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Impact du développement racinaire sur les propriétés physiques du sol urbain Laure Vidal-Beaudet, UPSP EPHOR, Agrocampus-Ouest Introduction En France, 80 % de la population vit actuellement en milieu urbain, contre seulement 65 % en 1975 (Chavouet and Fanouillet, 2000). Les espaces verts urbains sont très importants pour le bien-être des habitants qui expriment un besoin de nature en ville. Cependant, contrairement au milieu naturel, les conditions édaphiques du milieu urbain pour le développement de végétaux et plus particulièrement des arbres sont hostiles. Les propriétés physiques des sols urbains sont souvent le facteur le plus limitant pour le développement des racines. Ils sont imperméables et compacts, ce qui réduit l’infi ltration de l’eau et la circulation de l’air (Jim, 1998 ; Rossignol, 2001). De plus, le volume de sol disponible pour la colonisation racinaire est restreint, en particulier par les réseaux souterrains, et limite le développement du système racinaire dans les couches de sol profondes (Lindsey et Bassuk, 1991). Le cycle de la matière organique est généralement bloqué par l’absence d’un retour au sol de composés organiques et la capacité nutritive des sols urbains est extrêmement faible. Pour améliorer la durabilité des plantations urbaines, les services espaces verts de villes essaient d’apporter au végétal, au moment de la mise en place, des conditions agronomiques favorables. Le volume de la fosse de plantation d’arbres d’alignement varie entre 4 et 12 m3. Le renforcement mécanique de ce volume est assuré par la mise en place d’un squelette constitué de mélange terre-pierres. Dans le trou de plantation proprement dit (environ 1m3), le sol est reconstitué en une ou plusieurs couches. Dans un objectif de valorisation des déchets organiques, la couche de surface est enrichie avec de grandes quantités de composts organiques (40 % v/v). Ces apports améliorent les propriétés physiques du sol (Tejada et Gonzalez, 2003 ; Grosbellet, 2008 ; Vidal-Beaudet et al, 2009) et le développement racinaire des arbres (Watson, 2002). En retour, le développement des racines des arbres, en modifiant les propriétés physiques du sol, peut avoir un impact sur les fondations des bâtiments, les revêtements et les infrastructures. Cependant, peu de travaux se sont intéressés aux effets des racines sur les propriétés physiques du sol. Nos objectifs de recherche ont été : (1) de mesurer les effets de l’apport de matière organique sur l’évolution des propriétés physiques et sur le développement racinaire et (2) d’étudier l’impact du développement racinaire sur les propriétés physiques du sol. Matériels et méthodes 30 Place du ralliement à Angers © Jean-Pierre Rossignol Le site étudié était situé à Agrocampus Ouest Centre d’Angers (octobre 2004-octobre 2009). Nous avions installé 28 bacs de 600 l, placés en conditions naturelles, remplis avec deux couches : une couche de profondeur (25-53 cm en profondeur) constituée d’un limon sableux (LS) et une couche de surface (0-25 cm) réalisée avec le limon sableux enrichi avec 40 % v/v de matière organique. Trois produits organiques ont été testés : un compost de déchets verts (DV), un co-compost de boue de station d’épuration et palettes broyées (BP) et de la tourbe blonde (TB). Les deux composts sont des matériaux disponibles en grande quantité dans les zones urbaines. Ils sont obtenus après 6 mois de compostage et constitués de particules inférieures à 20 mm. Le bac témoin est constitué de deux couches de limon sableux. Des Ostrya carpinifolia Scop, en racines nues, de 4 m de hauteur, ont été plantés dans 12 bacs. Cette espèce a été choisie pour son faible développement racinaire. Les arbres ont été irrigués par un système de goutte-à-goutte durant les étés et non fertilisés. À chaque date de prélèvement, 5, 12, 24, 28, 55 et 60 mois après le début de l’expérimentation, nous avons détruit un bac de chaque traitement. Le développement des parties aériennes a été mesuré en comptant le nombre de ramifications et l’ordre de ces ramifications