Aucune implication» de Jean Paul II dans l`affaire
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Aucune implication» de Jean Paul II dans l`affaire
La Presse, le 22 avril 2014 «Aucune implication» de Jean Paul II dans l'affaire Maciel Les documents qui ont été étudiés lors du procès de canonisation du pape Jean Paul II ont montré qu'il n'y avait «aucune implication personnelle» de sa part dans le scandale du fondateur pédophile des Légionnaires du Christ, le père mexicain Marcial Maciel, a annoncé le Vatican mardi. Lors d'une conférence de presse, Mgr Slowomir Oder, postulateur de la cause de canonisation, et le père Federico Lombardi, porte-parole du Saint-Siège, ont tenu à répondre aux accusations selon lesquelles le pape polonais aurait été au courant du scandale et aurait refusé néanmoins de sévir contre Maciel. «L'étude des documents personnels du pape», à la suite de demandes pour permettre une clarification à ce sujet, a démontré qu'il «n'existe aucune implication personnelle du Saint-Père dans cette affaire», a déclaré le père Lombardi. Bien que le pape eut condamné la pédophilie aux États-Unis dès 2002, les associations d'anciennes victimes de prêtres et évêques pédophiles sont critiques sur son attitude. Elles l'accusent d'avoir surtout souhaité protéger l'institution face aux scandales, fermant les yeux sur l'ampleur des crimes et refusant d'aller aussi loin que son successeur Benoît XVI dans une demande de pardon. Son long soutien à Marcial Maciel, le charismatique fondateur du mouvement conservateur des Légionnaires du Christ, reçu en audience encore en 2004 alors que Wojtyla était très malade, lui est reproché, à une époque où les accusations de corruption et d'abus sexuels redoublaient contre ce prêtre pédophile et corrompu. Ce nouveau mouvement d'Église, conservateur, obéissant à l'autorité papale, capable de remplir ses séminaires, avait impressionné positivement Jean Paul II. Marqué par les campagnes calomnieuses des services secrets communistes contre l'Église polonaise, Jean Paul II refusait de croire les voix accusatrices. Interrogé sur les défauts du pape polonais, Mgr Oder a reconnu qu'il était «sanguin et émotif» et qu'il pouvait émettre des «réponses brusques et nettes» à ses interlocuteurs. Mgr Oder a commenté des informations sur des réserves que l'ancien cardinal de Milan, Carlo Maria Martini, tenant de l'aile progressiste de l'Église, aurait émises lors du procès en canonisation. «Ce n'est pas juste et ce n'est pas vrai» de dire que le cardinal italien était opposé à sa canonisation, et il avait qualifié Jean Paul II de «père spirituel de l'humanité». Ce qui est vrai est que Mgr Martini avait reconnu la légitimité d'un débat sur l'opportunité de faire saints les papes en général, ont expliqué Mgr Oder et le père Lombardi. Mgr Oder a reconnu que lors du procès de canonisation, «des voix à la gauche de l'Église» s'y étaient déclarées opposées en raison des positions sévères du pape contre les théologiens de la libération, de même que des intégristes hostiles aux ouvertures de Karol Wojtyla aux autres religions. Jean-Paul II bénissant le prêtre pédophile Marcial Macel *** Pour en savoir davantage sur «l’affaire Maciel», il suffit de taper «Marcial Macel» sur Google. En voici un extrait : En 1948, des mises en cause visent déjà Maciel et conduisent Rome à annuler l’autorisation canonique de la Légion. En 1956, préfet de la Congrégation des religieux, le cardinal Valerio Valeri reçoit des plaintes très graves d’abus sexuels sur des mineurs, en provenance du Mexique et suspend Maciel de ses fonctions. En 1958, la mort de Pie XII arrête l'enquête. Pendant la période de vacance du siège pontifical, le Cardinal Vicaire de Rome, Clemente Micara rétablit Maciel dans sa charge. Durant les 40 années suivantes, toutes les accusations reçues contre Maciel seront considérées comme étant des calomnies. Plaintes en 1998 En 1976, 1978 et 1989, l'évêque John McGann envoie au Vatican une lettre d'un ancien prêtre de la légion du Christ, accusant à nouveau le père Maciel d'abus sexuels. Celles-ci restent sans effets, l'enquête de 1956-1959, qui donnait comme non fondées les accusations contre le père Marcial Maciel, ayant porté un discrédit sur les allégations ultérieures. En 1997, un quotidien américain The Hartford Courant publie des accusations contre lui, huit membres de la Légion du Christ disant avoir été abusés dans les années 1950-60, alors qu'ils avaient entre 