PROTÉINES concentre son
énergie sur le marché des ingrédients
fonctionnels : caséinates, protéines
sériques et protéines bioactives, mais
aussi poudres de lait et lactoremplaceurs, sans oublier le lactose, les minéraux, le lactosérum déminéralisé et les
poudres Hatmaker pour les applications
chocolat. La filiale de Bongrain a remis
sur le devant de la scène la solution
Lactosalt, des minéraux laitiers utilisés
en substitution de sel. « En complément
du marché industriel, nous avons développé une approche spécifique aux
petits utilisateurs via des contenants
en seaux de 5 kg », indique Laurent Gasnier, directeur marketing. Armor Protéines met aussi en avant Protilight IP3.
Cette poudre de protéines de fraction
caséique du lait est utilisée pour la
dorure en viennoiserie, en substitution
de l’œuf. « Suite aux difficultés de la
filière œufs, elle connaît un regain d’intérêt grâce à son caractère économique, sa disponibilité et sa fonctionnalité », souligne Laurent Gasnier. UUU
DOSSIER PRODUITS LAITIERS
UUU Du côté d’INGREDIA, l’heure est
à un investissement de 25 M€ annoncé
par le groupe en fin d’année dernière.
Parallèlement, cette filiale de La Prospérité Fermière s’est réorganisée selon
trois divisions commerciales: Nutritional
(actifs nutrition-santé), Functional (protéines de lait et systèmes fonctionnels)
et Essential (poudres laitières et composants liquides du lait). Les deux dernières correspondent à l’activité d’Idi
Ingrédients, dont le statut juridique est
conservé. « L’idée est de montrer à nos
clients notre expertise par métier »,
explique Cécilia Autran, chef de produits.
de créer des produits finis de qualité
innovants aux formes variées, adaptés
aux goûts locaux, standards ou allégés », affirme-t-elle. Ingredia Functional propose une gamme d’ingrédients
innovants de la marque Promilk spécialement conçus pour la réalisation
de ces fromages.
L’autre grande famille d’ingrédients
est constituée par les systèmes fonctionnels. Combinant des ingrédients
laitiers et/ou non laitiers, ils sont développés pour répondre à des besoins de
fonctionnalités spécifiques (texture,
stabilité, etc.), une optimisation des
qualités organoleptiques ou un besoin
de réduction des coûts recette.
Le cracking
du lait
Armor Protéines,
filiale de
Bongrain, met en
avant Lactosalt,
une solution de
substitution du
sel ainsi que
Protilight IP3,
une solution
de substitution
de l’œuf dans
les dorures.
Expert du cracking du lait, Ingredia
Functional propose des concentrés et
isolats de protéines de lait (MPC et
MPI), protéines sériques et caséines.
L’innovation mise en avant est Cheasing’up, un procédé innovant de fabrication de fromages (pâtes pressées,
molles, fraîches, filées…), sans séparation de sérum. « Cette technologie
permet de simplifier le process de
fabrication, de réduire les coûts de
production et d’investissements, et
Quant à la division Nutritional, elle
propose des solutions dans les
domaines de la gestion du poids,
stress, immunité et infections urinaires, avec près de 60 % des ventes
à l’export. Sur le salon Vitafoods Asia,
qui se tient à Hongkong en septembre,
Ingredia met en avant Relax Water.
« Cette boisson intègre notre ingrédient phare, Lactium, reconnu pour
ses propriétés anti-stress. L’idée est
de prendre le contre-pied des boissons
énergisantes en développant une
application relaxante », explique
Mathieu Lucot, chef de produit. Lors
du dernier Vitafoods Europe, cette
même application a été déclinée selon
une diversité de formes de bouteilles.
Parallèlement, Ingredia va mettre en
avant ProDiet Fluid, une boisson
hyperprotéinée (14 %) conservant
toute sa fluidité.
En rachetant Solailoire en 2009, la
coopérative irlandaise DAIRYGOLD
FOOD INGREDIENTS s’est ouvert un
champ d’action autour des poudres
de fromage. « Ces poudres sont utilisées en remplacement total ou partiel
des fromages natifs dans les sauces,
plats préparés, fromages fondus et
dans les applications où l’on ne peut
Corman crée des spécialités grasses en poudres
P
rès de 60 % des ventes de
la société belge Corman
sont dédiées aux industriels,
notamment pour des
applications boulangerieviennoiserie, glaces et
chocolat. La filiale de
Bongrain, spécialisée dans les
matières grasses, vient
d’innover en développant une
gamme de spécialités en
poudres.
– La première nouveauté est
une poudre de matière grasse
de lait sous forme pure, sans
additifs, ni émulsifiants. Afin
d’éviter le problème de réagglomération, Corman
s’appuie sur le fractionnement
physique pour élever le point
de fusion de 30 °C à 40 °C ou
plus à la demande du client. La
forme pulvérulente est
obtenue par cristallisation.
« On peut aussi associer des
mélanges butyrique-végétaux
(sans palme) dans une optique
économique »,
précise Jean Huynen,
Area Manager.
