Monet version 2 - Editions À Propos
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Monet version 2 - Editions À Propos
ARRÊT SUR IMAGE : L’Atelier au mimosa Pour peindre, Pierre Bonnard n’aime pas les grandes installations. Comme il se déplace souvent, il s’adapte à chaque lieu, posant ses pinceaux et ses couleurs sur une table de salle à manger ou sur une petite table pliante à proximité de ses toiles. Au Cannet, il s’est fait toutefois aménager un véritable atelier, composé de deux niveaux, une petite pièce éclairée par une grande baie vitrée et une mezzanine. Dans la partie inférieure de l’atelier, en face de la grande fenêtre, un mur où il fixe ses toiles et travaille dos à la lumière. Pour pouvoir prendre un peu de recul et mieux observer, l’artiste monte sur la mezzanine où nous sommes à présent. À la structure très géométrique formée par les lignes verticales de la verrière et les obliques de la mezzanine, s’oppose la végétation bouillonante de vie, les vibrations jaunes du mimosa en fleur. Ce jaune, si présent dans ses dernières œuvres, et dont il dit qu’« on n’en met jamais trop », aurait pu finir par recouvrir tout l’espace de la fenêtre, s’il n’était stoppé par une multitude de petites touches de couleurs, par l’étagement des toits roses du Cannet montant jusqu’aux reliefs de l’Esterel. Le pan de mur à gauche de la fenêtre, flot vertical de tonalités de rose-orangé posées les unes à côté des autres et parfois mêlées, est un épanouissement sublime de couleurs. Ce jeu des couleurs, traduction de l’impact de la lumière sur le mur, et bien d’autres toiles des dix dernières années ont inévitablement été remarqués par les peintres abstraits américains, Mark Rothko et Morris Louis entre autres, et ceux de la Nouvelle École de Paris dont le chef de fil, Jean Bazaine, a été directement encouragé par Bonnard. Avec ce coin de mur, Bonnard est dans l’abstraction. Mais, comme il le souligne dans la revue Verve, « l’art abstrait est un compartiment de l’art », et il ne semble pas avoir voulu s’y enfermer. Son besoin de conserver un sujet – une jeune femme en bas du mur –, de célébrer ce qui l’entoure – la beauté du mimosa en fleur – l’en a détourné. Il note en 1945: « Si on oublie tout, il ne reste plus que soi, et cela n’est pas suffisant. Il est toujours nécessaire d’avoir un sujet, si minime soit-il, de garder un pied sur terre. » L’Atelier au mimosa, 1939-1946, huile sur toile, 127 x 127 cm. Paris, musée national d’Art moderne, Centre Georges-Pompidou. 58 59