le 5e et le 7e printemps après la plantation. Le développement racinaire (masse totale de racines) a été mesuré les 3e et 5e printemps. Dans les bacs sans arbre, les propriétés physiques du sol (stabilité structurale, masse volumique apparente sèche, conductivité hydraulique) ont été suivies pendant 60 mois. témoin. Si on compare le nombre total de ramifications, le classement des traitements est BP>TB>DV>LS (Fig. 1). Deux ans plus tard, l’ordre des ramifications est le même, sauf pour BP qui atteint 9 ordres de ramifications. Le nombre total de ramifications a augmenté pour tous les traitements. Les observations des parties racinaires, 28 mois après la plantation, montrent que les racines se développent dans les couches organiques (0-10 et 10-25 cm) (Fig. 2). La masse totale de racines de la première couche est de 26 % plus élevée pour DV comparée aux autres traitements. La densité racinaire diminue avec la profondeur (40 cm), pour laquelle on mesure une masse volumique apparente supérieure ou égale à 1,5 g/cm3. Les mêmes observations, réalisées 55 mois après la plantation, montrent toujours un effet significativement positif de la matière organique sur le développement racinaire, avec cette fois BP>DV>SP=LS. Les racines se sont développées principalement dans la couche avec matière organique riche en nutriments (K, P et N). Les arbres n’ont pas besoin de coloniser la couche de profondeur qui, de plus, off re une résistance mécanique à la croissance racinaire. Site expérimental avec tertre © Laure Beaudet Résultats Effets de l’addition de 40 % v/v de compost organique sur le développement racinaire et aérien L’addition de la matière organique a un effet immédiat d’amélioration des propriétés physiques du sol, en diminuant la masse volumique apparente sèche des mélanges par rapport au témoin : 1 g/cm3 comparé à 1,4 g/cm3. Après 60 mois, les massifs terreux se sont tassés, mais le mélange avec boue palettes (BP) conserve une très bonne masse volumique apparente (1,2 g/cm3), alors que la première couche du témoin a atteint la valeur de seuil limitan t pour le développement racinaire dans un limon sableux (1,6 g/cm3) (Zisa et al, 1980 ; Jim, 1998). Dans les bacs avec arbre, après 5 printemps, l’ordre des ramifications est de 7 pour les mélanges et 6 pour le Fig. 1 : nombre de ramifications et ordre des ramifications pour LS( ), BP ( ), DV( ) et TB( ) 5e et 7e printemps après la mise en place. © Laure Beaudet 31 Fig. 2 : masse totale de racines dans la couche de surface (0-10 et 10-25 cm) et de profondeur (25-40 cm) pour LS, BP, DV et TB. © Laure Beaudet Effets du développement racinaire sur les propriétés physiques du sol Nous avons comparé la stabilité structurale et la conductivité hydraulique dans les bacs avec et sans arbre pour étudier l’effet du développement racinaire sur les propriétés physiques du sol. La stabilité structurale est utilisée comme un indicateur de la structure du sol et traduit sa capacité à résister aux agressions. Le test d’humectation rapide est très destructeur et le diamètre moyen pondéral traduit un éclatement des agrégats en particules de petites tailles. La valeur de diamètre moyen pondéral est très faible (Fig. 3), 0,5 mm pour tous les traitements sans arbre. Dans les bacs avec arbre, elle a plus que doublé pour le limon et le compost de boue et a été multipliée par 3 pour le compost de déchet vert et la tourbe. Après 28 mois de mise en place, la conductivité hydraulique à saturation n’est pas significativement différente entre les traitements avec et sans arbre (Fig. 4). On observe cependant un effet produit : BP présente la meilleur conductivité hydraulique avec et sans arbre. Au bout de 55 mois, dans les bacs sans arbre, la conductivité a chuté brutalement pour les mélanges avec compost. Au contraire, dans les bacs plantés, la conductivité reste stable par rapport à 28 mois sauf pour le témoin. À partir de 28 mois, les racines semblent jouer un rôle de maintien de la structure porale qui favorise une circulation de l’eau convenable dans le massif terreux. Les racines, en protégeant les