Aller de l`avant, depuis les cendres de Fort McMurray

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Aller de l`avant, depuis les cendres de Fort McMurray
Aller de l’avant, depuis les cendres de Fort McMurray
Les images dévastatrices de l’incendie et les ordres d’évacuation donnés aux résidents de Fort McMurray
en mai dernier ont bouleversé les canadiens d’un bout à l’autre du pays, qui ont répondu à l’appel du mieux
qu’ils ont pu, par des dons et des prières. Pour plusieurs, ces images ne paraissent plus à la une des médias
car d’autres nouvelles d’un peu partout dans le monde prennent l’affiche. Pour les résidents de Fort
McMurray toutefois, tout cela demeure bien d’actualité, car ils doivent s’organiser pour que la vie continue
et pour nombre d’entre eux, la route s’annonce longue et difficile.
Le président du Conseil régional de l’Ouest de la SSVP, Peter Ouellette, a fait des démarches en vue de
former, à Fort McMurray même, des bénévoles prêts à mener des évaluations de besoins auprès des familles
affectées par la catastrophe, en se servant du modèle de visite à domicile de la SSVP. Fort McMurray
compte deux paroisses catholiques, mais aucune conférence de la SSVP. J’ai été honoré qu’on me demande
de donner un coup de main. Le 19 août, j’ai changé mon itinéraire de vol et fait un détour jusqu’à Fort
McMurray. C’est avec des sentiments mitigés allant de l’anxiété, à propos des scènes qui m’attendaient, à
la hâte de partager mes expériences de visites à domicile avec la SSVP, tout en espérant que le temps passé
ici avec les bénévoles répondrait à leurs attentes ou même, les dépasserait.
Lors de l’approche aérienne vers l’aéroport de Fort McMurray, les
premiers signes de l’incendie étaient évidents. On pouvait voir de
grandes parcelles de terre complètement brûlées. J’ai été accueilli
par mon premier contact bénévole, Dan, un homme enthousiaste,
positif et prêt à entamer ma tournée de rencontres avec de nombreux
autres bénévoles. Dès mon entrée dans la ville, j’ai été surpris par
l’animation qui y régnait. Dan devait faire un détour jusqu’au centre
des congrès de la ville, où on travaillait à la mise en place d’un salon
de l’habitation d’une journée, regroupant plusieurs centaines
d’entreprises. La scène était des plus dynamiques, loin de ressembler
aux images de Fort McMurray que j’avais imaginées. Cela devait
bientôt changer cependant, car Dan m’a ensuite amené à mon
premier arrêt, dans la communauté d’Abasand, la zone résidentielle
où Dan vivait et où il a perdu sa maison lors de l’incendie. La sombre
et dure réalité de la dévastation était amplifiée d’autant plus que
l’entrée de toutes les communautés dévastées était strictement
contrôlée, pour assurer que seuls les résidents puissent y pénétrer,
s’enregistrant en signant un journal des entrées et produisant des
informations sur toutes les personnes les accompagnant. À mesure
que nous montions la côte, des arbres et des terrains calcinés nous
menaient vers un désert de destruction. Les images vues à la
télévision n’étaient rien comparées à la dure réalité de se trouver sur
place, cheminant à travers les fondations carbonisées, tout en
écoutant Dan me parler d’une communauté autrefois grouillante
d’activité, avec des barbecues de quartier et de nombreux amis, dont
il ne sait même plus où ils se trouvent aujourd’hui. Nous avons visité
de nombreux autres quartiers, tous détruits par le brasier, un rappel de l’intensité de ce dernier. La Ville
avait déterminé que l’effort de nettoyage (enlèvement des débris, construction des fondations et restauration
des terrains) devrait être terminé à la fin de septembre, après quoi seulement les permis de reconstruction
pourraient être émis. Cette date butoir ne sera pas respectée et il est difficile de concevoir que les travaux
puissent être complétés au cours de la prochaine année.
J’ai rencontré ma famille d’accueil, Bernie et Bob, qui ont gentiment offert de me loger. Ici, j’ai appris
comment l’incendie a affecté de nombreuses autres personnes, au-delà de la perte des maisons. Plusieurs
habitations ont subi des dommages causés par la fumée, la perte du contenu de congélateurs et réfrigérateurs
et des moisissures dans les machines à laver, donnant lieu au remplacement de denrées et d’appareils.
Comme ce fut le cas pour Dan, les pertes matérielles ont pu être couvertes par les assurances, mais de
nombreuses familles étaient soit sous-assurées ou pas assurées du tout. De plus, tous ont une histoire à
partager à propos de leur épreuve et des ordres d’évacuation.