10 et 16 ans. La même année, une enquête du quotidien mexicain La Jornada, le met également en cause. En 1998, le Saint-Siège est officiellement saisi par ces huit personnes. D'après Jean-Marie Guenois, journaliste à La Croix, l’instruction de ce dossier est, selon le témoignage du cardinal Ratzinger à l’évêque de Coatzacoalcos (Mexique), gelée en 1999 à la demande de Jean-Paul II, en raison de la floraison de vocations dans cette œuvre et parce que les faits, qui remonteraient à plus de trente ans, sont prescrits. Il est possible qu'une partie des membres de la curie romaine aient voulu protéger la congrégation en lui évitant un scandale touchant son fondateur, les dirigeants des Légionnaires du Christ bénéficiant en effet de précieux appuis à Rome. D'après le National Catholic reporter, le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d'État du Saint-Siège, s'est ainsi personnellement opposé à la poursuite de l'enquête par le cardinal Ratzinger et la congrégation pour la doctrine de la foi. Le père Marcial Maciel continue, comme il l'a toujours fait, de proclamer son innocence. Reprise de l'enquête fin 2004 Toutefois, en décembre 2004, alors que Marcial Maciel vient, à nouveau, d'être honoré au Vatican pour l'ensemble de son œuvre, le Cardinal Joseph Ratzinger décide, de son propre chef, la reprise de l'enquête. Le 20 janvier 2005 le père Marcial, après avoir dirigé la congrégation des légionnaires du Christ pendant plus de 64 ans, ne souhaite pas être réélu comme supérieur. Le chapitre général de la congrégation de la Légion du Christ décide alors d'élire un nouveau supérieur général, le père Alvaro Corcuera Martinez del Rio, qui devient le nouveau supérieur de la Légion du Christ. Le 2 avril 2005, le cardinal Ratzinger envoie Mgr Charles Scicluna au Mexique pour auditionner des témoins Malgré les dénégations du fondateur des Légionnaires du Christ, la Congrégation pour la doctrine de la foi semble juger crédibles les accusations de pédophilie contre le P. Marcial Maciel. Le Saint-Siège réagit en effet officiellement le 19 mai 2006, soit plus d'un an après le retrait du père Marcial de la vie publique, en publiant un communiqué : En 1998, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a commencé à recevoir des accusations, déjà en partie rendues publiques, contre le père Marcial Maciel Degollado, fondateur de la Congrégation des Légionnaires du Christ, pour des délits réservés à la compétence exclusive du dicastère. En 2002, le père Maciel a publié une déclaration niant les accusations et exprimant sa peine pour l’offense faite par quelques anciens Légionnaires du Christ. En 2005, en raison de son âge avancé, le père Maciel s’est retiré de la charge de supérieur général de la Congrégation des Légionnaires du Christ. Tous ces éléments ont fait l’objet d’un examen attentif de la part de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, et en vertu du Motu Proprio «Sacramentorum sanctitatis tutela» promulgué le 30 avril 2001 par le serviteur de Dieu Jean-Paul II, Son Éminence le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a autorisé l’ouverture d’une enquête sur les accusations. Entre temps est survenue la mort du pape Jean-Paul II et l’élection du cardinal Ratzinger comme nouveau Pontife. Après avoir soumis les résultats de l’enquête à un examen attentif, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, sous la conduite du nouveau préfet, Son Eminence le cardinal William Levada, a décidé – en tenant compte aussi bien de l’âge avancé du père Maciel que de sa santé fragile – de renoncer à un procès canonique et d’inviter le père à une vie réservée de prière et de pénitence, en renonçant à tout ministère public. Le Saint-Père a approuvé ces décisions. Certains journalistes voient dans le communiqué du Saint-Siège une sanction ou la reconnaissance d'une culpabilité du père Marcial Maciel. La conférence des Évêques mexicains réaffirme son soutien uniquement à l'œuvre de la Légion du Christ. De son côté, la Légion du Christ continue de croire en l'innocence de son fondateur. Le jour même, 19 mai 2006, elle publie un communiqué dans lequel elle déclare, à propos du p. Marcial Maciel, notre vénéré père fondateur, que Le père Marcial Maciel a reçu tout au long de sa vie un nombre important d’accusations. que Face aux accusations portées contre lui, il a affirmé son innocence et, suivant l’exemple de Jésus-Christ il a toujours fait le choix de ne se défendre d’aucune