micro-narratives - Musée d`art moderne et contemporain de Saint

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micro-narratives - Musée d`art moderne et contemporain de Saint
Françoise Pétrovitch
Jean-Michel Alberola
Soonja Han
Gordana Andjelic-Galić
Siobhan Hapaska
Renata Poljak
John M Armleder
Veronika Holcová
Zoran Popović
Snežana Arnautović
Dominika Hoŕaková
Sergio Prego
Txomin Badiola
Pello Irazu
Mileta Prodanović
Mrdjan Bajić
Marine Joatton
Hana Rajkovic
Ruth Barabash
Hee-Seok Kim
László László Revesz
Valerio Berruti
Hyunsoo Kim
Anila Rubiku
Erik Binder
Oan Kim
Maurizio Savini
Frauke Boggasch
Kimsooja
Nebojša Šerić Shoba
Maria Bussmann
Nina Kovacheva
Skart
Pedro Cabrita Reis
Laura Lancaster
Valentin Stefanoff
Marko Stojanović
Marija Ćalić
Fabrice Langlade
Eugenio Cano
Denisa Lehocka
Ágnes Szépfalvi
Davide Cantoni
Andreas Leikauf
Barthélémy Toguo
Jiří Černický
Felice Levini
Sandra Vasquez de la Horra
Sung-Myung Chun
Christiane Löhr
Vedovamazzei
Daniel Chust Peters
Carla Mattii
Vuk Vidor
Victoria Civera
Matthew McCaslin
Katerina Vincourova
Marcus Coates
Sabrina Mezzaqui
Lois & Franziska Weinberger
May Cornet
Milica Milićević
XYZ
Tessa Manon Den Uyl
& Milan Bosnić
Sookyung Yee
Uroš Djurić
Motti Mizrachi
Huy-Sook Yoo
Nikola Džafo
Zsuzsa Moizer
Ivan Zupanc
Barbara Eichhorn
Hajnal Németh
Petra Feriancova
Sang-Kyoon Noh
Peter Friedl
Isabel Nolan
Ursula Palla
Steven Gontarski
Marina Paris
Paolo Grassino
Marina Perez Simao
Kevin Francis Gray
Ivan Petrović
IC&K
Gloria Friedmann
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MICRO-NARRATIVES
Tentation des petites réalités
7 mai – 21 septembre 2008
Musée d’ Art Moderne de Saint-Étienne Métropole
Jiri Cernicky (Couverture)
Kleine Männchen, de la série Pincushions (Daily Woodoo),
1999 – 2005
Installation murale d’objets, tissus, aiguilles, fils rouges,
photographies. Courtesy Gallery Jiri Svestka, Prague
Christiane Löhr
Drei kleine Kuppeln, 2007
Pousses de plantes, 14 × 13 × 14 cm ; 9 × 8 × 8 cm ;
5,5 × 8 × 7 cm – Courtesy Galleria Salvatore + Caroline Ala,
Milan, Photographie : Megumi + Shouma Khosai, Tokyo
Lois & Franziska Weinberger
Marginal Room, 1976 – 2007
Maquettes, projets publics, photographies, dessins, objets,
textes, dimensions variables
L’ exposition Micro-Narratives – Tentation des petites
réalités regroupe 85 artistes de générations différentes,
venus de divers territoires, tous sensibles à la proximité,
à la simplicité de l’ évidence et à la poésie du monde.
Les artistes présentés ici sont davantage dans la proposition et le doute que dans l’ affirmation. Les techniques
utilisées – dessins, assemblages, photos, vidéos, installations, sont au service d’ une attention portée sur notre
environnement le plus proche – le cadre de nos vies et
celui de nos pensées.
Le thème des « micro-narratives » est un néologisme
bâti à partir des théories de Jean-François Lyotard qui
décrivait le post-modernisme comme le temps de la
fin des « Grands Récits ». Le modernisme était en effet
caractérisé pour lui par une lecture schématique du
monde, décrypté au travers des grandes idéologies politiques, mais aussi artistiques (blocs communiste contre
capitaliste, fascisme, progressisme, collectivisme, avantgardisme, classicisme, etc.).
Le post-modernisme remet en cause ces grandes théories,
au profit d’ une constellation de « petits récits » riches
de nuances, qui évoquent un monde plus proche de nos
« petites réalités », mais sans doute plus complexe et plus
subtil.
