La critique int?grale en pdf

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Le Congrès de Ari Folman (Etats-­‐Unis, 2h) Par Théo C. Dans son adaptation du Congrès de futurologie de l’écrivain polonais Stanislas Lem,
Ari Folman modifie la narration originelle pour centrer le film sur l’actrice Robin Wright qui
joue (à peu de choses près) son propre rôle, ce détournement va lui permettre d’adjoindre au
questionnement de Lem sur le futur de la société une interrogation sur l’avenir des figures
cinématographiques.
Robin est une star déchue qui vit dans un hangar d’aéroport en compagnie de ses deux
enfants, un jour son agent vient lui proposer un ultime contrat, être scannée et accepter de
céder son image c’est-à-dire ne plus jamais être actrice, selon les termes de la Miramount
(mot-valise caricaturant les deux maisons de production Miramax et Paramount). Robin, qui
est dans le film une actrice connue pour son refus fréquent de jouer des rôles qui lui
déplaisent, commence par s’opposer à la signature du contrat mais est finalement forcée
d’accepter afin que son image lui survive. La figure de Robin dépasse l’actrice Robin Wright
qui cède les droits de son image qui pourra être utilisée (dans les limites du contrat) de toutes
les façons possibles et imaginables.
Cette dystopie met en relief les avancées récentes de la technique cinématographique et
pose la question de plus en plus actuelle : Peut-on se passer des acteurs ? La première
révolution numérique dans le Congrès induit la disparition de toute une structure (Bientôt
structure toute cette va disparaître dit le producteur de la Miramount à Robin), les acteurs, les
chefs-opérateurs, les techniciens de tournage sont condamnés. Les films se font désormais sur
ordinateur, le cinéma ne représente plus le réel mais une création technologique. Cela va
induire – et on le voit dans la partie animée du film – une autoréférentialité des figures.
Après vingt-ans, une fois l’échéance de son contrat arrivée, Robin doit se rendre au
Congrès de futurologie dans une zone strictement animée (strictly animated zone). Le film
traditionnel laisse place à un cartoon dont on constate la dimension éminemment caricaturale.
Le passage au cartoon radicalise d’un coup l’interrogation sur les figures. Par le biais de
drogues psychochimiques les êtres peuvent transformer radicalement leur forme d’origine
pour prendre différentes apparences. Lorsque Robin se présente au lobby de l’hôtel, on
l’informe qu’elle est la troisième Robin à arriver au Congrès. Lors de celui-ci, la Miramount
informe Robin de l’écroulement d’une deuxième structure – celle des scénaristes et des
experts en animation – et l’arrivée d’une révolution psychochimique dans laquelle l’exspectateur sera désormais à travers l’ingestion de produits l’architecte de son propre film, de
son propre délire dans lequel il pourra posséder l’image de différents acteurs, actrices,
personnalités. La figure de l’actrice devient un masque commode, interchangeable. Ari
Folman fait dans Le Congrès la caricature d’une société devenue obsédée des figures, des
références, ainsi l’on reconnait Michael Jackson, Grace Jones, Frida Kahlo, Picasso, David
Bowie, caricaturés sans que l’on sache véritablement ce que cachent ces avatars. Cet
anonymat qui cache les véritables identités (et l’on peut bien sûr penser à l’internet) rend
impossible pour Robin la recherche de son fils cadet. Finalement le monde animé de la fin du
film constitue l’achèvement de l’histoire de la représentation en permettant à chacun de se
réaliser sous l’aspect désiré. A côté de ce monde, la réalité (the other side of truth) apparaît
froide et terne.
A l’aune de différentes révolutions de la technique cinématographique (numérique,
motion capture, images de synthèse, éclairage par ordinateur), le Congrès vient comme un
film-caricature permettant de radicaliser le problème posé par le schisme qui s’opère entre le
monde réel et le monde des figures, des avatars dans lequel chacun est dépossédé de son
identité propre pour se réaliser sous une forme idéalisée et illusoire.
Théo C.

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