manière. que Avec l’esprit d’obéissance à l’Église qui l’a toujours caractérisé, il a accepté ce communiqué avec foi, avec une sérénité totale et une conscience tranquille, sachant qu’il s’agit d’une nouvelle croix que Dieu, le Père de Miséricorde, a permis qu’il endure et qui sera source de nombreuses grâces pour la Légion du Christ et pour le Mouvement Regnum Christi. et que Nous, les Légionnaires et les membres du Mouvement Regnum Christi, à l’exemple du père Maciel et unis à lui, accueillons et accueillerons toujours toutes les dispositions du Saint-Siège avec un profond esprit d’obéissance et de foi, et renouvelons notre engagement à travailler de toutes nos forces pour réaliser notre charisme de la charité et étendre le Royaume du Christ en servant l’Église. Reconnaissance d'une double vie et d'abus sur mineurs Le 4 février 2009, le New-York Times révèle que le père Maciel a mené une double vie et a eu, au moins, une fille. Le 5 février 2009, Jim Fair - porte-parole des Légionnaires du Christ aux États-Unis, confirme que le P. Marcial Maciel a eu une liaison avec une femme dont il a eu une fille. «Nous sommes peinés et attristés pour toutes les souffrances que certains actes du P. Maciel ont provoquées à l'Église et à ses membres. Nous présentons nos excuses pour le scandale que cela entraîne». La Croix rapporte, le 9 février, que «les Légionnaires du Christ admettent la double vie de leur fondateur». Le 31 mars 2009, la Légion du Christ annonce qu'elle doit recevoir une visite apostolique par des évêques envoyés par le Vatican. Plusieurs prêtres de la congrégation la quittent en 2009, soulignant des manquements de leurs responsables dans l'élucidation des affaires concernant le père Maciel. Fin août 2009, l'existence de trois fils mexicains, nés d'une autre mère, est dévoilée par la presse. En mars 2010, deux de ses fils dénoncent des viols commis à leur encontre par le père Maciel. La double vie du père Maciel, utilisant parfois une fausse identité, et gérant d'une façon opaque une fortune considérable, est de plus en plus mise à jour. Pour le sociologue et psychanalyste Fernando Gonzalez, auteur de deux ouvrages sur la Légion du Christ, son fondateur était « était un calculateur rusé qui s'adaptait parfaitement à chaque situation ». Une partie de la hiérarchie catholique est aussi très critique envers le père Maciel. Pour Edwin O'Brien, archevêque de Baltimore, le père Maciel est un « entrepreneur génial qui, avec des tromperies systématiques, a utilisé la foi pour manipuler les autres en fonction de ses intérêts égoïstes ». Cette double vie pourrait avoir été protégée par certains membres de l'ordre. Ainsi, par un vœu spécial, levé seulement en 2006 à la demande expresse du Saint-Siège, les prêtres de la congrégation s'obligeaient à ne pas critiquer leurs supérieurs. Plusieurs prêtres de la congrégation la quittent en 2009, soulignant des manquements de leurs responsables dans l'élucidation des affaires concernant le père Maciel. Le 15 mars 2010 la Légion du Christ annonce la fin de la phase d'enquête de visite apostolique qui avait commencé le 15 juillet 2009. Le 25 mars 2010, dans un communiqué signé par l'ensemble de sa direction, la Légion du Christ atteste la réalité des «actes d'abus sexuels sur des séminaristes mineurs» dont le père Maciel était accusé. Les signataires déclarent: «Nous voulons demander pardon à toutes les personnes qui l’ont accusé dans le passé, que nous n’avons pas crues et que nous n’avons pas su écouter, car à cette époque nous ne pouvions pas imaginer de tels comportements.» Le 30 avril 2010, les évêques chargés de l'enquête apostolique rendent leur rapport au pape. D'après un communiqué du Saint-Siège, publié le 1er mai, des comportements très graves et objectivement immoraux du père Maciel sont confirmés par des témoignages incontestables. Ils se « présentent parfois comme de vrais délits et démontrent une vie sans scrupules ni authentique sentiment religieux ». Le communiqué mentionne aussi que « le fondateur avait créé autour de lui un mécanisme de défense qui l'a rendu inattaquable pendant longtemps ». D'après plusieurs vaticanistes, les dirigeants de la congrégation sont remis en cause, le Saint-Siège dénonçant implicitement une époque d'occultation. Un délégué du Saint-Siège va être nommé pour procéder à des réformes au sein de la congrégation. L'identité de la congrégation, et son exercice de l'autorité doivent notamment être redéfinis.