La façon dont les artistes ont pu exprimer cette sensibilité à une proximité à la fois banale, universelle, et
profondément intime peut se décliner en quatre temps :
une attention portée d’ abord à notre environnement,
le décor de nos vies – paysages, scènes de rue ou cadre
politique ; le souci de mettre en avant notre quotidien
en détournant ou en soulignant certain de ses traits de
façon à le réinterpréter ; un intérêt pour une forme d’ introspection universelle, dans laquelle les souvenirs ou
les mouvements de l’ âme peuvent être appropriés par
tout un chacun ; et enfin la tentation d’ extrapoler à
partir des petites réalités pour laisser libre cours à une
imagination poétique, modeste et fragile.
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Lorsque Pedro Cabrita Reis nous propose un « mot
sans nom » (The Unnamed Word), c’est un cadre
architectural fait de châssis métalliques, de néons
et de verre peint qu’il installe face à nous. Paysage
d’une nouvelle ère, froide, mécanique, industrielle,
l’objet est familier et étrange à la fois, semble presque fonctionnel alors qu’il ne sert à rien. Les « petits
récits » sont ceux de l’évocation. L’artiste ne se
contente jamais de l’anecdote, son rôle est bien de
la transcender pour faire voir au-delà ou en-deçà,
juste à côté.
D’autres environnements sont ainsi proposés,
par Matthew McCaslin par exemple avec ses
câbles électriques qui s’entremêlent, révélant une
nouvelle présence pour ces objets pourtant banals ;
celui d’Anila Rubiku est lui plus modeste et intime,
ses petites maisons, dont l’éclairage intérieur
révèle des cloisons brodées de mobiliers et scènes
d’intérieur, et dont la mise en espace forme une
spirale, inspire un univers apaisé et rassurant, empli
de souvenirs du monde de l’enfance, proche des
maisons de poupées et des contes de villages. Les
univers poétiques évoqués par le caisson lumineux
de Sabrina Mezzaqui – simple vue d’un paysage à
travers une vitre ruisselant de pluie, ou par les pousses de plantes de Christiane Löhr posées sur une
estrade, piédestal pour une forme naturelle de poésie
fragile et éphémère, sont autant de points de vue sur
notre monde qui en révèlent une douce beauté.
L’environnement, notre cadre de vie, est aussi
celui des symboliques humanistes ou politiques.
Txomin Badiola par exemple se plaît à détourner
les clichés de notre société pour les mettre en
scène de façon différente (lit de camp, cagoule
noire, couleurs du drapeau basque), ceux-ci sont
neutralisés dans un décor aseptisé, devenant
les accessoires de notre comédie humaine.
Les œuvres de Paolo Grassino, Davide Cantoni,
Kimsooja, Lois et Franziska Weinberger peuvent
être rattachées à ces préoccupations poétiques
et politiques à-même de révéler autrement notre
cadre sociologique.
Ivan Petrovic
White Carnival, 1999
XYZ
De la série Chromozome XY, 2006
Soonja Han
Cercles, 2006 – 2008
May Cornet
De la série Small O Drawings, 2006
Photographie argentique, 25 × 38 cm
Autoportraits – miniatures en cire sous vitrine,
45 × 15 × 30 cm
Photographie : Tibor Takats
Découpage, collage, crayon noir, acrylique sur papiers,
plastique teinté, 260 × 300 cm – Diamètre cercle : environ 230 cm – Courtesy de l’artiste
Stylo sur papier somerset, 54 × 76 cm
Courtesy Galerie Alessandro Bagnai, Florence
Photographie : Hugh Findletar
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Les micro-narratives sont aussi des récits de notre
banalité, de notre quotidien, souvent proposés avec
la distance de la dérision ou de la critique, de l’émotion ou de la nostalgie mélancolique. Les petites
figures en tissu de Jiri Cernicky sont posées sur le
mur, des épingles au fil rouge plantées dedans. Là
encore, c’est un petit théâtre de l’humanité qui est
proposé, avec ses travers et ses ridicules, qui devient
touchant dans la fragilité de ces personnages isolés
sur de grands murs blancs et percés d’épingles,
comme victimes d’un sort jeté par la société de
consommation et ses clichés.
Le groupe XYZ de Bratislava propose de même
d’enfermer sous vitrine de minuscules figurines en
cire, autoportraits des artistes dans des poses ludiques, forçant un regard d’anthropologue de la part
du spectateur sur ce spectacle atemporel, universel,
et sans intérêt – les représentations sont particulièrement neutres.
