walter minus s`expose

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walter minus s`expose
38 NOUVEAUTÉS BD
Les deux premiers tomes de L’ Arabe du Futur se sont
écoulés à plus de 500.000 exemplaires (traduits dans
17 langues). Sortie du tome 3 d’un quintet annoncé
Riad Sattouf change légèrement le ton de
sa voix, qui se veut un rien plus douce et plus
riante, quand il veut éluder une question. Et
parler de son intention de ne pas vouloir
spoiler (comprenez qu’il ne veut pas dévoiler
tout ou une partie de l’intrigue) pour se
justifier.
Comment une partie de sa famille qu’il a
aidée pour la rapatrier de Syrie a réagi à la
lecture de son autobiographie ? Il en parlera
dans un prochain tome.
“
Je ne voulais pas
tomber dans la caricature
de l’autobiographie”
Comment les remarques de celles-ci ont
influé sur la matérialisation graphique de
ses souvenirs d’enfance ? Il en parlera
dans un prochain tome.
“C’est une technique quand les
gens me posent des questions sur
ce qu’en pensent mes proches”,
rigole-t-il. “J’explique que je
vais le dire dans les
bouquins. C’est une
façon de ne pas
répondre. Je pense que
je vais le faire vraiment
(NdlR : en parler dans un
prochain tome), mais je
ne sais pas quand.”
S’il est déjà bien
avancé dans l’écriture
du tome 4, le
dessinateurréalisateur (deux films
à son actif) nous promène entre la France de
François Mitterrand et la Syrie d’Hafez AlAssad dans l’ouvrage qui vient de sortir. Le
blondinet a grandi et l’auteur décrit
davantage ses émotions.
“Les émotions enfantines sont altérées
par la culpabilité. Dans ce tome 3, il y a ce
moment difficile de l’enfance, c’est quand
on prend conscience de ses actes. Ils peuvent
avoir une portée. La façon dont les animaux
sont traités, notamment. Une prise de
conscience du pouvoir sur les autres dont je
me souviens très bien. Il y a plusieurs façons
de faire de l’autobiographie. Il y a celle un
peu nombriliste qui parle des émotions de
l’auteur. Je ne voulais pas tomber dans la
caricature de l’autobiographie. C’est pour ça
que j’ai centré l’histoire sur la relation entre
le père et l’enfant. Et
l’admiration de l’enfant
pour le père. Cela me
permettait de
m’éloigner des
WALTER MINUS S’EXPOSE
Le neuvième art est devenu une valeur sûre. Les expositions et les
ventes de toiles ou de planches originales se multiplient, preuve de
l’engouement pour les dessinateurs de bandes dessinées.
WALTER MINUS ne déroge pas à cette nouvelle règle. Lui, cet Italien
installé à Paris, a compris depuis longtemps que la bande dessinée n’est pas un art
mineur. L’artiste a signé une petite dizaine d’albums en 30 ans, pas plus. Par contre,
il a multiplié les collaborations pour des illustrations dans les médias essentiellement
féminins de ce côté de l’Atlantique et pour quelques magazines comme The New
Yorker ou The New York magazine. Minus croque à merveille la femme fatale.
Audacieux parfois mais jamais grivois. Son style est à la parfaite intersection entre le
Pop Art et la ligne claire. Un artiste fascinant qui expose à Bruxelles, à la Galerie
Champaka, 15 toiles imaginées spécialement pour cette exposition. Des
portraits de femmes, un trait noir intense et subtil, baigné par un blanc de
plus en plus présent, juste relevé d’une touche de rouge pour les lèvres.
H. Le.
k Galerie Champaka, rue Allaert 27, 1000 Bruxelles.
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BASILE VELLUT
considérations émotionnelles. Avec les
pendus (NdlR : dans le tome 1), je trouve ça
plus fort pour le lecteur de ne pas exprimer
ce que j’ai ressenti, pour que le lecteur
puisse mettre ses émotions dans le
personnage. Je trouve ça plus fort de faire
participer le lecteur plutôt que lui expliquer
ce qu’il devrait penser. C’est le but aussi de
cette BD, je veux que le lecteur soit libre de
juger, de la morale, même si je le guide, je
l’emmène. Quand je me retrouve dans des
dédicaces et qu’on me dit que mon père est
un enfoiré et qu’après, trois personnes plus
loin, on me dit que mon père est quand
même très touchant, là, j’ai réussi ce que je
voulais faire. Cette multiplicité
d’interprétation, c’est ce que je veux
provoquer. Tout n’est pas noir ou blanc.”
Dans l’œuvre de Riad Sattouf, on décèle
une certaine fascination pour les dictateurs.
“Un intérêt pour le pouvoir, en tout cas. Et
la soumission à un pouvoir. Que ce soit les
enfants par rapport à leurs parents ou un
sexe par rapport à la définition de son genre
ou par rapport à un autre. Un peuple par
rapport à un commandant. Ça m’intéresse
beaucoup, c’est vrai. Qu’est-ce qui fait qu’on
soit considéré comme valide pour les
autres ? Que l’on soit considéré comme un
garçon par les autres garçons ? Et
quand on est différent de cette
norme, comment est-on considéré
par les autres. C’est des
questionnements
passionnants à
observer et qui
disent beaucoup
sur les êtres
humains même à
travers différentes
cultures.”
k Riad Sattouf :
L’Arabe du Futur 3,
Ed. Allary.