Olyrix - Opéra national de Lorraine

Transcription

Olyrix - Opéra national de Lorraine
ÔLYRIX
09/05/16
Vannina Santoni : « J’oriente mon répertoire vers des rôles plus lyriques »
Le 09/05/2016 Par Damien Dutilleul
Après avoir chanté Donna Anna dans Don Giovanni à Cologne, Vannina Santoni interprète le rôle de Leila dans les
Pêcheurs de perles à l’Opéra national de Lorraine. Quelques minutes après la Première du spectacle, la jeune soprano est
revenue pour Ôlyrix sur la production et sur sa carrière. Une artiste montante à suivre absolument !
Pouvez-vous nous décrire le personnage de Leila tel qu’il est présenté dans la mise en scène des Pêcheurs de
perles de Bizet par Emmanuelle Bastet pour l’Opéra national de Lorraine (voir le compte-rendu d'Ôlyrix) ?
Il s’agit, comme le veut le livret, d’une jeune femme de quinze à seize ans, vierge et pure. Il y a ainsi quelque chose en elle
de très aérien. Elle se détache du ciel. Elle est simple et amoureuse. Elle prête serment tout en gardant l’envie de vivre que
l’on a à son âge. Le côté très solennel que l’on retrouve souvent n’est pas présent. Alors que le livret la présente comme une
prêtresse, Emmanuelle Bastet en fait une prisonnière volontaire, mettant l’accent sur la violence qui n’est habituellement que
sous-jacente. Il n’est plus ici question de simples fanatiques : Nourabad n’est pas un Grand Prêtre mais un militaire. Cela fait
bien sûr écho à ce qui se passe aujourd’hui dans le monde.
Vannina Santoni (Leila) et Edgardo Rocha (Nadir) dans les Pêcheurs de Perles (© Opera national de Lorraine)
En quoi cette vision du personnage est-elle différente de celle de Nadine Duffaut, avec qui vous avez précédemment
travaillé ce personnage ?
Et bien justement, dans la mise en scène de Nadine, Leila est beaucoup plus solennelle. Il s’agit d’une vision beaucoup plus
proche du livret : il y est visible qu’au départ, elle entend respecter son serment et son engagement vis-à-vis du village. De
par cette solennité, elle paraît beaucoup moins jeune et fragile que dans la production d’Emmanuelle.
Quelle en est votre vision personnelle ?
Ma vision est proche de celle d’Emmanuelle, qui me parle et fait écho à ma conception de la vie. Je ne suis pas une fervente
pratiquante moi-même. Je me reconnais bien plus dans la vision romantique de la jeune femme qui se jette à bras-le-corps
vers l’homme qu’elle aime, prête à en mourir, comme dans Roméo et Juliette.
Vous dites que vous n’êtes pas une fervente pratiquante : que représente pour vous la musique sacrée, dans
laquelle vous ferez vos débuts au Théâtre des Champs-Elysées l’an prochain, avec le Requiem de Verdi ?
Je ne suis pas croyante, mais j’aime le côté humain et rassembleur de la musique sacrée. Comme chez Bach, il y a une
vraie recherche du Beau, de l’amour et de la paix qui me parle. De la même manière, cela m’enrichit d’aller dans une église
ou une cathédrale. J’y ressens une sorte d’aura. Je ne serai sans doute jamais une spécialiste des oratorios, mais je serai
toujours ravie de les interpréter. D’autant que le Requiem de Verdi est très opératique et extrêmement intense.
Michel Franck, le Directeur du Théâtre des Champs-Elysées, vous a décrite comme l’une des figures majeures des
prochaines saisons de l’institution, avec de grands rôles à venir : comment l’avez-vous vécu ?
Outre le Requiem de Verdi, j’y chanterai Micaëla dans Carmen (Bizet) la saison prochaine, avant de prendre le rôle-titre de
la Traviata (Verdi) la saison suivante. Il y aura ensuite une Comtesse en 2019 [dans Les Noces de Figaro de Mozart, ndlr].
Mes débuts en Traviata constituent réellement un événement important pour moi. D’autant plus que cette production
s’annonce assez intense, si j’en crois les premiers échanges que j’ai eus sur la mise en scène ! Michel Franck m’a vraiment
fait un beau cadeau en me donnant l’opportunité de débuter dans ce rôle, à Paris ! Les choses se passent simplement avec
lui : lorsqu’il a un coup de cœur et que cela marche bien musicalement comme humainement, il vous accorde sa confiance,
ce qui est très porteur. Cela donne envie de mener à bien toutes ces productions, bien sûr, mais aussi d’en faire d’autres.
C’est important que des directeurs de théâtre donnent leur chance à de jeunes chanteurs français, afin que nous puissions
faire un pas dans la cour des grands : nous en avons réellement besoin !
