Documenter l`expérience de la maladie selon une approche
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Documenter l`expérience de la maladie selon une approche
Plan de la présentation Documenter l’expérience de la maladie selon une approche phénoménologique Mireille Lavoie, inf. Ph.D. Professeure chercheuse Faculté de sciences infirmières, Université Laval, Québec Centre de recherche clinique et évaluative en oncologie du CHUQ – Hôtel-Dieu de Québec Véronique Roberge, inf., Ph.D. Professeure Département des sciences de la santé, Université du Québec à Chicoutimi, Chicoutimi 1. La phénoménologie 2. Les fondements ontologiques et épistémologiques 3. Les méthodes descriptives 4. Les stratégies de collecte des données 5. Illustration du processus d’analyse 6. Les résultats 6.1 L’expérience de l’autonomie 6.2 L’expérience de l’espoir 4 mai 2013 2 Quelle approche nous permet de comprendre les phénomènes liés à l’expérience de la maladie? La phénoménologie • Peut faire référence à un courant philosophique ou une démarche scientifique. • But: comprendre les expériences telles que vécues par les personnes en lien avec des phénomènes particuliers afin de mieux en comprendre le sens qui leur est donné. • Définition: la science des phénomènes (Giorgi dans Poupart et al., 1997) Perspective ontologique: idéalisme •La réalité est dépendante de l’esprit humain. •Chaque être humain construit sa propre réalité. •Les réalités sont multiples et coexistent ensemble. •Elles peuvent être explorées par le chercheur sans accéder à une unique vérité. •« Le monde extérieur n’a de valeur, de vérité que dans les idées que nous en avons » (Cuerrier, 2000, p. 168). Perspective épistémologique: constructivisme •Le chercheur et le répondant sont inséparables. •Les résultats sont construits au fur et à mesure que le chercheur tente de mieux comprendre l’expérience du répondant. •Les constructions individuelles sont réévaluées grâce à l’interaction entre le chercheur et le répondant. Trois étapes principales 1. La réduction phénoménologique • • Remise en question de l’attitude « naturelle » Nécessité d’une « mise entre parenthèse » 2. La description • • Utilisation du langage Autres voies que la description: expliquer, construire et interpréter. 3. La recherche des essences • Identification du sens fondamental du phénomène, i-e ce qui se maintient, son identité constante. (Giorgi dans Poupart et al., 1997) 1 Modifications apportées pour des fins scientifiques Des méthodes descriptives • Description de l’expérience vécue par d’autres personnes. But commun: comprendre les expériences vécues en passant par la description de situations. Van Kaam (1959, 1966): • Adoption de la réduction par le chercheur. • « Quelle est la définition structurelle de… ? » • Invite les participants à décrire en profondeur une situation où • Rechercher des essences scientifiques. ils ont fait l’expérience du phénomène. (Giorgi dans Poupart et al., 1997) • 6 étapes (Parse, 2001) Méthode/étapes de Colaizzi (1973, 1978) Giorgi (1970, 1971, 1997, 2000a, 2000b, 2008, 2009): • « Quelle est la description structurelle de… ? » • Invite les participants à décrire une situation. Retour possible auprès des participants pour élaborer une partie de la description qui demeure imprécise. • 7 étapes Colaizzi (1973, 1978): • « Quelles sont les dimensions essentielles de… ? » • Invite les participants à décrire une situation. Possibilité de poser des questions précises sur des aspects particuliers du phénomène. Retour Étape préparatoire: – En quoi suis-je concernée par le phénomène « x » ? Pourquoi le phénomène « x » en particulier ? – Comment est-ce que le choix ce phénomène a été influencé par les traits ou les éléments personnels de ma personnalité ? – Comment mes inclinaisons ou prédispositions personnelles influenceront ou même biaiseront la réalisation de mon projet de recherche? – Quelles sont mes présuppositions face au phénomène à l’étude ? Exemples : Je pense que…; Ce qui m’étonne c’est…; Au fond, je me demande…; De la littérature, je pense que ce phénomène… auprès des participants permettant de valider l’analyse. • 8 étapes (Parse, 2001) Stratégies de collecte des données • • • • • Entrevues semi-structurées Rencontres non officielles Observation participante Dessin Mandalas/cercles émotions/couleurs 10 Observation participante Avantages •Flexible, moins intrusive •Donne le temps à la relation de se développer •Accès à une multitude de sources de données •L’enfant perçu dans son contexte: – Environnemental – Relationnel (Carnavale, Macdonald, Bluebond-Langner & McKeever, 2008) 2 Inconvénients Dessin • Activité brise-glace et de détente • Le dessin précède souvent le niveau verbal • L’objet d’intérêt a changé pour le chercheur •Demande une grande disponibilité du chercheur •Improvisation au niveau des stratégies de collecte des données •Incertitude de la méthode – Du dessin lui-même à ce qu’en dit l’enfant – Ne rien prendre pour acquis: questionner l’enfant. – Ce qui sera observé – Le degré de participation du chercheur – Défi pour les comités d’éthique • Accès à une quantité intéressante d’informations en peu de temps • Il faut agir avec prudence (Carnavale, Macdonald, Bluebond-Langner & McKeever, 2008) – Peuvent susciter des réponses complexes et puissantes (Hanus et Sourkes, 2002) Mandalas L’interprétation des mandalas repose sur le choix par l’enfant: »Des émotions »Des couleurs »Des proportions »De l’ordre »De la vue d’ensemble »Des associations verbales • Dessin (cercle) ou motif de caractère symbolique • Une version plus structurée du mandala – Cercle émotions/couleurs (Hanus & Sourkes, 2002) • Technique non agressive et agréable • Favorise l’expression des sentiments et des émotions • Choix ou non de formuler les émotions – Émotions passées ou présentes Étapes d’analyse selon Colaizzi (1978) Sept étapes: 1. Lecture de la description des participants 2. Extraction des énoncés significatifs 3. Formulation des significations (cachées et révélées) 4. Regroupement des significations sous un thème 5. Rédaction d’une description exhaustive 6. Validation auprès des participants 7. Identification de la structure fondamentale Dimensions de l’expérience de l’autonomie en soins palliatifs Lavoie, M. ; Blondeau, D.; & Picard-Morin, J. (2011). The Autonomy Experience of Patients in Palliative Care. Journal of Hospice and Palliative Nursing. 