agrégats de la destruction, jouent un rôle d’armature pour le sol et maintiennent une bonne porosité dans le sol. Fig. 3 : stabilité structurale de la couche 0-25 cm mesurée à 55 mois dans les bacs avec et sans arbre pour LS, BP, DV et SP (test de réhumectation rapide). © Laure Beaudet Fig. 4 : conductivité hydraulique à saturation dans les bacs sans et avec arbre à 28 mois et 55 mois pour LS, BP, DV et SP. © Laure Beaudet 32 Conclusion Remerciements Nous avons vu que l’addition de grande quantité de compost organique ou de tourbe dans le sol reconstitué pour le trou de plantation avait un effet immédiat sur l’amélioration des propriétés physiques et sur leur maintien dans le temps (60 mois). Deux ans après plantation, les apports importants de composts favorisent aussi un fort développement racinaire. La tourbe est le produit organique le moins efficace et ne permet pas une amélioration à court terme des propriétés physiques du sol ainsi que du développement racinaire. La conductivité hydraulique n’est pas influencée par les racines. Cinq ans après la plantation, les composts ont amélioré le développement des racines et des branches, alors que la tourbe conserve les mêmes résultats que le témoin. La matière organique des composts, en se minéralisant, libère des quantités suffi santes de P et K directement disponibles pour la croissance de la plante. À moyen terme, les racines améliorent significativement la conductivité hydraulique et la stabilité structurale du sol construit. Nous tenons à remercier les différents organismes qui ont fi nancé ce projet : l’Ademe, la Région Pays de la Loire et Agrocampus Ouest Centre d’Angers, ainsi que les chercheurs et stagiaires qui ont participé à ce programme : Claire Grosbellet (doctorante de 2004 à 2008, Romain Olivier (master M2, 2007), Lucille Baud et Marie Ledoyen (master M1, 2009). La matière organique semble un élément incontournable pour obtenir un sol reconstitué avec de bonnes propriétés physiques et chimiques. Nous pouvons recommander un apport d’au moins 40 % en volume de matière organique pour la plantation d’arbres en volume restreint. Il faut cependant apporter une attention particulière aux propriétés initiales du produit organique : physique (granulométrie), biologique (teneur en carbone et stabilité biologique) et chimique (teneur en nutriments et en métaux lourds). Si l’apport de matière organique est l’un des facteurs de réussite de la plantation d’arbres en milieu restreint, la mise en place d’un système d’arrosage durant les premières années suivant la plantation paraît indispensable. Bibliographie Chavouet J.M., Fanouillet J.C., 2000. Forte extension des villes entre 1990 et 1999. INSEE première, N°707, avril 2000. Grosbellet C., 2008. Évolution et effets sur la structuration du sol de la matière organique apportée en grande quantité. PhD Angers University. 237 p. Jim C.Y., 1998. Urban soil characteristic and limitations for landscape planting in Hong Kong. Landscape and Urban Planning 40 : p. 235-249. Lindsey P. and Bassuk N., 1991. Specifying soil volumes to meet the water needs of mature urban street trees and trees in containers. Journal of Arboriculture 17 (6) : p. 141-149. Rossignol J.P., 2001. The reconstituted Anthroposoils for landscaped areas : morphological characteristics and physicals properties. In Soil Anthropization. Proceedings (ed J. Sobocká). VI international workshop Bratislava, Slovakia. Tejada M. and Gonzalez J.L., 2003. Effects on the application of a compost originating from crushed cotton gin residues on wheat yield under dryland conditions. European Journal of Agronomy 19 (2) : p. 357-368. Vidal-Beaudet L., Charpentier S. and Rossignol J.P., 2009. Physical and mechanical properties of washed sediment mixed with organic matter. Soil Use and Management, 25(2) : p. 141-151. Watson G.W., 2002. Soil replacement: long-term results. Journal of Arboriculture 28(5) : p. 229-230. Zisa R.P., Halverson H.G. and Stout B.B., 1980. Establishment and early growth of conifers on compact soils in urban areas. USDA Forest Service Research Paper. NE-451. 33