Vers une interprétation physiquede la propagation d`onde sur une

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Vers une interprétation physiquede la propagation d`onde sur une
CFA 2006
Vers une interprétation physique de la propagation d’onde sur une surface rugueuse
Bruno Morvan1, Anne-Christine Hladky-Hennion2, Maxime Bavencoffe2, Damien Leduc1, Catherine
Potel3, Jean-Louis Izbicki1
1
2
Laboratoire d’Acoustique Ultrasonore et d’Electronique (LAUE) UMR CNRS 6068, Le Havre, France.
Institut d’Electronique, de Microélectronique et de Nanotechnologie (IEMN) UMR CNRS 8520, Lille, France.
3
Laboratoire d’Acoustique de l'Université du Maine (LAUM) UMR CNRS 6613, Le Mans, France.
Λ
Résumé
0
La propagation des ondes de Lamb sur des plaques dont
l’une des surfaces est striée fait apparaître des conversions et
réflexions de modes. La périodicité Λ introduite dans le
guide induit un effet de « repliement » de la relation de
dispersion des ondes de Lamb en bord de la première zone
de Brillouin. On a alors, dans cette zone, des croisements de
courbes de dispersions. La présence de bandes interdites
correspond alors à un couplage possible entre modes.
Réseau
33mm
33mm
Epaisseur
5mm
x
33mm
Figure 1 : Géométrie de la plaque rainurée.
Une des faces de la plaque possède un profil périodique de
périodicité spatiale Λ . Par la suite, différents types de
réseaux seront étudiés (rectangulaires, triangulaires ou
sinusoïdaux). Le réseau a une longueur limitée de telle sorte
qu’avant et après celui-ci, la plaque est parfaitement plane.
Ceci permet notamment de générer puis d’identifier le mode
de Lamb incident sans ambiguïté.
Introduction
Nous nous intéressons dans cette étude à la propagation
d’une onde guidée ultrasonore de type Lamb dans une
plaque dont l’une des surfaces est striée. Dans de nombreux
cas, le profil d’une surface rugueuse, considéré comme
aléatoire, possède en fait des pseudo-périodicités spatiales.
Pour une surface grenaillée ou sablée, ces périodes seront
liées par exemple à la taille des projectiles (gravier, sable,...)
utilisés pour réaliser la surface rugueuse. Ces longueurs
caractéristiques sont obtenues facilement en réalisant un
relevé profilomètrique puis en calculant la densité spectrale
de puissance du profil mesuré. Des études précédentes ont
montré que la présence de rugosités affectait principalement
l’amplitude de l’onde et non pas la vitesse de phase [1-3].
L’atténuation d’amplitude peut être liée à la valeur moyenne
quadratique des hauteurs du profil de surface. Cependant,
Potel et al [4] ont montré que les pseudo-périodes spatiales
du profil sont déterminantes dans le calcul de l’atténuation.
De plus, l’atténuation dépend également du mode de Lamb
considéré. Afin de comprendre la physique des phénomènes
observés précédemment sur une plaque solide, la plaque
considérée ici est fluide. Cela permet de restreindre le
problème à une approche scalaire. Les calculs par éléments
finis sont réalisés à l’aide du logiciel ATILA© [5].
Etude éléments finis
Le mode incident est le mode P1 à la fréquence de 1,5MHz.
Pour le générer, on applique les déplacements théoriques du
mode P1 sur la première extrémité de la plaque. L’excitation
est quasi-harmonique : un train d’onde de 5 périodes est
imposé. L’analyse transitoire par éléments finis permet de
suivre la propagation de ce mode et plus particulièrement
son interaction avec le réseau.
13
x 10
4
0
Temps (µs)
2
réseau
4
2
6
8
0
10
12
-2
14
Structure étudiée
16
-4
0
La figure 1 présente les dimensions de la plaque. La masse
volumique et la célérité des ondes dans le fluide sont
respectivement ρ=2700 kg/m3 et c=6350 m/s. Ce travail
complète une étude effectuée sur une plaque d’aluminium, le
fluide fictif considéré possède donc des caractéristiques
correspondant à ce matériau.
20
40
60
80
Distance (mm)
Figure 2 : Signaux temporels.
131
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Ce qui nous intéresse ici, c’est l’observation de conversions
de modes sous le réseau. A la fréquence de 760 kHz, seuls 3
modes se propagent : les modes P0, P1 et P2. L’image
donnée figure 2 représente les pressions dans le plan médian
de la plaque. Le réseau est composé de motifs triangulaires
de longueur Λ =3 mm et de profondeur 300 µm. La pression
associée au mode P1 étant nulle sur le plan médian, on
n’observe aucun signal jusqu’à ce que l’onde atteigne le
réseau à x=33 mm au temps t=7 µs. Un signal correspondant
à des réflexions est ensuite observable. L’image de la double
transformée de Fourier (figure 3), spatiale puis temporelle,
nous permet d’identifier ces modes comme étant des modes
réfléchis P0 à la fréquence f=1.14 MHz et P2 à f=1.45 MHz.