– La seconde
innovation concerne une
poudre de crème à 70-75 % de
matières grasses, sans
additifs, ni émulsifiants, à
destination des fabricants de
mixes pour la boulangerieviennoiserie-pâtisserie. « C’est
une réponse aux crèmes en
poudre du marché qui
souffrent de défauts de
déshuilage », explique-t-il.
Cette poudre 100 % laitière
possède un point de fusion
élevé pour une meilleure
stabilité et résistance à
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l’oxydation. La phase non
grasse (protéines, lactose) est
configurée pour être plus riche
en phospholipides, les
émulsifiants naturels du lait.
« Cela apporte aussi une
Corman, filiale de Bongrain
spécialisée dans les matières
grasses laitières, innove avec
trois nouveautés en poudre.
stabilité et un goût intéressant
pour les sauces, soupes et
potages », commente Jean
Huynen.
– Le troisième développement
est une poudre de babeurre
doux très riche en
phospholipides. « La
séparation de la crème
produit de la matière grasse
laitière et du babeurre. Le
fractionnement de ce dernier
aboutit à des composants
riches en phospholipides »,
détaille Jean Huynen. La
fraction contient 19 à 25 %
de matières grasses, dont la
moitié sont des
phospholipides. Ce produit
clean label convient bien
notamment à la substitution
des émulsifiants dans les mix
pour crèmes glacées.
Les atouts des poudres
de fromage
La gamme standard compte un
large éventail de cheddar ; la maisonmère possédant la plus grosse usine
de cheddar d’Europe. Autres solutions :
emmental, chèvre, bleu et camembert,
ainsi que des poudres typées italiennes (mozzarella, profil parmesan)
ou encore végétarien. « Nous savons
comment associer différents fromages
entre eux afin de créer un profil organoleptique unique », ajoute-t-elle. D’autant que l’entreprise vient d’investir
dans une nouvelle ligne de mélange
et d’ensachage.
Dairygold Food Ingredients France
vient de développer une poudre quatre
fromages pour les plats cuisinés. « Elle
permet une standardisation du goût
stable dans le temps et apporte une
texture onctueuse, contrairement aux
arômes », commente-t-elle. Le service
R & D a aussi créé une nouvelle application : une gamme de crackers
incluant de la poudre de fromage. « Les
poudres sont mélangées aux autres
ingrédients secs sans changer le process. Étiqueté poudre de fromage, l’ingrédient permet de mettre en avant
sur le pack « crackers à l’emmental » »,
commente Delphine Chevallier.
Spécialiste historique de la valorisation du lactosérum fromager en ingrédients déshydratés, EUROSÉRUM est
leader mondial du marché du lactosérum déminéralisé pour le lait infantile.
Cela reste le cœur de métier de l’entreprise, mais la gamme s’est élargie: poudres de lactosérum standard et premium, poudres de lait écrémé et entier,
ingrédients laitiers formulés… pour de
nouvelles applications. Par exemple,
Eurosérum a récemment renforcé sa
gamme de poudres grasses avec des
produits à base de lait ou de lactosérum
enrichis en matière grasse végétale. L’intégration d’Eurosérum dans le groupe
Sodiaal en 2011 est à l’origine d’une
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DAIRYGOLD FOOD INGREDIENTS
pas mettre de fromage natif telles que
les chips et les préparations pour
sauces », affirme Delphine Chevallier,
responsable marketing France. Elles
bénéficient d’une DLUO d’un an, avec
une stabilité organoleptique et un
stockage à température ambiante.
« Elles sont faciles à doser et s’écoulent bien, sans les pertes dues au
caractère collant », précise-t-elle.
Les poudres de fromages de Dairygold
Food Ingredients remplacent les
fromages natifs dans les sauces, plats
préparés, fromages fondus et dans les
applications où l’on ne peut pas en
mettre telles que les chips et les
préparations pour sauces.
nouvelle dynamique, à la fois en termes
d’investissements et d’accès aux
matières premières issues du groupe.
La zone de collecte donne accès à un
lactosérum issu des productions fromagères de type pâte pressée cuite
(emmental et comté par exemple).
Des liens
de confiance
La dimension internationale fait partie de l’ADN d’Eurosérum. Plus de 70 %
des poudres produites sont exportées,
en particulier en Chine et en Asie du
Sud-Est. Deux raisons à cela : la volonté
d’accompagner les clients internationaux possédant des usines de production à travers le monde, et aussi,
le fait que les ingrédients laitiers sous
forme de poudre s’adressent à un
marché mondial. Pour assurer ce
développement international, Eurosérum a développé des compétences
propres à l’activité export. L’entreprise
s’est par exemple dotée d’un service
Douanes en interne qui vient de recevoir cette année la certification d’opérateur économique agréé. Ce qui reste
rare dans l’agroalimentaire français.
« Réussir à l’export n’exige pas
nécessairement une spécialisation
excessive des gammes de produits
sur le marché des ingrédients laitiers
mais passe en revanche par le développement de liens commerciaux
durables basés sur la confiance et la
volonté d’anticiper les besoins de ses
clients », conclut Yves Rambaux, président d’Eurosérum. M
P. CHRISTEN
PROCESS ALIMENTAIRE t Septembre 2012 – N° 1295 55