La Gruyere Online

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BROKEN BELLS EN JANVIER. Brian Burton (alias Danger Mouse) et James
Mercer (The Shins) ont repris leur projet commun Broken Bells, trois ans après un
premier album éponyme. Le duo américain vient d’annoncer la sortie,
en janvier, d’After the disco. Le single Holding on for life devrait paraître
pour ces prochains jours. www.brokenbells.com.
Pearl Jam, ou l’art
de vieillir après le grunge
LIVRES
Culture
La Gruyère / Jeudi 17 octobre 2013 / www.lagruyere.ch
Picaresque épique
Un roman comme on n’en lit plus très
souvent. Epique, classique dans sa
forme, séduisant et léger malgré la gravité de certains thèmes. Comme un
rappel des grands romans populaires
de jadis. Pierre Lemaître a réussi un
joli coup avec Au revoir là-haut. Connu
jusqu’ici comme auteur de polars,
il reste en lice pour les principaux prix
littéraires et se voit considéré comme
la révélation de l’automne.
Au-delà de la fresque historique et
picaresque, d’une entrée en matière haletante et du suspense final, Pierre
Lemaître signe un portrait très convaincant du chaos qui suit la Première
Guerre mondiale, à travers le destin de
deux rescapés. Albert et Edouard se
sont connus dans les tranchées. Juste
avant l’armistice, le second a sauvé le
premier et en est ressorti en «gueule
cassée», accro à la morphine. Devenus,
malgré eux, inséparables, ils tiennent
leur revanche en montant une escroquerie à l’échelle nationale. EB
DISQUES. Natif de Seattle, Pearl Jam
sort son dixième album intitulé Lightning bolt. Alter ego de Nirvana à
l’apogée du grunge, le groupe d’Eddie
Vedder a réussi son pari de durer.
CHRISTOPHE DUTOIT
T
Pearl Jam est de ceux
qui ont inventé la poudre,
il ne va pas la réinventer
à chaque fois.
surtout, parce que son chanteur
Eddie Vedder transforme rapidement sa timidité presque maladive en une force de conviction infaillible. Pour peu, ce
bellâtre mal rasé et ébouriffé
passerait pour le gendre idéal
auprès des femmes au foyer de
moins de cinquante ans!
Laurent Seksik
LE CAS EDUARD EINSTEIN
Flammarion / 304 pages
NOTRE AVIS: ✔ ✔ ✔ ✔
Sans solution
Bientôt quinquagénaires, les membres de Pearl Jam (Eddie Vedder au centre) sont parmi les seuls musiciens
à avoir survécu au déclin du grunge.
Du coup, il n’y a rien d’étonnant à ce que Pearl Jam publie
cette semaine Lightning bolt, son
dixième disque studio. Dès les
premières notes de Getaway, la
surprise fait cependant long feu.
Le groupe est de ceux qui ont inventé la poudre, il ne va pas la
réinventer à chaque fois!
grosses ficelles, aux passages incontournables, mais on est à
chaque fois étonné de la manière avec laquelle la production revoit sa copie. Dans le cas
de Lightning bolt, on pense forcément à Skyfall. Ou comment se
renouveler sans se couper de
ses racines et sans se redire.
Héritage punk assumé
Ritournelle venimeuse
Rien de grave toutefois. Même avec moins d’originalité, les
quadragénaires multimillionnaires pratiquent une musique
bien plus intéressante que la
plupart de la soupe actuelle. A
l’image du brûlot Mind your
manners, qui fait appel aux bons
vieux plans punk hérités des Ramones, influence largement assumée par le groupe.
Ecouter un nouveau disque
de Pearl Jam, c’est un peu
comme voir le nouveau James
Bond au cinéma: on s’attend aux
Evidemment, Pearl Jam ne
serait pas un groupe adulé s’il
ne commettait pas autant de
bonnes chansons. Prenez le très
mélodique Sirens, qui doit tant
au Mother de Pink Floyd. Avec sa
voix grave et hantée, Eddie Vedder transforme cette ballade a
priori anodine en une «petite
chose fragile», une ritournelle
venimeuse parfaite pour les
grand-messes à venir.