On considère que le guide d’onde est la répétition à l’infini
suivant la direction Ox du motif élémentaire décrit à la
figure 4. La méthode développée par éléments finis [7]
consiste à ne mailler qu’une seule cellule élémentaire et à
exploiter les relations de Bloch-Floquet, c’est à dire les
relations de phase entre les nœuds séparés par une période.
Le vecteur d’onde fixe les déphasages entre les plans
délimitant la cellule élémentaire. La pulsation ω étant une
fonction périodique du vecteur d’onde k, l’étude se restreint
à la première zone de Brillouin. Le diagramme de dispersion
est construit en faisant varier le vecteur d’onde k sur la
demi-zone de Brillouin, l’autre moitié se déduisant par
symétrie. L’exploitation des courbes de dispersion permet de
déduire les modes de propagation, les fréquences de
coupure, les bandes passantes et les bandes d’arrêt.
16
x 10
8
-2000
Nombre d’onde k (1/m)
Courbes de dispersion dans la première
zone de Brillouin
7
-1500
6
-1000
5
4
-500
P0
3
P1
0
0
0.5
P2
P3
1
1.5
2
Fréquence f (MHz)
2.5
2
0
Figure 3 : Identification des ondes converties/réfléchies dans
l’espace tout-fréquence. Les courbes de dispersions théoriques sont
représentées en trait continu. La courbe en pointillé représente les
nombres d’ondes kconv pour n=1.
x
Figure 4 : Motif élémentaire du réseau périodique.
On vérifie aisément que les vecteurs d’ondes des ondes
converties obéissent à la relation :
G
G
G
k inc − k conv = n.G
G
G
La périodicité Λ introduite dans le guide induit donc un effet
de « repliement » de la relation de dispersion des ondes de
Lamb en bord de la première zone de Brillouin définie par
 π π
,  (figure 5).
des valeurs k appartenant à l’intervalle  −
 Λ Λ
2pπ
On se ramène dans cette zone par un décalage de
des
Λ
courbes de dispersions (p entier). On a alors, dans cette zone,
des croisements de courbes de dispersion. En fonction de la
périodicité du réseau, des bandes interdites apparaissent. On
distingue deux cas.
(1)
G
Avec n un entier et G vecteur de base du réseau réciproque
(par analogie avec les structures cristallines) défini par
G 2π G
G=
ux .
Λ
G
G
k inc et k conv sont respectivement les vecteurs d’ondes
incident et réfléchi.
Il faut noter que le mode converti peut se propager soit dans
le sens des x positifs (figure 1) soit dans le sens opposé.
L’atténuation de l’onde incidente sous le réseau s’explique
alors par un transfert d’énergie entre les différents modes
convertis [6]. Si la relation (1) permet de déterminer les
vecteurs d’ondes des modes convertis, celle-ci ne donne
aucune information sur l’amplitude de ces derniers et donc
sur la répartition d’énergie dans les modes convertis. Ce
couplage peut être interprété à l’aide des courbes de
dispersions des modes présents dans un motif élémentaire du
réseau en prenant en compte la périodicité.
La première configuration est l’apparition d’une bande
interdite en bord de zone de Brillouin. Reprenons l’exemple
du mode P1 incident, en bord de zone on aura
π
et cette valeur est compatible avec la
Λ
G
G
relation (1) si k conv = − k inc et n=1. L’onde se réfléchit donc
évidemment k P1 =
sans conversion.
Dans le deuxième cas, la bande d’arrêt apparaît à l’intérieur
de la zone de Brillouin. La présence de cette bande d’arrêt
correspond alors à un couplage possible entre modes. En
effet, il apparaît alors un « anti-croisement » (encore appelé
« mini bande d’arrêt » [8]) entre les courbes de dispersion
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correspondant à des modes différents. Sur la figure 5, nous
pouvons observer un croisement entre les courbes de
dispersion des modes P0 et P1 à la fréquence f=1.15 MHz.
C’est également à cette fréquence que le mode converti P0 a
été identifié précédemment. L’apparition d’une bande d’arrêt
dans la première zone de Brillouin traduit donc bien un
transfert d’énergie d’un mode à l’autre.
16
x 10
8
Nombre d’onde k (1/m)
-2000
7
-1500
6
π
−
Λ
5
4
-500
Figure 6: Les courbes de dispersion pour le mode P1 sont
les traits continus bleu, vert et rouge respectivement pour
les épaisseurs 5 mm, 4.75 mm et 4.5 mm. En pointillé sont
tracées les valeurs de kconv calculées à partir de la relation
(1).
3
0
0
0.5
1
1.5
2
Frequence f (MHz)
2.5
2
La figure 7 représente très schématiquement les ondes au
voisinage du gap. Le point A (figure 6) se situe à
l’intersection de la courbe de dispersion et de la courbe
déterminant le mode converti (relation 1 avec mode incident
P1), toutes deux calculées pour une épaisseur de 5mm. Pour
ce point A, la propagation de l’onde est décrite figure 7.a.
La même analyse est faite pour le point B (figure 6).
L’épaisseur est cette fois de 4.5mm (figure 7.b).