13(1), 47-53. Participants Ajout d’une validation de triangulation: (Denzin, 1989) Professionnelle de recherche Chercheur 17 18 3 L’expérience de l’autonomie… 1. Représente l’affirmation de sa pleine identité en tant qu’être humain. 2. Représente la capacité d’agir par soi-même. 3. Génère des répercussions positives sur le bien-être. 4. Comporte des sentiments difficiles et parfois pénibles. 5. Inclut des réactions de l’entourage qui colorent les relations existantes. 6. Entraîne l’adoption d’attitudes variées envers l’avenir. Étape 6: La structure fondamentale de l’expérience de l’autonomie L’expérience de l’autonomie chez les personnes en soins palliatifs représente l’opportunité de maintenir le contrôle de leur identité dans l’espoir que celle-ci perdure dans le futur. S’exprimant aussi bien par le biais de la capacité de décision que d’action, elle ne prend place qu’à travers la perception de son respect. L’expérience de l’autonomie entraîne dès lors une sensation de fierté et de liberté, qui s’accompagne parfois paradoxalement de sentiments pénibles, tels l’impuissance, la souffrance et la résignation, lorsqu’elle oblige à s’ajuster aux multiples pertes associées à la maladie. (suite →) Étape 6: La structure fondamentale de l’expérience de l’autonomie -suiteL’expérience de l’autonomie peut néanmoins continuer à s’exercer grâce au soutien offert ou sollicité, qui diffère en intensité et en provenance (d’ordre personnel, social ou professionnel) selon les personnes, les périodes de vie et les circonstances présentes. L’affirmation de l’autonomie implique par conséquent l’expérience de rapprochements estimés, mais parfois de surprotections déplorées ou d’éloignements regrettés. Dimensions de l’expérience de l’espoir 1) Éprouver l’intérieur de soi en s’appuyant sur son monde extérieur L’expérience de l’espoir vécue par des enfants atteints d’un cancer et âgés de neuf à 15 ans Dimensions de l’expérience de l’espoir 2) Vivre un ensemble de sentiments ambivalents: agréables et désagréables – Même le courage te donne du positif parce que justement, tu as de l’espoir pour quelque chose. Cela te donne au moins deux points d’avance parce que tu es motivé et tu le sais que tu vas l’avoir. Je pense que je n’étais pas le pire et je pense que je ne suis pas le moins pire. Et même moi, j’ai réussi à gagner cette bataille-là. Je mange du courage. Je suis content parce que je sais qu’un jour je vais redevenir normal . 4 Dimensions de l’expérience de l’espoir 3) Attendre et croire en la fin de son cancer • Je fais de la chimio et j’attends que cela finisse. • J’ai toujours su que j’allais guérir. • J’espère que je vais me guérir vite. • L’espoir, c’est espérer de guérir pour de bon. Structure fondamentale de l’expérience de l’espoir • L’EE se vit d’abord à l’intérieur de soi et elle repose également sur le support et la présence de sa famille, ses amis et les autres personnes. • C’est découvrir la force et le courage afin de persévérer devant les difficultés. Dimensions de l’expérience de l’espoir 4) Se projeter vers un devenir ressemblant au passé – De revenir normal. Revenir comme j’étais avant. J’étais la même personne, mais j’étais presque jamais malade. – L’espoir, c’est de vivre le plus normalement possible. – Mon rêve d’enfants, c’est un bonus parce que je vis plein d’affaires. Je vis les traitements, la chimio. Je feel moche, je feel bizarre. C’est comme un bonus d’examen. Il y a une question avant que tu ne comprenais pas trop et là, cela te donne la chance de reprendre ta note. • C’est vivre dans le moment présent un ensemble de sentiments ambivalents tout en se projetant vers un devenir ressemblant au passé. • Ainsi, c’est vouloir redevenir l’enfant libre qu’il était auparavant. • Se projeter vers un devenir, c’est vouloir atteindre ses objectifs personnels et réaliser de nouveaux projets • C’est attendre la fin des traitements avec optimisme et confiance. Conclusion: « À ne pas oublier » • Il existe des distinctions entre: • les conceptions philosophie et scientifique, • les méthodes descriptives et interprétatives, • et différentes méthodes descriptives. • La méthode phénoménologique « scientifique » permet d’approfondir les expériences vécues. • L’approche particulière de Colaizzi (1973, 1988): – offre une façon de mettre de côté nos idées préconçues (réduction); – offre une importante flexibilité qui permet de s’adapter à différentes populations et contextes. Liste des références Adler, M.J. (1990). Intellect : Mind over Matter (chap 7). New York: MacMillan. Carnevale. F.A., MacDonald, M.E., Bluebond-Langner, M. & McKeever, P. (2008). Using participant observation in pediatric health care settings: ethical challenges and solutions. Journal of Child Health Care, 12 (1), 18-32. Colaizzi, P.F. (1978). Psychological research as the phenomenologist views it. In R.S. Velle & M. 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