Avec des titres très personnels comme My father’s son – et
ses guitares imparables – ou
l’aérien Pendulum, l’écriture
d’Eddie Vedder allie souvenirs
personnels et cris du cœur,
sphère intime et thèmes universels. Ce qui le place dans la
grande lignée de leaders charismatiques comme Bruce Springsteen ou Michael Stipe. Si vous
y ajoutez quelques compositions rassérénées (Future days)
et un marketing affûté, vous obtenez la recette idéale pour bien
vieillir après le grunge. Et, pour
ceux que Pearl Jam énerve décidément trop, gageons que le fantôme de Kurt Cobain resurgira
au printemps 2014 avec son lot
de commémorations et de nouveaux inédits exhumés pour les
fans irréductibles. ■
Pearl Jam, Lightning bolt,
Virgin/EMI
NOTRE AVIS: ✔ ✔ ✔ ✔
Pearl Jam et Eddie Vedder en trois jalons
Ten (1991)
Mirror ball (1995)
Into the wild (2007)
AU DÉBUT. Pearl Jam sort son premier album
le 27 août 1991. Deux semaines plus tard, Smells
like teen spirit propulse Nirvana et le mouvement
grunge sur toutes les radios du monde. Dans l’ombre du succès planétaire de Nevermind, la vague
de Seattle s’invite au festin. Avec ses tubes Black,
Jeremy et surtout Alive, Ten atteint les sommets
du billboard et se vend (à ce jour) à près de dix
millions d’exemplaires. Sur scène, le groupe
d’Eddie Vedder devient une machine de guerre
qui convainc spectateur après spectateur lors de
prestations dantesques. A Zurich, lors de son premier passage en 1992, le groupe joue dans une
salle trop petite et troque l’électricité sauvage
pour un set acoustique enivrant (comme en témoigne le documentaire Twenty).
Un premier tournant pour le
mouvement grunge alors au faîte
de sa notoriété. Quelques mois
plus tard, Nirvana enregistre à
son tour son MTV Unplugged in
New York…
DERRIÈRE NEIL YOUNG. En moins de
EN SOLITAIRE. De plus en plus engagé sur
le plan politique, Eddie Vedder part en campagne contre la réélection de George W. Bush,
en 2004. Avec Bruce Springsteen, R.E.M. et d’autres, Pearl Jam s’efforce de réveiller les
consciences le temps d’une série de concerts à
travers les Etats-Unis. En vain. En 2007, le chanteur assagi signe la sublime bande-son d’Into
the wild, le film bouleversant de Sean Penn.
Accompagné du compositeur et guitariste Michael Brook, il n’a jamais été aussi proche du
mythique Nebraska, le chef-d’œuvre acoustique
du Boss. D’ailleurs, la comparaison ne s’arrête
pas là: depuis quelques années, Pearl Jam multiplie en effet les concerts marathons, des performances en communion avec
le public qui dépassent souvent les trois heures. Le temps
du grunge est bien loin. Pearl
Jam est désormais l’étendard
du rock classique. Presque un
vilain mot. CD
trois albums essentiels (Ten, Vs. et Vitalogy),
Pearl Jam parvient à se démarquer du phare
Nirvana. Mais le suicide de Kurt Cobain, en
avril 1994, marque un coup d’arrêt. Le groupe
annule sa tournée et reprend – une semaine
plus tard – le fameux Hey hey, my my de Neil
Young, cité dans la lettre d’adieux du chanteur de Nirvana. Une complicité s’instaure
alors entre Pearl Jam et le Loner, qui invite le
groupe à jouer sur son prochain album, Mirror
ball. La symbiose entre «le parrain du grunge»
et les jeunes pousses de Seattle aboutit à un
chef-d’œuvre bruitiste et sans artifices, que
beaucoup considèrent comme le chant du
cygne du grunge. Avec des titres emblématiques comme
I’m the ocean ou Act of love,
Neil Young gagne un nouveau
public et Pearl Jam devient un
incontournable groupe de
stade.
