essais de fatigue et de durabilite : du materiau au composant
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essais de fatigue et de durabilite : du materiau au composant
ESSAIS DE FATIGUE ET DE DURABILITE : DU MATERIAU AU COMPOSANT Frédéric Wendling MECASEM 11 quai Heydt, BP 47, 67 542 OSTWALD Résumé Dans un premier temps, les principales théories mises en œuvre à ce jour et les essais correspondants sont donnés. Une attention toute particulière est portée sur les facteurs d’influence et les incertitudes associées aux résultats des essais. Ensuite, ces résultats sont exploités à l’aide de logiciels de simulation numérique faisant appel à la méthode des éléments finis afin de prédire la durée de vie du modèle associé. Enfin, de nouveaux essais sont effectués sur le prototype fabriqué. L’objectif de ces nouveaux essais est de faire une corrélation avec le modèle de calcul et de valider (ou non) la durabilité prédite. Abstract Firstly, the main theories elaborated this day and the corresponding tests are given. A particular attention is taken on the factors of influence and the uncertainties associated to the test results. Then, these results are exploited with software of digital simulation using the Finite Element Method (FEM), to predict the life cycle of the associated model. Finally, new tests are realized on a manufactured prototype. The aim of these new tests is to make a correlation with the calculation model and to validate (or not) the predicted durability. Introduction L’approche classique d’un essai de fatigue sur matériau métallique consiste à déterminer la durée de vie du matériau considéré en sollicitant une éprouvette dans des conditions définies en terme d’effort, d’environnement, etc. Le présent document présente une démarche permettant de définir la durabilité de composants industriels à partir de résultats d’essais de fatigue. Dans un premier temps, les définitions générales s’appliquant à la fatigue, les principales théories mises en œuvre à ce jour et les essais correspondants sont donnés. Une attention toute particulière est portée sur les facteurs d’influence et les incertitudes associées aux résultats des essais. Une fois le comportement du matériau connu, nous pouvons passer à la phase de prédiction de la durée de vie des structures et des composants. Cette étape consiste à exploiter les résultats des essais de fatigue à l’aide de logiciels de simulation numérique faisant appel à la méthode des éléments finis. Des itérations successives sont nécessaires afin de converger vers une solution optimale suffisamment fiable pour réaliser un prototype. Pour boucler le processus, une fois le prototype fabriqué, des nouveaux essais sont effectués sur la structure complète. L’objectif de ces nouveaux essais est de faire une corrélation avec le modèle de calcul et de valider (ou non) la durabilité prédite. A propos de la fatigue Lorsqu’un matériau ou une pièce est soumis à une charge cyclique, ses propriétés mécaniques décroissent avec le temps. Ceci est appelé Phénomène de Fatigue. Les sollicitations ne sont pas forcément mécaniques, mais peuvent être thermiques, thermodynamiques, corrosives, etc… De plus en plus fréquemment, l’industrie impose une approche probabiliste quant à la durée de vie des produits. Au contraire de l’approche maximaliste, qui consiste à concevoir un produit pour qu’il survive dans le temps sous n’importe quelles conditions (σadm >> σréel), l’approche probabiliste est une méthode statistique permettant de calculer au plus juste la durée de vie d’une pièce, en fonction d’un degré de sécurité que l’on s’est fixé, à partir de variables aléatoires. Avantages : - coût de fabrication moins élevé car la pièce est dimensionnée au plus juste - meilleure adaptation du matériau choisi Inconvénients : - développement plus long car les essais préalables plus nombreux - si la marge de sécurité est trop étroite, il risque d’y avoir plus de casse que souhaité La méthode maximaliste est limitée par le fait que l’on n’est jamais à l’abri d’un pic de contrainte non prévu, et il est donc impossible de ne pas avoir de pièces défectueuses. MAX : les pièces les plus faibles supportent les contraintes les plus fortes. PROB : une pièce à x% de chance de ne pas être défectueuse avant un temps d’utilisation t ou de N cycles de charge. Les essais de fatigue permettent de déterminer cette probabilité de survie, en soumettant une pièce ou une éprouvette à des cycles de charge qui simulent en accéléré les conditions d’utilisation de cette pièce. Les paragraphes suivants exposent quelques unes des théories les plus répandues sur ce sujet. Les théories La fatigue selon Wöhler (HCF – High Cycle Fatigue) [2] Les essais de fatigue sont effectués par des charges « élastiques » répétées de l’ordre du million de cycles. 6 à 10 pièces ou éprouvettes sont testées jusqu’à rupture. Souvent deux paliers de charges sont utilisés, en prédisant une rupture vers 50 000 cycles pour le palier haut, et une rupture vers 500 000 cycles pour le palier bas (voir figure 9). L’échelle d’une courbe de Wöhler est logarithmique et les résultats suivent la loi de distribution log-normale de Gauss. La courbe atteint une valeur limite inférieure : il s’agit de la limite d’endurance, valeur de charge au dessous de laquelle la pièce ne cassera jamais. Elle est notée σD. En pratique, le tableau suivant montre les valeurs de σD [3] : Matériau Acier Alu Titane σD Re/2 Re/4 2*Re/3 Figure 1 : les 3 zones d’un diagramme de Wöhler Domaine de fatigue oligocyclique [3]: PS 90% = ligne de probabilité de survie pour 90% des pièces Nn.