J’avais déjà parlé avec Matt, le coordonnateur du
comité des incendies, un poste de bénévole exigeant,
mais nécessaire pour coordonner les nouvelles
activités. Jeune père de famille, Matt est demeuré
calme malgré les longues heures qu’il a contribuées. Il
n’était pas certain du nombre de personnes qui se
présenteraient le vendredi soir pour la session de
formation, peut-être une dizaine, car plusieurs
résidents n’étaient pas encore revenus à Fort
McMurray après leur évacuation. C’est pourquoi
lorsque 26 bénévoles se sont présentés, tous prêts à
aider, je me suis senti comblé. Mon programme de
formation se divisait en trois sections :
Jour 1 – En me servant d’une version modifiée du
module national sur les visites à domicile, j’ai donné
une formation sur la valeur et les mécanismes du
programme de visite et d’évaluation de la SVVP. De
plus, j’ai partagé avec les bénévoles à quel point mon engagement avec la SSVP a eu un impact profond
sur ma vie… en changeant ma vie de manière très positive et en fortifiant ma foi.
Jour 2 – Des visites à domicile ont été effectuées avec des stagiaires sélectionnés. Huit visites avaient été
prévues et 4 stagiaires ont été choisis pour effectuer chacun deux visites. Chacun d’entre eux devait
contrôler le déroulement de toute la visite et après chaque visite, nous faisions ensemble un retour en arrière.
Des notes TRÈS détaillées étaient consignées ainsi que les plans d’action nécessaires et les actions de suivis
possibles, en plus de l’évaluation de base du soutien tant matériel qu’émotionnel requis. Je me suis
également attardé aux émotions des stagiaires, suites aux visites effectuées. Nous avons vécu plusieurs
moments WOW, constatant une force spirituelle incroyable chez des familles qui ont tout perdu et qui ont
partagé avec nous des tragédies très personnelles et dont la foi leur a pourtant permis de continuer d’avancer.
Jour 3 – Une session « bilan de groupe » a été menée en compagnie de tous les participants. Lors de cette
session, nous avons invité les 26 participants du jour 1 à revenir pour participer aux discussions. J’étais
heureux de voir que tous étaient revenus.
Nous avons été agréablement surpris ce jour-là… par un énorme cadeau ! Il y avait un nouveau participant,
appelé Max. Je lui ai demandé de se présenter au groupe. Il a dit qu’il était désolé de n’avoir pu se présenter
le premier vendredi, mais qu’il était très important pour lui d’être là maintenant, car il avait appris que la
rencontre était organisée par la SSVP. Il nous a raconté comment la SSVP avait joué un rôle significatif
dans sa vie, au Nigeria, il y a 20 ans. Son expérience avec la SSVP avait changé sa vie pour toujours...
plusieurs se sont tournés vers moi, car il s’agissait exactement des mêmes paroles que j’avais moi-même
prononcées lors de ma présentation du vendredi soi. Tout mon corps en a eu la chair de poule. J’ai senti la
présence et le soutien de Dieu. Chacun des quatre stagiaires a raconté son expérience. Ils ont aussi partagé
à quel point ils ont été personnellement touchés par le fait que les familles se sont ouvertes bien au-delà des
détails de leur évacuation et de la perte de propriété, dévoilant des défis très intimes de leur vie et très
troublants émotivement. Cela venait confirmer que l’information partagée par ces familles et le niveau de
discussion et d’intimité ne pouvaient être atteints à l’extérieur de la visite à domicile. Le groupe a ensuite
été invité à poser des questions aux stagiaires. La session a porté fruit. Les stagiaires deviendront maintenant
des formateurs et pourront ainsi poursuivre le processus d’orientation. Une excellente fondation a été
établie !
Nous avons aussi tenu une mini réunion exécutive afin de revoir les détails des besoins exprimés par les
familles visitées, l’objectif étant d’approuver un débours financier immédiat en faveur des familles, en
fonction des informations que nous avions reçues. Les stagiaires m’ont grandement impressionné. Ils ont
démontré une passion et un engagement à demeurer en contact avec les familles à travers tout leur
cheminement, peu importe le nombre de mois qu’il faudrait. Le suivi ira également au-delà du soutien
monétaire et matériel : il comprendra un soutien émotionnel basé sur les histoires intimes partagées par les
familles. L’ajout de ce niveau de soutien supplémentaire m’a tellement impressionné que je vais désormais
inclure cet aspect dans les présentations que je ferai en Ontario.
J’imagine que l’attention portée aux enjeux découlant des feux sera d’actualité encore pendant 1 an et demi,
peut-être plus. Lorsque cette étape sera terminée, j’inviterais les paroisses à identifier comment elles
pourraient le mieux poursuivre leurs activités communautaires en faveur des familles dans le besoin, peutêtre en adoptant le modèle de service de la SSVP.
Je suis très reconnaissant d’avoir eu l’occasion de participer à cette étape de leur développement. J’ai été
honoré et touché de pouvoir rencontrer tant de personnes exceptionnelles. Je les envie, d’une certaine
façon : j’aimerais beaucoup faire partie de leur développement à mesure qu’ils cheminent, en compagnie
des familles dans le besoin.
Phil Bondy
Vice-président régional, CRON
Rajeunissement des conférences et conseils et Œuvres spéciales