Le théâtre imaginé par Motti Mizrachi montre
également des autoportraits, mais cette fois-ci l’artiste est déguisé, dans une forme d’auto-dérision et
de commentaire sur ses racines et son identité. Son
Yiddish Theater montre un homme âgé en short et
chaussettes, prenant des poses de sportif, dans un
contexte de revendications culturelles – des inscriptions en Yiddish sont lisibles sur les accessoires. La
pièce de théâtre ainsi jouée n’a rien de dramatique,
mais repose sur des effets comiques dus au décalage
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entre le personnage et ses accessoires, et sur une
forme de nostalgie dans les références à une culture
ancienne de recueillement.
Les peintures d’Agnes Szepfalvi et d’Andreas
Leikauf offrent des scènes banales, dans un style
assez neutre pour la première et proche du registre
de l’illustration et de la bande-dessinée pour le
second. Les clichés du monde des magazines ou de
la culture populaire sont ainsi mis en avant grâce à
une technique picturale illusionniste qui leur donne
un statut autre, supérieur.
Les dessins de Valerio Berruti, les photographies
d’Ivan Petrovic, sont plus proches d’une évocation
nostalgique de notre quotidien, isolant des détails,
sur des tirages noir et blanc ou des papiers sépias
dessinés au crayon gras. L’ambiguïté soulignée
par un noir et blanc intemporel d’une part, par
une technique enfantine et des visages anonymes
d’autre part permet à ces images de dépasser la
simple anecdote.
Enfin, des artistes comme Vedovamazzei et John
M Armleder se plaisent à détourner les objets de
notre quotidien (chaise, pneu de tracteur) pour leur
offrir une seconde vie, un autre regard : la chaise
allongée sous vitrine est objet de curiosité devenu
presque organique dans sa position alanguie, le
pneu devient bac à fleurs.
Les motifs modestes de notre quotidien ont aussi
inspiré les artistes de Micro-Narratives de façon
plus silencieuse, plus intériorisée. Les dessins
de Barbara Eichhorn par exemple évoquent un
intérieur tranquille, habité de chiens et chats, de
portraits et natures mortes accrochés aux murs.
Mais le tout est agencé sans aucun souci illusionniste ce qui confère à la scène un aspect fantomatique, renforcé par les couleurs très aériennes. Ainsi,
l’intérieur familier devient un espace étrange, reflet
d’un état mental plutôt que d’une vision concrète.
De même les dessins de Steven Gontarski montrent
des portraits d’hommes anonymes, tête détournée,
dans une technique très classique, atemporelle.
Les installations vidéos d’Ursula Palla relèvent de
cette même introspection poétique qui transpose
notre univers familier dans un autre temps, un
autre espace, modifiant ainsi la vision et la façon
de ressentir ceux-ci. Laura Lancaster, quant à
elle, s’inspire d’images anciennes qu’elle trouve
abandonnées dans des brocantes ou des poubelles.
Elle se les approprie, jouant ainsi le rôle de passeur ;
à partir d’une mémoire individuelle unique, elle
copie, refait, reprend, pour offrir à tout un chacun
une mémoire à la fois personnelle et collective. Le
mur de portraits de Lancaster rend l’image individuelle universelle, le mur de cercles de Soonja Han
inscrit ce qui peut paraître comme une obsession
personnelle dans une démarche d’apaisement des
formes et du monde.
Autre obsession sans doute, celle de May Cornet
avec ses Small O Drawings. Les traits fins semblent
s’enchaîner pour former des espèces de territoires, et l’artiste inscrit discrètement de nouveaux
archipels à explorer dans l’espace du musée, terres
rêvées, paysages d’évasion. Les œuvres de Hee
Seok Kim procèdent de façon similaire, les traits
fins s’enchaînent et s’accumulent pour former une
masse dense et grouillante qui révèle finalement
une forme de vase, dans laquelle des personnages se
noient, tombent, et la scène devient petit cauchemar, inquiétant sans être spectaculaire. Le rôle
des souvenirs, de la mémoire dans le fait de bâtir
un univers à la fois inédit, personnel et universel
se retrouve également dans les œuvres de Hana
Rajkovic. Cette jeune artiste serbe (née en 1977)
propose une série de dessins intitulée Camps, les
lieux qu’elle imagine et montre de façon naïve et
maladroite sont inspirés de lieux d’enfermement,
désertés, rappelant ainsi que les formes les plus
modestes sont significatives, chargées d’histoire et
d’émotions.
Les dessins de Marine Joatton sont quant à eux
à la fois révélateurs d’une intériorité tourmentée
et procèdent également d’une sorte d’assemblage
composite de formes, certaines reconnaissables,
connues, concrètes, et d’autres nées des forces vitales, qu’elles soient humaines, animales ou végétales.