Figure 5 : Identification des ondes converties/réfléchies
dans l’espace tout-fréquence. Superposition des courbes de
dispersions dans la première zone de Brillouin.
L’interprétation de l’ouverture de bandes interdites peut se
faire à l’aide d’un modèle simple décrivant les ondes pour
des fréquences juste avant et après le gap. Sur la figure 6
sont représentées les courbes de dispersion théoriques des
modes de Lamb pour des plaques planes d’épaisseur 4.5
mm, 4.75 mm et 5 mm (courbes en traits pleins). Ces
épaisseurs correspondent respectivement aux épaisseurs
minimum, moyenne et maximum d’une plaque sur laquelle
est gravé un réseau sinusoïdal d’amplitude 500 µm. Les
courbes de dispersions repliées sont également superposées
en considérant un réseau de période Λ=6 mm. En pointillé,
on a représenté les courbes donnant le nombre d’onde du
mode converti calculé à partir de la relation 1. On peut
observer alors que la bande d’arrêt en bord de zone de
Brillouin s’ouvre (point A) à l’intersection des courbes de
dispersion relatives à une épaisseur de plaque de 5 mm
(fréquence f1) et se ferme (point B) à l’intersection des
courbes de dispersion pour une épaisseur de 4.5 mm
(fréquence f2). En dehors de cette zone, l’onde est peu
sensible au réseau et suit la courbe de dispersion définie pour
l’épaisseur moyenne 4.75 mm.
(a)
e=5mm
(b)
e=4.5mm
Figure 7: description schématique des ondes sous le réseau
en bord de zone de Brillouin. (a) ouverture de la bande
d’arrêt, (b) fermeture de la bande d’arrêt.
L’apparition d’une bande d’arrêt dans la première zone de
Brillouin traduit un transfert d’énergie d’un mode à l’autre.
Des travaux antérieurs [6] ont montré que l’amplitude du
mode converti était proportionnelle à la profondeur des
rainures du réseau. La discussion de la figure 7 a montré que
la largeur du gap correspondait à la différence des épaisseurs
caractéristiques de la structure. On conçoit donc bien que la
largeur du gap croit avec la différence d’épaisseur.
Autrement dit plus la profondeur du motif du réseau est
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importante et plus la largeur du gap augmente. Ceci se
traduira aussi par une diminution de l’onde transmise par le
réseau [6].
periodic materials using the finite element method", J.
Acoust. Soc Am. 98, pp.2792-2800 (1995).
[8] Jean-Michel Lourtioz « Les cristaux photoniques » Ed.
Lavoisier.
Conclusion
Le processus de conversion de mode qui résulte de
l’interaction d’une onde de Lamb avec une interface striée
est totalement décrit dans l’espace dual fréquence/nombre
d’onde. Les périodicités spatiales de l’interface vont imposer
des couplages entre modes (conversions) et des réflexions.
Ces transferts d’énergie du mode incident dans d’autres
modes propagatifs entraînent une atténuation d’amplitude du
mode incident. Il a été montré que l’ouverture de bandes
interdites dans les courbes de dispersion repliées dans la
première zone de Brillouin s’expliquait également par un
couplage de modes. Dans cette étude les modes complexes
n’ont pas été pris en compte dans le processus de conversion
de modes. Il peut être intéressant par la suite d’identifier ces
modes « localisés ». En particulier, comme il a été montré
dans le domaine des réseaux photoniques [8], ces modes
localisés peuvent être très importants au voisinage d’un
défaut du réseau.
References
[1] O.I. Lobkis, D.E. Chimenti, “Elastic guided waves in
plates with surface roughness I Model calculation”, Journal
of the Acoustical Society of America, 102, pp 143-149
(1997).
[2] O.I. Lobkis, D.E. Chimenti, “Elastic guided waves in
plates with surface roughness II Experiments”, Journal of the
Acoustical Society of America, 102, pp 150-159 (1997).
[3] D. Leduc, B. Morvan, P. Pareige and J-L. Izbicki,
“Measurement of the effects of rough surfaces on Lamb
waves propagation”, NDT&E International, 37, 207-211,
2004.
[4] C. Potel, D. Leduc, B. Morvan, P. Pareige, J.L. Izbicki,
C. Depollier, “Lamb wave propagation in isotropic media
with rough interface: comparison between theoretical and
experimental results”, World Congress on Ultrasonics, Paris,
France, 2, 609-612, 2003.
[5] ATILA Finite Element Code for Piezoelectric and
Magnetostrictive Transducer Modeling, Version 5.2.1,
User’s Manual, ISEN, Acoustics Laboratory, Lille, France,
(2002).
[6] Damien Leduc, Anne-Christine Hladky-Hennion, Bruno
Morvan, Jean-Louis Izbicki, Pascal Pareige, “Propagation of
Lamb waves in a plate with a periodic grating: interpretation
by phonon”, Journal of the Acoustical Society of America
118(4), 2234-2239 (2005).
[7] P. Langlet, A.C. Hladky-Hennion, J.N. Decarpigny.
"Analysis of the propagation of acoustic waves in passive
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