∆εp = constante Avec n = 0,5 ∆εp = déformation plastique pour chaque cycle N = durée de vie de l’éprouvette Dans le domaine d’endurance limitée [3]: N(σ – σD)n = constante Avec n=1à2 σD = limite d’endurance k = log (NA/NB) / log (FB/FA) Pente de la droite dans le diagramme log-log. PS 50% = ligne de probabilité de survie pour 50% des pièces La courbe de Wöhler ne permet cependant pas de suivre l’allongement de la longueur du défaut, ce qui peut également être intéressant dans certains cas. C’est la loi de Paris qui permet de calculer la vitesse de propagation de ces microfissures. Entre autres théories relatives aux essais de fatigue, voici une liste non exhaustive des lois usuelles (non détaillées) qui peuvent s’appliquer [2] : - loi de Manson-Coffin (charges « plastiques ») - loi de Basquin - règle de Goodmann - diagramme de Smith - essais Staircase ou Locati (par échelon) et règle de Palmgren-Miner - etc. Tests de base sur matériau TRACTION COMPRESSION alternée FLEXION Figure 3 : Essai de fatigue en flexion Figure 2 : Essai de fatigue en traction-compression TORSION Figure 5 : Principe d’un essai de fatigue en torsion Figure 4 : Principe d’essai de fatigue en flexion plane Les conditions de charge Dans la plupart des cas pour un test de base, le cycle est sinusoïdal : Amplitude de contrainte : σA = (σmin - σmax) / 2 Contrainte moyenne : σm = (σmin + σmax) / 2 Facteur de contrainte : R = σmin / σmax Figure 6 : Cycle sinusoïdal et valeurs remarquables Figure 7 : Cycle sinusoïdal pour les cas R = 0 et R = -1 Les facteurs d’influence Pour les matériaux métalliques, les résultats sont soumis aux incertitudes et influences suivantes : - Métallurgiques Géométriques Etats de surface : risque d’amorces de rupture Taille de la pièce : inertie Conditions du cycle de charge (voir figures 6 et 7) Surcharges et sous charges Application de la charge : inertie, angle, montage, vibrations…. Contraintes résiduelles Fréquence d’application du cycle de charge Température de l’essai Corrosion Irradiation Incertitudes des appareils de la chaîne de mesure : justesse, précision, étalonnage Nombre de pièces testées Et pour les polymères et les matières plastiques : - Hygrométrie UV, exposition au soleil Exposition à l’air, oxygène Niveau de vulcanisation Modélisation par éléments finis (FEM) [1] Les caractéristiques du matériau donnés par les tests de base permettent de modéliser la pièce sur ordinateur. Par la méthode des éléments finis, le processeur calcule les contraintes en chaque point du maillage de la pièce. Dès lors, il est possible de visualiser graphiquement les endroits critiques, où les contraintes se concentrent et forment des pics. Les essais de fatigue sur pièce se focaliseront ainsi sur ces localisations, et le montage de la pièce sur le banc d’essai prendra en compte ce fait. Voici un exemple de modélisation FEM d’une pièce : Figure 8 : modélisation FEM d’une pièce Effectuer des intercomparaisons entre modèles est une étape obligée avant toute mise en œuvre industrielle [1]. Cette démarche de validation des modèles permet d’évaluer les capacités des modèles proposés, d’en connaître en partie les limites, et d’orienter les recherches pour leur amélioration. Enfin, l’appréciation des relations entre les essais en laboratoire et les conditions en service des structures reste un problème relativement ouvert et pourtant nécessaire pour la validation des modèles in situ. Par exemple, les effets d’échelle en temps et en espace induits par les modélisations mécaniques, comme la mécanique de la rupture, la mécanique des milieux quasi fragiles, ou les approches probabilistes de croissance de défaut, couplées à des phénomènes diffusifs doivent être analysés aux plans théoriques et expérimentaux afin de parvenir à des conclusions pertinentes sur la qualité des modèles de vieillissement et l’appréciation de leurs marges d’erreur. Essai sur pièce finale Chemin de validation d’un produit Les essais sur pièce finale sont souvent beaucoup plus complexes que les essais de base. En plus de la traction compression alternée, de la rotation en torsion ou en flexion, s’ajoute la notion d’essai multiaxes. Notamment dans le domaine de l’aéronautique, les bancs d’essais peuvent exciter la pièce dans plusieurs dizaines de directions à la fois. Au niveau du cycle également, la période peut être un sinus, un carré, une rampe, une fonction complexe, etc. Essais de caractérisation du matériau Importation des résultats dans le calcul FEM Essai sur pièce finale Critères d’acceptabilité Lorsque la pièce a subi tous les cycles de simulation, elle est inspectée. Il y a 4 niveaux de jugement [2]: - il n’y a aucun défaut il y a eu déformation il y a amorce de rupture il y a eu rupture Ces jugements sont qualifiables en fonction du critère retenu (ex : longueur de défaut < 1 mm ; rupture à un endroit précis ; etc.). Dans le cas d’une détermination d’une courbe de Wöhler, le critère peut être un nombre défini de cycles à tenir sous une certaine charge une certaine probabilité. Exemple pour le diagramme de la figure 9 : PS 90% : 300000 cycles à 400 N. Exemple de courbe de Wöhler à deux paliers de charges 1 400 k = 4,73 1 200 1 000 F/N 800 600 400 308 296 200 0 10 000 100 000 1 000 000 10 000 000 Nombre de cycles Palier de charge 500 N Palier de charge 800 N PS 50% PS 90% Figure 9 : diagramme de Wöhler avec critère d’acceptabilité La courbe de PS 90% est au-dessus du critère => ce lot de pièce est donc jugé bon. Références [1] www.techniques-ingenieur.fr, Dossier – Vieillissement et durabilité des matériaux, juin 2003 [2] IFU, Werkstoffe IIa – Metalle, Kap. 10 Ermüdung und Ermüdungsbruch, 2003 [3] M. Lebienvenu, Matériaux, 1996 Critère de jugement