Quelques années avant sa mort, le
grand homme a écrit: «Mon fils est le
seul problème qui reste sans solution.»
Albert Einstein vit alors aux Etats-Unis.
Son fils, lui, est resté à Zurich: diagnostiqué schizophrène, Eduard a passé
l’essentiel des vingt dernières années
à la clinique psychiatrique du Burghölzli. Son père ne le reverra pas.
Ecrivain et médecin, auteur en 2008
d’une biographie d’Einstein, Laurent
Seksik s’est penché sur cette facette
méconnue du théoricien de la relativité. Le cas Eduard Einstein entremêle
trois destins: celui du fils («je»), de son
père («il«) et de sa mère («elle»), première épouse du génie de la physique.
Fort plaisant, étonnant de bout en
bout, son roman demeure toutefois
à la surface de son sujet. Ce qui ne
l’empêche pas de tracer le portrait touchant de ce malade oublié des siens
ainsi qu’une intéressante réflexion sur
l’image des grands hommes et leurs
faiblesses cachées. EB
BANDE DESSINÉE
ous les artistes n’ont pas
l’élégance de mourir jeune. Imaginez James Dean
vieux, Jim Morrison en tintèbin, Janis Joplin ridée… En
1994, Kurt Cobain se suicidait au
sommet de sa gloire. Et, vingt
ans plus tard, Pearl Jam sort son
dixième album…
Meilleur ennemi de Nirvana à
l’époque, le groupe d’Eddie Vedder n’en fut pas moins l’une des
têtes de pont du mouvement
grunge de Seattle, aux côtés de
Soundgarden, Melvins, Mudhoney, Tad ou Screaming Trees.
Sous les feux de la rampe au début des années nonante, la plupart de ces groupes ont préféré
l’ombre underground à la lumière des stades. A moins qu’ils
n’en aient simplement pas eu le
choix.
Pearl Jam fait figure d’exception. Dès ses premiers concerts,
le groupe convainc à large échelle. Peut-être parce que sa musique est moins taillée à la hache.
Sans doute parce qu’elle troque
bien vite ses élans punk pour
des comptines scoutes à chanter en chœur autour du feu. Et,
Pierre Lemaître
AU REVOIR LÀ-HAUT
Albin Michel / 576 pages
NOTRE AVIS: ✔ ✔ ✔ ✔
Chris Roberson,
Alex Ross, Dennis Calero
MASKS T. I, LE RETOUR
DES HÉROS
Panini Comics
NOTRE AVIS: ✔ ✔ ✔ ✔
Pulp fictions
Après Alan Moore qui avait rassemblé
les héros de la littérature fantastique
du XIXe siècle dans sa Ligue des gentlemen extraordinaires, Chris Roberson
a décidé d’associer dans Masks les
héros masqués de pulps, ces magazines bon marché qui ont façonné la
culture populaire américaine: Zorro –
le premier –, le Frelon vert, le Shadow,
et d’autres.
Le grand Alex Ross puis Dennis
Calero orchestrent la mise en images
de ce retour à la fin des années 1930,
lorsque le fascisant Parti de la Justice
entend mettre la société en coupe réglée. Pour s’en sortir, les héros n’auront d’autres choix que de s’associer.
Convenu, mais efficace. De plus, le Shadow – l’ancêtre de Batman – connaît
aussi sa renaissance, en solo cette fois,
avec Le feu de la création, scénarisé
sans compromis par Garth Ennis. Dans
la droite ligne du revival début de siècle actuel. RM

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