Tessa Manon Den Uyl
URV – ARA prologue of the famous shipper, 2007
Kevin Francis Gray
Hold Tight, 2006
Video, 12’40, couleur, Production : Tessa M. den Uyl,
Photo : Antonio Borrani, Design sonore : Giuseppe Mangione,
Musique : Mattia Barrani
Moulage résine et perles Swarovski, 100 × 83 cm
Courtesy Galerie Changing Role, Naples
Les petits récits présentés bouleversent malgré leur modestie, de façon subtile,
sans grands effets. Une petite perturbation vient bousculer la perception de notre
environnement, la monotonie de notre quotidien, notre intimité que l’ on croyait
unique, ou encore une réalité fantasmée. L’ attention portée à des phénomènes
discrets et banals, l’ empathie à l’ égard des faiblesses et du doute poussent les
artistes de Micro-Narratives à nous offrir des univers familiers et généreux, dans
lesquels nous sommes invités à nous glisser pour mieux voir la réalité de ce qui
nous entoure tout en y constituant des refuges.
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Cette forme d’hybridation entre la réalité et l’imaginaire, entre une figuration très concrète et réaliste
et celle inspirée par des idées ou des fantasmes qui
prennent forme sous nos yeux, est une autre des
caractéristiques de ces micro-narratives. Il ne s’agit
pas de faire des contes moraux, des allégories qui
permettraient d’expliquer, mais plutôt d’installer le
doute et l’ambiguïté dans notre réalité. Une fantaisie modeste permet d’infiltrer les valeurs sûres,
l’environnement rassurant, pour déstabiliser un peu
afin de regarder autrement. Les sculptures hyperréalistes de Hyunsoo Kim sont particulièrement
frappantes en ce sens : un jeune homme nu aux ailes
de libellule est posé sur le mur du musée, endormi,
serein, et pourtant si dérangeant, figé dans cette
résine un peu morbide.
Le travail de Carla Mattii, très différent, procède
pourtant de cette même impression hyperréaliste
pour un objet inventé. Elle choisit des plantes et des
fleurs, les découpe pour assembler des fragments en
les cousant, puis photographie ce « Frankenstein »
végétal. L’effet est très étrange, à la fois complètement plausible – la fleur pourrait exister, et en même
temps dissonant, quelque chose ne fonctionne pas,
les racines ne sont pas à leur place, des indices laissent penser que nous sommes face à un trucage… à
la fois naturel et artificiel. Cet imaginaire végétal et
organique se retrouve dans les dessins de Hyesook
Yoo où des poils (ou des épines ?) semblent pousser
sur des pelures de peau. Les sculptures de Siobhan
Hapaska proposent ce même type d’assemblage
hétéroclite et dérangeant. Face à ses sculptures nous
sommes déroutés et sans repères, les petits récits
proposés s’incarnent dans des formes autonomes, qui ont l’air presque vivantes, faites d’os, de
matières plastiques et végétales. Le point de départ
concret, l’ancrage dans la réalité disparaît peu à peu
au profit de la construction d’un univers onirique.
Les dessins de Sandra Vasquez de la Horra, les
photographies de Dominika Horakova, ou l’installation de Tessa Manon den Uyl forment des îlots
cohérents de fantasmagories modestes, fragiles, et
atemporelles. La sculpture de Kevin Francis Gray
évoque cette même atemporalité – la facture est
classique, les hommes encapuchonnés font penser
aux pleureurs des tombeaux du Moyen Âge dont
les larmes seraient ici des perles, la résine noire,
brillante, confère un caractère sophistiqué à cette
représentation de deux personnages en baskets,
proches des clichés de nos cultures urbaines.
La neutralisation de toute forme de hiérarchisation
dans les registres artistiques ou sociaux est une des
marques des micro-narrations présentées dans l’exposition. Les valeurs sont remises à plat, les domaines sont mêlés, l’imaginaire permet de décloisonner
et d’entremêler, d’assembler l’inconciliable.
MICRO-NARRATIVES
COLLECTION
PERMANENTE
Musée d’ Art Moderne de Saint-Étienne Métropole
La Terrasse – BP 80241
42006 Saint-Étienne Cedex 1
Tél. +33 (0)4 77 79 52 52
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www.mam-st-etienne.fr
Blog de l’ exposition
http://micronarratives.wordpress.com/
Ouvert tous les jours de 10 h à 18 h
sauf le mardi, le 14 juillet et le 15 août.