Je ne ressens pas de pression particulière par rapport à cette exposition. Plus généralement, je ne me mets pas trop la
pression toute seule. Pas à mauvais escient, en tout cas. Et puis je suis concentrée sur ma saison et mes projets. Je suis
ravie qu’il parle de moi en ces termes, et j'ai hâte d’y être.
Vannina Santoni (© Studio Harcourt)
Après le Requiem, vous chanterez donc Carmen dans deux rôles différents, à quelques jours d’intervalle, au
Théâtre des Champs-Elysées puis à l’Opéra de Paris pour vos débuts dans l’institution. Comment appréhendezvous ce double événement ?
En effet, je chanterai Micaëla au TCE puis Frasquita à l’Opéra de Paris. Enchaîner deux rôles dans un même opéra est
assez particulier, d’autant que les deux productions s’enchaînent vraiment à un jour près. Bien sûr, à ce stade de ma
carrière, je me sens plus Micaëla que Frasquita. Je suis donc ravie de retrouver ce rôle que j’ai déjà chanté à Tours grâce à
Jean-Yves Ossonce. Et avec Frasquita, je serai heureuse de découvrir cette grande institution qu’est l’Opéra de Paris. La
distribution y change beaucoup : il y aura quatre Carmen, trois Micaëla, deux Don José et deux Escamillo ! J’y resterai
longtemps puisque j’y ai vingt-cinq représentations.
Vous chanterez également à Hong Kong dans Romeo et Juliette aux côtés de Sébastien Guèze : comment cela
s’est-il fait ?
C’est le chef d’orchestre Benjamin Pionnier qui me l’a proposé et qui a soumis au Théâtre de Hong Kong une vidéo où
j'interprète Juliette. J’espère que cela appellera d’autres rôles là-bas !
Vannina Santoni chante Roméo et Juliette de Gounod :
Vous avez déjà presque sept ans de carrière : quel est votre souvenir le plus précieux ?
Le Triptyque de Puccini, à Tours avec Jean-Yves Ossonce, a clairement été un moment très important pour moi. Il s’agissait
de ma quatrième et dernière production à l'Opéra de Tours avec lui. Toutes ont été merveilleuses, mais le Triptyque et en
particulier Suor Angelica, a été incroyable et très forte émotionnellement. D’abord, la musique est très prenante et le sujet
m’a beaucoup touchée, d’autant que j’ai appris que j’étais enceinte à ce moment-là. Jean-Yves a su m’aiguiller, afin de
préserver ma voix. J’ai beaucoup appris sur mon métier et sur moi-même. J’ai senti que j’avais franchi un palier
artistiquement et musicalement. J’ai appris à aller à l’essentiel tant vocalement que dramatiquement. Cela m’a donné
confiance en moi.
Prolongeons le trait : comment vous imaginez-vous dans sept ans ?
J’aurai peut-être deux enfants ! J’espère que le contexte et l’environnement politique me permettront d’être encore plus
heureuse. J’imagine que je chanterai des rôles plus lyriques, comme des Bellini un peu plus lourds (je discute déjà des
Puritains !) et plus de Puccini. J’espère également pouvoir encore chanter Traviata ! Je me serais en tout cas certainement
éloignée des rôles légers. Mon agent m’aide beaucoup à choisir mes rôles afin d’orienter ma carrière dans cette direction.
On me propose par exemple encore de chanter des rôles plus légers, mais ce n’est plus le moment : nous orientons mon
répertoire vers ce que sera ma voix future, c’est-à-dire un répertoire plus lyrique.
Quels sont vos autres projets à venir ?
Je vais chanter La Nonne Sanglante de Gounod à l’Opéra-Comique. C’est une œuvre méconnue que nous interpréterons en
2017. Au-delà de 2019, la visibilité est plus difficile à établir car les contrats sont signés de plus en plus tard, en dehors des
très grandes institutions qui prévoient les productions des années à l’avance. Toutes les institutions sont obligées de tenir
compte des subventions et du contexte politique.
Vous évoquez le contexte politique : est-ce un sujet qui vous tient à cœur ?
Je ne souhaite pas m’engager politiquement, mais ce qui se passe dans le monde et en France me touche beaucoup, qu’il
s’agisse du sort des intermittents ou du contexte sécuritaire. On ne fait pas un métier artistique par hasard : c’est une
manière de réunir les gens et de générer de la solidarité, de l’amour et de la chaleur. Parfois, je me sens dépassée. Je
m’interroge sur le sens de ce que l’on fait alors que des choses terribles se produisent partout dans le monde, et parfois tout
près de chez nous. Je réalise alors que c’est justement la raison pour laquelle nous travaillons : pour combattre la bêtise et
l’horreur par la culture.
Pour ne rien manquer de l'actualité d'Erin Morley, cliquez sur "Ajouter aux favoris" sur sa page après vous être connecté.