Epidémiologie géographique JOSE 2012bis
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Epidémiologie géographique JOSE 2012bis
Apports de l'épidémiologie géographique à l'étude des relations santé-environnement Pr. Jean-François Viel IRSET - INSERM U 1085, Faculté de Médecine, CHU, Rennes [email protected] JOSE, 6 septembre 2012 Intérêts de l'épidémiologie spatiale Triade épidémiologique : qui ? quand ? où ? On peut observer une hétérogénéité géographique : des indicateurs de santé : pourquoi ? des expositions environnementales dans leur intensité, leur fréquence et leur composition : quel(s) risque(s) posent-elles ? JOSE, 6 septembre 2012 Intérêts de l'épidémiologie spatiale La société s'interroge sur les inégalités d’exposition et d'état de santé selon le lieu de résidence : justice environnementale. Les populations se déplacent et sont donc soumises à des expositions variées : il est important de savoir où et quand l'exposition survient. La géographie procure un "laboratoire naturel" où étudier les relations entre environnement et santé. JOSE, 6 septembre 2012 Plan Cartographie du risque : identifier des répartitions ou tendances spatiales. Agrégats (spatiaux ou spatio-temporels) : tester des répartitions ou tendances spatiales. Modélisation spatiale : expliquer des répartitions ou tendances spatiales. JOSE, 6 septembre 2012 Plan Cartographie du risque : identifier des répartitions ou tendances spatiales. Agrégats (spatiaux ou spatio-temporels) : tester des répartitions ou tendances spatiales. Modélisation spatiale : expliquer des répartitions ou tendances spatiales. JOSE, 6 septembre 2012 Cartographie du risque sanitaire Les taux de maladie représentent une mesure "classique" du risque sanitaire. La cartographie de ces taux peut indiquer des zones de risque sanitaire plus élevé, et donc donner des pistes (éventuellement environnementales) sur l'étiologie de la maladie. Le but est : de visualiser la répartition spatiale du risque sanitaire pour donner une idée de la variation géographique, tout en tenant compte de la problématique des petits effectifs. JOSE, 6 septembre 2012 Taux (bruts) de natalité, Ille-et-Vilaine, 2010 0 - 10 ‰ 10 - 20 ‰ 20 - 30 ‰ 30 - 40 ‰ 40 - 50 ‰ JOSE, 6 septembre 2012 Taux (bruts) de natalité, Ille-et-Vilaine, 2010 Lanrigan : 6/128 = 47‰ St Léger des Près : 9/221 = 41‰ Aubigné : 15/222 = 42‰ JOSE, 6 septembre 2012 Instabilité et variance des taux La cartographie des taux peut masquer le "signal" (risque) sous-jacent à cause du "bruit" généré par la variabilité aléatoire. La variance des taux est proportionnelle à 1 / population : plus la population sous-jacente est faible, plus la variance est grande, plus les estimations des taux sont imprécises, plus la population sous-jacente est importante, plus la variance est faible, plus les estimations des taux sont précises et statistiquement significatives. JOSE, 6 septembre 2012 Interprétation des taux Les petites populations tendent à générer les taux les plus extrêmes, même si les risques sont homogènes entre les unités spatiales, attirant l'attention du lecteur sur les zones les moins fiables quand il examine une carte ! Les effectifs nuls, qu'ils soient observés dans une population faible ou importante, ne sont pas différenciés. Il faut faire appel au lissage spatial pour diminuer l’influence des variations aléatoires. JOSE, 6 septembre 2012 Lissage spatial Le lissage spatial des taux de maladie a pour objectifs de : identifier le signal, réduire le bruit aléatoire, réduire le nombre de valeurs extrêmes (incluant les effectifs nuls). Il représente un compromis entre la résolution géographique (contraste) et la variabilité des estimateurs cartographiés. Il implique souvent des hypothèses supplémentaires ou de nouveaux termes dans les modèles statistiques. JOSE, 6 septembre 2012 Lissage spatial Bayésien Basé sur un modèle. Le risque est supposé varier selon la distribution: θi ~ Gamma(α, β) α et β sont inconnus et on peut : essayer de les estimer à partir des données : α et β sont supposés fixes, méthode Bayésienne empirique, leur imposer une distribution, ex : α ~ exp(υ), β ~ exp(ρ) méthode Bayésienne hiérarchique. JOSE, 6 septembre 2012 Méthode empirique Bayésienne Maximum de vraisemblance marginal : p(θi/yi) ~ Gamma(yi+α, ei+β) θi = (yi+α) / (ei+β) Moyenne (θ) = (α / β), variance (θ) = (α / β²) Quand la population de l'unité spatiale i est grande : une crédibilité (poids) important est attribuée aux observations, le taux lissé est proche du taux observé (θi ≈ yi / ei). Quand la population de l'unité spatiale i est petite : une crédibilité (poids) faible est attribuée aux observations, les taux lissés sont "rétrécis" vers la moyenne globale (θi ≈ α / β). JOSE, 6 septembre 2012 Taux lissés de natalité, Ille-et-Vilaine, 2010 0 - 10 ‰ 10 - 20 ‰ 20 - 30 ‰ 30 - 40 ‰ 40 - 50 ‰ JOSE, 6 septembre 2012 Taux (bruts) de natalité, Ille-et-Vilaine, 2010 0 - 10 ‰ 10 - 20 ‰ 20 - 30 ‰ 30 - 40 ‰ 40 - 50 ‰ JOSE, 6 septembre 2012 Comparaison des taux Commune Saint-Gonlay Rennes Lanrigan Population Naissances Taux bruts ‰ Taux lissés ‰ 10,81 341 1 2,93 206 655 2 682 12,98 12,98 128 6 46,88 16,87 JOSE, 6 septembre 2012 ν ui i Cartographie du risque sanitaire Toute carte, tout atlas de pathologies (cancers,…) doit reposer sur une méthode de lissage. Il existe différentes techniques de lissage pouvant conduire à des écarts dans les estimations. A une échelle géographique fine, les contrastes dans les taux peuvent être dus aux variations de facteurs de risque : environnementaux, mais aussi socio-économiques, ou comportementaux (tabagisme…). JOSE, 6 septembre 2012 Plan Cartographie du risque : montrer des répartitions ou tendances spatiales. Agrégats (spatiaux ou spatio-temporels) : tester des répartitions ou tendances spatiales. Modélisation spatiale : expliquer des répartitions ou tendances spatiales. JOSE, 6 septembre 2012 Trop = combien ? Quand l'alarme de santé publique doit-elle se déclencher ? Pour le charbon et la variole : un cas (aucune analyse statistique n'est nécessaire) ! car maladies suffisamment rares et dangereuses. Mais qu'en est-il d'une situation plus subtile ? 5 cas de grippe le même jour, 20 crises d'asthme dans le même quartier, etc. On cherche à détecter des "anomalies" ou regroupements de cas "inattendus", ou "agrégats" (ou "clusters"). JOSE, 6 septembre 2012 Questions Les agrégats observés sont-ils dû à la variabilité aléatoire "naturelle" dans la population d'étude ? A quelle échelle géographique ces agrégats surviennent-ils ? Ne sont-ils pas simplement le reflet d'une hétérogénéité attendue dans la région d'étude (ex : ethnie…) ? Sont-ils situés à proximité de points source de pollution, ou de voies de transport ? Les évènement de santé agrégés dans l'espace, le sont-ils également dans le temps ? JOSE, 6 septembre 2012 Interprétation Qu'il existe ou non une authentique variation géographique des risques, des agrégats apparaîtront toujours à l'œil nu : l'être humain a tendance à rechercher des contrastes là où il n'en existe pas, faux positifs, générateurs de craintes infondées. Comme dans toute recherche médicale, il est important de vérifier si les résultats / contrastes observés peuvent être dus au seul hasard. Des dizaines de tests ont été décrits dans la littérature. JOSE, 6 septembre 2012 "How bizarre?" Calcul d'une statistique (variable selon le test) sur le jeu de données observées, Tobs. Simulation de k jeux de données (méthode de Monte Carlo). Calcul de la statistique de test sur chaque jeu de données simulées (T1,T2,…,Tk). p = proportion des statistiques de test issues des simulations excédant Tobs (fraction des T > Tobs). JOSE, 6 septembre 2012 Le test de balayage spatial (SaTScan) JOSE, 6 septembre 2012 Le test de balayage spatial Pour chaque cercle : on estime le nombre de cas observés et attendus à l'intérieur et à l'extérieur, on calcule la "vraisemblance" que le risque est plus élevé à l'intérieur du cercle. Comparaison des cercles : le cercle (comprenant une ou plusieurs unités spatiales) à la vraisemblance la plus élevée est considéré comme l'agrégat le plus vraisemblable, la localisation de l'agrégat n'est qu'indicative, ses limites étant administratives. JOSE, 6 septembre 2012 Etude de cas : sex-ratio Le sex-ratio pourrait décroître en présence d'une pollution environnementale, et donc représenter un indicateur de surveillance sanitaire et environnementale. Il se prête bien à l'utilisation du StaTScan (variable binaire) pour mettre en évidence une éventuelle hétérogénéité spatiale. JOSE, 6 septembre 2012 Sex-ratio dans le département du Doubs 30 25 Count Incinérateur d'ordures ménagères Besançon 15 0.1 10 Proportion per bar 0.2 20 5 0 0.9 1.0 1.1 Sex ratio 0.0 1.2 Le Russey 250 200 0.2 [1.00 - 1.05[ Count < 1.00 150 100 0.1 [1.05 - 1.10[ ≥ 1.10 N 50 0 0 10 km Proportion per bar Sex ratio 5 10 Log likelihood ratio 0.0 15 Vraisemblance = 3,82, 292ème valeur sur 1000, Seuil 5 % = 5,39 JOSE, 6 septembre 2012 p = 0,292 Plan Cartographie du risque : montrer des répartitions ou tendances spatiales. Agrégats (spatiaux ou spatio-temporels) : tester des répartitions ou tendances spatiales. Modélisation spatiale : expliquer des répartitions ou tendances spatiales. JOSE, 6 septembre 2012 Objectifs Ces études cherchent à décrire la relation entre la variation spatiale d'une maladie et la variation spatiale d'une exposition. L'unité statistique est une unité spatiale et non un individu. L'objectif habituel est de transférer l'inférence du groupe à l'individu. Incidence Incidence Exposition JOSE, 6 septembre 2012 Exposition Intérêts Examiner et générer de nouvelles hypothèses. Étudier des expositions qui ne peuvent pas être mesurées de façon pertinente au niveau individuel (radon, nitrates dans l'eau de boisson, pollution atmosphérique…). Possibilité d'étudier une population importante, et donc de détecter des risques de faible amplitude. Disponibilité fréquente de données de santé et d'expositions environnementales, géocodées. JOSE, 6 septembre 2012 Inconvénient : erreur écologique Zone % cancer 1 A C B r=1 A 0 B 0 C E 1 % chapeau C T 1 5 5 4 _ E JOSE, 6 septembre 2012 OR = 4/25 = 0,16 RR = 1/6:5/9 = 0,30 Modèles hybrides L'objectif est de tirer parti des avantages respectifs des modèles individuels et des modèles écologiques, tout en minimisant leurs inconvénients. Modèles multi-niveau ou hiérarchiques. Méthodes statistiques complexes. JOSE, 6 septembre 2012 Trachome de l'enfant au Mali 30% de prévalence dans les années 1990-2000. A quel "niveau" préférentiel s'effectue la contamination ? Quels sont les facteurs de risque individuels, mais aussi socio-démographiques et environnementaux ? JOSE, 6 septembre 2012 Modèles multi-niveau JOSE, 6 septembre 2012 Trachome de l'enfant au Mali Mali Village (n=203) Niveau % Village 36,7 Concession 13,3 Mère 25,3 Enfant 24,7 Concession (n=2269) Mère (n=6251) Enfant (n=14627) JOSE, 6 septembre 2012 Facteurs de risque Village : température annuelle moyenne, fraction d'ensoleillement, jours de pluie, association de femmes. Concession : poste de radio, mobilette. Mère : essuyage après la toilette de l'enfant. Enfant : âge entre 3 et 5 ans, salissures sur le visage, mouches sur le visage. JOSE, 6 septembre 2012 Conclusion JOSE, 6 septembre 2012 L'analyse réfléchie, prudente et imaginative de la distribution spatiale des maladies peut générer de nouvelles connaissances sur leurs éventuelles causes environnementales et orienter les efforts de prévention. Les études géographiques sont capitales pour répondre aux inquiétudes du public quand aux effets possibles de la pollution environnementale sur la santé. Il est donc essentiel de les conduire en respectant un haut standard de qualité, tout en gardant à l'esprit les forces, les faiblesses, et la complexité de ces méthodes. JOSE, 6 septembre 2012 Je vous remercie de votre attention. JOSE, 6 septembre 2012